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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3499/2024

JTAPI/169/2025 du 13.02.2025 ( LCR ) , REJETE

recours terminé sans jugement

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS;RETRAIT DE SÉCURITÉ;EXPERTISE;MÉDECIN-CONSEIL
Normes : LCR.15d; OAC.27; LCR.16d.al1; LCR.17.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3499/2024 LCR

JTAPI/169/ 2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 13 février 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1947, est titulaire d'un permis de conduire pour les catégories A1, A2, B, BE, B1, D1, D1E, F, G et E.

2.             Par décision du 1er octobre 2024, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a prononcé le retrait de permis de conduire de M. A______, pour une durée indéterminée, lui précisant que la levée de cette mesure ne pouvait être envisagée que sur présentation d'un certificat médical favorable émanant du Dr B______.

Par certificat médical du 27 septembre 2024, ce praticien, médecin-conseil de niveau 1-2 de l'OCV, l'avait déclaré inapte à la conduite de tout véhicule à moteur, après qu’il se soit soumis à l’examen médical prévu par l’art. 27 al. 1 let. b de l’ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51).

3.             Par acte du 22 octobre 2024, M. A______ a contesté cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), l’invitant à la reconsidérer.

La décision du médecin l’avait fortement étonné vu son état de santé et son autonomie. Ses déplacements en voiture se limitaient à la campagne genevoise environnante et il ne conduisait plus de nuit.

Il a joint une attestation du 16 octobre 2024 de son ophtalmologue qu’il avait consulté afin d’établir un relevé exact de sa vision ainsi qu’un rapport de consultation médicale cognitive et neurocomportementale des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) du 9 octobre 2024. Il ressort de ce dernier les diagnostics suivants : « Trouble neurocognitif mineur non amnésique domaine multiple (dyséxecutif et attentionel) de probable origine multifactorielle (vasculaire, toxique sur traitement immunosuppresseur, trouble de sommeil pas exclue) Hémotragie intracérébrale talamique gauche, d'origine hypertensive DD sur transformation hémorragique d'AVC Trouble à la marche d'origine multiple sur polyneuropathie, leucoencéphalopathie vasculaire avec une composante d'une ventriculomégalie asymptomatique (2020) Sténose carotidienne droite à 70 % (segment intrapétreux) ».

4.             Le 2 janvier 2025, l'OCV a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations. Il persistait dans les termes de sa décision. Selon le certificat médical établi le 27 septembre 2024, le recourant semblait souffrir de problèmes neurologiques (épilepsie), raison pour laquelle le Dr B______ l’avait déclaré inapte à la conduite de tous véhicules à moteur.

Compte tenu de cet avis médical, il avait prononcé la décision querellée laquelle était conforme à la loi et à la jurisprudence.

Quant aux pièces produites, elles ne mentionnaient pas une aptitude du recourant à la conduite.

5.             Le 20 janvier 2024, le recourant s'est adressé au tribunal mentionnant que « suite à votre courrier du 7 courant et à ma visite de ce jour aux HUG afin d’obtenir un document dans le but d’une contre-expertise, ceux-ci demandent que vous leur adressiez un courrier ou un formulaire afin de pouvoir vous faire part de leur diagnostic (…). Dans tous les cas, par la présente je vous adresse une demande de rendez-vous pour une contre-expertise (...).

6.             Ce courrier a été transmis à l’OCV, pour information.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b).

Le juge doit vérifier si l'administration n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation. Dans ce cadre, le principe de proportionnalité prend une place majeure. Il impose une pesée des intérêts pour et contre la mesure en cause (Thierry TANQUEREL, La pesée des intérêts vue par le juge administratif in La pesée globale des intérêts, Droit de l'environnement et de l'aménagement du territoire, 1996, pp. 189 ss, notamment 192 s.)

En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l'espèce (art. 61 al. 2 LPA).

4.             En vertu des art. 15d al. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01) et 27 al. 1 let. b OAC, l’obligation de se soumettre à un contrôle médical subséquent effectué par un médecin-conseil tous les deux ans s’applique notamment aux titulaires de permis ayant plus de 75 ans.

5.             Le contrôle relevant de la médecine du trafic doit être effectué sous la responsabilité d’un médecin selon l’art. 5abis (art. 27 al. 2 OAC).

6.             Les contrôles relevant de la médecine du trafic de titulaires d'un permis de conduire âgés de plus de 75 ans sont du ressort des médecins de niveau 1 (art. 5abis).

7.             Ce contrôle a pour objectif de vérifier l’aptitude de la personne concernée à conduire des véhicules automobiles. L'examen du médecin-conseil s'étend aux points prévus par l'annexe 2 de l'OAC (rapport d'examen médical).

8.             Conformément à l'art. 16 al. 1 LCR, le permis de conduire doit être retiré lorsque l'autorité constate que les conditions légales de sa délivrance, énoncées par l'art. 14 LCR, ne sont pas ou plus remplies. Ainsi, le permis doit notamment être retiré pour une durée indéterminée à la personne dont les aptitudes physiques et psychiques ne lui permettent pas ou plus de conduire avec sûreté un véhicule automobile (art. 16d al. 1 let. a LCR ; cf. aussi art. 14 al. 2 let. b LCR).

9.             Selon l'art. 17 al. 3 LCR, le permis de conduire, retiré pour une durée indéterminée, peut être restitué à certaines conditions après expiration d’un éventuel délai d’attente légal ou prescrit si la personne concernée peut prouver que son inaptitude à la conduite a disparu.

10.         L'autorité compétente doit, avant de décider d'un tel retrait, éclaircir d'office et dans chaque cas la situation de la personne concernée. L'étendue des examens officiels nécessaires, notamment l'opportunité d'une expertise médicale, est fonction des particularités du cas d'espèce et dépend en principe de l'appréciation de l'autorité de retrait (ATF 129 II 82, consid. 2.2 p. 84 s. et les références).

11.         La décision de retrait de sécurité du permis de conduire constitue une atteinte grave à la sphère privée de l'intéressé ; elle doit donc reposer sur une instruction précise des circonstances déterminantes (ATF 133 II 284, consid. 3.1 ; ATF 1C_134/2011 du 14 juin 2011, consid. 2.1 ; 1C_189/2008 du 8 juillet 2008, consid. 2.1 ; cf. en ce qui concerne le retrait justifié par des raisons médicales ou l'existence d'une dépendance : ATF 129 II 82, consid. 2.2 p. 84 ; 127 II 122, consid. 3b p. 125).

12.         En l'espèce, le recourant a plus de 75 ans et ne conteste pas qu'il devait se soumettre au contrôle médical prévu par les art. 15d LCR et 27 OAC.

En revanche, il s’étonne des conclusions médicales contenues dans le rapport médical du médecin-conseil du 27 septembre 2024, vu son état de santé et son autonomie.

13.         Le rôle du médecin, en particulier du médecin-expert, est de décrire l’état clinique d’un intéressé et en aucune manière celle de se prononcer sur l’opportunité ou la nécessité de retirer son permis de conduire. La chose est d’autant plus vraie que certains concepts de la médecine n’ont pas la même portée en droit de la circulation routière. Cette considération doit toutefois être nuancée lorsque l’autorité compétente, administrative ou judiciaire, demande au médecin de se prononcer également sur l’aptitude à conduire d’un conducteur. Il reste qu’il appartient fondamentalement à l’autorité administrative, respectivement au juge, d’apprécier les éléments médicaux du rapport du médecin, puis de répondre à la question - de droit - de savoir si l’aptitude d’une personne est ou non donnée. L’autorité administrative, respectivement le juge, apprécient librement les preuves figurant au dossier ; cette considération est toutefois relativement théorique, dans la mesure où la liberté de l’autorité trouve sa limite dans l’interdiction de l’arbitraire : si le juge n’est en principe pas lié par les conclusions de l’expert médical, il ne peut s’en défaire, sous peine de violer l’art. 9 de la Constitution fédérale (protection contre l’arbitraire), qu’en exposant les motifs déterminants et les circonstances bien établies qui lui commandent d’agir de la sorte. Par contre, lorsque les conclusions médicales paraissent insuffisantes ou lacunaires, le juge se doit de les faire compléter (Cédric MIZEL, Aptitude à la conduite automobile, exigences médicales, procédure d'examen et secret médical, AJP/PJA 2008 p. 596 ; cf. aussi ATF 133 II 384, consid. 4.2.3 p. 391 ; 118 Ia 144, consid. 1c p. 146 ; ATF 1C_359/2008 du 23 février 2009, consid. 2.2 ; JTAPI/329/2011 du 14 avril 2011).

14.         En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est décisif est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées (ATF 125 V 351, consid. 3a p. 352 ; 122 V 157, consid. 1c p. 160 et les références ; ATF 1C_359/2008 précité, consid. 2.2).

15.         En l'espèce, l'OCV, qui a suivi la procédure prévue par la loi et la jurisprudence rappelée ci-dessus avant de rendre sa décision, a fondé celle-ci sur les conclusions du Dr B______, médecin-conseil de niveaux 1 et 2, établies suite à un examen médical et aux termes d'un certificat médical mentionnant que l’intéressé souffre de problèmes neurologiques (épilepsie) et que, partant, les exigences médicales minimales du 1er groupe (A, A1, B, B1, F, G, M, D1) n’étaient pas satisfaites.

À ce stade, il doit être relevé que M. A______ ne conteste pas souffrir de problèmes neurologiques respectivement d’épilepsie ni ne démontre qu’il serait apte à la conduite. Ses problèmes neurologiques, pour lesquels il est toujours suivi, sont au demeurant attestés par le rapport de consultation médicale du 9 octobre 2024 qu’il a versé à la procédure.

Dans ces conditions, force est d'admettre qu'en prononçant la seule mesure prévue la loi, laquelle dispose que, dans de telles circonstances, le retrait de sécurité est obligatoirement prononcé pour une durée indéterminée (art. 16d al. 1 LCR) tout en précisant que cette mesure pourra être levée sur présentation d'un certificat médical favorable, l'OCV a correctement appliqué les règles en vigueur et n'a pas excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation.

16.         Partant, le recours doit être rejeté et la décision de l'OCV être confirmée.

17.         À toutes fins utiles, il sera rappelé à M. A______ que la levée de la mesure pourra être envisagée sur présentation d’un certificat médical favorable émanant du Dr B______.

18.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 22 octobre 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 1er octobre 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière