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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1442/2023

JTAPI/577/2025 du 28.05.2025 ( AMENAG ) , IRRECEVABLE

ATTAQUE

Normes : LPA.4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1442/2023 AMENAG

JTAPI/577/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 28 mai 2025

 

dans la cause

 

A______ et B______, représentées par Me Alain MAUNOIR, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

Messieurs C______, D______, E______, F______ et G______ ainsi que H______ SA, représentés par Me Mark MULLER, avocat, avec élection de domicile

Monsieur I______ et Madame J______

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCAN


EN FAIT

1.             Monsieur I______ et Madame J______ sont copropriétaires de la parcelle n° 0______ de la commune de K______ (ci-après : la commune).

D’une surface de 4’029 m2, cette parcelle comporte une maison d’habitation et deux petits bâtiments. Elle est sise en zone villas et a pour adresse 1, chemin L______.

2.             H______ SA (ci-après : H______) est propriétaire de la parcelle n° 2______ de la commune.

D’une surface de 14’623 m2, cette parcelle comporte une maison d’habitation, plusieurs petits bâtiments et une serre. Elle est sise en zone villas au 3______, chemin L______.

3.             Messieurs C______, D______, E______, F______ et G______ sont copropriétaires de la parcelle n° 5______ de la commune

D’une surface de 4’334 m2, cette parcelle, qui comporte une maison d’habitation, est sise en zone villas et a pour adresse 4______, chemin L______.

4.             A______ pour la protection de la nature (ci-après : A______) est une association d’importance nationale fondée en 1909. Elle a pour but, notamment, de protéger la nature afin de conserver et de promouvoir la biodiversité, de protéger le paysage afin de préserver et de favoriser les caractéristiques propres à chaque unité paysagère, et de protéger l’environnement afin d’améliorer la qualité des bases naturelles de la vie, comme le sol, l’air et l’eau, et de les préserver des effets nuisibles des activités humaines.

5.             Section cantonale de A______ créée en 1928, B______ est une association d’importance cantonale à but idéal dont l’objectif est notamment de protéger l’environnement afin de préserver les bases naturelles des conséquences nuisibles des activités humaines, entretenir des réserves naturelles pour la faune et la flore et assurer la sauvegarde de sites particuliers.

6.             Le 23 mai 2022, B______ a sollicité la mise sous protection des biotopes dignes de protection situées sur les parcelles 2______, 5______ et 1______ de la commune auprès de l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN), lequel est rattaché au département du territoire (ci-après : le département).

Les parcelles susmentionnées comprenaient plusieurs biotopes dignes de protection au sens de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966 (LPN - RS 451). À son sens, la strate herbacée située dans le bois des parcelles nos 2______ et 1______ montrait les caractéristiques du Carpinion (chênaie à charmes), lequel figurait dans la liste des milieux naturels dignes de protection, et accueillait de nombreuses espèces, dont une station d’isopyrum thalictroides, espèce végétale vulnérable en Suisse et quasi menacée à Genève. Plusieurs espèces animales protégées, telle que le grand capricorne, le crapaud commun, le triton alpestre, la grenouille rousse y étaient de plus présentes. Enfin, outre des boisements composés principalement d’essences indigènes de grande valeur pour la biodiversité, plusieurs arbres remarquables y avaient été repérés.

7.             Cette requête a été déposée alors qu’étaient instruites des procédures de constatation de la nature forestière respectivement non forestière concernant les boisements sis notamment sur les parcelles nos 2______, 5______ et 1______ de la commune. Les décisions rendues à cet égard en date du ______ 2023 ont été contestées par devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), donnant lieu à la procédure A 6______.

8.             Le 19 juillet 2022, en l’absence de réponse à son courrier du 23 mai 2022, B______ a adressé un courrier de relance à l’autorité susmentionnée.

9.             Le 7 octobre 2022, faute de réponse, B______ a mis en demeure l’OCAN, par le biais de son conseil, lui demandant de se déterminer sur la demande de mise sous protection d’ici le 31 octobre 2022, sans quoi un recours pour déni de justice serait interjeté.

10.         Le 18 octobre 2022, l’OCAN s’est déterminé sur la demande de mise sous protection. Il a retenu, sous l’intitulé « Classement massif arboré en qualité de Carpinion », que ces masses boisées n’étaient en l’état actuel pas considérées comme milieu digne de protection au sens de l’art. 14 al. 3 LPN. En outre, il n’avait observé aucun biotope lors de son passage. Les images aériennes et les informations mentionnées par B______ laissaient penser à la présence passée d’une gouille ou d’une mare, mais, en l’état, il ne pouvait pas évaluer s’il s’agissait d’un biotope et si celui-ci était digne de protection. Si B______ disposait d’autres éléments d’appréciation - photos, dates d’observations des espèces, etc. -, elle pouvait les lui faire parvenir. Il a encore précisé qu’un milieu naturel présentant les caractéristiques d’un milieu inscrit à l’annexe 1 de l’ordonnance sur la protection de la nature et du paysage du 16 janvier 1991 (OPN - RS 451.1) était d’office considéré comme biotope digne de protection et qu’il ne procédait pas à un classement cantonal supplémentaire.

11.         Le 16 février 2023, B______ s’est à nouveau déterminée et a persisté à solliciter qu’une décision administrative, constatant l’existence de biotopes dignes de protection, soit rendue.

L’existence d’un Carpinion betuli sur au moins une partie des parcelles en cause était incontestable : cela ressortant expressément du système d’information du territoire genevoise (ci-après : SITG), de ses propres observations et de celles de l’OCAN. Le site présentait un « site prioritaire flore », cartographié comme tel par le canton, soit une chênaie à charmes sise sur la parcelle n° 1______. À cela s’ajoutait la présence sur ce même site de l’isopyre faux-pygamon (isopyrum thalictroides) et, s’agissant des espèces animales protégées, notamment du grand capricorne, du crapaud commun, du triton alpestre et de la grenouille rousse. Il incombait dès lors à l’OCAN de désigner les contours des biotopes dignes d’intérêt ainsi que les connectivités biologiques situés sur les parcelles en cause et de rendre une décision administrative constatant leur existence d’ici au 15 mars 2023.

B______ a produit un diagnostic herpétologique établi par M______ (Association pour l’étude et la protection des amphibiens et des reptiles, antenne genevoise), qui mettait à son sens en exergue l’intérêt pour la biodiversité de la parcelle n° 2______ notamment, et la présence de différentes espèces d’amphibiens.

12.         Par courrier du 10 mars 2023, l’OCAN a accusé réception du courrier précitée qui n’apportait pas d’informations substantielles supplémentaires. Il n’entendait ainsi pas procéder à la constatation de sites dignes de protection au sens de la LPN, tout en étant « conscient des valeurs naturelles et paysagères de ces parcelles », de sorte que « les potentiels développements sur ce site dev[raient] prendre en compte lesdites valeurs et éviter, le cas échéant minimiser, les éventuels impacts négatifs sur celles-ci ».

13.         Par acte du 24 avril 2023, sous la plume de leur conseil, A______ et B______ ont interjeté recours contre le courrier du 10 mars 2023 auprès du tribunal, concluant à la recevabilité de leur recours, à l’annulation de la décision querellée, à ce qu’il soit constaté que des biotopes dignes de protection étaient présents sur les parcelles nos  2______, 5______ et 1______ de la commune et à ce que leur mise sous protection soit ordonnée, le tout sous suite de frais et dépens. Elles ont requis, préalablement, que la commission consultative de la diversité biologique (ci-après : CCDB) rende un préavis en lien avec les biotopes situés sur les parcelles en cause et qu’un transport sur place soit effectué.

Le courrier du 10 mars 2023, notifié par pli simple le 16 mars 2023, valait décision administrative bien qu’il n’ait pas été désigné comme tel et qu’il n’indiquait pas les voies de recours. Il s’agissait d’une mesure individuelle et concrète constatant l’inexistence de biotopes dignes de protection, apparemment fondée notamment sur les art. 18b al. 1 LPN, 14 et 20 OPN ainsi que les annexes 1 et 3, sur l’art. 35 al. 1 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) et sur le règlement sur la protection du paysage, des milieux naturels et de la flore du 25 juillet 2007 (RPPMF - L 4 05.11).

En tant qu’associations d’importance nationale, respectivement cantonale fondées depuis plus de trois ans, à but idéal, et dont les objectifs étaient notamment de protéger l’environnement, respectivement la préservation de la biodiversité locale ainsi que la prise en compte de l’environnement dans l’aménagement du territoire, elles disposaient de la qualité pour recourir, en application des art. 60 al. 1 let. e de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), 63 LPMNS et 12 al. 1 LPN.

Les parcelles en cause étaient, à tout le moins depuis les années 1930, occupées par un boisement s’inscrivant dans la continuité de la forêt des N______ du
O ______, laquelle jouait notamment un rôle protecteur en matière de glissement de terrain et exerçait une fonction significative en termes de biodiversité, étant inventoriée comme milieu digne de protection (chênaie à charmes) et mettant en connexion la ripisylve des bords de l’P______ avec les biotopes du plateau de Q______. Ce boisement faisait l’objet d’une procédure par devant le tribunal (A 6______).

Alors que les parcelles en cause abritaient différents biotopes dignes de protection, l’inspecteur n’avait requis aucun avis de la CCDB, compétente pour donner un avis quant à la qualification des biotopes. Il s’agissait d’une obligation impérative en vertu de l’art. 3 al. 3 de la loi instituant une commission consultative de la diversité biologique du 20 mai 1999 (LCCDB - M 5 38). Afin que le dossier soit complet, il incombait audit inspecteur d’interpeller la CCDB afin qu’elle se détermine sur les biotopes situés sur les parcelles en cause.

Un transport sur place était nécessaire pour pouvoir constater la présence des biotopes dignes de protection sur ces parcelles. En particulier, le tribunal pourrait constater la présence du Carpinion betuli et des espèces végétales ou animales protégées, étant précisé, s’agissant des espèces végétales, que ces dernières seraient plus aisément constatables au moment de leur floraison ; l’isopyrum thalictroides était une espèce vernale qui demandait un passage dès le début du printemps.

L’art. 18 LPN en lien avec l’art. 14 al. 3 OPN et la législation cantonale était violé. À l’occasion d’observations réalisées sur place, elle avait pu constater que les parcelles en cause, et en particulier celles nos 2______ et 1______, comprenaient plusieurs biotopes dignes de protection puisque la strate herbacée située dans le bois de ces parcelles montrait les caractéristiques du Carpinion qui figurait dans la liste des milieux naturels dignes de protection selon l’annexe 1 OPN. Cette strate diversifiée accueillait de nombreuses espèces, dont une station d’isopyrum thalictroides. De plus, plusieurs espèces animales protégées, telle que le grand capricorne, le crapaud commun, le triton alpestre, la grenouille rousse, y étaient présentes. Enfin, en plus des boisements composés principalement d’essences indigènes de grande valeur pour la biodiversité (notamment charme, chêne pédonculé, tilleul, if, houx, érable, sapin), plusieurs arbres remarquables (quatre séquoias géants, un cèdre de grande taille) avaient été repérés sur les parcelles nos 2______ et 1______. L’OCAN avait lui-même relevé en date du 18 octobre 2022, que la masse arborée, jusqu’à l’aplomb des couronnes, présentait une strate herbacée composée d’espèces caractéristiques des chênaies à charme, comme le brachypode des bois ou la potentille stérile, que la densité de ces espèces était largement supérieure à celle observée dans les grands massifs forestiers du canton en raison d’une meilleure exposition à la lumière en lien avec l’étroitesse des masses arborées et le faible recouvrement en arbustes. La flore du Carpinion s’exprimait, car les conditions édaphiques et de lumière étaient favorables pour ces espèces. On notait la présence d’espèces non liées au Carpinion comme le pissenlit ou le chardon des champs. Il résultait en outre du diagnostic herpétologique établi par M______ que le triton alpestre, le crapaud commun, la grenouille rousse et quelques grenouilles verdâtres étaient présentes. Ce rapport attestait également que la parcelle n° 2______ était l’une des plus boisée et biologiquement intéressante du secteur, en particulier dû à sa position et aux corridors auxquels elle participait. Elle comprenait un étang où se trouvaient au moins des tritons alpestres, mais potentiellement aussi d’autres espèces et les zones alentours boisées étaient également des milieux extrêmement favorables pour l’hivernage de ces espèces. Au surplus, « l’inventaire exact ne pourra être fait que lors d’un inventaire complet ». Enfin, ce rapport comportait un plan duquel il ressortait que la présence des espèces susmentionnées était attestée sur les parcelles en cause, respectivement que ces parcelles servaient de corridors auxdites espèces. En dépit de cela, aucune mise sous protection n’avait eu lieu.

Par ailleurs, même en considérant que les procédures d’inventaire ou de classement ne pouvaient trouver application par analogie, il incombait alors au département de proposer une autre procédure adéquate, présentant au minimum les mêmes garanties, en terme notamment de sauvegarde du site (cf. art. 7 al. 6 et 12 al. 5 LPMNS).

Un chargé de pièces à l’appui de ces allégations a été produit.

14.         Dans ses observations du 5 septembre 2023, le département a conclu au rejet du recours et à ce que les recourantes soient condamnées aux frais de la procédure. Préalablement, il s’en est rapporté à justice s’agissant de la nécessité d’effectuer un transport sur place et a requis qu’aucun préavis ne soit demandé à la CCDB. Il a produit son dossier.

Il était surprenant que les recourantes aient formé un recours contre le courrier du 10 mars 2023 qui ne constituait pas formellement une décision. Il s’attendait plutôt à ce qu’elles sollicitent la notification d’une décision susceptible de recours. Dans la mesure toutefois où la décision n’aurait matériellement pas été différente de la position exprimée les 18 octobre 2022 et 10 mars 2023 et que l’instruction de la demande de constatation de biotope était terminée, une entrée en matière sur le recours pouvait se justifier par économie de procédure. Il s’en rapportait dès lors à l’appréciation du tribunal quant à la recevabilité du recours.

Les cas dans lesquels un préavis de la CCDB était impérativement requis étaient prévus à l’art. 3 al. 2 LCCDB et une demande de constatation de biotope n’en faisait pas partie. Au surplus, pour que l’incidence d’un projet sur la faune ou la flore puisse être évaluée, il fallait que celui-ci soit suffisamment précis et concret, telle une demande d’autorisation de construire ou un plan localisé de quartier. Or, les recourantes n’avaient pas formulé leur demande de constatation de biotope en lien avec un projet concret qui aurait une incidence sur la faune et la flore, mais elles évoquaient l’hypothèse où un projet de modification de zone serait envisagé dans le secteur, éventualité qui n’apparaissait pas assez précise et concrète pour justifier la consultation de la CCDB, laquelle serait bien en peine d’estimer une quelconque incidence d’un projet sur la faune et la flore. La mesure d’instruction visant à solliciter un préavis de la CCDB n’était donc pas recevable.

Il n’était pas opposé à un transport sur place si le tribunal estimait cette mesure probatoire nécessaire à l’établissement des faits, mais doutait de l’apport d’une telle mesure dans un domaine très technique ayant déjà fait l’objet de plusieurs expertises ou diagnostic. Il serait très difficile pour des non spécialistes de constater sur le terrain si les caractéristiques du Carpinion étaient présentes ou pas. De même, les amphibiens étaient plutôt discrets pendant la journée et un déplacement en groupe n’était pas propice à leur éventuelle observation.

L’allégation selon laquelle la strate herbacée située dans le bois des parcelles nos  2______ et 1______ montrait les caractéristiques du Carpinion n’était pas confirmée par l’expertise détaillée du milieu effectuée par le service de la biodiversité ; il ressortait sans équivoque du rapport de visite de la technicienne spécialisées qu’aucune des trois masses boisées ne présentait de telles caractéristiques. Ce rapport précisait que si un certain doute avait subsisté sur leurs caractéristiques, une nouvelle prospection aurait été prévue au printemps suivant, mais que cette démarche apparaissait toutefois inutile car « il faut donc retenir que les relevés effectués sont suffisant pour attester de ce que ne sont pas ces milieux ». B______ prétendait que plusieurs espèces animales protégées seraient présentes sur les parcelles en cause. À cet égard, le diagnostic herpétologique établi par M______ apparaissait peu concluant dans la mesure où, comme le soulignait son auteur, il avait été effectué à une période non propice aux inventaires et qu’aucune observation supplémentaire n’ayant pu être faite, il présentait les données existantes et une « connectivité supposée ». Or, selon le service spécialisé qui s’était rendu sur le terrain et qui avait connaissance de toutes les observations relatives aux espèces, aucun biotope n’avait été observé et les données fournies par les recourantes n’étaient pas probantes pour attester de la présence d’un biotope digne de protection. Le diagnostic mentionnait deux observations non datées, l’une de triton alpestre sur la parcelle n° 2______ et l’autre de crapaud commun sur la parcelle n° 1______. S’agissant de la station d’isopyrum thalicroides, aucun pied n’avait été observé par le service de la biodiversité, en particulier lors d’une visite effectuée en mars 2023, spécialement en vue de sa recherche. La technicienne spécialisée du secteur milieux et espèces du service de la biodiversité avait établi, pour les besoins de la cause, un rapport détaillé de ses visites sur place et de ses constatations. La visite effectuée en octobre 2022 avait permis de parcourir l’entier du site et d’en évaluer les valeurs naturelles, notamment la présence d’un biotope humide favorable à la reproduction des batraciens et les masses boisées. Elle avait examiné les trois masses boisées et inventorié les espèces qui s’y trouvaient afin de déterminer si elles présentaient les caractéristiques d’un Carpinion ; elle avait aussi recherché un biotope humide favorable aux amphibiens. S’agissant de la présence éventuelle d’isopyrum thalicroides, elle avait effectué une visite complémentaire en mars 2023, cette espèce étant visible au printemps. Les recourantes soulignaient la présence de « boisements composés principalement d’essences indigènes de grande valeur pour la biodiversité » et de plusieurs arbres remarquables sur les parcelle nos 2______ et 1______, mais cette description très générale des caractéristiques de l’arborisation du site ne permettait pas la désignation d’un biotope digne de protection au sens de l’art. 14 al. 3 OPN faute de remplir les conditions prévues par cette disposition. Le département était certes conscient des valeurs naturelles et paysagères de ces parcelles et du fait que de potentiels développements sur le site devaient prendre en compte lesdites valeurs et éviter, le cas échéant minimiser, les éventuels impacts négatifs sur celles-ci. Cela aurait lieu par le biais du règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04) dont la mise en œuvre ne requérait pas de constatation de biotope digne de protection au préalable.

15.         Dans leurs observations du 5 septembre 2023, MM. G______ et H______ ont conclu à l’irrecevabilité du recours respectivement à son rejet, sous suite de frais et dépens. Aucun préavis ne devait être requis auprès de la CCDB.

Le courrier du 10 mars 2023 n’était pas une décision sujette à recours, ne faisant que confirmer la teneur du courrier du 18 octobre 2022 qui était, lui, une décision sujette à recours. Ce dernier courrier n’était certes pas intitulé comme une décision et n’indiquait pas les voies de recours, mais il incombait à B______ d’entreprendre dans un délai raisonnable les démarches voulues pour sauvegarder ses droits et agir en temps utile, ce d’autant plus qu’elle était représentée par un avocat.

B______ ne pouvait se prévaloir de la LPN pour recourir, ne figurant pas sur la liste des organisations habilitées à recourir selon l’annexe de l’ordonnance du 27 juin 1990 relative à la désignation des organisations habilitées à recourir dans les domaines de la protection de l’environnement ainsi que de la protection de la nature et du paysage (ODO - RS 814.076). Elle ne pouvait pas non plus se prévaloir de la LPMNS, ne pouvant se plaindre ni d’un refus d’adopter un plan de site au sens de l’art. 38 LPMNS ni de l’absence d’instrument spécifique destiné à protéger un biotope dès lors qu’aucune disposition légale ne l’autorisait à demander qu’un tel instrument soit adopté.

A______ ne pouvait invoquer aucune base légale pour justifier de sa qualité pour recourir. Le recours était dirigé contre le courrier du 10 mars 2022 adressé à Me Alain MAUNOIR, lequel s’était constitué uniquement en faveur de B______ ; A______ n’avait produit aucune procuration en faveur de cet avocat. Ce courrier ne lui était ainsi pas adressé et elle n’était donc pas partie à la procédure. A______ ne disposait pas non plus de la qualité pour recourir sur la base de la LPMNS. Par ailleurs, s’il n’y avait certes pas eu, à proprement parler, de procédure d’opposition, elle n’était à aucun moment intervenue dans la procédure, qui avait été exclusivement menée par B______, et ne pouvait donc, en raison de l’art. 12c al. 2 LPN, plus former de recours.

La demande de constatation de biotopes dignes de protection ne figurait pas dans la liste des cas où la CCDB devait rendre un préavis, ce qui avait déjà été constaté par la jurisprudence. Par ailleurs, on ne se trouvait pas en présence d’un « projet » au sens de l’art. 3 al. 3 LCCDB.

L’art. 18b LPN ne concernait que les biotopes d’importance nationale. La qualité de biotope naturel de leurs parcelles était contestée et les recourantes n’avaient aucunement démontré que celles-ci rempliraient les conditions pour être qualifiées comme telles.

Diverses pièces ont été produites.

16.         Par réplique du 28 novembre 2023, les recourantes ont persisté dans les conclusions de leur acte de recours, qu’elles ont complété en requérant la jonction des causes A 6______ et A/1442/2023 et plusieurs mesures d’instructions. Ainsi, la CCDB devait rendre un préavis concernant les biotopes situés sur les parcelles en cause, soit notamment en relation avec (a) l’existence d’une strate herbacée diversifiée et caractéristique du Carpinion, (b) la présence d’une espèce protégée de coléoptère, à savoir du grand capricorne, en particulier dans ou aux abords de la quille de chêne située sur la parcelle n° 1______ à proximité du chemin de Q______, (c) la présence de plusieurs espèces d’amphibiens, à savoir notamment le crapaud commun, le triton alpestre et la grenouille rousse, (d) la présence de l’isopyrum thalictroides, encore observée sur place en 2015, et (e) la valeur et la fonctionnalité du réseau de connectivités biologiques passant par les parcelles litigieuses, entre la forêt des N______ et les espaces situés à l’est et au sud, y compris en lien avec la surface désignée « réservoir de biodiversité » sur la couche du SITG consacrée au réseau écologique genevois (ci-après : REG). Le service de la biodiversité devait être invité à (f) produire toute information utile au sujet de la visite sur place, en octobre 2022, d’une « délégation » de la CCDB, soit le nom des membres de la CCDB présents, les critères sur lesquels ils avaient été sélectionnés, le ou leurs avis et les éventuels procès-verbaux, (g) se déterminer sur la présence de coléoptères figurant sur la liste de la faune protégée, selon l’annexe 3 de l’OPN, notamment du grand capricorne sur la parcelle n° 1______, en particulier dans ou aux abords de la quille de chêne située à proximité du chemin de Q______, (h) effectuer ou faire effectuer une analyse complète, sérieuse, objective et scientifique portant sur la présence de batraciens sur les parcelles en cause sur la base d’un inventaire complet établi pendant toute la période propice à la faune concernée, (i) se déterminer sur la valeur et la fonctionnalité, en tant que surfaces de relais et corridors biologiques, des surfaces naturelles et/ou boisées situées sur les parcelles susvisées, en particulier en lien avec la surface désignée « réservoir de biodiversité » sur la couche du SITG, consacrée au REG. En outre, le R______ (ci-après : R______) devait examiner les qualités des milieux naturels présents sur les parcelles litigieuses, en particulier pour confirmer ou infirmer la présence d’une station d’isopyrum thalictroides, y compris pendant les 20 dernières années, et le M______ devait effectuer un inventaire complet, sur toute la période adéquate et propice aux inventaires, des amphibiens présents sur les parcelles litigieuses, en particulier sur la parcelle n° 2______. Le cas échant, une expertise judiciaire sur l’ensemble des différents éléments susmentionnés devait être ordonnée.

Le courrier du 18 octobre 2022 précisait expressément qu’elle pouvait, si elle disposait d’autres éléments d’appréciation, les faire parvenir à l’OCAN, de sorte qu’il ne saurait valoir décision administrative dans la mesure notamment où il laissait la possibilité de compléter la demande et de transmettre des informations complémentaires pertinentes avant qu’une décision ne soit rendue. Elles avaient exercé leur droit d’être entendues en transmettant de nouvelles informations le 16 février 2023.

La qualité pour recourir de B______ se déduisait de l’S______. Certes, MM. G______ et H______ lui reprochaient de ne pas avoir participé à la procédure d’opposition, mais comme ils l’admettaient eux-mêmes, une telle procédure n’avait pas eu lieu dans le cas d’espèce, l’OCAN refusant toute application par analogie de la procédure de la mise à l’inventaire, notamment. En outre, dans la mesure où B______ était la section cantonale genevoise de A______, il fallait considérer qu’elle représentait l’association nationale dans le cadre des procédures d’enquête publique où elle faisait valoir son point de vue ; retenir le contraire reviendrait à alourdir inutilement les procédures d’enquête publique et constituerait du formalisme excessif. Le raisonnement de MM. G______ et H______ fondé sur l’art. 60 LPA ne pouvait pas davantage être suivi puisque l’art. 12 LPN venait supplanter cette norme cantonale. Enfin, leur qualité pour recourir n’était pas contestée par le département.

Les procédures de recours A 6______ et A/1442/2023 portaient sur les mêmes parcelles, opposaient les mêmes parties et les législations à appliquer, même si elles n’étaient pas identiques, avaient de nombreux points communs puisqu’il s’agissait d’examiner si des biotopes et espaces naturels devaient être qualifiés de forêts au sens de la LFO, respectivement de milieux naturels dignes de protection au sens de la LPN. Il convenait de joindre ces causes.

La procédure de constatation de la nature forestière en question avait été initiée par un projet de modification de zones selon lequel la quasi-totalité des parcelles devait passer en zone de développement 3 ; en particulier, aucune des masses boisées litigieuses n’était prévue en zone de bois et forêt. Si tout ou partie de ces surfaces étaient reconnues comme forêt au sens du droit fédéral, elles devraient être intégrées en tant que zone de bois et forêt dans la modification de zones projetée avec pour effet que les biotopes s’y trouvant seraient sauvegardés. Ainsi, l’issue des procédures de constatation de nature forestière aurait une incidence importante sur la flore, la faune et les biotopes existants. De plus, une demande d’autorisation de construire (DD 7______ portant sur la construction de six villas jumelées avec un parking souterrain et l’abattage d’arbres) était en cours d’instruction en lien avec la parcelle n° 5______. Ce projet était susceptible d’avoir une incidence sur les sites et biotopes favorables à la diversité biologique, dans le sens visé par l’art. 3
al. 3 LCCDB. Ainsi, les conditions prévues par la LCCDB pour solliciter le préavis de la CCDB étaient réunies. Sans craindre la contradiction, le département annonçait avoir pris l’initiative, en octobre 2022, de requérir l’avis d’une « délégation de spécialistes de la CCDB ». Dans la mesure où les préavis de la CCDB n’avaient pas été officiellement sollicités à ce stade, le tribunal devait directement saisir la CCDB à ce propos. Bien qu’une « délégation » de la CCDB se soit rendue sur place, pour y accompagner l’inspecteur, on ignorait quels membres avaient été conviés, ni sur quels critères ils avaient été sélectionnés. Le contenu de leur avis n’était pas non plus divulgué. Or, il n’était pas envisageable que l’OCAN sollicite, puis invoque l’avis de spécialistes sans produire le contenu des observations et recommandations formulées ; toutes les informations utiles à ce sujet devaient être produites.

L’argumentation de MM. G______ et H______ quant au fait que le mandat impératif assigné aux cantons par l’art. 18b LPN tendant à réglementer la procédure de constatation et de désignation des biotopes ne porterait que sur les biotopes d’importance nationale était erronée, leur citation n’étant que partielle. En fait, la jurisprudence mentionnait explicitement que les cantons devaient aussi prévoir une procédure de reconnaissance et de désignation des biotopes d’importance régionale et locale.

Selon la jurisprudence relative à la conservation de la forêt, le moment déterminant pour évaluer la nature du boisement n’était pas forcément celui de la décision de l’autorité forestière, mais pouvait être antérieur. Ce même raisonnement devait s’appliquer dans le cadre d’une procédure de constatation de biotopes dignes de protection. Il avait été relevé par l’OCAN que tous les secteurs étaient entretenus régulièrement par une action volontaire des propriétaires. Le rapport de visite de cet office mentionnait aussi que les « masses boisées » examinées avaient fait l’objet d’un remaniement de la strate herbacée, compte tenu notamment de la présence de « jeunes brins d’herbe » semés ou spontanés. Partant, les milieux naturels présents sur les parcelles en cause avaient fait l’objet, depuis quelques années, d’un entretien intensif incluant la pose de semences de gazon, notamment. Au moins un plan d’eau aurait été supprimé selon les observations de l’OCAN du 18 octobre 2022. Dans ces conditions, on ne pouvait pas se limiter à examiner la situation des biotopes litigieux dans leur état actuel ; il fallait tenir compte des composantes passées, qui pourraient aisément retrouver leurs fonctions biologiques et naturelles, moyennant un entretien approprié, voire une reconstitution.

Dans ses observations du 5 septembre 2023, le département affirmait que la strate herbacée située dans les boisements des parcelles nos 2______ et 1______ n’avait pas été confirmée par le rapport de visite élaboré en octobre 2023. Pourtant, dans son courrier du 18 octobre 2022, rédigé après la visite effectuée sur place le 12 octobre 2022, l’OCAN avait affirmé qu’une « strate herbacée composée d’espèces caractéristiques de chênaies à charmes (Carpinion), comme le brachypode des bois ou la potentille stérile » était présente et que « la densité de ces espèces est largement supérieure à celle observée dans les grands massifs forestiers du canton (…). La flore du Carpinion s’exprime, car les conditions édaphiques et de lumière sont favorables pour ces espèces ». L’existence de cette strate herbacée typique des chênaies à charmes n’était pas contredite par le rapport établi en juin 2023 puisque dans les listes d’espèces végétales recensées par l’OCAN comme faisant partie de la strate herbacée, la plupart étaient typiques du Carpinion. On était dès lors face à une analyse contradictoire sur une période de quelques mois et un examen impartial, objectif et scientifique était nécessaire. La CCDB devait par conséquent être invitée à formuler un préavis circonstancié à ce sujet, soit en particulier sur l’existence de la strate herbacée du Carpinion.

L’OCAN ne s’était pas déterminé sur la présence du grand capricorne, en particulier en lien avec l’existence d’une quille de chêne à proximité du chemin de Q______. La mention de ce coléoptère ne figurait ni dans le courrier du 18 octobre 2022, ni dans le rapport de visite daté du 28 juin 2023, ni dans les observations du 5 septembre 2023. Le département devait compléter son appréciation des biotopes existants à ce sujet et un préavis de la CCDB devrait également être sollicité sur ce point.

Le département se méprenait sur le contenu du document élaboré par le M______. La carte qui y figurait indiquait plusieurs observations de différentes espèces d’amphibiens et compte tenu de la présence, au nord-ouest et au sud-est de cette carte, d’un étang ou d’un biotope dans lesquels au moins trois ou quatre espèces de ces batraciens avaient été observés, ces mêmes espèces utilisaient logiquement les espaces naturels des parcelles en cause comme abri ou surfaces de transition. Les surfaces naturelles en cause avaient fait l’objet d’observations effectives, réalisées par des spécialistes, dont il ressortait que plusieurs espèces d’amphibiens y avaient été repérées. Par ailleurs, ce rapport indiquant que la période hivernale à laquelle son évaluation avait été demandée n’était pas adaptée aux inventaires, un examen complet devait être réalisé lorsque les conditions seraient propices, essentiellement au printemps et en été. Bien que le département était conscient que la période hivernale n’était pas adaptée à la reconnaissance des batraciens, il n’avait procédé à aucune analyse complémentaire permettant un inventaire selon des méthodes scientifiques et objectives. En outre, d’après les informations fournies par l’OCAN, la collaboratrice du service de la biodiversité s’était rendue à une reprise sur place pour vérifier la présence de batraciens, à la mi-octobre 2022, soit à une période de l’année peu favorable à leur observation. Dans un tel contexte, il était nécessaire de compléter le dossier en invitant le M______ à effectuer, selon des méthodes objectives, scientifiques et impartiales, un inventaire des amphibiens présents sur les parcelles litigieuses, en particulier sur celle n° 2______.

L’OCAN n’avait procédé dans le périmètre litigieux qu’à un examen très superficiel de la situation de l’isopyrum thalictroides, n’en faisant aucune mention dans ses courriers des 18 octobre 2022 et 10 mars 2023. C’était uniquement au moment de rédiger son rapport daté du 28 juin 2023 que la technicienne de l’OCAN affirmait avoir effectué un passage supplémentaire en mars 2023 en relation avec cette espèce végétale, sans avoir été en mesure de l’observer mais en relevant que « cette espèce peut néanmoins être observée ces prochaines années ». Cette dernière remarque, particulièrement peu explicite, laissait entendre que l’isopyrum thalictroides était toujours présente mais qu’elle n’avait exceptionnellement pas pu être observée lors du passage en mars 2023. Les raisons pour lesquelles cette observation n’avait pas été possible n’étaient pas mentionnées. En outre, une seule et unique visite sur place avait été faite pour la rechercher, ce qui était insuffisant pour considérer qu’une analyse sérieuse, objective et scientifique avait été effectuée.

La liste rouge des plantes vasculaires du canton de Genève avait été élaborée sur la base d’un inventaire réalisé par les R______, qui disposaient de toutes les informations utiles concernant la présence sur place de la plante susvisée et de toutes les compétences scientifiques pour en attester. Dans la mesure où l’OCAN était désormais partie à la présente procédure et que sa parfaite et totale impartialité ne pouvait de ce fait être garantie, les R______ devaient être invités à donner leur avis d’expert, en particulier sur la présence, tant actuellement que dans les années précédentes, de l’isopyrum thalictroides, ainsi que de tout autre milieu naturel ou toute autre plante dignes de protection.

L’aspect des surfaces naturelles en question en tant que réseau de connectivités biologiques n’avait pas été analysé par le département alors que ces connectivités étaient d’une grande importance pour le maintien de la fonctionnalité des milieux naturels et la préservation des espèces protégées. Il devait dès lors être invité à se prononcer sur la valeur et la fonctionnalité du réseau de corridors biologiques présents sur les parcelles litigieuses, en particulier sur la valeur de ces espaces en tant que réservoirs de biodiversité.

17.         Le 12 décembre 2023, MM. G______ et H______ ainsi que le département se sont opposés à la jonction des causes A 6______ et A/1442/2023.

18.         Par duplique du 5 février 2024, le département a persisté dans les termes et conclusions de ses observations du 5 septembre 2023.

Les recourantes avaient modifié leurs conclusions alors qu’il était interdit à une partie d’élargir le cadre de ses conclusions initiales et que des conclusions nouvelles ne pouvaient pas être présentées au stade de la réplique. Ces conclusions nouvelles n’étaient donc pas recevables et seules les conclusions initiales étaient à examiner.

Dans le cadre de leur réplique, les recourantes tentaient d’établir l’existence d’un lien entre leur demande de constatation de biotope et un projet de construction sur la parcelle n° 5______. Elles n’avaient toutefois pas formulé la demande de constatation de biotope en lien avec ce projet concret, qui aurait prétendument une incidence sur la faune et la flore, n’ayant fait qu’évoquer l’hypothèse où un projet de modification de zone serait envisagé dans le secteur. Cela ne permettait dès lors pas de justifier que la CCDB aurait dû être consultée, consultation d’ailleurs non sollicitée dans le cadre de la procédure non-contentieuse.

Le fait que l’inspecteur ait invité une délégation d’experts de la CCDB à se rendre sur place n’impliquait nullement qu’un préavis ou une consultation de cette instance deviendraient obligatoires en matière de protection des biotopes. La référence à la procédure A 6______ n’était donc d’aucun secours aux recourantes.

Le rapport de la technicienne spécialisée du service de la biodiversité était le fruit d’un examen objectif des caractéristiques du milieu observé et avait été effectué de manière scrupuleuse, sans parti pris. Selon l’avis dudit service, il n’y avait pas de doute sur le fait que les parcelles en cause constituaient des jardins ou des parcs entretenus comme tels, dont la désignation en tant que biotope digne de protection au sens de la LPN ne serait pas soutenable.

19.         Par duplique du 19 février 2024, MM. G______ et H______ ont intégralement persisté dans leurs conclusions du 5 septembre 2023.

Le moyen adéquat pour protéger un biotope était le plan de site ou l’adoption d’une zone protégée. Or, aucune disposition de la LPMNS ne conférait un droit à B______ de requérir la mise sous protection d’un biotope, dès lors que, conformément à l’art. 39 LPMNS a contrario, les associations ne pouvaient pas formellement demander l’adoption d’un plan de site. B______ ne pouvait par conséquent pas non plus se plaindre du refus de l’autorité d’adopter un tel plan.

Les recourantes soutenaient que le fait qu’un projet de modification du régime des zones, d’une part, et une demande d’autorisation de construire, d’autre part, étaient en cours et que ces projets avaient une incidence sur la flore, la faune et les sites et biotopes favorables à la diversité biologique. Elles perdaient toutefois de vue que la présente procédure ne portait ni sur le déclassement, ni sur une autorisation de construire. On ne se trouvait ainsi pas dans un cas où la CCDB devait être consultée. Le fait que l’OCAN se serait rendu sur place avec des membres de la CCDB n’y changeait rien.

La jurisprudence relative au moment déterminant pour évaluer la nature du boisement n’était pas applicable mutatis mutandis à la protection des biotopes. Leurs parcelles avaient simplement été entretenues régulièrement afin de maintenir leur caractère de parc. Les recourantes ne démontraient en rien que la situation s’était péjorée, du point de vue des milieux naturels, en raison de cet entretien.

20.         Le 21 août 2024, le tribunal a effectué un transport sur place au cours duquel diverses photographies ont été prises. Lors de celui-ci, les recourantes ont signalé au tribunal avoir trouvé une femelle de triton alpestre sous un caillou, dans le secteur 2a. À la fin de la visite, le tribunal a accordé aux parties un délai au 20 septembre 2024 pour des éventuelles observations finales ainsi que pour lui transmettre les photographies prises par les recourantes lors de leur passage in situ en 2022 et celles prises par le département lors des visites des 10 mars et 6 décembre 2022.

21.         Le 12 septembre 2024, le département a formulé diverses remarques au sujet du procès-verbal du transport sur place.

Les visites sur place dont il avait été question lors du transport sur place n’avaient pas eu lieu aux dates indiquées (10 mars et 6 décembre 2022), mais s’étaient tenues les 16 février et 12 octobre 2022.

Le grief des recourantes relatif à l’absence de consultation de la CCDB venait d’être tranché par la jurisprudence (ATA/955/2024 du 20 août 2024) : dans la procédure de constatation de la nature forestière, la prise de position de la CCDB ne constituait pas un préavis exigé par la loi pour que la décision de constatation de la nature d’un bien-fonds puisse être prise par l’inspecteur cantonal des forêts.

22.         Le 17 octobre 2024, MM. G______ et H______ ont formulé diverses remarques au sujet du procès-verbal du transport sur place.

23.         Le 18 octobre 2024, les recourantes ont formulé deux remarques au sujet du
procès-verbal du transport sur place et ont produit neuf pièces supplémentaires, dont un diagnostic de la situation des amphibiens dans le secteur Fillon/Poluzzi rédigé par le M______ et daté du 16 octobre 2024, un extrait de l’ouvrage « Guide des milieux naturels de Suisse » concernant la chênaie à charmes, des plans des parcelles nos 2______, 5______ et 1______ cartographiant la trame noire à conserver ou à restaurer ainsi que présentant l’infrastructure écologique, avec mention des surfaces de réservoir de biodiversité, ainsi que celles attribuées à des corridors biologiques.

Dans le cadre d’une opération de suivi de la mortalité des amphibiens au chemin L______ et au chemin T______, il avait pu être établi que la quasi-totalité des tritons alpestres présents dans ce secteur migrait depuis les zones boisées situées au nord du chemin L______. Les structures boisées situées sur les parcelles en cause servaient donc de lieux de passage indispensables au cycle de vie de cette espèce protégée. Ainsi que le mentionnait le rapport du M______, le triton alpestre passait chaque année huit mois dans des structures forestières pour se nourrir d’invertébrés et se développer. En mars et avril, il migrait en direction de plaques d’eau pour se reproduire. Dans le secteur en cause, de nombreux tritons alpestres se dirigeaient chaque année en direction de l’étang naturel situé au sud-est du chemin L______. Si une partie importante des milieux terrestres qui leur étaient nécessaires devait disparaître, le maintien de cette espèce dans ce secteur du canton serait très sérieusement mis en danger.

Les fonctions de corridors biologiques des parcelles en cause, et plus particulièrement de la parcelle n° 2______, résultaient aussi de la cartographie de la trame noire, à savoir du réseau des corridors écologiques caractérisés par une certaine obscurité ou non-impactée par l’éclairage artificiel. Ce réseau servait particulièrement les espèces nocturnes et crépusculaires dans le cadre de leurs déplacements ou de leurs cycles biologiques. Les fonctions de corridors biologiques résultaient également de la cartographie de l’infrastructure biologique. À ce titre, les surfaces décrites comme étant à conserver ou à restaurer devaient être tout particulièrement protégées.

24.         Le 14 novembre 2024, les recourantes se sont prononcées sur les dernières écritures du département et de MM. G______ et H______.

Dans leurs observations du 17 octobre 2024, MM. G______ et H______ semblaient contester qu’un spécimen de triton alpestre ait pu naturellement et spontanément se trouver sur place. Il fallait relever qu’elles avaient transmis au département « un diagnostic » herpétologique du secteur qui mentionnait la présence sur place et depuis de nombreuses années de plusieurs amphibiens, soit notamment des tritons alpestres. De son côté, le département n’avait pas contesté que le triton en question ait véritablement été trouvé sous un caillou, à proximité du secteur 2a. Quoi qu’il en soit, puisque la présence sur le site de tritons alpestres était mise en doute, elles sollicitaient qu’un spécialiste des amphibiens établisse une expertise spécifique, notamment sur les parcelles nos 3______ et 5______ du chemin L______, au sujet de la présence, actuelle et passée, d’espèce(s) animale(s) protégée(s), soit en particulier de tritons alpestres.

25.         Le 5 décembre 2024, MM. G______ et H______ ont soutenu que dans la mesure où le recours devant être déclaré irrecevable, la demande qu’une expertise soit diligentée au sujet de la présence d’espèces animales protégées devrait subir le même sort.

26.         Le détail des écritures et des pièces des parties sera repris dans la partie « En droit », en tant que de besoin.


 

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés contre les décisions prises - ou devant être prises - par le département en application notamment de la LPMNS (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 62 LPMNS et 34 RPPMF).

Il ne connaît en revanche pas des recours dirigés contre les décisions par lesquelles le Conseil d’État adopte un plan de site, lesquelles doivent être contestées auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative ; art. 40 al. 9 et 62 al 4 LPMNS ; 35 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

2.             Aux termes de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b) ou de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c).

La notion de décision vise, d’une manière générale, toute mesure que prend une autorité, dans un cas individuel et concret, en vue de produire un certain effet juridique. Les décisions qui ont pour objet de créer, modifier ou supprimer un droit ou une obligation ou encore de rejeter ou déclarer irrecevable une demande tendant à l’une de ces fins, sont des décisions formatrices. Les décisions qui constatent l’existence ou l’inexistence d’un droit ou d’une obligation sont dites constatatoires. Les décisions sont donc des actes de l’autorité qui règlent de manière unilatérale et contraignante un rapport juridique dans un cas particulier. En revanche, de simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n’entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant. Pour déterminer s’il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l’acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s’il n’est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d’une décision, telle l’indication des voies de droit, ou encore s’il ne respecte pas les exigences de notification propres à une décision (arrêt du Tribunal fédéral 1C_577/2023 du 4 avril 2024 consid. 2.2 et les références citées).

3.             À teneur de l’art. 78 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la protection de la nature et du patrimoine est du ressort des cantons (al. 1). Dans l’accomplissement de ses tâches, la Confédération prend en considération les objectifs de la protection de la nature et du patrimoine. Elle ménage les paysages, la physionomie des localités, les sites historiques et les monuments naturels et culturels; elle les conserve dans leur intégralité si l’intérêt public l’exige (al. 2). Cependant, la Confédération légifère sur la protection de la faune et de la flore et sur le maintien de leur milieu naturel dans sa diversité. Elle protège les espèces menacées d’extinction (al. 4).

4.             Cette disposition est concrétisée par la LPN qui a notamment pour but de protéger la faune et la flore indigènes, ainsi que leur diversité biologique et leur habitat naturel (art. 1 let. d).

L’art. 5 LPN prévoit que le Conseil fédéral établit, après avoir pris l’avis des cantons, des inventaires d’objets d’importance nationale. Il peut se fonder à cet effet sur des inventaires dressés par des institutions d’État ou par des organisations œuvrant en faveur de la protection de la nature, de la protection du paysage ou de la conservation des monuments historiques. Les critères qui ont déterminé le choix des objets seront indiqués dans les inventaires (al. 1). Les inventaires ne sont pas exhaustifs. Ils seront régulièrement réexaminés et mis à jour; le Conseil fédéral décide de l’inscription, de la modification ou de la radiation d’objets, après avoir pris l’avis des cantons. Les cantons peuvent, de leur propre chef, proposer un nouvel examen (al. 2).

L’art. 6 al. 1 LPN prévoit que l’inscription d’un objet d’importance nationale dans un inventaire fédéral indique que l’objet mérite spécialement d’être conservé intact ou en tout cas d’être ménagé le plus possible, y compris au moyen de mesures de reconstitution ou de remplacement adéquates.

Au chapitre 3 consacré à la protection de la faune et de la flore du pays, et sous la note marginale « protection d’espèces animales et végétales », l’art. 18 LPN prévoit que la disparition d’espèces animales et végétales indigènes doit être prévenue par le maintien d’un espace vital suffisamment étendu (biotopes), ainsi que par d’autres mesures appropriées. Lors de l’application de ces mesures, il sera tenu compte des intérêts dignes de protection de l’agriculture et de la sylviculture (al. 1). Il y a lieu de protéger tout particulièrement les rives, les roselières et les marais, les associations végétales forestières rares, les haies, les bosquets, les pelouses sèches et autres milieux qui jouent un rôle dans l’équilibre naturel ou présentent des conditions particulièrement favorables pour les biocénoses (al. 1bis). Si, tous intérêts pris en compte, il est impossible d’éviter des atteintes d’ordre technique aux biotopes dignes de protection, l’auteur de l’atteinte doit veiller à prendre des mesures particulières pour en assurer la meilleure protection possible, la reconstitution ou, à défaut, le remplacement adéquat. (al. 1ter).

Selon l’art. 18a LPN, le Conseil fédéral, après avoir pris l’avis des cantons, désigne les biotopes d’importance nationale. Il détermine la situation de ces biotopes et précise les buts visés par la protection (al. 1). Les cantons règlent la protection et l’entretien des biotopes d’importance nationale. Ils prennent à temps les mesures appropriées et veillent à leur exécution (al. 2).

Sous la note marginale « biotopes d’importance régionale et locale et compensation écologique », l’art. 18b al. 1 LPN prévoit que les cantons veillent à la protection et à l’entretien des biotopes d’importance régionale et locale.

Sous la note marginale « situation des propriétaires fonciers et des exploitants », l’art. 18c al. 1 LPN prévoit que la protection des biotopes et leur entretien seront, si possible, assurés sur la base d’accords conclus avec les propriétaires fonciers et les exploitants et par l’adaptation des modes d’exploitation agricole et sylvicole.

5.             Sous la note marginale « protection des biotopes », l’art. 14 OPN, dans sa version en vigueur depuis le 1er août 2000, prévoit que la protection des biotopes doit assurer, notamment de concert avec la compensation écologique (art. 15 OPN) et les dispositions relatives à la protection des espèces (art. 20 OPN), la survie de la flore et de la faune sauvage indigènes (al. 1).

La protection des biotopes est notamment assurée par : (a) des mesures visant à sauvegarder et, si nécessaire, à reconstituer leurs particularités et leur diversité biologique ; (b) un entretien, des soins et une surveillance assurant à long terme l’objectif de la protection ; (c) des mesures d’aménagement permettant d’atteindre l’objectif visé par la protection, de réparer les dégâts existants et d’éviter des dégâts futurs ; (d) la délimitation de zones tampon suffisantes du point de vue écologique ; (e) l’élaboration de données scientifiques de base (al. 2).

Les biotopes sont désignés comme étant dignes de protection sur la base : (a) de la liste des milieux naturels dignes de protection figurant à l’annexe 1, caractérisés notamment par des espèces indicatrices ; (b) des espèces de la flore et de la faune protégées en vertu de l’art. 20 OPN ; (c) des poissons et écrevisses menacés, conformément à la législation sur la pêche ; (d) des espèces végétales et animales rares et menacées, énumérées dans les Listes rouges publiées ou reconnues par l’OFEV ; (e) d’autres critères, tels que les exigences des espèces migratrices ou la connexion des sites fréquentés par les espèces (al. 3). Les cantons peuvent adapter les listes aux spécificités régionales selon l’al. 3 let. a à d OPN (al. 4).

Les cantons prévoient une procédure de constatation appropriée pour prévenir toute détérioration de biotopes dignes de protection et toute violation des dispositions de protection des espèces figurant à l’art. 20 OPN (al. 5).

6.             Dans le canton de Genève, la LPMNS a entre autres pour but d’assurer la sauvegarde de la nature, en ménageant l’espace vital nécessaire à la flore et à la faune, et en maintenant les milieux naturels (art. 1 let. c).

Au chapitre V consacré à la nature et aux sites, elle prévoit que sont protégés conformément à la présente loi les sites et paysages, espèces végétales et minéraux qui présentent un intérêt biologique, scientifique, historique, esthétique ou éducatif (art. 35 al. 1 LPMNS). Le Conseil d’État édicte les dispositions nécessaires à la protection, la conservation et l’aménagement des sites visés à l’art. 35 LPMNS (art. 36 al. 1 LPMNS) et peut n’autoriser que sous conditions ou même interdire la modification ou la suppression de cours d’eau, de leur fond, de leurs rives ou de leurs abords immédiats, ainsi que d’étangs, de marais, ruisseaux et anciens lits de cours d’eau qui sont le siège d’associations végétales naturelles, telles que roselières et jonchères (art. 36 al. 2 let. b LPMNS), la circulation et le stationnement des véhicules(art. 36 al. 2 let. h LPMNS) ainsi que tout acte ayant pour effet de modifier l’aspect, le caractère ou l’accessibilité d’un site, d’un point de vue ou secteur de vue (art. 36 al. 2 let. i LPMNS).

À la section 2 consacrée aux plans de site, l’art. 38 LPMNS prévoit que le Conseil d’État peut édicter les dispositions nécessaires à l’aménagement ou à la conservation d’un site protégé par l’approbation d’un plan de site assorti, le cas échéant, d’un règlement (al. 1). Ces plans et règlements déterminent notamment : (a) les mesures propres à assurer la sauvegarde ou l’amélioration des lieux, telles que : maintien de bâtiments existants, alignement aux abords de lisières de bois et forêts ou de cours d’eau; angles de vue, arborisation ; (b) les conditions relatives aux constructions, installations et exploitations de toute nature (implantation, gabarit, volume, aspect, destination) ; (c) les cheminements ouverts au public ainsi que les voies d’accès à un site ou à un point de vue ; (d) les réserves naturelles.

La procédure d’adoption des plans de site est réglée aux art. 39 et 40 LPMNS.

7.             Selon son art. 1, le RPPMF a notamment pour but : (a) de prévoir des mesures afin de ménager l’aspect caractéristique du paysage et des curiosités naturelles, et de promouvoir leur conservation et leur entretien durable ; (b) d’assurer la pérennité des milieux naturels par l’établissement de plans de protection et de gestion, ainsi que par la lutte contre les espèces exotiques envahissantes (ci-après : néophytes) ; (c) de soutenir le suivi et la gestion des milieux naturels par l’établissement de partenariats ; (d) de favoriser la compensation écologique, au sens de l’article 18b de la loi fédérale, par la reconstitution et la revitalisation des milieux naturels, et la mise en réseau de ceux-ci, y compris en milieu urbain ; (e) de préserver les espèces sauvages indigènes, rares ou menacées, en particulier celles de la flore, par une gestion appropriée et le maintien de leur espace vital fonctionnel ; (f) de sensibiliser la population à l’état et à l’importance du paysage, des milieux naturels et de la flore.

Selon l’art. 3 al. 1 let. b, le RPPMF s’applique entre autres, pour les milieux naturels : (1°) aux biotopes d’importance nationale compris dans les inventaires fédéraux, au sens de l’art. 18a LPN, ainsi qu’aux biotopes d’importance régionale et locale, au sens de l’art. 18b LPN ; (2°) aux biotopes dignes de protection, au sens de l’art. 14 al. a 3 l’OPN ; (3°) aux réserves naturelles, au sens de l’art. 38 LPMNS ; (4°) aux réserves forestières.

L’OCAN veille à l’intégrité des objets visés à l’art. 3 RPPMF, en collaboration avec les communes, les propriétaires et les exploitants (art. 4 al. 1 RPPMF).

Lorsqu’elle nécessite des mesures particulières d’entretien ou des restrictions d’exploitation, la protection des biotopes, des géotopes et de la flore est assurée, si possible, par une convention conclue avec le propriétaire et l’exploitant
(art. 5 al. 1 RPPMF).

Sous la note marginale « protection par voie d’autorité », l’art. 6 RPPMF prévoit que si aucune convention ne peut être conclue, ou si la nature du bien-fonds ou de l’objet à protéger l’exige, la mise sous protection durable s’opère conformément aux dispositions prévues par la législation fédérale et cantonale sur la protection de la nature et du paysage, ainsi que celle relative à l’aménagement du territoire (al. 1). En cas de nécessité, un biotope peut être acquis, au besoin en application des art. 64 et 65 de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11 ; al. 2). Les restrictions touchant une parcelle à la suite de mesures de protection arrêtées par voie d’autorité sont mentionnées au registre foncier (al. 3).

8.             Selon la jurisprudence (ATA/1256/2024 du 29 octobre 2024 consid. 4), il n’existe pas à Genève de procédure cantonale de constatation de la nature de biotope digne de protection. En l’absence d’une telle procédure, il ne peut être déduit du droit fédéral une obligation du canton de prendre une décision de constatation ni d’ouvrir une procédure spécifique en vue de la constatation.

Partant, le département n’étant pas tenu de constater par une décision la nature digne de protection d’un biotope, son silence ne peut être qualifié de déni de justice.

9.             En l’espèce, à la lumière de la jurisprudence susmentionnée, le courrier du 10 mars 2023, qui ne se qualifie d’ailleurs pas de décision et qui ne mentionne aucune voie de droit, ne peut être considéré comme une décision au sens de l’art. 4 LPA. À cela s’ajoute que l’OCAN a rendu un rapport le 28 juin 2023, lequel peut être considéré comme une constatation appropriée de la nature de biotope digne de protection au sens de l’art. 14 al. 5 OPN, à l’instar des considérations de l’arrêt précité. Partant, faute d’être une décision, aucun recours ne peut être interjeté contre ce courrier par devant le tribunal.

Le recours sera dès lors déclaré irrecevable.

10.         À titre superfétatoire, le tribunal tient à relever que si le courrier du 10 mars 2023 devait néanmoins être qualifié de décision, celle-ci relèverait d’une problématique d’aménagement du territoire puisque le moyen adéquat pour protéger un biotope serait l’adoption d’un plan de site ou d’une zone protégée. Or, le recours contre une telle décision devrait être porté par devant la chambre administrative (art. 40 al. 9 et 62 al 4 LPMNS ; 35 LaLAT), de sorte que le tribunal serait incompétent.

11.         Au vu de ce qui précède, le tribunal n’ordonnera pas la jonction des causes A 6______ et A/1442/2023.

12.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourantes, prises conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnées au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 1’250.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais en CHF 900.- versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1’500.-, à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement, sera allouée à MM. G______ et H______, à raison de CHF 750.- pour MM. G______ et de CHF 750.- pour H______ (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 24 avril 2023 par A______ et B______ contre le courrier du 10 mars 2023 ;

2.             met à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’250.-, lequel est partiellement couvert par l’avance de frais ;

3.             condamne les recourantes à verser une indemnité de procédure de CHF 750.- à Messieurs C______, D______, E______, F______ et G______ et une indemnité de procédure de CHF 750.- à H______ SA ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MULLER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’à l’office fédéral de l’environnement.

Genève, le

 

Le greffier