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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3471/2024

JTAPI/457/2025 du 05.05.2025 ( ICCIFD ) , REJETE

REJETE par ATA/1267/2025

Descripteurs : IMPÔT À LA SOURCE;RETARD
Normes : LPFisc.38E
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3471/2024 ICC/IFD

JTAPI/457/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 5 mai 2025

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par A & M SOLUTIONS Sàrl, avec élection de domicile

 

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne l’impôt à la source (IS) 2023 de Monsieur A______, domicilié en France voisine mais ayant exercé une activité salariée à Genève en 2023.

2.             Le 3 avril 2024, le contribuable a déposé sa demande de rectification de l’IS auprès de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE).

3.             Par décision du 9 septembre 2024, celle-ci a déclaré cette demande irrecevable pour cause de tardiveté.

4.             Quelques jours plus tard, le contribuable a élevé réclamation à l’encontre de cette décision. Son employeur ne lui avait remis son certificat de salaire 2023 qu’en date du 1er avril 2024. Ayant été licencié le 4 juillet 2024, il comptait sur cet argent. Il était père de quatre enfants et son épouse ne travaillait pas, s’occupant de sa mère malade de 82 ans.

Il a notamment produit son certificat de salaire 2023 et son attestation-quittance année 2023 ; les deux mentionnaient comme date de remise le 15 décembre 2023.

5.             Par décision du 7 octobre 2024, l’AFC-GE a rejeté cette réclamation. Pour déposer une demande de rectification, la loi fixait le délai au 31 mars de l’année qui suivait l’année de taxation et celui-ci ne pouvait pas être prolongé.

6.             Par acte du 18 octobre 2024, sous la plume de son ancien employeur, le contribuable a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant implicitement à son annulation.

En considérant que le contribuable avait eu « 3 jours de retard, pour amener les documents afin de pouvoir bénéficier, des impôts en retour, [c’était] très cher payé ». La loi était certes la loi, mais « il n’y [avait] pas mort d’homme ou autre infraction, qui justifi[ait], une peine aussi lourde ». Il y avait en outre des circonstances atténuantes. « Père de 4 enfants étant le seul à travailler, n’aimant pas la paperasse, comme bien des chefs de famille, il [avait] été pris de cours vis-à-vis de la personne qui s’occup[ait] de préparer les documents à temps pour (…) les envoyer. Il l’[avait] relancé à plusieurs reprises et dès réception de ceux-ci, il [était] venu les déposer, avec 3 jours de retard ».

Les écritures se concluaient par une question : « impôts perçus et retenus, qui n’appartient pas à l’administration fiscale du canton, ou iront-ils, si vous refuser de les (…) rendre? ».

7.             Le 7 janvier 2025, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours au motif de la tardiveté de la demande de rectification du 3 avril 2023, relevant que les arguments du recourant ne constituaient pas des motifs permettant une restitution du délai légal applicable en l’espèce.

8.             Le recourant n’a pas donné suite au courrier du tribunal du 8 janvier 2025 qui l’invitait à déposer son éventuelle réplique d’ici au 7 février 2025.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Tout en admettant la tardiveté de sa demande de rectification du 4 avril 2024, le recourant requiert que sa taxation à la source pour l’année 2023 soit examinée au fond, en se prévalant de motifs qui justifieraient, selon lui, une restitution des délais légaux applicables en matière d’IS.

4.             Préalablement, il convient de rappeler qu’en matière de décision d’irrecevabilité, seule la question de l’irrecevabilité peut faire l’objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l’autorité de recours doit d’abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) sont ou non remplies et, si tel n’est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (cf. ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2 ; 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3).

Ainsi, l’objet du présent litige se limite à la question de savoir si c’est à bon droit que l’AFC-GE a déclaré irrecevable la demande de rectification du recourant du 4 avril 2024, en raison de sa tardiveté. Il en résulte que tous les griefs relatifs au bien-fondé de la taxation à la source concernée sont irrecevables.

Par ailleurs, le tribunal n’a pas pour rôle et mission de répondre à des questions ne relevant pas de l’objet du litige (ATF 144 II 359 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9F_23/2024 du 17 décembre 2024 consid. 1), mais de trancher un litige juridique opposant un contribuable à l’AFC-GE. Aucune réponse ne sera dès lors donnée à la question concluant les écritures du recourant.

5.             En droit fédéral, l’impôt à la source est régi dans la LIFD et la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642), qui sont applicables en l’espèce dans leur teneur en vigueur en 2023 (arrêts du Tribunal fédéral 9C_689/2022 du 12 avril 2023 consid. 4.1 ; 2C_60/2020 du 27 avril 2021 consid. 3 et 4).

Au niveau cantonal, c’est la nouvelle loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 16 janvier 2020 (LISP - D 3 20), entrée en vigueur le 1er janvier 2021, et la LPFisc qui sont applicables ; l’art. 17 al. 1 LISP précise en effet que c’est la LPFisc qui dispose des règles de procédure pour son application.

6.             Aux termes de l’art. 137 LIFD, le contribuable peut, jusqu’au 31 mars de l’année fiscale qui suit l’échéance de la prestation, exiger que l’autorité de taxation rende une décision relative à l’existence et l’étendue de l’assujettissement, en particulier s’il conteste l’impôt à la source indiqué sur l’attestation (al. 1 let. a).

En droit cantonal également, selon l’art. 38E al. 1 LPFisc, le contribuable peut, jusqu’au 31 mars de l’année fiscale qui suit l’échéance de la prestation, exiger que l’autorité fiscale rende une décision relative à l’existence et l’étendue de l’assujettissement : a) s’il conteste l’impôt à la source indiqué sur l’attestation mentionnée à l’art. 38A al. 1 let. b LPFisc ou b) si l’employeur ne lui a pas remis l’attestation mentionnée à l’art. 38A al. 1 let. b LPFisc (à savoir un document indiquant le montant de l’impôt retenu, en l’espèce l’attestation-quittance année 2023).

7.             La jurisprudence (ATA/549/2024 du 30 avril 2024) a retenu que l’étendue de l’assujettissement comporte le montant de la retenue à la source et le barème appliqué, si bien qu’une demande de rectification du barème pour une charge de famille doit être déposée dans un délai échéant le 31 mars suivant l’année fiscale concernée.

8.             Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos (ATA/1151/2024 du 1er octobre 2024 consid. 2.14).

Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_6/2016 du 1er juin 2017 consid. 3.2) et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 125 V 65 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_811/2022 du 15 septembre 2022 consid. 2).

La jurisprudence retient (ATA/1151/2024 du 1er octobre 2024 consid. 2.18) que les travaux préparatoires relatifs à la révision du droit cantonal, notamment de l’art. 38F LPFisc, indiquaient clairement qu’il appartenait au contribuable de se manifester en demandant une rectification de l’impôt à la source ou le passage à une taxation ordinaire avant le 31 mars suivant l’année fiscale visée pour l’ensemble des éléments déterminants. En d’autres termes, passé le délai du 31 mars, le contribuable était forclos à remettre en cause les éléments de taxation.

9.             En l’espèce, le contribuable admet ne pas avoir demandé une rectification de son imposition à la source 2023 dans le délai fixé par les art. 137 LIFD et 38E LPFisc. Conformément à la jurisprudence, cette déclaration lui est opposable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.3 et 2.4.1). De plus, la date figurant sur cette demande est celle du 3 avril 2024. Il convient dès lors de retenir que ladite demande a été introduite tardivement.

Cela étant, le recourant se prévaut d’un retard dans la remise des documents nécessaires par son employeur ainsi que des conséquences économiques dues à la non-restitution d’une partie de ses impôts afin d’obtenir une restitution de délai.

10.         Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2).

La restitution du délai de recours ne peut être accordée que si le contribuable et son éventuel représentant ont été empêchés d’agir dans le délai, sans faute de leur part. Par empêchement non fautif, il faut entendre non seulement l’impossibilité objective, mais également l’impossibilité subjective, l’empêchement ne devant toutefois pas avoir été prévisible et devant être de nature telle que le respect du délai aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaire avisé. La règle d’après laquelle celui qui a été empêché, sans sa faute, d’interjeter un recours dans le délai fixé peut demander la restitution de ce délai constitue un principe général du droit, découlant du principe de proportionnalité et de l’interdiction du formalisme excessif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_737/2018 du 20 juin 2019 consid. 4.1 non publié aux ATF 145 II 201).

Par empêchement non fautif d’accomplir un acte de procédure, il faut comprendre non seulement l’impossibilité objective ou la force majeure, mais également l’impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou une erreur excusable. La maladie ou l’accident peuvent, à titre d’exemples, être considérés comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d’un délai, s’ils mettent la partie recourante ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l’impossibilité d’agir par soi-même ou de charger une tierce personne d’agir en son nom dans le délai (arrêt du Tribunal fédéral 2C_287/2022 du 4 mai 2022 consid. 5.1). Même une incapacité de travail totale n’exclut pas une simple activité administrative tendant à confier à un mandataire externe la défense de ses intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 2F_33/2020 du 22 décembre 2020 consid. 4 et les réf.).

Les cas de force majeure, soit les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de l’extérieur de façon irrésistible, demeurent aussi réservés. Pour établir l’existence d’un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l’assujetti (ATA/815/2022 du 17 août 2022 consid. 2).

11.         En l’espèce, le contribuable fait valoir que son employeur ne lui aurait pas remis en temps utile son attestation-quittance, malgré le fait que celle-ci mentionne avoir été remise le 15 décembre 2023. Même si ce fait était effectivement avéré, il n’en demeure pas moins que le contribuable aurait dû déposer avant le 31 mars 2024 sa demande de rectification de l’IS, ainsi que l’exige expressément l’art. 38E al. 1 let. b LPFisc. Cela fait, il aurait eu tout loisir d’expliquer sa situation à l’AFC et de lui remettre par la suite, l’attestation-quittance de son employeur lorsqu'il l'aurait reçue. S’agissant des problèmes économiques invoqués, ceux-ci ne constituent à l’évidence pas un motif sérieux, au sens des art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, ni un cas de force majeure qui l’auraient concrètement empêché d’agir en temps utile. Au contraire, sa situation financière et familiale aurait dû l’inciter à agir avec diligence pour respecter le délai légal impératif fixé au 31 mars 2024.

12.         Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que l’AFC-GE a refusé d’entrer en matière sur la demande de rectification du recourant du 3 avril 2024, étant précisé que cette requête ne peut pas être considérée comme une demande de reconsidération respectivement de révision, faute d’une décision en force vu le cadre de la procédure d’auto-taxation de l’IS (ATF 135 II 274 consid. 5.3.1 ; cf. aussi ATA/549/2024 du 30 avril 2024).

13.         Partant, mal fondé, le recours sera rejeté.

En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), applicable par renvoi de l’art. 2 al. 2 LPFisc, et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 18 octobre 2024 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 7 octobre 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Federico ABRAR et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier