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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/482/2025

JTAPI/182/2025 du 17.02.2025 ( LVD ) , ADMIS

Descripteurs : VIOLENCE DOMESTIQUE
Normes : LVD.8; LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/482/2025 LVD

JTAPI/182/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 février 2025

 

dans la cause

 

Madame A______, en son nom et pour le compte de sa fille mineure B______, représentées par Me Andrea VON FLÜE, avocat, avec élection de domicile

 

contre

Monsieur C______

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 6 février 2025, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de Monsieur C______ une mesure d'éloignement valable du 7 février 2025 à 17 h 00 jusqu'au 17 février 2025 à 17 h 00, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Madame A______ et de sa fille mineure B______, située ______[GE], et de contacter ou de s'approcher de celles-ci, ainsi que du travail de A______ sis à ______[GE] et de l'école d'B______, soit l'Ecole ______[GE].

2.             Selon cette décision, C______ était présumé avoir commis des voies de fait et des menaces à l'encontre de son épouse et, lors de violences précédentes, l'avoir injuriée.

3.             Entendue par la police le 6 février 2025, A______ a expliqué qu'elle avait rencontré son mari en 2004, qu'ils avaient emménagé ensemble en 2011 et avaient eu leur fille B______ en décembre 2012. Elle avait remarqué que durant sa grossesse, son mari commençait à avoir des penchants pour les boissons alcoolisées. À la naissance de leur fille, il était très peu présent dans le foyer familial. Il se trouvait souvent à l'extérieur de la maison et loyer qu'il buvait de l'alcool. Ils passaient ensemble beaucoup de temps au restaurant ou en terrasse et il consommait assez régulièrement des boissons alcoolisées. Lors de l'épidémie du COVID, leurs conflits avaient commencé à s'amplifier. Il s'agissait principalement de conflits verbaux. En 2023, son mari avait fait un burnout à cause de son travail et se trouvait très souvent seul à la maison, où il buvait de plus en plus d'alcool. Il avait dû consulter une psychologue dans le cadre de son burnout, mais n'avait pas fait mention de son problème d'alcool durant ses consultations. Sa psychologue avait pris contact avec elle lors d'une de leurs séances et elle avait expliqué que son mari consommait beaucoup d'alcool. Celui-ci lui avait reproché par la suite d'en avoir parlé à sa thérapeute. Quelque temps plus tard, il était retourné au travail, mais cela n'avait pas duré longtemps et elle avait pu constater que certains matins, lorsqu'elle repassait à la maison, il buvait déjà de l'alcool très tôt. Il rentrait assez régulièrement alcooliser à la maison et ils avaient des conflits à ce sujet. Il l'insultait souvent sans raison lors de ces conflits et cela n'avait fait qu'empirer. Un peu avant l'été 2024, elle devait partir en vacances plusieurs semaines avec B______ et elle lui avait demandé de trouver de l'aide pour son problème d'alcool. Cela n'avait pas été simple, mais il avait effectué quelques jours de traitement à la clinique Belmont. À la fin de son séjour et de son suivi, il était revenu à la maison et elle avait l'impression qu'il allait mieux. À partir de décembre 2024, il avait recommencé à boire et rentrait à nouveau ivre le soir à la maison. À chaque fois qu'il rentrait ivre à la maison, ils avaient des conflits verbaux et il l'insultait de nouveau. Leur fille B______ entendait ces conflits et voyait parfois son père ivre. Concernant les insultes, il s'agissait principalement de mots visant à la rabaisser. Il lui disait notamment : « T'es qu'une grosse merde », « connasse », « idiote », etc. le dernier événement avait eu lieu le mardi 28 janvier 2025. Elle était rentrée du travail vers 18 heures et son mari était en train de dormir à la maison. Elle avait pris le temps de ranger quelques cartons et le bruit l'avait réveillé. Il s'était énervé contre elle à cause de cela puis avait quitté l'appartement. Il était rentré quelques heures plus tard et avait l'air saoul. Elle lui avait demandé s'il était bourré et pourquoi il faisait cela. À ce moment-là, il avait posé ses mains sur ses épaules au niveau de son cou, de manière ferme, mais il ne lui avait jamais serré la gorge. Elle avait repoussé en lui disant de ne pas la toucher. Ensuite, il avait dit « Si tu me touches je te tue ». Il était ensuite parti dans la chambre et s'était endormi directement. Sa fille est elle-même avait de plus en plus peur de son comportement. B______ ne voulait plus voir son père quand il rentrait dans ses états d'ébriété. Elle l'avait confronté à cela le lendemain matin. Il ne se souvenait de rien. Depuis le moment où elle lui avait dit qu'il voulait divorcer, il avait commencé à essayer d'être gentil avec moi, de pleurer pour l'attendrir et d'être plus doux avec elle. Elle a ajouté que son mari était en possession de deux armes à feu à la maison. Un fusil se trouvait au salon à côté du bureau et une autre arme se trouvait dans l'armoire de la chambre. Il y avait également des munitions dans l'appartement. Elle ignorait s'il était en possession d'autres armes.

4.             À la question de savoir s'il avait été violent physiquement à un autre moment de la relation, A______ a évoqué le fait qu'il y avait eu des bousculades très légères et qu'elle pouvait compter sur les doigts d'une main, mais cela n'avait jamais été violent physiquement. Lors de ses excès de colère, il lui était arrivé de casser les choses qui appartenaient à sa femme. Leur fille avait été principalement témoin des états colériques de son père lors des conflits. Elle avait également vu lorsqu'il était alcoolisé et qu'il cassait des objets. Elle restait la plupart du temps dans sa chambre à entendre leurs conflits verbaux. C______ n'avait jamais levé la main sur sa fille. A______ a encore ajouté qu'elle ne souhaitait pas « pourrir la vie » de son mari. Elle voulait qu'il réalise qu'elle ne voulait plus vivre avec lui à cause de son comportement. Elle souhaitait qu'il ne soit plus dans leur appartement, car sa fille elle-même avait peur de ses excès de colère. Elle souhaitait que dans un avenir proche, il puisse voir sa fille. Actuellement, B______ ne voulait plus le voir, mais A______ a exprimé le fait que ce lien puisse subsister si c'était le souhait de sa fille.

5.             Entendu à son tour par la police le 6 février 2025, C______ a expliqué que la cause principale des conflits conjugaux et de ses états d'âme provenait de l'alcool. Ce problème d'alcool était lié à leurs conflits principalement. Durant l'épidémie du COVID, il avait commencé avoir une consommation d'alcool de plus en plus régulière et lorsqu'il rentrait à la maison, ils avaient des conflits verbaux avec sa femme à ce sujet. Avec du recul, il trouvait cela stupide et aurait dû être à l'écoute de son épouse. Il avait effectué un séjour de deux semaines à la clinique Belmont en août 2024 afin de se faire aider par rapport à sa consommation d'alcool. Il avait ensuite suivi des cours en HDJ jusqu'à mi-novembre 2024. Après cela, les fêtes de fin d'année étaient arrivées et il avait fait une rechute. Les conflits avaient recommencé après sa rechute. Il était possible qu'il ait insulté son épouse selon les termes qu'elle avait évoqués, alors qu'il était sous l'effet de l'alcool. Il n'avait pas le souvenir que le 28 janvier 2025, lors d'un conflit, il aurait posé de manière ferme ses mains sur les épaules de son épouse, à la hauteur de son cou, puis l'aurait menacée de la tuer si elle le touchait. En effet, il avait consommé de l'alcool, ainsi qu'un comprimé de Seresta. Le lendemain, sa femme lui avait dit ce qui s'était passé. Il était sous le choc d'avoir agi ainsi. Il lui avait demandé pardon et avait tout de suite jeté la boîte de médicaments. Sur question, il a confirmé posséder cette arme à feu qui se trouvait à son domicile. Il souhaitait qu'une mesure d'éloignement ne soit pas prononcée. Il s'engageait à ce qu'aucun événement ne se produise s'il pouvait retourner au foyer conjugal. Il ne voulait plus qu'il y ait de problème avec sa femme et souhaitait parler de tout cela avec elle.

6.             Lors de la perquisition effectuée au domicile des époux avec l'accord de C______, la police a découvert, hors de tout dispositif de mise sous clé, plusieurs armes à feu, magasins et munitions, ainsi qu'une arme non déclarée et un silencieux non déclaré. Toutes ces armes ont été séquestrées.

7.             Par acte du 12 février 2025, parvenu au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 13 février 2025, A______ a demandé la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée supplémentaire de trente jours, en expliquant en substance que la perspective du retour de C______ au domicile familial la rendait très inquiète pour elle-même et en particulier pour sa fille, qui avait très mal vécu les violences dont elle avait été témoin.

8.             Lors de l'audience de ce jour devant le tribunal, A______ a expliqué, au sujet de l'apparition de la violence au sein de son couple, qu'il y avait tout d'abord eu des insultes et des propos rabaissants de la part de son mari avant même qu'elle ne perçoive l'émergence d'une problématique de dépendance à l'alcool. Puis lorsque cette problématique avait commencé à apparaitre, les insultes et autres propos dénigrants étaient devenus de plus en plus réguliers. Ils avaient eu des disputes à ce sujet, car elle disait à son mari que ce n'était pas une façon de se comporter avec elle, que c'était irrespectueux et que de son côté elle ne se comportait pas ainsi à son égard. Il lui répondait qu'il agissait ainsi sous l'effet du stress ou dans un moment d'égarement. B______ avait assisté à de nombreuses reprises à ces scènes de violence. Cela l'avait énormément stressée. Elle restait enfermée dans sa chambre et aujourd'hui elle avait peur de son père.

Sur question du tribunal, ils n'avaient pas concrètement discuté d'entamer une thérapie de couple pour traiter de cette problématique de violence. De son côté, son mari s'était toujours montré plutôt réticent par rapport à une démarche psychothérapeutique. Il banalisait toujours son comportement et ne comprenait pas qu'à la longue, c'était vraiment dur pour elle de le supporter. Elle ne savait jamais à quel moment il risquait d'exploser et, sur question du tribunal, elle a confirmé le caractère extrêmement imprévisible de son comportement violent.

Sur question du tribunal de savoir comment elle voyait la suite, elle ne pouvait plus vivre aujourd'hui sous le même toit que C______. Elle avait beaucoup cru aux promesses qu'il lui avait faites et malgré lesquelles rien n'avait favorablement évolué. Sa fille également avait besoin que cela s'arrête et de pouvoir guérir, tout comme elle.

Le conseil de A______ a produit à ce sujet une ordonnance rendue par le Tribunal de première instance le 13 février 2025 sur mesures superprovisionnelles, attribuant à A______ la jouissance exclusive du domicile conjugale et faisant interdiction à C______ d'y pénétrer.

C______, sur question du tribunal de savoir comment il se déterminait sur tout ce qu'il avait entendu dans la bouche de sa femme, a déclaré qu'il avait connu beaucoup de stress professionnel pendant quatorze ans à l'Union Bancaire Privée. Ils avaient beaucoup de tensions conjugales à cause de cela. Finalement, ce travail l'avait brisé. Il avait fait un séjour à la clinique de Belmont et il avait malheureusement connu une rechute avec les fêtes de fin d'année. Il ne savait pas comment il allait faire s'il ne pouvait plus pénétrer dans l'appartement. Il trouvait l'ordonnance rendue par le TPI injuste et brutale, alors qu'il pensait que le fait qu'il avait respecté la mesure d'éloignement administrative à la lettre permettrait de décanter les choses. Il pensait que sur le plan émotionnel, cela permettrait d'amener un apaisement.

Le tribunal lui a fait remarquer qu'il n'avait absolument pas fait écho à la souffrance ressentie et exprimée par son épouse, et au fait qu'elle-même et sa fille avaient aujourd'hui peur de lui. En réponse, C______ a tenu à présenter ses excuses à son épouse. Il était vrai qu'il n'avait pas pris conscience jusqu'ici de la nécessité d'une thérapie conjugale.

A______ a déclaré, suite à ce que son époux venait d'exprimer, qu'elle avait entendu tellement souvent des excuses de sa part qu'elle ne pouvait plus y croire aujourd'hui. Elle avait pourtant souvent attiré son attention sur le fait que sa fille était en souffrance, mais il lui répondait en substance qu'elle exagérait.

C______, sur question du conseil de A______, qui lui a demandé s'il ne pouvait pas continuer à vivre comme actuellement chez ses parents, a répondu que cela allait être extrêmement dur.

Le conseil de A______ a sollicité la prolongation de la mesure d'éloignement administratif pour une durée de trente jours.

C______ a indiqué s'opposer à la demande de prolongation de la mesure d'éloignement car il souhaitait au moins pouvoir prendre contact avec son épouse et examiner avec elle comment les choses pourraient évoluer et s'arranger, même si par ailleurs il entendait bien qu'il ne devait pas s'approcher du domicile ni de l'école d'B______.

A______ a répondu, sur la demande d'aménagement de la mesure d'éloignement telle que requise par son mari, qu'elle était d'accord pour des contacts écrits, mais elle était en revanche opposée à des contacts verbaux par téléphone, car elle ne voulait pas qu'il essaie de la convaincre.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des demandes de prolongation des mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 2 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer avant l'échéance de la mesure, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, la demande de prolongation est recevable au sens de l'art. 11 al. 2 LVD.

3.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de 30 jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Elle peut être prolongée pour 30 jours au plus. Depuis le prononcé initial de la mesure, sa durée totale ne peut excéder nonante jours (art. 11 al. 2 LVD).

En vertu de l'art. 12 LVD, la mesure d'éloignement est assortie de la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui prévoit que « celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende ».

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

4.             En l'espèce, s'agissant des violences qui se sont déroulées le 28 janvier 2025 au domicile conjugal, C______ a déclaré à la police qu'il ne se souvenait pas de ce qui s'était passé, étant sous l'effet conjugué de l'alcool et d'un comprimé de Seresta. En tout état, il ne conteste pas les faits décrits par son épouse, et qui sont constitutifs de violences physiques et psychologiques (menaces de mort).

5.             S'agissant des violences antérieures, qui se sont déroulées durant plusieurs années, il s'agissait selon A______ uniquement de violences verbales et psychologiques (insultes, propos rabaissants et humiliants), mais pas physiques. A ce sujet, C______ n'a pas contesté ces formes de violence, admettant au contraire qu'il aurait dû réagir plus tôt pour y mettre un terme.

6.             L'existence de violences verbales et psychologiques s'inscrit donc dans la durée au sein du couple, et la violence physique s'y est ajoutée apparemment pour la première fois le 28 janvier 2025.

7.             La demande de prolongation de la mesure d'éloignement sollicitée par A______ doit être examinée sous l'angle du risque de réitération. En d'autres termes, il faut que la prolongation de l'éloignement apparaisse nécessaire pour prévenir de nouveaux actes de violence. Le tribunal est convaincu de cette nécessité dans le cas d'espèce, ayant été frappé en particulier par le fait que C______ semblait très éloigné d'un début de prise de conscience concernant, d'une part, sa propre tendance à la violence (au moins verbale et psychologique) et, d'autre part, la souffrance endurée durant plusieurs années par son épouse et sa propre fille, encore très jeune. Malgré les explications données par son épouse durant l'audience, où elle a pu prendre le temps d'exprimer avec émotion cette souffrance, ainsi que la peur qu'elle-même et sa fille en sont venues à ressentir à l'égard de C______, la réaction de ce dernier a consisté à recentrer complètement le propos sur ce dont il estimait avoir lui-même souffert, en particulier professionnellement, sans aucunement prioriser la position de victime de sa femme et de sa fille, ni même exprimer spontanément de regrets. Ce n'est que sur remarque du tribunal qu'il a présenté ses excuses à son épouse, et d'ailleurs sans que le tribunal ne parvienne à y déceler une véritable émotion. Quant à la consommation problématique d'alcool de C______, il semble également minimiser ce sujet, voire se trouver à la limite du déni. On en trouve l'illustration notamment dans la façon dont il expliquait à la police que sa consommation d'alcool était une résultante des disputes conjugales plutôt que le contraire, ou dans sa manière d'éluder toute mention claire de l'alcool durant l'audience, se contentant d'évoquer son séjour à la clinique Belmont ou la rechute qu'il avait connue lors des fêtes de fin d'année. Son épouse a en outre mentionné la réticence de C______ par rapport à des démarches psychothérapeutiques.

8.             Eu égard à ces différents éléments, le retour de C______ au domicile conjugal, après onze jours d'éloignement, apparaît manifestement présenter trop de risques de réitération de violence, de sorte qu'il se justifie pleinement de prolonger cet éloignement pour une durée supplémentaire de 30 jours. Cette mesure continuera de déployer ses effets par rapport à la personne de A______ et de la fille du couple, B______, toutes deux ayant besoin, pendant un certain temps, de pouvoir se sentir à l'abri de la présence de C______ et de retrouver un début de calme intérieur. Cela signifie que la mesure d'éloignement continuera également à déployer ses effets par rapport au lieu de travail de A______ et à l'école d'B______.

9.             Quant à la question évoquée au terme de l'audience, concernant la possibilité pour C______ de pouvoir contacter son épouse, celle-ci ne s'y est pas opposée si cela demeurait une communication écrite uniquement destinée à régler des problèmes matériels, et s'il ne cherchait pas à la convaincre. Malgré cette ouverture manifestée par A______, le tribunal juge inopportun de laisser à C______ la possibilité de la contacter par écrit, car cela lui laisse malgré tout la possibilité d'y introduire des éléments de pression, ne serait-ce qu'en faisant allusion à sa propre situation et en cherchant indirectement à infléchir la position de son épouse. Or, celle-ci doit actuellement pouvoir bénéficier d'une période durant laquelle elle pourra être entièrement préservée de tentatives de ce type, notamment afin de commencer à prendre du recul sur la situation dans laquelle elle a été entraînée au fil des années, et sa fille avec elle. Les questions de nature matérielle qu'il y aura lieu de régler dans l'immédiat (transmission d'effets personnels de C______, etc.) pourront être réglées par l'entremise du conseil de A______, ou par toute autre personne que les époux choisiront à cette fin.

10.         Par conséquent, la demande de prolongation sera admise et la mesure d'éloignement prolongée pour une durée de trente jours.

11.         Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

12.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (cf. rapport du 1er juin 2010 de la Commission judiciaire et de la police du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi 10582-A du Conseil d'État modifiant la LVD, in MGC 2009-2010/IX A, D. Examen de détail, ad art. 11 al. 1 LVD).


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande formée par Madame A______ le 12 février 2025 tendant à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police le 6 février 2025 à l’encontre de Monsieur C______ ;

2.             l'admet ;

3.             prolonge la mesure d'éloignement pour une durée de trente jours, soit jusqu'au 19 mars 2025 à 17h00, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, dont la teneur figure dans les considérants ;

4.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

6.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au commissaire de police et au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour information

 

Genève, le

 

La greffière