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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2615/2024

JTAPI/527/2025 du 19.05.2025 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DÉDUCTION POUR FRAIS D'ENTRETIEN D'IMMEUBLE;ÉCONOMIE D'ÉNERGIE
Normes : LIFD.32.al2bis; LIPP.34.lete
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2615/2024 ICCIFD

JTAPI/527/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 19 mai 2025

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par LAMBELET & Associés, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Pour la période fiscale 2022, Madame A______ a été assujettie aux impôts à Genève de manière illimitée.

2.             Dans sa déclaration fiscale pour cette année, elle a indiqué être copropriétaire (à raison de 52 %) d’un bien immobilier sis en France (ci-après : l’immeuble) et fait valoir la prise en compte des frais d’entretien y relatifs, pour un total de CHF 49'030.-.

3.             Par bordereaux du 7 février 2024, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a admis les frais précités en déduction du revenu imposable.

4.             Le 15 mars 2024, la contribuable, sous la plume de son mandataire, a formé réclamation contre ces bordereaux, faisant valoir le report des frais liés à l’immeuble qui n’avaient pas pu être pris en compte dans ses taxations 2020 (CHF 14'140.-) et 2021 (CHF 47'801.-) en raison de ses revenus négatifs. Ces montants correspondaient à des « frais ______ », tels que ressortant des « tableaux de ventilation des frais » relatifs à ces taxations.

5.             Par décisions sur réclamation du 5 juillet 2024, l'AFC-GE a refusé le report des frais précités sur l’année fiscale 2022, au motifs qu’ils concernaient un immeuble situé à l’étranger, relevant que « les pertes à l’étranger ne peuvent être compensées ».

6.             Par acte du 9 août 2024, la contribuable, sous la plume de son mandataire, a recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à ce que les frais de CHF 14'140.- (année 2020) et CHF 47'801.- (année 2021) soient pris en compte pour le taux de son imposition pour l’année 2022.

Les frais précités devaient être reportés sur l’année fiscale 2022, pour le taux d’imposition, dès lors qu’ils avaient été destinés à économiser l’énergie et à maintenir l’environnement, comme l’avait admis l'AFC-GE dans le cadre des taxations 2020 et 2021.

7.             Dans sa réponse du 13 décembre 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Aucune disposition de droit interne ne lui imposait d’accepter le report des frais d’un immeuble étranger pour le taux d’imposition. En outre, la nature exacte des frais litigieux « rest[ait] à vérifier », s’agissant d’un immeuble sis à l’étranger. Ainsi, sur le principe déjà, ces frais n’étaient pas reportables.

Pour le surplus, la recourante n’avait pas démontré que ces frais correspondaient à des investissements destinés à économiser l’énergie et à maintenir l’environnement. En effet, à teneur des tableaux qu’elle avait produits à cet effet, la description des travaux effectués indiquait qu’il ne s’agissait pas de tels investissements. Pour ce motif également, le report requis devait être refusé.

Enfin, elle rappelait « le problème logistique » que représentait la vérification de la nature des frais liés à un immeuble étranger et de leur engagement effectif. Elle avait en effet des possibilités d’investigation limitées en matière de paiements à une entreprise étrangère pour des travaux effectués à l’étranger. Par ailleurs, les exigences de preuves étaient accrues dans un contexte international.

8.             Par réplique du 20 janvier 2025, la recourante, sous la plume de son mandataire, a maintenu ses conclusions.

Les bases légales applicables en l’espèce permettaient la prise en compte des frais litigieux pour le taux d’imposition. S’agissant de leur justification, l'AFC-GE les avait admis sur la base des preuves qu’elle lui avait remises à l’époque. Cela étant, et à toutes fins utiles, elle produisait à nouveau les copies des factures y relatives.

9.             Par duplique du 11 février 2025, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

En 2020 et 2021, elle n’avait pas accepté les frais litigieux en tant que frais destinés à économiser l’énergie et à maintenir l’environnement. Le fardeau de la preuve de la nature de ces frais incombait à la recourante. En tout état, de tels frais n’étaient pas reportables (pour le taux) dès lors qu’ils concernaient un immeuble situé à l’étranger.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Préalablement, il convient de rappeler que quand bien les frais en cause datent des années 2020 et 2021, leur justification demeure d’actualité dans le cadre de la taxation 2022 en cause ici, dès lors que cette question n’a pas eu à être définitivement réglée par les taxations 2020 et 2021, celles-ci arrêtant le revenu imposable de la recourante à CHF 0.-. Ainsi, ces taxations n’ont pas encore acquis la force de chose jugée sur ce point, celui-ci constituant uniquement leur motif, et non leur dispositif (cf. JTAPI/566/2024 du 10 juin 2024, entré en force, consid. 6 et l’arrêt cité ; ATF 140 I 114 consid. 2.4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_611/2022 du 14 mars 2023 consid. 2.3.2.1).

Dès lors, contrairement à ce qu’en pense la recourante, les taxations 2020 et 2021 ne sont pas encore entrées en force en ce qu’elles concernent le montant et le sort des frais litigieux. Elle ne saurait donc prétendre que l'AFC-GE les aurait définitivement admis en 2020 et 2021 et que, par conséquent, seule la question de leur report sur l’année 2022 demeurerait litigieuse en l’espèce.

4.             Selon les art. 7 al. 1 LIFD et 6 al. 1 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), pour les personnes qui ne sont imposables dans le canton que sur une partie de leur revenu ou de leur fortune, le taux de l'impôt doit être celui qui serait applicable au revenu total ou à la fortune totale du contribuable.

5.             Aux termes des art. 32 al. 2 1ère phr. LIFD et 34 let. d LIPP, le contribuable qui possède des immeubles privés peut déduire les frais nécessaires à leur entretien, les frais de remise en état d'immeubles acquis récemment, les primes d'assurances relatives à ces immeubles et les frais d'administration par des tiers.

6.             La jurisprudence a précisé que la valeur locative des immeubles sis à l'étranger entre en considération que pour la détermination du taux d'imposition des contribuables, tant pour l'IFD que pour l'ICC (ATF 140 II 157 consid. 7.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_25/2021 du 7 mai 2021 consid. 3.1). Il en va de même s'agissant des excédents de charges et frais d'entretien liés à ces immeubles, qui ne peuvent pas être portés en déduction lors de la détermination de l'assiette imposable en Suisse et qui ne peuvent, par conséquent, être pris en considération que dans le calcul du taux de l'impôt, conformément à l'art. 6 al. 3 3ème phr. LIFD (arrêts du Tribunal fédéral 2C_137/2019 du 23 janvier 2020 consid. 5.1 ; 2C_585/2012 du 6 mars 2014 consid. 3 et les arrêts cités, non publié in ATF 140 II 157).

7.             Il découle de ce qui précède que les frais liés à un immeuble situé à l’étranger peuvent, en principe, être pris en compte pour le taux d’imposition en Suisse.

Reste à savoir si tel doit être le cas également en ce qui concerne les frais d’investissement destinés à économiser l’énergie d’un immeuble sis à l’étranger.

8.             Entrés en vigueur le 1er janvier 2020, les art. 32 al. 2bis LIFD et 34 let. e LIPP, prévoient que sont également déduits du revenu les coûts d’investissement destinés à économiser l’énergie et à ménager l’environnement concernant les bâtiments existants en tant que frais d’entretien. Lorsque ces frais ne peuvent pas être entièrement pris en considération durant la période fiscale en cours pendant laquelle les dépenses ont été effectuées, ces coûts sont déductibles au cours des deux périodes fiscales suivantes.

A son art. 4, l’ordonnance sur les frais relatifs aux immeubles du 9 mars 2018 (RS 642.116) précise :

-          Si les coûts d’investissement destinés à économiser l’énergie et à ménager l’environnement ou les frais de démolition en vue d’une construction de remplacement ne peuvent pas être entièrement pris en considération du point de vue fiscal durant l’année au cours de laquelle ils ont été engagés, le solde peut être reporté sur la période fiscale suivante (al. 1).

-          Si les frais reportés ne peuvent pas non plus être entièrement pris en considération du point de vue fiscal pendant cette période fiscale, le solde peut être reporté sur la période fiscale suivante (al. 2).

-          Les dépenses peuvent être reportées si le revenu net est négatif (al. 3).

-          Si des frais sont reportés sur une période fiscale suivante, il n’est pas possible de faire valoir une déduction forfaitaire pendant cette période fiscale (al. 4).

-          En cas de déménagement en Suisse ou de transfert de la propriété de l’immeuble après exécution de la construction de remplacement, le contribuable conserve le droit de déduire le solde des frais pouvant être reportés. Cela s’applique aussi en cas de départ à l’étranger si l’immeuble reste la propriété du contribuable (al. 5).

9.             Les allégements fiscaux prévus par art. 32 al. 2bis LIFD ont été adoptés avec la loi sut l’énergie du 30 septembre 2016 (LEne - RS 730.0) et s’inscrivent en complément au « programme bâtiment » visant à réduire les besoins énergétiques du parc immobilier suisse par le biais des contributions financières à des travaux d’assainissement de ce dernier (cf. Brochure d’explications du Conseil fédéral sur la votation populaire du 21 mai 2017 sur la LEne, consultable sur : https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/votations/20170521/Loi-sur-l-energie.html).

La doctrine a rappelé qu’en adoptant l’art. 32 al. 2bis LIFD, « le législateur a voulu inciter, par le biais du droit fiscal, à réaliser des investissements visant à réaliser des économies d’énergie en Suisse, respectivement promouvoir fiscalement l’efficacité énergétique des bâtiments en Suisse et à augmenter le taux de rénovation en Suisse. Pratiquement personne au Parlement fédéral n’aurait eu l’intention de mener une politique énergétique à l’étranger par le bais du droit fiscal. Le report à des fins de détermination du taux des excédents de charges à l’étranger doit donc être rejeté » (Toni HESS, Traitement fiscal des mesures destinées à économiser l’énergie – Avec aspects intercantonaux et internationaux, in Revue fiscale 9/2024, p. 20).

10.         Il n’y pas d’inégalité de traitement dans fait que la situation de contribuables domiciliés en Suisse possédant un bien en Suisse soit traitée différemment de ceux possédant un bien à l’étranger, dès lors que leur situation est effectivement différente (cf. not. ATA/523/2022 du 17 mai 2022 consid. 7).

11.         En l’espèce, le tribunal considère, avec l’autorité imitée, qu’il y a effectivement lieu de refuser la déductibilité des frais destinés à économiser l’énergie d’un immeuble sis à l’étranger. Il apparait en effet que cet allégement fiscal a été adopté en lien avec la LEne. Or, cette loi concerne exclusivement le parc immobilier suisse. Cette mesure fiscale n’est ainsi destinée qu’aux investissements dans l’efficacité énergétique des bâtiments situés en Suisse. Pour le surplus, rien ne permet au tribunal de retenir que le législateur ait voulu que la collectivité suisse finance, par le truchement dudit allégement fiscal, l’amélioration de l’efficacité énergétique des immeubles situés à l’étranger. Il faut dès lors admettre que, dans son principe déjà, la déduction des frais litigieux doit être refusée, l’immeuble de la recourante se situant en France.

Il s’ensuit qu’il n’y pas lieu d’examiner la question du report de ces frais sur l’année 2022 ni les justificatifs y relatifs que la recourante a produits afin de démontrer qu’elle les aurait effectivement engagés.

12.         Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

13.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

14.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 août 2024 par Madame A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 5 juillet 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Pascal DE LUCIA et Caroline GOETTE, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière