Décisions | Chambre des prud'hommes
ACJC/936/2025 du 09.07.2025 sur JTPH/194/2025 ( SS )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/27861/2024 ACJC/936/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des prud'hommes DU MERCREDI 9 JUILLET 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ (France), appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 18 juin 2025 (JTPH/194/2025), représenté par
Me Clara ESPIR HANOUNA, avocate, B&B Avocats, cours des Bastions 5, 1205 Genève,
et
B______ SA, sise ______ (VD), intimée, représentée par Me Rayan HOUDROUGE, avocat, Walder Wyss, rue du Rhône 14, case postale, 1211 Genève 3.
Vu le jugement JTPH/194/2025 rendu le 18 juin 2025 par le Tribunal des prud'hommes, aux termes duquel il a notamment déclaré recevable la requête de mesures provisionnelles formée le 2 décembre 2024 par B______ SA contre A______ (ch. 1 du dispositif), admis ladite requête en ce sens qu'il était ordonné au précité de cesser immédiatement son activité concurrente déployée auprès de C______ SA et toute autre société appartenant au même groupe sur le territoire de la Suisse romande jusqu'au 18 novembre 2025, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP (ch. 4) et en ce sens qu'il lui était fait interdiction d'exercer une activité de vente et installation de système de chauffage et panneaux photovoltaïques sur le territoire de la Suisse romande jusqu'au 18 novembre 2025 (ch. 5);
Vu l'appel formé le 30 juin 2025 à la Cour de justice contre ce jugement par A______, dont il a sollicité l'annulation;
Attendu, EN FAIT, que la partie appelante a conclu, à titre préalable, à la suspension du caractère exécutoire du jugement précité; qu'elle fait valoir que cette décision lui imposait de cesser immédiatement son activité au sein de C______ SA et valait ainsi condamnation à démissionner de son emploi actuel avec effet immédiat; qu'une telle décision constituait dès lors une mesure d'exécution anticipée susceptible d'avoir un effet définitif, et, en cas d'admission de son appel, lui causerait un préjudice irréparable;
Que la partie intimée a conclu, par écritures du 7 juillet 2025, au rejet de la requête d'effet suspensif;
Que les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger sur effet suspensif par plis du 8 juillet 2025;
Considérant, EN DROIT, que l'appel porte sur une décision sur mesures provisionnelles;
Que l'appel n'a pas d'effet suspensif lorsqu'il a pour objet des décisions portant sur des mesures provisionnelles (art. 315 al. 2 let. b CPC);
Que l'autorité d'appel peut toutefois exceptionnellement suspendre le caractère exécutoire de la décision si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable (art. 315 al. 4 let. b CPC);
Qu'il appartient à la partie appelante d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision préjudicielle ou incidente lui cause un préjudice difficilement réparable (ATF
134 III 426 consid. 1.2), à moins que celui-ci ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 136 IV 92 consid. 4; 133 III 629 consid. 2.3.1 in fine);
Que le dommage difficilement réparable de l'art. 261 al. 1 let. b CPC, tout comme celui de l'art. 315 al. 4 CPC, est principalement de nature factuelle; il concerne tout préjudice, patrimonial ou immatériel, et peut même résulter du seul écoulement du temps pendant le procès; qu'il s'agit d'une condition matérielle de la protection juridique provisoire dans la première disposition et de la suspension de l'exécution de la mesure ordonnée dans la seconde (ATF 138 III 378 consid. 6.3);
Que, selon la jurisprudence, saisie d'une demande d'effet suspensif, l'autorité d'appel doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels;
Qu'elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 137 III 475 consid. 4.1);
Que l'autorité cantonale d'appel doit procéder à une pesée des intérêts entre les deux préjudices difficilement réparables, celui du demandeur à l'action si la mesure n'était pas exécutée immédiatement et celui qu'entraînerait pour le défendeur l'exécution de cette mesure (ATF 138 III 378 consid. 6.3);
Que le juge prendra également en considération les chances de succès du recours (ATF 115 Ib 157 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_30/2010 du 25 mars 2010 consid. 2.3);
Qu'en l'espèce, la partie appelante rend vraisemblable qu'elle subirait un préjudice difficilement réparable en l'absence de restitution de l'effet suspensif; qu'en effet, à défaut de suspension du caractère exécutoire du jugement entrepris, elle serait contrainte de démissionner de son emploi immédiatement; que si la partie appelante devait obtenir gain de cause, sans que les effets du jugement ne soient suspendus durant la procédure d'appel, son préjudice serait irréparable puisqu'elle ne pourrait pas être replacée dans la situation qui aurait été la sienne si le caractère exécutoire était suspendu; qu'il est par ailleurs hautement vraisemblable que si la partie appelante devait mettre un terme à son contrat de travail, elle ne serait pas en mesure de retrouver sa place de travail, si son appel était admis, à l'issue de la procédure d'appel;
Que de son côté, la partie intimée peut cas échéant se prévaloir de la peine conventionnelle convenue dans le contrat de travail qui a pris fin, si le jugement entrepris devait être confirmé;
Que, prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, l'appel n'est pas dénué de chances de succès;
Qu'en conséquence, le caractère exécutoire du jugement entrepris sera suspendu;
Qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond (art. 104 al. 3 CPC).
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PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes:
Statuant sur requête de suspension de l'effet exécutoire de l'ordonnance entreprise :
Admet la requête de A______ tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement JTPH/194/2025 rendu le 18 juin 2025 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/27861/2024.
Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.
Siégeant :
Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente ad interim; Madame Fabia CURTI, greffière.
Indication des voies de recours :
La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF - RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.