Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/836/2024 du 26.08.2024 ( ICCIFD ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 26 août 2024
|
dans la cause
A______ SA, représentée par BEAU HLB (GENEVE) SA, avec élection de domicile
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS
1. A______ SA, inscrite au registre du commerce de Genève depuis le ______2004, fait partie du groupe de société B______ SA. Elle est active notamment dans le domaine de la gestion du patrimoine et de l’octroi de prêts et de sûretés aux autres sociétés du groupe.
2. La société C______ SA (ci-après : C______) faisait également partie du même groupe de société. Son capital-actions (CHF 100'000.-) était entièrement détenu par Monsieur D______. Elle était également active dans la gestion de patrimoine.
3. Par contrat du 13 mars 2015 (« Share purchase Agreement »), M. D______ a cédé à la contribuable sa participation C______. A teneur de cet acte, le prix total de transfert n’était pas chiffré, mais serait fixé postérieurement en fonction notamment des résultats que C______ réaliserait entre le 1er janvier 2014 et le 31 mars 2017.
4. Par contrat « de fusion par absorption » du 27 novembre 2015, la contribuable et C______ ont fusionné, en ce sens que la première reprenait la seconde, avec effet au 3 juillet 2015.
5. A l’actif de son bilan 2015, la contribuable a fait état d’une « immobilisation incorporelle » de CHF 541'706,44.
Dans une annexe à ses comptes 2015, elle a précisé : « Le 13 mars 2015, la société a acquis la société F______ SA, Genève. Selon le contrat de fusion du 27 novembre 2015, la société a réalisé une fusion par absorption, avec effet rétroactif au 3 juillet 2015. Les actifs de la société absorbée se sont élevés à CHF 503'034.03, alors que les passifs repris se sont élevés à CHF 145'975.78. Il en ressort un actif net intégré de CHF 357'058.25. E______ SA a enregistré un goodwill de CHF 541'706.44 représentant la différence entre le prix payé et les actifs nets F______ SA au 3 juillet 2015. Le solde du prix d'acquisition fera encore l'objet de deux versements déterminés en fonction des revenus générés en 2016 et 2017 qui vont accroître la valeur du goodwill. Lorsque le dernier paiement sera effectué, le goodwill sera amorti sur une durée de 5 ans ».
6. Dans le cadre de la taxation de la contribuable pour l’année 2015, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a refusé d’admettre la perte de fusion (goodwill de fusion) de CHF 541'706,44, précisant qu’aucun amortissement ne serait admis sur cet actif, qui était déduit de son capital propre imposable. Cette taxation est entrée en force.
7. Dans ses comptes 2016, la contribuable la comptabilisé ce goodwill à concurrence de CHF 1'180'535,99.
8. En taxant la contribuable pour l’année 2016, l'AFC-GE a à nouveau soustrait le montant de ce goodwill de son capital propre imposable. Cette taxation est également entrée en force.
9. En 2017, la contribuable a augmenté ce goodwill à CHF 1'931'531,99, puis l’a amorti à concurrence de CHF 257'536,94.
10. Par bordereaux 2017 du 15 août 2019, l'AFC-GE a refusé d’admettre cet amortissement et repris son montant dans le bénéfice imposable.
11. Par réclamation du 16 septembre 2019, la contribuable a contesté ces bordereaux, concluant à l’admission, pour l’année 2017, du goodwill de 1'931'531,94 et de l’amortissement y relatif de CHF 257'536,94, soutenant en particulier que celui-ci ne découlait pas d’une réserve latente constitutive d’une perte de fusion improprement dite.
12. Par décisions du 21 juillet 2023, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation au motif que le goodwill litigieux constituait une perte de fusion improprement dite non déductible fiscalement.
13. Par acte du 25 août 2023, complété le 29 septembre suivant, la contribuable, sous la plume de son mandataire, a recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à leur annulation et à la déductibilité de l’amortissement de CHF 257'536,94, sous suite des frais et dépens.
Pour acquérir C______, et conformément aux termes du contrat du 13 mars 2015, elle avait effectué, en dates des 13 mai 2015, 27 avril 2016, 9 et 10 mai 2017, les avances de respectivement CHF 748'764,69, CHF 638'829,55 et CHF 750'995,95. Selon les dispositions du contrat du 13 mars 2015, le prix de vente de C______ était déterminé en fonction des revenus « pertinents » (soit des revenus bruts annuels, à l’exclusion des charges et des revenus « ponctuel »). Au 10 mai 2017, le prix définitif de la transaction était arrêté à CHF 2'288'590,19 et le goodwill activé à concurrence de CHF 1'931'531,94, après imputation de l'actif net intégré de la société transférante. Ce prix était « principalement constitué à raison des 3/5 par l'évolution du chiffre d'affaires annualisé de la clientèle sur deux périodes postérieures à l'acquisition de G______, projeté à 170 % ». Le prix de vente n’ayant pas été déterminé avant le 10 mai 2017, le goodwill était donc amorti à compter de cette date, au prorata pour l'exercice 2017 et à raison de 20 % linéaire sur 5 ans, conformément à la pratique en la matière.
Lors de la fusion par contrat du 27 novembre 2015, l’actif intégré de C______ s’élevait à CHF 357'058,25. Au 3 juillet 2015, cette dernière ne disposait que d'actifs circulants (liquidité, TVA, impôt à la source, créances) et ses actifs immobilisés étaient constitués du matériel informatique pour CHF 1.- et des « frais de fondation » pour CHF 1'500.-. Aucun actif de la société transférante ne pouvait ainsi prendre de la valeur ou avoir une valeur comptable différente de la valeur vénale. Ainsi, il n'y avait pas eu de transfert à la société reprenante de réserves latentes non imposées. Il s'agissait donc d'un véritable goodwill, et non d'une réserve latente.
L'amortissement « d'un goodwill acquis pour la somme de CHF 1'931'532.- au 10 mai 2017 par la société reprenante dont le capital imposable s'élèv[ait] à CHF 2'307'794.- (avant retranchement par l'AFC-GE du goodwill de fusion non admis fiscalement) » n'apparaissait ni insolite ni disproportionné.
Pour elle, ce goodwill représentait un réel avantage économique, dès lors qu’il lui avait permis de développer son activité et, partant, de modifier de façon substantielle ses résultats. Les mandats de gestion (clientèle) transférés en juillet 2015 avaient généré 28 % de son chiffre d’affaires 2017. Son chiffre d'affaires avait par ailleurs augmenté de manière substantielle entre 2016 et 2017 (66 %). Le montant de CHF 1'931'532.- constituait donc un réel goodwill, représenté par la clientèle transférée au 3 juillet 2015, et pouvait donc être amorti.
Le goodwill était « déterminé et constitué » au 10 mai 2017, soit bien après la fusion effective au 3 juillet 2015. Son montant représentait matériellement le prix qu’elle avait payé pour la clientèle de C______. Or, la clientèle ne pouvait être qualifiée d'un actif au bilan, celle-ci n'ayant aucune valeur comptable. Ainsi, le goodwill amorti ne s'inscrivait pas dans une perte de fusion improprement dite, puisqu'il n'y avait aucune réserve latente transférée compensant une perte de fusion. Le montant du goodwill constituait un investissement, la clientèle acquise de C______ lui permettant d'augmenter substantiellement son chiffre d'affaires.
14. Dans sa réponse du 1er février 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.
La recourante avait repris C______ par le biais d'un rachat des droits de participation, ce qui excluait la comptabilisation séparée d'un goodwill, car le prix comptabilisé pour la participation reflétait déjà la valeur de l'ensemble de l'entreprise. Sous l'angle fiscal, une participation devait être considérée comme un tout. On ne pouvait, comme en l’occurrence, distinguer diverses composantes de l'investissement dans les livres de la société mère - telles que le goodwill - et pratiquer des amortissements déductibles sur de telles composantes. Ainsi, l'amortissement d'une participation n'était fiscalement admissible que si la participation perdait de la valeur avec une certaine permanence, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
L'hypothèse de la perte de fusion proprement dite devait être écartée en l'espèce. En effet, d'une part, la recourante ne prétendait pas, à juste titre, que les participations auraient été acquise à un prix excessif. D'autre part, les participations acquises n’avaient pas perdu de leur valeur entre la date de l'acquisition et la fusion. Non seulement une perte de valeur dans une telle proximité temporelle des deux évènements était difficilement défendable, mais encore le goodwill représentait un réel avantage économique pour la recourante. Il lui avait en effet permis de développer son activité, et partant, de contribuer de façon substantielle à ses résultats, ce qu’elle démontrait elle-même. Il y a bien eu, en l'occurrence, un transfert de réserves latentes au moment de la fusion puisque le goodwill originaire, qui correspondait à la valeur de rendement de C______, avait bien été transféré à la recourante, sans être imposé. Or, ce goodwill originaire constituait bien une réserve latente qui suivait le même sort que celles identifiables et qui pouvaient être rattachées à un actif ou à un passif. Encore une fois, une participation devait être reconnue comme un tout sous l'angle fiscal et la possibilité d'amortir un goodwill était liée intrinsèquement à la possibilité d'amortir la participation. Faute de perte de valeur effective, la recourante ne se trouvait pas dans une situation de perte de fusion proprement dite, mais bien dans le cadre d'une perte de fusion improprement dite, soit d'une perte comptable, puisque le transfert des participations de la société s'était accompagné d'un transfert de ses réserves latentes. Il s'ensuivait que l'amortissement du goodwill en cause devait être refusé.
15. Dans sa réplique du 15 mars 2024, la recourante a ajouté ne pas avoir pu contester le refus du goodwill pour l’année 2015, car l’admission de sa contestation aurait conduit à une augmentation de son capital imposable. Elle persistait à soutenir que le goodwill litigieux ne correspondait pas à un goodwill de fusion, mais à un « véritable » goodwill représentant économiquement un investissement, la clientèle acquise de C______ lui permettant d’augmenter substantiellement son chiffre d’affaires.
16. Le 10 avril 2024, l'AFC-GE a campé sur sa position.
1. Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.
3. Les amortissements des actifs justifiés par l'usage commercial sont autorisés, à condition qu’ils soient comptabilisés ou, en cas de tenue d’une comptabilité simplifiée en vertu de l’art. 957 al. 2 CO, qu'ils apparaissent dans un plan spécial d'amortissements (art. 62 al. 1 LIFD et 16A de la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 - LIPM - D 3 15).
Un amortissement est justifié par l'usage commercial dans la mesure où il permet de tenir compte d'une véritable moins-value d'un poste au bilan. Il n'est pas admissible de procéder à l'amortissement d'actifs fictifs, c'est-à-dire d'actifs qui, dès l'origine, n'ont aucune valeur ou une valeur surfaite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_116/2021 du 8 juillet 2021 consid. 7.1). Le critère de la justification commerciale restreint la liberté d’appréciation offerte par le droit commercial. Par exemple, la constitution d’un amortissement supplémentaire à des fins de remplacement (art. 960a al. 4 CO) n’est pas justifiée par l’usage commercial et l’amortissement peut en principe être ajouté au bénéfice imposable conformément à l’art. 58 al. 1 let. b LIFD (Robert DANON, in Impôt fédéral direct, Commentaire romand, 2017, n. 14 s. ad art. 62 LIFD).
En général, les amortissements sont calculés sur la base de la valeur effective des différents éléments de fortune ou doivent être répartis en fonction de la durée probable d'utilisation de chacun de ces éléments (art. 16A al. 2 LIPM et 62 al. 2 LIFD).
L'amortissement permet de tenir compte de l'usure progressive ou de la baisse de valeur d'un actif. Il peut s'agir d'immobilisations corporelles (bâtiments, machines, outils et autres installations, etc.) ainsi que d'immobilisations incorporelles (brevets, marques, concessions) parmi lesquelles figure également le goodwill (Robert DANON, in op. cit., n. 19 ad art. 62).
4. Conformément au principe de périodicité, l’amortissement ne devrait en principe appréhender que la moins-value survenue au cours de la période fiscale concernée (ATF 137 II 353 consid. 6.4.5). A cet égard, la position du Tribunal fédéral est désormais très restrictive. En substance, s’il convient de tenir compte de la marge de manœuvre comptable du contribuable, on ne saurait, en revanche, admettre après coup la comptabilisation d’une charge (par exemple un amortissement), lorsque celle-ci se rattache clairement à un exercice antérieur (Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 16 ss ad art. 62 LIFD).
5. Le goodwill est la valeur immatérielle d'un commerce et correspond notamment aux possibilités de bénéfices futurs. Il dépend notamment des relations d'une entreprise, de sa renommée, de sa clientèle, de son emplacement ainsi que de sa bonne organisation technique et commerciale. Le goodwill acquis à titre onéreux peut être porté à l'actif du bilan, à son prix d'acquisition. Ce poste sera toutefois amorti aussi vite que possible, en général de manière linéaire sur cinq ans, car il n'est pas certain que l'acquéreur puisse le conserver, de sorte que cet actif a économiquement un caractère éphémère (ATA/773/2024 du 25 juin 2024 consid. 4.2.5 et les réf. citées).
Cela étant, lors de l'acquisition de droits de participation (share deal), la comptabilisation séparée d'un goodwill n'est pas possible, car le prix auquel est comptabilisée la participation reflète la valeur de l'ensemble de l'entreprise. En conséquence, l'amortissement de la participation suppose ordinairement une baisse de valeur de la société reprise. Cela dit, indépendamment d'une baisse de valeur, l'amortissement de la participation peut se justifier dans certaines circonstances. Selon certains auteurs, il en va par exemple ainsi lorsque l'acquisition des droits de participation intervient pour créer un effet de synergie au sein du groupe ou encore acquérir des parts de marché. Il appartient au contribuable d'établir l'existence du goodwill ayant fait l'objet des amortissements. L'amortissement d'un goodwill acquis pour un prix élevé par une société dont le capital imposable est nettement inférieur à ce prix est considéré comme disproportionné et non admissible fiscalement (ATA/773/2024 du 25 juin 2024 consid. 4.2.5 et les réf. citées).
6. Selon la doctrine, un amortissement sur une participation suppose ordinairement une baisse de valeur de la société (Robert DANON, in op. cit., art. 57-58 LIFD, § 44, p. 1064). Toutefois, de l'avis de certains auteurs, l'amortissement d'une participation peut dans certains cas aussi être possible fiscalement indépendamment d'une baisse de valeur, soit indépendamment de la situation et des pertes de la société achetée (Pierre-Marie GLAUSER, Goodwill et acquisition d'entreprises. Une analyse sous l'angle du droit fiscal et comptable, in Droit des sociétés, Mélanges en l'honneur de Roland RUEDIN, 2006, p. 421 ss, p. 435 s., citant deux autres avis dans le même sens). Par exemple, l'acquéreur qui recherche de nouvelles parts de marché devrait, selon ces auteurs, pouvoir amortir la part du prix des actions correspondant à son investissement et comptabiliser l'amortissement comme une charge de marketing (GLAUSER, op. cit., p. 436 et les auteurs cités).
Lorsqu’une participation est acquise auprès d’un tiers indépendant, le prix d'acquisition représente en principe la valeur vénale. Un amortissement n'est envisageable qu'en cas de perte de valeur des participations ou d'achat à un prix surfait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 8.3 destiné à la publication). Dans cette cause, la recourante soutenait que la survaleur à amortir correspondait à la différence entre le prix d'acquisition et la valeur des sociétés déterminée selon la méthode des praticiens. Le Tribunal fédéral a rejeté cette thèse, pour le motif que la méthode des praticiens supposait qu'il n'y ait pas eu de transactions entre tiers permettant d'établir un prix reflétant une valeur représentative et plausible (consid. 8.4).
7. La circulaire n° 5 du 1er juin 2004 de l'administration fédérale des contributions précise que, selon le droit commercial, une perte de fusion improprement dite peut être activée comme goodwill. Cette activation est sans incidence fiscale. La valeur déterminante pour l’impôt sur le bénéfice du goodwill est de « zéro » (réserve négative correspondant au goodwill). Lors de la détermination du bénéfice net imposable, les amortissements effectués sur le goodwill sont ajoutés au bénéfice net (ch. 4.1.5.2.3 de la circulaire).
8. Lorsque tout ou partie d’un amortissement n’est pas justifié par l’usage commercial, cette charge est ajoutée au bénéfice imposable et la valeur fiscalement déterminante de l’actif concerné doit alors être augmentée à concurrence du montant du redressement. Cette reprise influera sur le calcul des amortissements admissibles lors des exercices ultérieurs. En raison de l’augmentation de la valeur de l’actif en N, le potentiel d’amortissement en N+1 sera plus important. Dès lors, les amortissements devront être calculés sur la base de la valeur corrigée de l’actif dans le bilan fiscal. De même, en cas de vente de l’actif, cette valeur corrigée sera déterminante pour le calcul du bénéfice en capital imposable (Robert DANON, in op. cit., n. 16d ad art. 62 LIFD).
9. En ce qui concerne le fardeau de la preuve, il appartient à l'autorité fiscale de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, alors qu'il incombe au contribuable d'apporter la preuve des faits de nature à réduire ou éteindre son obligation fiscale (cf. ATF 143 II 661 consid. 7.2). S'agissant des personnes morales, le bénéfice imposable est celui qui ressort du compte de résultats, si les comptes ont été établis conformément aux règles du droit commercial, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices particulières. S'il existe une présomption selon laquelle une comptabilité établie conformément aux dispositions du droit commercial est exacte, il n'en demeure pas moins que l'autorité de taxation est habilitée à demander des renseignements à la personne morale contribuable, afin de vérifier que l'imposition peut bien avoir lieu sur la base des comptes produits. En effet, dans la procédure de taxation, le contribuable est soumis à un devoir étendu de collaboration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_132/2020 précité consid. 8.2.3).
10. En l’espèce, la recourante a acquis C______ en mars 2015, puis a fusionné avec elle en novembre de cette même année. En mai 2015, elle a versé la première tranche du prix d’acquisition de cette participation, soit CHF 748'764,69. A fin de cette exercice, elle a comptabilisé un goodwill de CHF 541'706,44, sans aucun amortissement y relatif. A fin de l’exercice 2016, et après avoir versé la deuxième tranche du prix d’acquisition (CHF 638'829,55), elle a augmenté ce goodwill à CHF 1'180'535,99, sans l’amortir. Or, si l’on devait reconnaitre l’existence de ce goodwill, la recourante aurait alors dû commencer à l’amortir dès 2015, conformément au principe de la périodicité, ce qu’elle n’a pas fait. Ainsi, déjà pour ce motif, l’amortissement litigieux devrait être rejeté.
En tout état, force est de constater que la recourante n’a pas démontré l’existence même du goodwill allégué. En effet, elle insiste sur le fait que la somme de CHF 1'931'531,94 correspondrait aux prix d’acquisition de la clientèle de C______, mais ne fournit aucun élément de preuve concret permettant de le confirmer. Le contrat d’acquisition du 13 mars 2015, qu’elle a passé avec M. D______, ne fait en effet aucunement état d’une valeur de la clientèle, mais se limite à préciser que le prix final d’acquisition est à fixer en fonction des revenus « pertinents » qui seraient réalisés jusqu’à fin mars 2017, ce que la recourante indique d’ailleurs dans son recours. Ainsi, il apparait que le prix d’acquisition a été fixé uniquement en fonction du rendement. Dans ces conditions, on ne saurait admettre l’existence d’un goodwill susceptible d’amortissement.
De plus, il s’agit manifestement d’une acquisition de droits de participation (share deal). En conséquence, d’une part, la comptabilisation séparée d'un goodwill n'était pas possible. D’autre part, le prix d'acquisition, fixé entre tiers indépendants sur le marché libre, représentait en principe la valeur vénale de C______, si bien qu’un amortissement n'était dès lors envisageable qu'en cas de perte de valeur des participations ou d'achat à un prix surfait. Or, aucune de ces deux hypothèses n’est réalisée en l’espèce, ni d'ailleurs simplement explicitée par la recourante. En effet, celle-ci indique elle-même que cette participation lui a permis d’augmenter son chiffre d’affaire à concurrence de 66 % entre 2015 et 2017, de sorte qu’il ne saurait être question d’une perte de valeur de celle-ci. En outre, elle ne prétend pas, et rien ne l’indique, que le prix d’acquisition de C______ aurait été surfait.
Enfin, faute de perte de valeur effective, la recourante ne se trouvait pas dans une situation de perte de fusion proprement dite susceptible d’être amortie. Elle ne le prétend d’ailleurs pas. Elle se limite en effet à soutenir que le goodwill litigieux ne correspondait pas à un goodwill de fusion, mais à un « véritable » goodwill, ce que, comme on vient de le voir, elle n’a pas démontré.
Au vu de ce qui précède, le refus de l'AFC-GE d’admettre le goodwill litigieux doit être confirmé.
11. Partant, le recours sera rejeté.
12. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.
13. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 25 août 2023 par A______ SA contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 20 juillet 2023 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Giedre LIDEIKYTE HUBER et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |