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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1707/2025

JTAPI/540/2025 du 20.05.2025 ( LVD ) , ADMIS

Descripteurs : MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL);VIOLENCE DOMESTIQUE;PROLONGATION
Normes : LVD.8.al2; LVD.11.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1707/2025 LVD

JTAPI/540/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 mai 2025

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Sandra FIVIAN, avocate, avec élection de domicile

 

contre

Monsieur B______

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 7 mai 2025, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de quatorze jours à l'encontre de Monsieur B______, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Madame A______, située rue C______ 1______, D______, et de contacter ou de s'approcher de celle-ci.

2.             Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et indiquant notamment que M. B______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'association VIRES, dont les coordonnées étaient mentionnées, afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 ; LVD - F 1 30), était motivée comme suit :

« Description des dernières violences :

Menaces de mort en imitant des coups de feux tirés avec les mains à l’encontre de la victime et insultes du type « tu n’es qu’une merde ».

Descriptions des violences précédentes :

Avoir poussé sa femme et l’avoir fait chuter au sol.

3.             M. B______ n’a pas fait opposition à cette mesure.

4.             Il résulte du rapport de renseignements établi par la police le 7 mai 2025 que, la veille, Mme B______ s'était présentée au poste de police de E______, en compagnie de son beau-fils, indiquant faire l'objet de violences conjugales de la part de son mari. Elle faisait notamment l'objet de menaces de mort de la part de ce dernier et craignait pour sa vie. Ce matin même, un conflit éclaté entre elle et son mari, à la suite duquel, ce dernier avait dû être acheminé de force, aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), par ambulance. Les HUG leur avaient confirmé les faits et avaient précisé que l’intéressé était depuis sorti de l'hôpital. Ils avaient procédé à l’audition de Mme B______ qui avait souhaité porter contre son mari et son éloignement. Ils avaient procédé à l'interpellation de M. B______ et à une perquisition du domicile, laquelle avait permis la découverte de plusieurs armes à feu et des munitions, toutes, à l’exception d’un révolver, déclarées aux autorités. Celles-ci avaient été saisies. M. B______ avait été auditionné en qualité de prévenu.

5.             Il ressort de l’audition des intéressés le 7 mai 2025 les éléments suivants :

Mme B______ a expliqué être marié à M. B______ depuis 1973. Depuis août 2024, son mari avait eu des problèmes de santé physiques qui l'avaient empêché de faire des activités hors du domicile. Depuis lors les choses avaient commencé à aller mal dans leur couple. Ils avaient quelques conflits mais rien de bien sérieux. En janvier 2025, son mari avait commencé à décliner au niveau psychologique et cognitif. Une aide médicale avait été sollicitée auprès de différents médecins et psychiatres mais elle et sa famille avait l'impression qu'il ne prenait pas la situation au sérieux, refusant régulièrement ses soins et traitements. À partir de cette date, il avait commencé à la menacer, à se montrer intimidant et à émettre des pressions psychologiques à son encontre. A une reprise, elle pensait qu’il avait fait exprès de la faire tomber par terre. A cette occasion, il avait poussé très forte la porte contre elle et elle était tombée, se faisant quelques bleus. Il l'insultait tous les jours et lui faisait du chantage émotionnel, en se faisant du mal ou en menaçant de se suicider. Par exemple, il la menaçait en imitant des pistolets avec ses mains ou en lui disant que ce n’était pas grave s’il n’avait pas de pistolet car il existait aussi de très grand couteau. Elle avait vraiment peur pour sa vie. De temps à autres, il se tapait la tête tout seul contre les portes ou prenait des médicaments à l'encontre de la prescription des médecins, comme de l'aspirine. Elle prenait ces comportements comme des menaces envers elle car elle avait l'impression qu'il faisait cela pour lui prouver qu'il pourrait également le lui faire. Il lui arrivait également de crier simplement à son encontre sans qu’elle n'arrive à comprendre ce qu'il disait. Elle subissait cela quotidiennement depuis janvier 2025. Le 7 mai 2025, son mari s’était énervé contre elle au sujet des impôts. Comme il ne se calmait pas, elle avait appelé sa fille et son beau-fils pour l'aider. Sur place, ils avaient constaté que M. B______ n'était pas dans son état normal. Ils lui avaient proposé de se rendre à l’hôpital ce qu’il avait refusé. Son beau-fils avait alors fait appel à une ambulance qui l’avait emmené aux urgences psychiatrique des HUG. Il avait été vraiment énervé par cette situation et elle avait eu extrêmement peur qu'il revienne à la maison et qu'il souhaite se venger. Actuellement, elle ignorait où il se trouvait. Les HUG lui avait dit qu’il ne pouvait pas le garder de force. Ils lui avaient également indiqué avoir diagnostiqué à son mari une potentielle schizophrénie. Elle souhaitait qu'il soit pris en charge médicalement et psychologiquement et qu’il soit hospitalisé tant qu'il serait une potentielle menace pour elle et lui-même. Elle et sa famille ne voulaient pas lui nuire mais souhaitaient simplement qu'il se soigne et aille mieux. Elle souhaitait qu’il soit éloigné pour le maximum de temps possible car elle avait très peur. Elle souhaitait déposer plainte pénale.

M. F______ a confirmé que la relation avec son épouse se passait bien jusqu’au mois de mars 2025. Il avait fait une grosse chute avec des séquelles et cela avait engendré des tensions avec son épouse car il lui parlait souvent de ses problèmes d'intestins bloqués et cela l'énervait. En 2024, suite à l’opération de la prostate il avait dû rester à son domicile et ne sortait plus, ce qui avait généré les premières tensions. Ils s’étaient ensuite disputés de plus en plus, ayant des paroles fortes l’un et l’autre. Il avait pu traiter son épouse de « merde » et lui dire que « leur situation était de la merde ». Il contestait avoir émis des menaces, des pressions et/ou s’être montré intimidant envers son épouse. Il n’avait jamais mimé un geste de pistolet contre elle, tout au plus il l’avait fait à une reprise envers lui. Il ne se souvenait pas de lui avoir parlé de grands couteaux.

Il lui était arrivé de taper sa tête contre une porte de temps en temps pour se recadrer lorsqu’il s'énervait. Il ne tapait pas très fort et ne s’était jamais blessé. Il contestait avoir poussé la porte d'entrée du domicile contre son épouse, la faisant ainsi tomber mais reconnaissait l’avoir « tamponnée » un peu fort à une reprise dans la cuisine, lors d'une petite dispute en 2023, ce qui l’avait fait tomber. En chutant, elle avait tapé la tête contre le sol et saigné un tout petit peu. Il n’avait pas toujours des paroles gentilles envers son épouse lorsqu’il était énervé mais cela était réciproque. Il souhaitait sincèrement trouver une solution à leurs problèmes et était prêt à se faire aider par la discussion et/ou une personne extérieure. Il n’avait jamais été violent avec son épouse. Il suivait actuellement un traitement psychologique et médicamenteux. Il était perturbé car il avait des angoisses et son traitement changeait souvent. Il admettait ne pas toujours le suivre à la lettre, changeant parfois le dosage. En cas d’éloignement, il n’avait personne qui pourrait l’accueillir.

6.             Par acte du 16 mai 2025, parvenu au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour, Mme B______, sous la plume de son conseil, a demandé la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée supplémentaire de 30 jours, en expliquant qu’elle vivait dans la peur que son époux rentre au domicile. Elle avait consulté le Centre G______ lequel l'avait adressée à l'Association H______ pour un soutien psychologique. Sa fille et son beau-fils avaient contacté les HUG inquiets du danger que représentait M. B______ pour lui-même et les tiers, sans que des mesures ne soient prises. Son beau-fils avait eu un contact téléphonique avec son époux et appris, dans ce cadre, qu’il logeait chez Mme I______, avec laquelle il entretenait une relation extraconjugale de longue date. Elle joignait à sa demande une attestation de sa fille confirmant les difficultés rencontrées par son père et les modifications de son comportement envers sa mère. La situation s'était récemment aggravée et elle excluait totalement de pouvoir vivre à nouveau sous le même toit que son mari. Elle sollicitait ainsi la prolongation de la mesure d'éloignement pour 30 jours, le temps de pouvoir solliciter soit des mesures de substitution dans le cadre de la procédure pénale, soit une mesure d'éloignement au civil, soit une décision sur l'attribution de la jouissance exclusive de l'appartement conjugal dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale. Elle avait mandaté son conseil dans ce sens. M. B______ avait une solution de logement et la prolongation de l'éloignement devait être considérée comme une mesure de protection nécessaire et proportionnée.

Elle a joint un chargé de pièces.

7.             Vu l'urgence, le tribunal a informé les parties par téléphone et par SMS des 16 et 19 mai 2024 de l'audience qui se tiendrait le 20 mai 2025.

8.             Par courrier du 19 mai 2025, Mme B______ a requis la mise en place d’un paravent lors de l’audience du 20 mai 2025, afin de ne pas être confrontée à son mari. Elle a versé à la procédure un chargé de pièces complémentaires, dont des photographies des sept armes blanches qu’elle avait trouvées au domicile et une attestation de son beau-fils du 19 mai 2025, indiquant avoir été informé qu’un signalement à l’encontre de son beau-père avait été adressé par son médecin psychiatre à la protection de l’adulte.

9.             Lors de l’audience de ce jour, Mme B______ a confirmé sa demande de prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée de trente jours, pour les motifs avancés à l’appui de ses écritures du 16 mai 2025. Elle a également confirmé ses déclarations à la police du 7 mai 2025. Elle avait peur que son mari rentre au domicile et d'être à son contact. Elle excluait toute possibilité de reprise de la vie commune. M. B______ n'avait pas essayé de la joindre ni de s'approcher d’elle. Si le tribunal ne devait pas prolonger la mesure d'éloignement, elle ne savait pas comment elle ferait mais il était certain qu’elle ne cohabiterait plus avec son mari. Elle accueillait sa petite fille chez elle tous les jours à midi et durant les vacances scolaires. Elle ne savait pas comment elle ferait si elle ne pouvait pas rester dans l'appartement.

Le conseil de Mme B______ a expliqué avoir été mandaté par cette dernière afin d'entreprendre des démarches sur le plan civil, notamment, en vue d'une séparation et de l'attribution du domicile conjugal par le biais de mesures protectrices de l'union conjugale. Elle attendait que le tribunal rende son jugement pour déposer sa demande.

M. B______ a indiqué être opposé, sur le principe, à la prolongation de son éloignement. Il serait toutefois d'accord avec une prolongation de 10 jours supplémentaires. Il avait compris la leçon et était prêt à faire des efforts. Il avait la volonté de guérir et de demander de l'aide dans ce sens. Si la mesure d’éloignement était prolongée, il ne savait pas où il logerait. Il ne savait pas s’il pourrait continuer de loger chez Mme I______. Il prenait note qu’une liste de lieux d’hébergements lui avait été remise et qu'il lui était possible d'aller récupérer des affaires personnelles (notamment ses cartes bancaires), à son domicile, accompagné de la police, en prenant préalablement rendez-vous à cet effet. Il prenait également note qu'il pouvait, notamment par le biais de son médecin, requérir un soutien ou la mise en place d’une assistance sociale, notamment du service de protection de l'adulte (ci‑après : SPAd). Il avait besoin d'aide pour ses démarches administratives et était d’accord que son cas soit signalé au SPAD ou au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) afin qu'une curatelle à tout le moins de gestion soit envisagée. Sa fille lui avait à l'époque adressé un courrier afin d'être sa curatrice. Il n’avait pas signé le document car il l’avait égaré mais il était désormais prêt à le signer le plus vite possible. Il avait contacté VIRES et un rendez-vous était prévu en juin. Il prenait note qu'il lui était possible de demander un soutien psychologique dans le cadre de cet entretien.

Sur question du tribunal, Mme B______ a expliqué que des affaires personnelles avaient été remises à M. B______ par l'intermédiaire de son beau-fils. Cela pourrait toujours se faire à l'avenir. Durant l’audience, elle a remis à M. B______ la carte J______ de son compte privé, laquelle lui permettait un retrait de CHF 5'000.- par mois. En réponse à la proposition de M. B______ d’être éloigné dix jours supplémentaires uniquement, elle a maintenu sa demande d'éloignement pour une durée supplémentaire de trente jours. Le laisser revenir au domicile après 10 jours ne ferait que repousser le problème. Elle avait peur de son retour, notamment parce que des armes avaient été retrouvées au domicile. Depuis que M. B______ était éloigné, elle se sentait apaisée et n’avait plus de douleurs quotidiennes à la poitrine ni d’envies de vomir, comme jusqu’alors. C'était là qu’elle s’était rendue compte qu’elle vivait jusqu'alors dans le stress et la peur. Elle s’engageait à parler de la situation de M. B______ avec sa fille mais ce serait à celle-ci de décider des démarches qu'elle voulait et pouvait entreprendre pour l’aider.

Le conseil de Mme B______ s’est engagée à faire un signalement auprès du TPAE afin que M. B______ puisse bénéficier d'une aide sous la forme d'une curatelle.

Sur question du conseil de Mme B______, M. B______ a confirmé qu’il était d'accord que les éventuels courriers du TPAE ou de sa fille lui soient adressés c/o Mme I______ 2______, chemin de K______, L______. Il a précisé que les disputes avec son épouse n'étaient pas quotidiennes mais régulières. Il n’avait jamais été violent avec elle. Il était exact qu'elle était tombée après qu’ils se soient bousculés.

Le conseil de Mme B______ a plaidé et conclu à l’admission de la demande de prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée de trente jours, pour les motifs évoqués à l’appui de ses écritures du 19 mai 2025 et par sa cliente, lors de l’audience. M. B______ disposait d'une fortune de plus de CHF 500'000.- qui devrait lui permettre de retrouver un logement.

M. B______ a conclu au rejet de la demande de prolongation laquelle était disproportionnée car il ne savait pas où aller dormir.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des demandes de prolongation des mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 2 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer avant l'échéance de la mesure, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, la demande de prolongation est recevable au sens de l'art. 11 al. 2 LVD.

3.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de 30 jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Elle peut être prolongée pour 30 jours au plus. Depuis le prononcé initial de la mesure, sa durée totale ne peut excéder nonante jours (art. 11 al. 2 LVD).

En vertu de l'art. 12 LVD, la mesure d'éloignement est assortie de la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui prévoit que « celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende ».

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

4.             En l'espèce, les faits dont Mme B______ se plaint d'avoir été victime correspondent à la notion de violences domestiques au sens défini par la loi. M. B______ a notamment admis l’avoir « bousculée », lors d’une dispute, ce qui l’avait fait tomber. Il admet également de fréquentes disputes et avoir insulté son épouse. Il est indéniable que les intéressés connaissent d’importantes difficultés au sein de leur couple depuis plusieurs mois, vraisemblablement liées aux problèmes de santé de M B______. Le tribunal a pu se rendre compte, lors de l’audience de ce jour, que la situation était compliquée et douloureuse, en particulier pour Mme B______.

Cette dernière motive sa requête de prolongation par la crainte que son époux rentre au domicile et d’être à son contact. Elle rappelle que des armes ont été retrouvées au domicile et explique se sentir apaisée et ne plus avoir de douleurs quotidiennes à la poitrine ni d’envies de vomir depuis que M. B______ est éloigné du domicile. Elle s’était rendue compte qu’elle vivait jusqu'alors dans le stress et la peur. Il ressort pour le surplus des pièces versées à la procédure et en particulier de deux attestations de la fille de M. B______ que ses proches sont très inquiets de la situation et, en particulier, du risque que l’intéressé présente pour lui-même et les tiers. La précitée atteste du changement de comportement de ce dernier depuis 2025, lequel outre le fait qu’il présente des difficultés cognitives, s’est montré rabaissant, dénigrant et harcelant (chantage affectif) envers sa mère. Il est par ailleurs peu collaborant avec les médecins et ne suit pas les consignes données pour la prise de ses médicaments.

M. B______ a, pour sa part, indiqué qu’il n’était pas d’accord avec une prolongation de trente jours supplémentaires car il ne savait pas où dormir. Il serait d’accord avec une prolongation de dix jours. Il a confirmé avoir contacté VIRES et expliqué qu’il avait compris la leçon et était prêt à faire des efforts. Il avait la volonté de guérir et de demander de l'aide dans ce sens. Il est apparu très perturbé et ébranlé par la situation lors de l’audience, notamment en ce qui concerne la gestion de démarches administratives, le paiement de ses factures, ses possibilités de logement et l’argent à sa disposition. Il a indiqué à plusieurs reprises ne rien comprendre, avoir besoin d'aide pour ses démarches administratives et être d’accord que son cas soit signalé au SPAD ou au TPAE afin qu'une curatelle soit envisagée.

Dans ces circonstances, vu en particulier le caractère récent des événements, la situation visiblement complexe dans laquelle les parties se trouvent, la crainte tout à fait palpable de Mme B______ que son mari rentre au domicile, sa volonté de ne plus reprendre la vie commune et les démarches envisagées à cette fin, la perspective que les époux se retrouvent dès le 21 mai 2025 sous le même toit apparaît inopportune, le risque de réitération de violences, notamment psychologiques, dans un tel contexte, ne pouvant être exclu.

Partant, même si la mesure d'éloignement, a fortiori sa prolongation, n'a pas pour objectif de donner du temps aux personnes concernées pour qu'elles organisent leur vie séparée, le tribunal prolongera la mesure d'éloignement en cause jusqu'au 21 juin 2025, 17h00. Pendant cette nouvelle période de 30 jours, il sera toujours interdit à M. B______ de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Mme B______, située rue C______ 1______, D______, et de contacter ou de s'approcher de celle-ci.

Si cette prolongation, qui apparaît ici utile, nécessaire et opportune, comporte à l'évidence des désagréments pour M. B______, l'atteinte à sa liberté personnelle en résultant demeure acceptable, étant observé que le précité dispose non seulement de moyens financiers suffisant pour loger à l’Hôtel ou dans l’un des lieux d’hébergements communiqués mais qu’il devrait vraisemblablement pouvoir continuer de loger chez Mme I______, comme il l’a fait depuis qu’il est éloigné de son domicile. En tout état, aucune autre mesure moins incisive n’apparait envisageable pour atteindre le but fixé par la LVD.

5.             Enfin, il sera rappelé que M. B______ pourra, cas échéant, venir chercher dans le logement familial des effets personnels, à une date préalablement convenue par les parties et accompagné de la police. Ses affaires pourront également lui être remises, par le biais de son beau-fils, comme cela s’est déjà fait.

6.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

7.             Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (cf. rapport du 1er juin 2010 de la Commission judiciaire et de la police du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi 10582-A du Conseil d'État modifiant la LVD, in MGC 2009-2010/IX A, D. Examen de détail, ad art. 11 al. 1 LVD).


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande formée par Madame A______ le 16 mai 2025 tendant à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police le 7 mai 2025 à l’encontre de Monsieur B______ ;

2.             l'admet ;

3.             prolonge la mesure d'éloignement pour une durée de 30 jours, soit jusqu'au 20 juin 2025 à 17h, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, dont la teneur figure dans les considérants ;

4.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

6.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au commissaire de police pour information et au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour information.

Genève, le

 

La greffière