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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/766/2025

JTAPI/248/2025 du 07.03.2025 ( LVD ) , ADMIS

Descripteurs : VIOLENCE DOMESTIQUE
Normes : LVD.11.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/766/2025 LVD

JTAPI/248/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 mars 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______ en son nom et pour le compte de sa fille mineure B______, représentés par Me Simon Enrique GIL HERNANDEZ, avocat, avec élection de domicile

 

contre

Madame C______

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 26 janvier 2025, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de onze jours à l'encontre de Madame C______, lui interdisant de contacter ou de s'approcher de son époux, Monsieur A______ et de leur fille mineure, B______, et de s'approcher ou de pénétrer à leur adresse privée, sise ______[GE].

2.             Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et indiquant notamment que Mme C______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'une des institutions habilitées, dont les coordonnées étaient mentionnées, afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 ; LVD - F 1 30), était motivée comme suit :

« Description des dernières violences :

Injures menaces voies de fait à l'encontre du mari et de sa fille le 26.01.2025 vers 2107 après que Mme C______ se soit alcoolisée et qu'elle ait démarré un conflit verbal avec son mari. Lors du conflit, elle a notamment aspergé sa fille de jus de citron au niveau du visage.

Descriptions des violences précédentes :

Morsure de la main de sa fille pour un conflit autour de la reddition du téléphone de cette dernière.

Mme C______ démontre par son comportement violent qu'il est nécessaire de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement administratif, afin d'écarter tout danger et empêcher toute réitération de tels actes ».

3.             Il ressort du rapport de renseignements du 27 janvier 2025 que la veille, une intervention de police avait eu lieu à l'adresse précitée pour une fille se faisant frapper par sa mère. Sur place, les policiers avaient pris langue avec les personnes présentes dans l'appartement, soit Mme C______, M. A______ et leur fille mineure de 13 ans, B______. D'emblée, Mme C______ s'était montrée très agressive dans son comportement. Elle était manifestement ivre. Elle ne cessait d'hurler et d'injurier les personnes présentes dans l'appartement, tout en disant être victime de violences, de strangulations, d'injures et d'autres maux de la part de son mari. De son côté, M. A______, calme et atterré par la situation, a expliqué que son épouse souffrait de dépression et d'alcoolisme et que ce soir, comme à son habitude, son épouse avait perdu son calme. En effet, elle se serait mise à injurier et à crier contre ce dernier et leur fille, avant de jeter du citron sur leur fille, de lui tirer les cheveux, en la frappant et de lui tordre le doigt. Elle aurait également injurié, menacé de mort et poussé son époux. B______ a donné la même version que son père. Pour ces faits, ils ont déclaré vouloir déposer plainte pénale à l'encontre de Mme C______. Lors de leur intervention,
Mme C______ avait, à de nombreuses reprises, prononcé diverses injures, à l'encontre de son mari principalement. Elle s'était montrée agressive et peu coopérante avec les policiers.

L'éthylotest pratiqué sur Mme C______ sur les lieux de l'intervention, à 21h27, avait révélé un taux d'alcool dans l'air expiré de 0.86 mg/l.

Au vu de la situation, Mme C______ a été interpellée et conduite au poste pour la suite de la procédure.

L'éthylotest pratiqué sur M. A______ le 27 janvier 2025 à 01h53 au poste avait révélé un taux d'alcool dans l'air expiré de 0.10 mg/l.

Des interventions de police avaient eu lieu au domicile du couple les 26 janvier 2025, 11 janvier 2025, 11 mai 2024 et 29 avril 2023 pour des conflits. Le conflit du 26 janvier 2025 était le seul à avoir été judiciarisé, les autres conflits étaient uniquement verbaux et liés à l'état alcoolique et dépressif de Mme C______.

4.             Entendu le premier, en qualité de personne appelée à donner des renseignements, M. A______ a déclaré avoir rencontré son épouse en 1997 ou 1998. Ils étaient par la suite tombés amoureux. Il avait rejoint Mme C______ en Suisse en 2003. Entre 2003 et 2011, année de naissance de B______, tout se passait à merveille. Jusqu'en 2022, tout s'était bien passé. Ils travaillaient tous les deux. Il n'avait rien de spécial à dire. En 2022, son épouse s'était mise en arrêt maladie en raison d'un burnout. Elle était assistance sociale au L______ de la M______. Elle avait beaucoup de travail et, en situation post-COVID, la situation était compliquée pour tout le monde. Après son arrêt, elle n'avait pas repris le travail et, depuis novembre 2024, la décision de « passer à l'AI [assurance-invalidité] » avait été prise. Avant son arrêt, elle prenait déjà des médicaments pour l'aider à dormir et des anxiolytiques. Quand le médecin l'avait mise à l'arrêt, un traitement spécifique lui avait été prescrit. Ce traitement avait été ajusté plusieurs fois. Malheureusement, elle faisait souvent des mélanges avec de l'alcool quand elle avait des phases où elle allait très mal. Elle avait été plusieurs fois hospitalisées à Crans-Montana pour des séjours d'un mois. Elle avait toujours refusé d'aller à Belle-Idée.

Entre 2022 et le 26 janvier 2025, il y avait surtout eu des violences verbales. Elle l'insultait de « fils de pute », « macaque », « connard », « gros porc », notamment. Plusieurs fois, elle avait essayé de le pousser, mais, vu leur différence de gabarit et son état à ces moments, rien ne s'était produit. Elle avait surtout cassé et endommagé pas mal d'objets à leur domicile. Elle lui avait, à plusieurs reprises, fait part de ses idées suicidaires et il avait déjà fait appel aux urgences psychiatriques. Une fois, il avait dû la retenir, car elle avait menacé de se jeter du 5ème étage. Les secours étaient intervenus plusieurs fois à leur domicile.

S'agissant des faits du 26 janvier 2025, ils étaient les trois à la maison. Tout se passait bien, mais il avait constaté qu'elle avait consommé du vin rouge avant, pendant et après le repas. Après le repas, elle avait ressassé plusieurs événements du passé et elle avait commencé à lui reprocher son appel à la police en mai 2024, sauf erreur. Lors de leur intervention, les policiers avaient dû la maîtriser à cause de son état virulent. Depuis, elle se plaignait d'une douleur à l'épaule droite. Alors qu'ils étaient les trois au salon, elle avait commencé à l'insulter, en le traitant de « fils de pute » et à se montrer jalouse en lui « sortant » des histoires d'anciennes amies qu'ils ne voyaient même plus. Aucun coup n'avait été échangé. Après qu'elle avait cessé de s'en prendre à lui, elle s'était tournée vers B______ et l'avait accusée d'être de son côté et de ne pas la défendre. Suite à quoi, elle l'avait aspergée avec du jus de citron au niveau du visage. Puis, elle lui avait tiré d'un coup les cheveux pour la punir. Sa fille était partie chercher son téléphone pour appeler la police. Son épouse ne le souhaitant pas, elle lui avait arraché le téléphone des mains et lui avait violemment tordu les doigts de la main gauche. Il s'était interposé et avait repris le téléphone que son épouse avait arraché à leur fille. Il le lui avait rendu et lui avait demandé d'appeler la police, ce que B______ avait fait alors que son épouse avait quitté leur appartement. Lorsque la police était arrivée, sa femme venait de revenir à leur domicile. Elle l'avait plusieurs fois menacé de le tuer dans son sommeil. Le jour des faits, elle l'avait menacé de lui casser les dents pendant la nuit. C'était la première fois qu'il se trouvait au poste pour un dépôt de plainte à l'encontre de son épouse. Il n'avait pas d'arme à la maison. Pour le bien de sa fille, il souhaitait que sa femme soit éloignée du domicile. Il souhaitait qu'elle soit hospitalisée afin d'être soignée, cas échéant contre son gré.

À l'issue de son audition, il a renoncé à déposer plainte pénale à l'encontre de son épouse.

5.             La mineure B______ a été entendue par la police conformément au protocole d'audition des enfants victimes d'infractions graves (ci-après : EVIG). Son audition a été enregistrée. A teneur du compte-rendu sommaire de cette audition, tel que reporté dans le rapport de renseignements précité, il apparaît que les disputes avaient commencé depuis la fin du COVID. Sa mère avait arrêté de travailler et s'était mise à consommer de l'alcool régulièrement, soit une consommation de trois verres minimum jusqu'à une bouteille entière par jour. Depuis un an et demi, les conflits étaient montés en intensité. Les conflits avec violence se produisaient à une fréquence d'une fois par mois, sous la forme de voies de fait et d'injures. Les disputes sans violence survenaient une à deux fois par semaine. Avec ou sans alcool, Mme C______ criait sur son mari et l'insultait. Le 26 janvier 2025 au soir, B______ était sortie de la douche et s'était fait un brushing brésilien. Puis, elle s'était rendue à la cuisine. Mme C______ avait commencé à lui dire que « son père la mettait contre elle » et la situation avait dégénéré. Mme C______ s'était emportée. Elle avait saisi la petite bouteille de jus de citron et s'était mise à asperger le visage, les yeux et les cheveux de sa fille. Puis, elle avait défait la coiffure de sa fille avant de lui tirer les cheveux. Suite à cela, B______ s'était rendue dans sa chambre, poursuivie par sa mère qui l'injuriait et la menaçait. Dans sa chambre, B______ avait souhaité contacter la police, mais Mme C______ ne le voulant pas, elle avait saisi la main de sa fille et lui avait tiré les doigts afin de se saisir de son téléphone. Le père était intervenu pour les séparer. La fille avait finalement pu faire appel au 117. B______ a précisé que c'était la première fois qu'elle s'était fait tirer les cheveux et les doigts par sa mère. Elle a ajouté qu'il était arrivé parfois, lors de disputes, que sa mère lui donne une gifle. Concernant la morsure, cela datait d'une autre dispute au cours du mois de janvier 2025, lors de laquelle sa mère avait voulu lui arracher le téléphone des mains. Mme C______ avait saisi le bras gauche de sa fille et lui avait mordu la main gauche durant cinq secondes, ce qui avait laissé des traces de dents pendant plusieurs jours.

A l'issue de son audition, B______ a déposé plainte pénale en raison de ces faits contre sa mère. Elle souhaitait vivre seule avec son père un moment, éloignée de sa mère. Elle craignait d'être placée en foyer.

6.             Entendue en qualité de prévenue de lésions corporelles simples (art. 123 CP), injure (art.177 CP), menaces (art. 180 CP) et voies de fait (art. 126 CP), Mme C______ a admis avoir injurié son époux, notamment en le traitant de « macaque ». Elle ne se souvenait plus des autres injures. Elle a contesté les autres faits lui étant reprochés.

Le couple s'était rencontré lorsqu'ils étaient adolescents. M. A______ était venu la rejoindre en Suisse en 2003 et ils s'étaient mariés en 2005. Le 15 juillet 2001, elle avait pris une balle perdue au Port Gitana, ce qui l'avait beaucoup traumatisée. Il en allait de même de la situation avec ses parents. Son mari travaillait au début pendant qu'elle faisait ses études à la Haute école de travail social à Genève (ETHS). Tout allait bien jusqu'à ce qu'elle se fasse pirater en octobre 2023. Ce piratage l'avait épuisée. Elle était cependant la seule à y croire. La veille de son audition encore, elle avait reçu des appels de la part d'inconnus qui lui avaient dit que sa boîte mail avait été supprimée. Elle avait perdu toute autonomie à cause de cette affaire de piratage. Avant cela, tout se passait pour le mieux dans le meilleur des mondes avec son mari et sa famille. Sa vie était devenue un enfer depuis le piratage. Monsieur D______ était un fumeur de crack qui lui avait dit qu'il allait « foutre sa vie en l'air » et c'était ce qu'il avait fait. Il avait parlé avec sa mère. Il savait que sa famille était maltraitante. Il lui avait dit qu'il avait couché avec elle. Il l'avait droguée et s'était frottée à elle après avoir consommé du viagra. Sa mère et son père, qui vivaient au Portugal, l'avaient frappée à plusieurs reprises parce qu'elle avait trompé son mari, ce qui était faux.

Les problèmes avec son mari étaient liés à cela. Son mari lui reprochait d'avoir couché avec ce gars, parfois même en l'expliquant à leur fille, ce qui était cependant faux. Elle avait déposé plainte contre M. D______ au poste de police de l'aéroport en 2024. Après ces événements, elle avait eu des idées noires et elle avait voulu, à certaines reprises, s'en prendre à sa vie.

En mai 2024, il y avait eu une intervention à son domicile parce qu'elle avait soi-disant l'intention de se suicider, alors qu'elle n'aurait jamais eu le courage de passer à l'acte. A la suite de cette intervention musclée, elle avait été durablement blessée à l'épaule et en souffrait encore aujourd'hui.

Le samedi 25 janvier 2025, elle avait surpris son mari en train d'expliquer à leur fille qu'elle avait couché avec ce D______, alors qu'elle était dans son lit, comme elle l'était tout le temps depuis plusieurs années. Le lendemain, elle avait repris la discussion parce qu'elle ne voulait pas que sa fille soit mêlée à cette histoire. Elle était mineure et n'avait rien à savoir à ce sujet. De ce fait, elle avait reproché à son mari de raconter ce genre de choses à leur fille. Après qu'elle lui avait fait ces reproches, son mari avait voulu lui prendre le bras et elle s'était protégée. Elle avait mal à ce bras et voulait prendre le téléphone de sa fille pour qu'elle ne se mêle pas de leurs histoires et qu'elle ne passe pas son temps sur les écrans. Elle n'allait pas compter sur son mari pour éduquer leur fille. Son mari en prenait ensuite « plein de la gueule », mais c'était normal car il ne prenait jamais position s'agissant de l'éducation de leur fille. Elle avait compris que sa fille avait appelé la police, qu'elle avait attendue en bas de l'immeuble. Ils avaient eu un conflit verbal parce que son mari ne parlait pas le même langage que le sien et qu'il ne lui accordait aucune crédibilité à cause de ce « tox de merde ». Elle ne se souvenait pas avoir dit à son mari qu'elle le tuerait pendant son sommeil et qu'elle lui casserait les dents.
Peut-être lui avait-elle dit qu'il se casserait les dents tout seul. Il interprétait toujours différemment les choses de la manière dont elle les disait. Elle ne l'avait pas poussé avec ses mains. Elle n'aurait pas pu avec son « bras foutu ». Il était « lourdos ». Elle n'avait pas injurié sa fille. Elle lui avait demandé qu'elle lui donne son téléphone et qu'elle aille se coucher. Son mari était pour le téléphone. Elle ne pouvait pas compter sur lui pour enlever le téléphone à leur fille. Elle avait deux gamins à la maison. C'était un boulot pas possible. Elle essayait de sauver sa fille « de ce merdier et des écrans ». Elle n'avait pas jeté de jus de citron sur sa fille. Elle ne savait pas où était le jus de citron. Elle mangeait juste une crêpe au citron. Elle avait pris le téléphone des mains de sa fille, mais elle ne le lui avait pas arraché. Comme sa fille ne le voulait pas, elle avait forcé pour qu'elle aille se coucher. Elle n'allait pas quand même lui laisser un téléphone dans les mains toute la nuit. Ce n'était peut-être pas très doux, mais elle était quand même sa mère. Elle ne la laisserait pas devenir « addict » au téléphone comme l'était son père. Elle ne l'avait pas injuriée. Sa fille, qui avait treize ans, n'avait peut-être pas compris, et elle avait peut-être pris pour elle ce qu'elle avait dit en parlant du « merdeux », le « pirate ». Elle ne lui avait pas tiré les cheveux. Si sa fille ne voulait pas lâcher son téléphone, il fallait bien le lui faire lâcher. Elle devait respecter sa mère et ses parents. Son mari ne la respectait pas du tout s'agissant du cadre qu'elle essayait d'instaurer en matière d'écrans.

S'agissant du conflit survenu plus tôt au mois de janvier, elle avait dû hausser le ton car sa fille ne voulait pas lui donner son téléphone. Si sa fille ne la respectait pas, elle lui arrachait le téléphone des mains. Elle n'avait jamais mordu sa fille.

Elle consommait de l'alcool un jour sur trois car, lorsqu'elle buvait, elle dormait deux ou trois jours. Elle n'avait pas la santé pour plus. Elle buvait du vin à raison d'une bouteille et demie à deux bouteilles. Elle ne buvait jamais seule. Elle fumait aussi du CBD de temps en temps, sans plus.

Le 26 janvier 2025, elle avait bu avec son mari une bouteille de vin rouge. Après que la police avait attiré son attention sur le fait que son taux d'alcoolémie ne correspondait pas à la quantité d'alcool qu'elle venait d'indiquer, elle a répondu qu'il y avait peut-être eu plus d'alcool que cela, peut-être deux bouteilles. Elle ne se rendait pas vraiment compte.

Son mari ne tenait pas compte de sa glycémie. Il disait toujours que c'était l'alcool. Il ne tenait pas compte de ses besoins vitaux à ce niveau-là. Il ne l'aidait jamais à ce niveau-là.

Elle n'avait jamais levé la main contre sa fille. Si elle avait pris deux gifles de sa part dans sa vie, c'était déjà énorme. D'ailleurs, ils n'en seraient pas là « si elle en avait pris plus ».

Elle s'opposait à ce qu'une mesure d'éloignement soit, cas échéant, prononcée à son encontre. Sa santé ne le lui permettait pas. Par ailleurs, elle n'était pas une femme violente. La mesure demandée par son mari devait être « retournée contre lui ». Son mari avait une hache à la maison et il avait plus de force qu'elle. Il y avait un « bout de temps de cela », il l'avait menacée avec une hache de lui couper les genoux et de la rendre handicapée. Le vendredi, il se « bourrait la gueule » au travail et il ressemblait à un « macaque ». Elle devait faire face à cela. Elle souffrait de diabète et avait besoin de soins fréquents. Elle avait aussi besoin d'être à la maison pour jouer son rôle de mère, sans quoi sa fille serait « addicte » à son téléphone. Son conjoint n'appliquerait pas le cadre nécessaire. Elle avait la phobie de sortir de chez elle, elle devait prendre le l'insuline et veiller sur sa fille, comme à midi.

Elle suivait un traitement médical. Elle prenait régulièrement de l'insuline à travers la pompe à insuline qu'elle portait. Elle prenait en outre du Dalmadorm pour dormir et du Brintellix, soit un antidépresseur.

Elle percevait une rente invalidité d'un montant mensuel de CHF 5'000.-. Elle n'avait ni dette ni fortune. Elle n'avait aucun antécédent.

7.             Mme C______ a fait opposition à cette décision par acte reçu par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 30 janvier 2025.

8.             Par acte déposé lors de l'audience du 31 janvier 2025 devant le tribunal, M. A______, sous la plume de son conseil, a conclu au rejet de l'opposition de Mme C______, et a demandé la prolongation de la mesure d’éloignement du 27 janvier 2025 pour une durée supplémentaire de trente jours. 

En substance, il a répété, en les précisant, les déclarations faites devant la police.

Son épouse prenait des antidépresseurs depuis son adolescence. Sa dépression s'était aggravée après son burnout. Elle était également diabétique de type 1 et insulino-dépendante. Elle prenait quotidiennement du Brintellix (pour le traitement de la dépression majeure et de l'anxiété généralisée), du Temesta (anxiolytique prescrit pour l'anxiété généralisée, les crises d'angoisse, la phobie sociale et l'anxiété), du Dalmadorm (pour les troubles du sommeil) et de l'insuline (pour le traitement de son diabète). En sus de ses troubles, son épouse était atteinte de schizophrénie. Elle était suivie par un psychiatre. En raison de ses troubles, son épouse s'emportait facilement contre lui, hors et en présence de leur fille. Elle avait des épisodes très violents de jalousie. Elle l'insultait et le menaçait de mettre fin à ses jours ou de le tuer lui dans son sommeil. Les crises de son épouse s'étaient intensifiées et étaient plus fréquentes depuis un an environ, au point que la cohabitation était devenue insupportable pour lui et B______. Malgré la prise de nombreux traitements, son épouse consommait fréquemment de l'alcool et était souvent en état d'ébriété lorsque ses crises se déclenchaient. Au mois de mai 2024, lors de l'une de ses crises, elle avait menacé de se jeter du balcon. Il s'était empressé d'appeler les urgences psychiatriques qui lui avaient conseillé de faire immédiatement appel à la police, ce qu'il avait fait. La police était intervenue suffisamment tôt pour éviter le pire. Son épouse avait également proféré des insultes à l'encontre des agents, ce qui les avait conduits à devoir la maîtriser. Au début de l'année 2025, son épouse, alors qu'ils fêtaient le Nouvel-An chez ses parents à elle, avait trouvé une bouteille d'eau de vie, qu'elle avait entièrement vidée. Après que son père le lui avait fait remarquer, elle l'avait rejoint dans leur chambre. Elle lui avait alors dit qu'elle attendait que son père s'endorme pour lui voler son arme et le tuer lui. Une ambulance, appelée par sa mère, était venue la chercher et l'avait conduite à l'hôpital. Elle en était sortie quelques heures plus tard.

Le 26 janvier 2025, lors de leur dispute, elle l'avait menacé de se suicider,
« en emportant leur fille avec elle ». Lorsque leur fille lui avait demandé de se calmer, elle l'avait insultée en la traitant de « pétasse » et de « connasse ». Elle l'avait tirée par les cheveux d'une main, en l'aspergeant de jus de citron, sur la tête et le visage.

Après le prononcé de la mesure d'éloignement, elle avait continué à lui envoyer des messages de menaces. Il avait contacté le psychiatre de son épouse qui lui avait affirmé qu'il prendrait des mesures afin qu'elle puisse se faire soigner. Cela étant, il ne se sentait plus en sécurité. Il avait peur pour sa fille et lui-même. Il n'avait d'autre choix que de se séparer de son épouse et allait entreprendre les démarches nécessaires sur le plan civil. Il était en conséquence hors de question que son épouse puisse revenir au domicile, la cohabitation n'étant plus possible, même risquée et dangereuse.

9.             Il a déposé, à l'appui de sa demande de prolongation copie des pièces suivantes :

-          échanges de messages entre les parties, sans indication de date ;

-          dossier médical du 17 mai 2024, établi par la doctoresse E______, Hôpitaux Universitaires de Genève, relatif au séjour de Madame C______ du 11 mai 2024, faisant étant d'agitation et d'agressivité comme motifs d'admission, l'anamnèse indiquant « Protocole d'agitation. Patiente amenée en ambulance avec la police dans contexte de menace de défenestration suite à conflit de couple. Connue pour dépression et diabète de type 1 sous pompe d'insuline. Était chez elle avec son conjoint, consommation d'une demi bouteille de vin, pas de drogue, pas de médicament. Suite à conflit de couple, le conjoint appelle la police car patiente menace de se suicider. A l'arriv[ée] de la police, la patiente s'agite et essaye de sauter par la fenêtre, raison de l'[appel] au 144 et de la contention par menotte. Reçoi[t] 2.5 temesta PO + 5 hadol IM à 19h20 puis 5 mida IM à 19h28 HCT 12.6. Reste des paramètres imprenables en pré-hosp car patiente non collaborante. En box, patiente s'agite initialement et menace de se stranguler avec les draps. Finalement après discussion accepte de souffler dans l'éthylotest qui revient à 0.4 et se laisse examiner. Pas de plainte somatique. Souhaite pouvoir rentrer chez son frère. Constante dans la norme. HCT 11.7, pompe insuline à 0.37 U/h en FIG. Dermabrasion du front et du pouce droit ». Les comorbidités : diabète de type 1 (01.01.1991) ; trouble dépressif récurrent avec épisode actuel modéré ; trouble de l'adaptation (15.02.2023). […] En l'absence de critère de gravité ou de plainte, pas d'indication à plus d'investigation somatique. Suite de prise en charge par l'équipe de psychiatrie ».

10.         Devant le tribunal, M. A______ a confirmé ses premières déclarations à la police et les motifs pour lesquels il sollicitait la prolongation de la mesure d'éloignement. Sur question du tribunal, il a ajouté que sa fille avait l'air d'aller bien et qu'elle n'était pas encore suivie. Son épouse n'avait pas respecté la mesure d'éloignement puisqu'elle lui avait adressé des messages de menaces après son prononcé, soit le lendemain de leur dispute du 26 janvier 2025, et qu'elle avait également échangé des messages avec leur fille, ce qu'elle avait néanmoins cessé de faire, après avoir informé B______ qu'elle n'en avait pas le droit. Leur fille prenait désormais ses repas de midi à l'école. Il souhaitait que sa femme se fasse soigner. Il entamerait également un suivi avec leur fille. Ils ne pouvaient plus vivre sous le même toit. Il n'entendait pas reprendre la vie commune et saisirait prochainement le tribunal de première instance d'une demande de mesures protectrices de l'union conjugale.

11.         Devant le tribunal, Mme C______ a persisté dans son opposition à la mesure d'éloignement.

Elle a confirmé ses déclarations à la police. Elle a précisé que la dispute aurait commencé la veille (le 25 janvier 2025). Elle était dans son lit. Pour elle, son mari instrumentalisait leur fille. Il lui avait dit à plusieurs reprises qu'elle était une « pute » et « une cochonne », en portugais. Elle lui avait demandé à plusieurs reprises d'arrêter d'utiliser leur fille dans leurs problèmes de couple.

Ils consommaient tous les deux de l'alcool. Après que le tribunal lui a fait remarquer que l'éthylotest pratiqué sur sa personne avait révélé un taux d'alcool dans l'air expiré de 0.86 mg/l, ce qui correspondait à la consommation d'une quantité importante d'alcool, elle a admis qu'elle avait peut-être bu deux bouteilles de vin avec lui. Elle s'était fixée un certain cadre durant la semaine, elle ne buvait pas durant la journée. Elle dormait, elle avait fait un burnout. Elle rangeait et faisait ce qu'elle pouvait avec son énergie. Sur question du tribunal, elle a ajouté qu'elle buvait environ un jour sur trois avec son mari, car, lorsque qu'elle buvait, ensuite, elle était un peu « claquée » durant deux ou trois jours. Elle prenait aussi des médicaments qui la fatiguaient. Lorsqu'ils buvaient avec son mari, ils buvaient environ une bouteille et demie à deux bouteilles de vin. S'il y avait de l'alcool fort, il leur arrivait d'en consommer. Son mari achetait parfois de la poire. Ils ne réagissaient pas de la même manière lorsqu'ils consommaient de l'alcool. Lui était d'un calme angoissant et elle s'agitait face à ce calme angoissant et à son addiction aux jeux et aux écrans. Quand son mari et leur fille se réveillaient le matin, ils étaient tous les deux devant leurs écrans. C'est un climat particulièrement angoissant pour elle.

Tant qu'elle avait travaillé, leur mariage fonctionnait. Depuis qu'elle était malade, elle ne sentait pas soutenue. Elle se faisait battre et mon mari ne faisait rien. Son mari était un bon papa au niveau fonctionnel. ; il les aidait et faisait les courses, mais elle avait très peu d'attention. C'était lui qui utilisait leur véhicule, qui était pourtant à son nom à elle. Elle avait aussi perdu de l'autonomie à cause de cela. Le mercredi, elle ne pouvait pas se déplacer.

Elle était suivie au niveau diabétologie (Docteur F______) et psychiatrique (Docteur G______, clinique H______). Le Docteur I______ était leur médecin de famille. Il l'avait beaucoup soutenue. La Doctoresse J______ était chirurgienne orthopédiste. Elle la suivait également pour l'épaule et le bras suite à l'intervention de police du 15 mai 2024. Elle suivait un traitement de Dalmadorm et de Brintellix. Elle prenait 30 mg de Dalmadorm par jour et 20 mg de Brintellix. Après que le tribunal lui a fait remarquer que ces médicaments ne devaient pas être consommés en même temps que de l'alcool, elle a répondu qu'elle essayait de ne pas boire lorsqu'elle les prenait.

Il était vrai qu'au cours de leur dispute le 26 janvier 2025, elle avait dit à son mari qu'elle avait envie de mourir. Il y avait cependant une très mauvaise communication entre eux et son mari comprenait mal les choses qu'elle lui disait en raison de son addiction aux écrans. Elle n'avait pas menacé de se suicider et de prendre sa fille avec elle. Ce qu'elle avait voulu dire, c'était que si elle prenait leur fille avec elle, c'était pour l'amener à l'hôtel comme elle l'avait fait le 1er janvier 2025. Elle était partie après avoir été frappée par sa famille. Elle avait une famille maltraitante. Elle avait dû fuir en chaussettes et son mari ne la protégeait pas. Il prenait plutôt le parti de ses parents. Son mari lui avait donné un coup à la tempe alors que ses parents l'insultaient et elle avait dû fuir en chaussettes. Ils avaient dû appeler l'ambulance. Elle avait dû passer un scanner. Il n'y avait rien.

A la question de savoir si elle avait effectivement aspergé sa fille de jus de citron au niveau du visage, après lui avoir lu le résumé des déclarations de B______ à la police, figurant en pages trois et quatre du rapport de renseignements, elle a répondu, qu'énervée, elle se souvenait avoir pressé sur la petite bouteille de jus de citron. B______ et son père étaient à côté d'elle. C'était plutôt lui qui était visé. Il avait peur qu’elle appelle la police. C'était très théâtral. Ce qu'elle comprenait, en tous les cas dans leur maison, c'était que le premier qui appelait la police avait raison, ce qui était vrai. Elle n’avait jamais mordu sa fille. Si elle l'avait griffée, cela n'était jamais intentionnellement, c'était pour lui prendre le téléphone. Elle a confirmé que si B______ avait reçu deux gifles en treize ans, c'était déjà beaucoup. Ce dont sa fille souffrait, c'était de leurs problèmes conjugaux.

Il était exact que la police était intervenue à leur domicile à quatre reprises depuis le 29 avril 2023. C'était toujours pour des problèmes conjugaux. La plupart du temps B______ n'était pas là. Lorsqu'elle était à la maison, « cela met[tait] un cadre ». B______ était souvent chez son frère, avec ses cousines.

Sa fille s'inquiétait beaucoup pour elle depuis qu'elle avait quitté la maison. Elle vivait à l'hôtel, mais elle n'avait pas envie que son mari sache où elle vivait. Sa fille lui avait envoyé beaucoup de messages pour savoir si elle allait bien. Elle avait envoyé une photo à sa sœur pour qu'elle prenne contact avec sa fille dans le but de la rassurer. Elle avait répondu aux messages de sa fille. C'était normal qu'elle s'inquiète pour B______. Elle avait effectivement contacté sa fille, mais le 29 janvier 2025, elle lui avait dit que qu'elles n'avaient plus le droit d'échanger des messages et elle était passée par sa sœur.

Elle s'opposait à la demande de prolongation. C'était aussi chez elle et elle devait veiller sur sa fille, surtout au niveau des écrans et à midi quand elle rentrait.

12.         Après que le tribunal a fait remarquer à M. A______ qu'il avait également consommé de l'alcool le soir des faits et lui avoir demandé s'il en consommait régulièrement, il a répondu qu'il était vrai qu'il consommait de l'alcool avec son épouse, mais pas tous les soirs. Le vendredi après le travail, il buvait deux ou trois bières avec ses collègues. Il ne buvait pas comme son épouse, malgré ce qu'elle prétendait. Par ailleurs, contrairement à elle, il ne prenait pas d'antidépresseurs

Sur question de son conseil qui lui a demandé qui préparait les repas de midi lorsque sa fille rentrait à la maison, il a répondu que c'était sa fille qui se réchauffait ce qu'il avait préparé la veille car sa femme dormait encore. Depuis qu'elle ne travaillait plus, sa femme dormait la journée. La nuit, elle traînait et elle fumait sur le balcon.

Sur question de son conseil qui lui a demandé comment avait réagi B______ suite aux évènements du 26 janvier 2025, il a répondu, qu'au poste, elle lui avait dit qu'elle voulait vivre avec lui et voir sa mère de temps en temps.

13.         Mme C______ a souhaité compléter ses déclarations et se déterminer sur les explications données par son mari. Elle voulait retourner chez elle. Tant qu'elle ne refusait pas d'avoir des relations sexuelles avec lui, il ne boudait pas et c'était vivable. Elle n'avait pas de famille vers laquelle se tourner. Sa sœur était bipolaire et son frère, c'était compliqué.

Sur questions du tribunal, elle a indiqué qu'elle pouvait prendre son insuline à la pharmacie depuis qu'elle vivait à l'hôtel, mais que c'était compliqué. Elle avait pris rendez-vous avec K______ le lundi 3 février 2025.

Elle pensait également porter plainte contre son mari pour les coups qu'elle avait reçus et la pression sexuelle dont elle faisait l'objet et qui expliquait les colères de son conjoint.

Sur question du conseil de M. A______ qui lui a demandé comment elle expliquait cette ambivalence, à savoir qu'elle indiquait avoir fait l'objet de pressions sexuelles de la part de son mari, mais qu'elle était néanmoins prête à retourner au domicile s'il la laissait tranquille, elle a répondu que, comme elle l'avait dit, s'il la laissait tranquille et ne lui demandait pas d'avoir des rapports sexuels, elle préférait être chez elle, pour être avec sa fille et traiter son diabète.

Sur question du conseil de M. A______ qui lui demandait si elle avait conscience que son comportement du 26 janvier 2025 avait pu faire peur à leur fille de treize ans, elle a répondu que oui, mais que cela lui avait également fait du mal d'entendre son père la traiter de « pute » et de « cochonne » à plusieurs reprises. Sa fille n'avait pas à vivre cela. Elle n'avait pas insulté sa fille.

Sur question du conseil de M. A______ qui lui a demandé si, alors qu'elle avait relevé l'addiction de son mari et de sa fille aux écrans, elle reconnaissait qu'elle avait une addiction à l'alcool et aux médicaments, elle a répondu que oui. Elle se soignait. Son mari n'avait pas seulement une addiction aux écrans et aux jeux, mais aussi à l'alcool et à la pornographie.

Son mari n'était jamais là à midi et ne pouvait pas confirmer qu'elle n'aidait pas leur fille.

Depuis plusieurs années, elle se sentait rabaissée dans le couple. « Monsieur se disait misanthrope ». Elle était jugée lorsqu’elle avait des relations sociales, lorsqu'elle faisait à manger, ce qui faisait qu'elle avait perdu de l'autonomie au cours des dernières années. Elle se retrouvait seule, sans amis. Si elle était tombée en burnout, ce n'était pas pour rien. Elle avait non seulement beaucoup de travail, mais son mari consommait de l'héroïne et vrillait, en l'appelant par des noms d'autres femmes lorsqu'il lui faisait l'amour.

14.         Le conseil de M. A______ a conclu à la confirmation de la mesure d'éloignement administratif et à sa prolongation pour une durée de trente jours

15.         Mme C______ a confirmé son opposition à la mesure d'éloignement administratif prononcée à son encontre, ainsi qu'à la demande de prolongation déposée par son mari le 31 janvier 2025. Elle a ajouté qu'elle pourrait être hospitalisée pour une durée de trois semaines et ainsi être éloignée du domicile, en fonction de ce que l'assurance accepterait ou non de prendre en charge.

16.         La représentante du commissaire de police a conclu à la confirmation de la décision.

17.         Par courrier du 31 janvier 2025, le tribunal a adressé au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) un signalement de la mineure B______, pièces utiles à l'appui.

18.         Par courriel du 31 janvier 2025 adressé au tribunal, le service des commissaires de police l'a informé que Mme C______ avait a pris contact avec l’association K______ et qu'elle serait reçue en entretien le lundi 3 février 2025 à 14h30.

19.         Par jugement du 3 février 2025 (JTAPI/118/2025), le tribunal a rejeté l'opposition à la mesure d'éloignement et admis la demande de prolongation pour une durée de trente jours.

20.         Par pli recommandé du 4 mars 2025, reçu par le tribunal le 6 mars 2025, M. A______ a sollicité une seconde prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée de trente jours.

21.         Postérieurement au jugement rendu par le tribunal, Mme C______ avait essayé de prendre contact avec lui à plusieurs reprises et lui avait envoyé des messages dont la teneur était menaçante, et qu'il produisait en annexe. Son épouse lui avait également dit que s'il osait déposer une requête en mesures protectrices de l'union conjugale, ce serait définitivement la guerre. Elle avait ajouté qu'elle déposerait à son encontre des plaintes pour viol. Le 13 février 2025, elle lui avait envoyé plus de 17 messages en moins d'une heure et demie, qu'elle avait finalement supprimés (avec production de la saisie d'écran y relative). Lorsque Mme C______ avait appris la nomination d'un curateur en faveur de leur fille dans le cadre de la procédure pénale que cette dernière menait contre sa mère, Mme C______ était à nouveau partie en crise. Elle avait affirmer qu'elle avait déposé une contre plainte contre sa fille et que si cette dernière est son père avaient ainsi décidé de lui déclarer la guerre, elle allait saisir le meilleur avocat de Genève pour « les baiser ». En outre, étant toujours en possession de l'ancien téléphone de sa fille, Mme C______ en avait profité pour s'immiscer dans sa vie privée via les applications auxquelles l'adolescent était connectée, prenant connaissance des échanges qu'elle entretenait avec ses amis sur les réseaux sociaux TikTok et Snapchat. Par conséquent, leur fille, en plus de craindre sa mère, n'avait plus confiance en elle. Le 26 février 2025, M. A______ avait pris contact avec le SPMi, dont l'un des collaborateurs avait suggéré que toute la famille entame une thérapie familiale. M. A______ avait évoqué cette possibilité auprès de son épouse, qui s'y était déclarée favorable et avait en outre affirmé vouloir être admise dans une clinique psychiatrique. Il avait dès lors accepté que à son domicile familial, hors la présence de leur fille. Ils avaient pu passer une soirée calme et avait envisagé la reprise de la vie de couple. Cependant, dès le lendemain, Mme C______ avait refait une crise de paranoïa et lui avait envoyé une dizaine de messages d'insultes. Dans ces conditions, il n'avait d'autre choix que de demander une nouvelle prolongation de l'éloignement.

22.         Lors de l'audience de ce jour, Mme C______ s'est déclarée d'accord être éloignée du domicile conjugal pour une durée supplémentaire de 30 jours.


 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Il connait également des demandes de prolongation des mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 2 LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer avant l'échéance de la mesure, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

3.             En l'espèce, déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, la demande de prolongation est recevable au sens de l'art. 11 al. 2 LVD.

4.             La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

5.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

6.             En l'espèce, le tribunal a déjà expliqué dans son jugement du 3 février 2025 les raisons pour lesquelles la prolongation de l'éloignement de Mme C______ paraissait nécessaire sous l'angle du risque de réitération des violences.

7.             Dans la présente procédure, qui concerne une nouvelle prolongation de l'éloignement pour une durée supplémentaire de 30 jours, soit jusqu'au 7 avril 2025, Mme C______ a acquiescé à cette demande, de sorte que le tribunal n'a aucune raison de ne pas à son tour y donner une suite favorable.

8.             Le tribunal tient à saluer la décision prise à cet égard par Mme C______. Ses diverses atteintes à la santé, tant sur le plan physique que psychique, sont certainement pour elle un fardeau difficile, auquel vient s'ajouter la grave crise conjugale et familiale qu'elle traverse en ce moment. Malgré ces épreuves, elle parvient encore à faire preuve de lucidité et de force, comme elle le montre en adhérant à la demande de son mari. Le tribunal ne peut que l'encourager à poursuivre dans une voie constructive, pour son propre bien et celui des membres de sa famille. Cela étant, il conviendra également que M. A______ puisse considérer certaines des attentes de son épouse comme légitimes, et les respecter.

9.             Il ne sera pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité (art. 87 al. 1 LPA).

10.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande formée par Monsieur A______ en son nom et pour le compte de sa fille mineure B______ le 4 mars 2025 tendant à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police le 26 janvier 2025 à l’encontre de Madame C______ ;

2.             l'admet ;

3.             prolonge la mesure d'éloignement pour une durée de trente jours, soit jusqu'au 7 avril 2025 à 17h00, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, dont la teneur figure dans les considérants ;

4.             dit qu'il n'est pas perçu d'émoluments ni alloué d'indemnité ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

6.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au commissaire de police et au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour information.

Genève, le

 

Le greffier