Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/536/2025 du 20.05.2025 ( OCPM ) , REJETE
IRRECEVABLE par ATA/1261/2025
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | |||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 20 mai 2025
| |||||
dans la cause
Monsieur A______ et Madame B______, agissant en leur nom et celui de leur enfant mineur C______
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Monsieur A______, né le ______ 1989 et Madame B______, née le ______ 1994, ainsi que leur enfant mineur C______, né le ______ 2019, sont ressortissants du Brésil.
2. Le 14 février 2024, ils ont déposé une demande d’autorisation de séjour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) pour différents motifs.
3. Par décision du 3 mai 2024, l’OCPM a refusé d’accéder à leur requête et, par conséquent, de préaviser favorablement leur dossier auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM), tout en leur impartissant un délai au 3 août 2024 pour quitter la Suisse et l’espace Schengen.
4. Par acte du 3 juin 2024, sous la plume de leur conseil, M. A______ et Mme B______, agissant en leur nom et celui de leur enfant mineur C______, ont interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal).
5. Par jugement du 30 juillet 2024 (JTAPI/738/2024), le tribunal a déclaré le recours irrecevable.
6. Le 4 novembre 2024, l’OCPM a imparti aux intéressés un nouveau délai de départ fixé au 4 février 2025.
7. Par requête du 20 janvier 2025, M. A______ et Mme B______ ont demandé à l’OCPM de reconsidérer sa décision de refus du 3 mai 2024.
Ils étaient arrivés en Suisse en 2017 et avaient toujours travaillé en tant qu’indépendants. A ce jour, M. A______ pouvait se prévaloir d’une promesse d’engagement de la part d’un nouvel employeur. Enfin, C______ était né en France mais ils avaient toujours vécu en Suisse. Leur fils était scolarisé à Genève.
8. Par décision du 10 février 2025, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur leur demande de reconsidération.
Leurs arguments ne pouvaient pas être pris en considération, les circonstances ne s’étant pas modifiées de manière notable depuis la décision de refus et les conditions de l’art. 48 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) n’étaient pas réunies. Les éléments contenus dans leur nouvelle requête ne constituaient pas des faits nouveaux et importants susceptibles de modifier sa position.
La décision de refus et de renvoi du 3 mai 2024 étant entrée en force, les intéressés étaient tenus de s’y conformer sans délai.
9. Par acte du 11 mars 2025, M. A______ et Mme B______, agissant en leur nom et celui de leur enfant mineur C______, ont interjeté recours contre cette décision auprès du tribunal, concluant à son annulation et au réexamen de leurs conditions de séjour, sous suite de frais et dépens. Ils ont sollicité la restitution de l’effet suspensif afin d’être autorisés à rester Suisse durant la procédure.
Ils séjournaient en Suisse de manière continue, avec un enfant mineur, depuis plus de cinq ans et étaient parfaitement intégrés. Ils parlaient le français et avaient toujours travaillé, sans jamais recourir à l’aide sociale. Enfin, il avait reçu une offre d’emploi.
10. Dans ses observations du 20 mars 2025, l’OCPM s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif ainsi qu’à l’octroi de mesures provisionnelles et a conclu au rejet du recours. Il a produit son dossier.
Les éléments avancés, tels que le fait que l’enfant C______ ait débuté sa scolarité à Genève et que M. A______ ait trouvé un emploi, ne représentaient pas des moyens de preuves nouveaux et importants au sens de l’art. 48 LPA, mais résultaient uniquement du fait de l’écoulement du temps et que les recourants ne s’étaient pas conformés à une décision initiale, malgré son entrée en force. Les conditions permettant d'entrer en matière sur une demande de reconsidération n’étaient dès lors pas réalisées.
11. Par courrier du 24 mars 2025, le tribunal a imparti aux recourants un délai 31 mars 2025 pour répliquer sur la demande de restitution de l’effet suspensif ainsi qu’un délai au 16 avril 2025 pour répliquer sur le fond.
12. Aucune réplique sur effet suspensif n’est parvenue au tribunal dans le délai imparti.
13. Par décision du 7 avril 2025 (DITAI/150/2025), le tribunal a rejeté la demande d’effet suspensif et de mesures provisionnelles.
14. Par courrier du 16 avril 2025, les recourants ont sollicité une prolongation du délai au 2 mai 2025 pour transmettre leurs observations, délai que le tribunal leur a accordé le 17 avril suivant.
15. Le 2 mai 2025, les recourants ont demandé une seconde prolongation du délai au 9 mai 2025, délai que le tribunal leur a accordé le 5 mai 2025.
16. Aucune écriture n’a été transmise au tribunal dans le délai prolongé.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2
05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
4. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/53/2025 du 14 janvier 2025 consid. 4).
5. Les recourants concluent à l’annulation de la décision entreprise et à ce qu’une autorisation de séjour pour cas de rigueur leur soit délivrée.
6. En l’occurrence, il convient d’emblée de rappeler que la décision querellée a pour seul objet le refus d’entrer en matière sur la demande de reconsidération formulée par les recourants le 16 janvier 2025. L’examen du tribunal ne portera donc que sur cette question.
7. L’autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n’est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l’art. 48 al. 1 LPA.
Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l’influence d’un crime ou d’un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).
Elle existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s’est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c’est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l’état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l’autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause. Pour qu’une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l’état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l’autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/272/2025 du 18 mars 2025 consid. 2.1).
8. Selon la jurisprudence rendue en matière de police des étrangers, le simple écoulement du temps entre les décisions des autorités ne constitue pas un motif justifiant une reconsidération (arrêts du Tribunal fédéral 2C_38/2008 du 2 mai 2008 consid. 3.4 ; 2A.180/2000 du 14 août 2000 consid. 4c ; cf. aussi arrêt 2A.271/2004 du 7 octobre 2004 consid. 5 et 6).
Ainsi, bien que l’écoulement du temps et la poursuite d’une intégration socio-professionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l’art. 48 al. 1 let. b LPA, lorsqu’ils résultent uniquement du fait que l’étranger ne s’est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/272/2025 du 18 mars 2025 consid. 2.4).
9. Une demande en reconsidération n’est pas un moyen de droit destiné à remettre indéfiniment en question les décisions administratives, ni à éluder les dispositions légales sur les délais de recours, de sorte qu’il y a lieu d’exclure le réexamen d’une décision de première instance entrée en force lorsqu’il tend à obtenir une nouvelle appréciation de faits déjà connus en procédure ordinaire ou lorsque le requérant le sollicite en se fondant sur des faits ou des moyens de preuve qui auraient pu et dû être invoqués dans la procédure ordinaire (ATF 136 II 177 consid. 2.1).
10. L’autorité doit seulement procéder à un nouvel examen si la loi le lui impose.
Au-delà de cela, l’auteur de la demande de réexamen n’a aucun droit à obtenir une nouvelle décision, ni à exiger de l’autorité qu’elle procède à un nouvel examen (ATA/272/2025 du 18 mars 2025 consid. 2.2).
11. Saisie d’une demande de réexamen, l’autorité doit procéder en deux étapes : elle examine d’abord la pertinence du fait nouveau invoqué, sans ouvrir d’instruction sur le fond du litige, et décide ou non d’entrer en matière. Un recours contre cette décision est ouvert, le contentieux étant limité uniquement à la question de savoir si le fait nouveau allégué doit contraindre l’autorité à réexaminer la situation (ATF 136 II 177 consid. 2.1). Si la juridiction de recours retient la survenance d’une modification des circonstances, elle doit renvoyer le dossier à l’intimé afin que celui-ci le reconsidère, ce qui n’impliquera pas nécessairement que la décision d’origine sera modifiée (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 1429).
12. En droit des étrangers, le résultat est identique que l’on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d’autorisation : l’autorité administrative, laquelle se base sur l’état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n’octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l’a refusée auparavant si la situation n’a pas changé ; et si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/272/2025 du 18 mars 2025 consid. 2.2).
13. Les demandes en reconsidération n’entraînent ni interruption de délai ni effet suspensif (art. 48 al. 2 LPA).
14. En l’occurrence, par décision du 10 février 2025, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération de sa décision du 3 mai 2024 par laquelle il refusait de préaviser favorablement le dossier des recourants auprès du SEM, en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour, et prononçait leur renvoi au motif qu’ils ne remplissaient pas les conditions de l’art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).
Il convient dès lors d’examiner si les motifs invoqués par les recourants dans le cadre de la présente procédure sont de nature à justifier qu’il soit entré en matière sur leur demande de reconsidération, à savoir qu’ils peuvent se prévaloir à ce jour d’un séjour continu depuis plus de cinq ans, de leur parfaite intégration et que leur enfant est scolarisé à Genève.
Or, conformément à la jurisprudence susmentionnée, il ne s’agit manifestement pas là de modifications notables des circonstances, respectivement importantes de l’état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence que, malgré l’autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, cette dernière doive être remise en question mais simplement le fruit de l’écoulement du temps depuis le prononcé de la décision de refus du 3 mai 2024.
15. C’est dès lors à juste titre que l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération déposée par les recourants.
16. Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.
17. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 750.-. Il est partiellement couvert par l’avance de frais en
CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours.
18. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
19. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d’État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 11 mars 2025 par Monsieur A______ et Madame B______, agissant en leur nom et celui de leur enfant mineur C______, contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 10 février 2025 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de Monsieur A______ et Madame B______ un émolument de CHF 750.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.
| Genève, le |
| La greffière |