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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/18466/2023

ACJC/697/2025 du 23.05.2025 sur JTPH/218/2024 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18466/2023 ACJC/697/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU VENDREDI 23 MAI 2025

 

Entre

A______ SA, sise ______ [ZH], prise en sa succursale du [quartier de] B______, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le
19 août 2024 (JTPH/218/2024), représentée par Me Michaël BIOT, avocat, BMJ Avocats SA, rue de Berne 3, 1201 Genève,

 

et

L'association C______, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Charles PIGUET, avocat, Green Avocats, rue Ferdinand-Hodler 9, 1207 Genève.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/218/2024 du 19 août 2024, reçu par les parties le
20 août 2024, le Tribunal des prud'hommes a dit que l'association C______ remplissait les conditions pour être reconnue comme un partenaire social dans le cadre de sa relation avec A______ SA (ch. 3 du dispositif), qu'elle était reconnue comme partenaire social de cette dernière (ch. 4), qu'il n'était pas perçu de frais, ni alloué de dépens (ch. 5) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B.            a. Le 18 septembre 2024, A______ SA a formé appel de ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et déboute sa partie adverse de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

b. C______ a conclu le 28 octobre 2024 à la confirmation du jugement querellé avec suite de frais et dépens.

Elle a déposé une pièce nouvelle.

c. Les 13, 18 novembre et 9 décembre 2024, C______ a déposé des écritures spontanées et des pièces nouvelles.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué les 6 janvier et 7 février 2025, puis déposé des écritures spontanées, persistant dans leurs conclusions.

e. Elles ont été informées le 25 mars 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. A______ SA a notamment comme but social la fourniture de diverses prestations en lien avec le trafic aérien.

C______ est une association dont le but est la défense des intérêts professionnels, économiques, sociaux et politiques de ses membres. Elle compte trois secrétaires syndicaux, à savoir D______, E______ et F______, cette dernière ayant été engagée en janvier 2022.

Deux des secrétaires syndicaux de C______ ont été condamnés pénalement, l'un dans le cadre de son activité syndicale antérieure et l'autre pour diffamation à l'encontre d'un membre du personnel de J______ (ci-après J______). Il n'est pas contesté que ces condamnations datent de plusieurs années.

b. Par décision du 4 février 2021, la Chambre des relations collectives de travail (ci-après CRCT) a reconnu à C______ le statut d’association représentative d’employés au sein de A______ SA.

c. Suite à une dénonciation effectuée le 21 juin 2021 par C______, l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après OCIRT) a enjoint à A______ SA, le 9 décembre 2021, de comptabiliser le temps afférent au changement des vêtements de protection comme temps de travail et de modifier sa directive à ce sujet.

Le 1er juin 2022, C______ a demandé à A______ SA l’ouverture de négociations sur la question du droit rétroactif de la prise en compte du temps d’habillage comme temps de travail, sur une période de cinq ans.

Les parties sont entrées en discussion sur ce point ainsi que sur d'autres revendications émises par C______.

d. Le 26 juillet 2022, une partie des employés de A______ SA a participé à un débrayage organisé par C______, qui a eu lieu entre 17h et 18h50 devant K______ [GE].

Le même jour, à 18h40, A______ SA a posté une communication à l’attention de ses employés attirant leur attention sur le fait que ce mouvement contrevenait aux dispositions de la CCT en vigueur et que la participation à ce débrayage était considérée comme une infraction menant à des mesures disciplinaires.

e. Le 26 juillet 2022, C______ a saisi la CRCT d'une requête visant à ce que celle-ci convoque une audience de conciliation, enjoigne à A______ SA de ne pas prononcer de sanctions relatives au débrayage et permette l’ouverture de négociations entre les parties concernant le rétroactif du temps d’habillage.

Une audience de la CRCT a eu lieu sans qu'un accord n'ait été obtenu.

f.a Le 2 août 2022, A______ SA a fait savoir à C______ qu'elle avait organisé une grève illicite ce qui remettait en cause sa qualité de partenaire social. Elle ne remplissait plus la condition de loyauté et ne pouvait pas être considérée comme une organisation à même de conclure une convention collective.

f.b Le 9 août 2022, A______ SA a informé ses employés de ce que les événements du 26 juillet 2022 et les conséquences qui avaient suivi avaient remis en cause la qualité de partenaire social de C______ qui ne remplissait plus la condition de loyauté dans la mesure où elle ne pouvait plus être considérée comme un interlocuteur fiable et de bonne foi.

g. Le 29 septembre 2022, l’OCIRT a fait savoir à A______ SA que la solution proposée par celle-ci d’accorder à ses collaborateurs un temps forfaitaire de dix minutes par jour travaillé en lien avec l'habillage professionnel répondait aux exigences légales de sorte que la procédure d’exécution à son encontre était terminée.

h. Le 6 décembre 2022, A______ SA a informé la commission du personnel du fait que C______ ne serait pas impliquée dans les discussions relatives aux nouvelles CCT en 2023 car elle n’était plus un partenaire social.

i.a Le 13 mars 2023, C______ a déposé une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, concluant à ce que le Tribunal des prud'hommes l'autorise à participer aux négociations en cours relatives à la conclusion de nouvelles CCT qui débuteraient au mois d’avril 2023 et ordonne à A______ SA de l’inclure dans lesdites négociations.

Par ordonnance JTPH/69/2023 du 14 mars 2023, le Tribunal des prud’hommes a admis la requête de mesures superprovisionelles.

Par jugement JTPH/125/2023 du 24 avril 2023, le Tribunal des prud’hommes a, notamment, rejeté la requête de mesures provisionnelles du 13 mars 2023 et révoqué les mesures superprovisionnelles.

i.b Cette décision a fait l'objet d'un appel auprès de la Cour, qui a accordé à celui-ci l'effet suspensif le 15 mai 2023, avec la conséquence que, dès cette date, C______ a réintégré les négociations des nouvelles CCT.

Par arrêt CAPH/105/2023 du 17 octobre 2023, la Cour de justice a confirmé le jugement du Tribunal du 24 avril 2023. Elle a notamment retenu que la rémunération du temps d’habillage était à première vue une question nécessitant une interprétation de la loi, qui n’aurait vraisemblablement pas dû faire l’objet d’une grève. C______ n’avait averti A______ SA de la grève qu'après celle-ci. Le doute s’agissant du comportement loyal de C______ était en outre renforcé par l’arrêt rendu le 24 août 2022 par le Tribunal fédéral, lequel avait considéré, sur la base des condamnations pénales de deux de ses représentants, que celle-ci n’avait pas adopté un comportement loyal. La Cour a conclu que l’ensemble de ces éléments était de nature à sérieusement ébranler la présomption de la condition de loyauté de C______, si bien qu’elle n’avait pas rendu vraisemblable sa prétention au fond. En outre, C______ connaissait l’existence d’un litige sur sa qualité de partenaire social depuis août-septembre 2022 mais n’avait pas entrepris de démarches avant mars 2023. Elle avait ainsi tardé à agir et ne pouvait donc se prévaloir d’une situation d’urgence. Enfin, sa demande de participer aux négociations devait être tranchée dans un jugement au fond.

j. C______ a participé, en tant que partenaire syndical, aux négociations de la nouvelle CCT liant A______ SA, lesquelles ont abouti à un accord global de principe en octobre 2023.

k. Le 23 octobre 2023, A______ SA a indiqué à C______ qu’en raison de la décision de restitution de l’effet suspensif à son recours, elle n’avait pas eu d’autre choix que de la laisser participer aux négociations, qui étaient désormais terminées. Cela étant, sa position était inchangée dans la mesure où elle considérait que C______ ne remplissait pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de partenaire social. Par conséquent, tant que cette question ne serait pas définitivement tranchée par les tribunaux, elle ne pouvait pas accepter qu’elle soit signataire des textes des CCT.

Le même jour, A______ SA a fait savoir à ses employés, que les syndicats H______, G______ et C______ avaient approuvé une nouvelle CCT d’une durée de quatre ans. Elle poursuivait le processus de signature avec les syndicats G______ et H______, C______ n’étant pas habilité à signer en qualité de partenaire.

D. a. Par acte du 26 mai 2023, introduit en temps utile suite à l'échec de la tentative de conciliation, C______ a conclu principalement à ce que le Tribunal reconnaisse sa qualité de partenaire social dans le cadre de sa relation avec A______ SA et ordonne à cette dernière de la reconnaître comme tel.

b. A______ SA a conclu au déboutement de C______ de toutes ses conclusions.

Elle a notamment allégué que, sur les quatre conditions que devait remplir une organisation de travailleurs pour être reconnue comme partenaire social, celle de la loyauté n’était pas remplie par C______. En effet, deux de ses représentants avaient été condamnés pénalement, l'un était accusé de harcèlement sexuel, sa partie adverse avait organisé une grève illicite le 26 juillet 2022 et elle avait caché au Tribunal, dans sa requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles, qu'elle était informée depuis août 2022 qu'elle ne serait pas reconnue comme partenaire social, afin de se prévaloir d’une urgence inexistante.

c. La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l’issue de l’audience du
18 avril 2024, lors de laquelle les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.

d. Le 22 août 2024, soit postérieurement au prononcé du jugement querellé, C______ a fait savoir à A______ SA qu'elle réitérait son offre de ratifier la dernière CCT qu'elle avait contribué à négocier et confirmait sa volonté de poursuivre le travail constructif effectué jusque-là.

e. En parallèle à la présente procédure, C______ a été reconnue comme partenaire social par l'[hôpital] J______ et l'[EMS] I______.

e.a La reconnaissance par J______ s'est inscrite dans le contexte suivant.

En décembre 2020, J______ avaient refusé de reconnaître C______ comme partenaire social, au motif notamment que le critère de loyauté n'était pas réalisé. Cette décision a été confirmée par arrêt ATA/1010/2021 de la Chambre administrative de la Cour de justice du 28 septembre 2021, puis par arrêt 2C_868/2021 du Tribunal fédéral du 24 août 2022.

En ______ 2023, J______ et C______ ont publié un communiqué de presse duquel il résulte que les premiers ont reconsidéré leur position et reconnu la seconde comme partenaire social, au motif notamment que celle-ci avait démontré sa volonté de dialoguer de manière constructive ainsi que ses capacités à être un partenaire social au cours de différentes réunions tenues au cours de plusieurs mois.

En ______ 2024, J______ et C______, après plusieurs mois de discussions, ont conclu un accord cadrant les conditions de déménagement du Service de stérilisation de J______, concernant notamment les conditions de parking du personnel, la cafétéria et les repas sur le lieu de travail.

e.b En ______ 2024, C______ est par ailleurs devenu partenaire social de I______. Le communiqué de presse publié à cet effet relève que les rencontres intervenues entre les intéressés en 2024 ont mis en évidence une évolution de leurs relations professionnelles favorable à un climat de confiance mutuelle.

EN DROIT

1.             L'appel, formé dans les délais et forme légaux, contre une décision finale de nature non patrimoniale est recevable (art. 308 et 311 CPC).

2.             L'intimée a produit plusieurs pièces nouvelles.

2.1 Selon l'article 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise.

2.2 Les pièces nouvelles déposées par l'intimée sont postérieures à la date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal et ont été produites sans retard, de sorte qu'elles sont recevables, à l'instar des allégués y relatifs.

3.             Le Tribunal a retenu que la grève du 26 juillet 2022 était illicite car contraire à l'obligation de respecter la paix du travail. Elle ne constituait pas une ultima ratio puisque des négociations étaient en cours entre les parties et elle ne respectait pas le principe de proportionnalité, quand bien même elle était limitée dans le temps et n'avait pas impacté l'activité de l'appelante. L'appelante n'avait cependant pas renversé la présomption selon laquelle l'intimée remplissait la condition de la loyauté, nécessaire pour qu'un syndicat soit reconnu comme partenaire social. L'intimée ne s'était pas montrée loyale par le passé, mais elle avait modifié son comportement, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de craindre qu'elle agirait à l'avenir de manière déloyale dans le dialogue social. Les condamnations pénales des deux secrétaires syndicaux de l'intimée dataient de plusieurs années, ce qui réduisait la gravité des actes de ces derniers, qui avaient "purgé leur peine". Entre mai 2023 et avril 2024, l'intimée s'était montrée parfaitement loyale dans les négociations auxquelles elle avait participé. Les communiqués de l'appelante faisaient état de négociations tenues dans une "dynamique constructive" et le ton des échanges entre les parties était cordial, l'intimée ayant à plusieurs reprises fait état de sa volonté de négocier de manière constructive. Le litige avec J______ était quant à lui clos, ces derniers ayant reconnu la capacité de l'intimée à négocier loyalement.

L'appelante fait valoir que l'ancienneté des condamnations pénales des secrétaires syndicaux de l'intimée n'a pas été valablement alléguée par les parties et n'est en tout état pas un élément pertinent à prendre en compte puisque le Tribunal fédéral a jugé dans l'arrêt 2C_868/2021 du 24 août 2022 que ces condamnations étaient propres à susciter des doutes sur la loyauté de l'intimée. Le comportement adopté par celle-ci pendant la durée de la procédure n'était pas déterminant. Elle avait organisé une grève illicite et dissimulé au Tribunal le fait qu'elle savait, sept mois avant le dépôt de sa requête de mesures superprovisionnelles, qu'elle ne serait pas reconnue comme partenaire social par l'appelante ce qui attestait de son manque de loyauté. La reconnaissance de l'intimée comme partenaire social par J______ n'était pas pertinente. La grève du 26 juillet 2022 était d'autant plus illégale qu'elle ne se rapportait pas aux relations de travail.

3.1 Selon l'art. 28 al. 1 Cst., les travailleurs, les employeurs et leurs organisations ont le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d'y adhérer ou non. On distingue la liberté syndicale individuelle de la liberté syndicale collective. La première donne à l'individu le droit de contribuer à la création d'un syndicat, d'adhérer à un syndicat existant ou de participer à son activité (liberté syndicale positive), ainsi que celui de ne pas y adhérer ou d'en sortir (liberté syndicale négative), sans se heurter à des entraves étatiques. La seconde garantit au syndicat la possibilité d'exister et d'agir en tant que tel, c'est-à-dire de défendre les intérêts de ses membres. Elle implique notamment le droit de participer à des négociations collectives et de conclure des conventions collectives (ATF 143 I 403 consid. 6.1; 140 I 257 consid. 5.1).

Lorsque les conditions de travail sont régies par des conventions collectives, les syndicats ont le droit de participer aux négociations collectives, de conclure ces conventions collectives et d'y adhérer (ATF 140 I 257 consid. 5; 129 I 113
consid. 1.3). Ce droit n'est toutefois pas d'emblée ouvert à tout syndicat sans restrictions, car il y aurait autrement un risque d'aboutir à une trop grande multiplication des acteurs sociaux propre à nuire à la qualité et à l'efficacité du dialogue social (ATF 141 III 418 consid. 4.2; 140 I 257 consid. 5.2 et 5.2.1;
129 I 113 consid. 3.4). C'est pour cette raison que seul un syndicat reconnu comme partenaire social peut se prévaloir d'un droit à entrer dans le dialogue social en invoquant l'art. 28 Cst. (ATF 140 I 257 consid. 5.2).

Pour être reconnu comme partenaire social, un syndicat doit remplir les quatre conditions cumulatives suivantes : avoir la compétence de conclure des conventions collectives, être compétent à raison du lieu et de la matière, être suffisamment représentatif et faire preuve d'un comportement loyal
(ATF 141 III 418 consid. 4.2; 140 I 257 consid. 5.2 et 5.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_118/2014 du 22 mars 2015 consid. 4.1). Les conditions de représentativité et de loyauté sont des notions juridiquement indéterminées, qui doivent être concrétisées dans chaque cas particulier par usage du pouvoir d'appréciation (ATF 140 I 257 consid. 6). Le refus injustifié de reconnaître un syndicat comme partenaire social constitue une violation de la liberté syndicale dans sa dimension collective (ATF 140 I 257 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_118/2014 du 22 mars 2015 consid. 4.1).

La condition de loyauté implique que le syndicat concerné se déclare prêt à respecter toutes les obligations découlant de la convention collective de travail et, de manière générale, qu'il soit un partenaire social digne de confiance
(ATF 140 I 257 consid. 6.2; 118 II 431 consid. 4a). Le syndicat doit ainsi se montrer comme un interlocuteur fiable et de bonne foi. Tel n'est en particulier pas le cas s'il entrave les négociations collectives de manière abusive ou s'il porte des accusations abusives à l'encontre des autres partenaires sociaux. La condition de loyauté a trait au comportement du syndicat avec les autres partenaires sociaux et non avec ses propres membres (ATF 140 I 257 consid. 6.2).

Dans la règle, la condition de loyauté, qui est une des modalités de la bonne foi, doit être considérée comme présumée. En conséquence, si un syndicat demandant à être reconnu comme partenaire social se déclare prêt à respecter les obligations découlant de la convention collective de travail ou, plus largement, l'obligation de se comporter comme un partenaire social digne de confiance et qu'il remplit par ailleurs les autres conditions de reconnaissance, l'employeur ne peut alors en principe pas refuser de le reconnaître, sauf s'il apporte la preuve que la condition de loyauté n'est pas réalisée en raison de comportements passés de nature à faire sérieusement craindre qu'il n'agirait pas de manière loyale dans le dialogue social (ATF 140 I 257 consid. 6.2; ATF 113 II 37 consid. 5).

Dès lors que les syndicats ont le droit de défendre les intérêts de leurs membres, le fait qu'un syndicat soit ou ait été en conflit avec l'employeur, voire avec un autre partenaire social, n'est pas suffisant pour retenir un manque de loyauté
(ATF 129 I 113 consid. 5.3 et 5.4), pour autant que son comportement reste ou soit demeuré loyal à cette occasion (Dubey, Droits fondamentaux, vol. II, 2018, p. 538).

Par arrêt 2C_868/2021 du 24 août 2022, le Tribunal fédéral a confirmé un arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice genevoise qui avait retenu que J______ avaient à juste titre refusé de reconnaitre C______ comme partenaire social au motif que les critères de loyauté de ce syndicat n'étaient pas remplis. Le fait que deux représentants de C______ aient été condamnés pénalement, l'un dans le cadre de son activité syndicale antérieure et l'autre pour diffamation à l'encontre d'un membre du personnel de J______, étaient des éléments pertinents dans ce cadre. Selon le Tribunal fédéral, le fait que les représentants de C______ aient déjà méconnu le cadre légal était propre à susciter des doutes sur la volonté et la capacité de celle-ci à agir de manière loyale dans le dialogue social. Que l'une des condamnations remonte à 2012 n'y changeait rien. A cela s'ajoutait que, au cours de la procédure de reconnaissance de son statut de partenaire social, C______ avait tenté de faire pression sur J______ en leur fixant des ultimatums et en faisant fi de la procédure en cours, ce qui n'était pas loyal. C______ avait organisé et soutenu deux mouvements de grève illicites en septembre 2020 et mars 2021. Elle avait ainsi fait preuve d'un comportement de nature à faire craindre qu'elle ne se comporterait pas de manière loyale dans le dialogue social (consid. 6.5 à 6.7).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a correctement appliqué la loi et la jurisprudence en considérant que l'appelante n'avait pas établi que le comportement déloyal passé de l'intimée était de nature à faire sérieusement craindre qu'elle n'agirait pas de manière loyale dans le dialogue social à l'avenir.

S'il n'est pas contesté que, par le passé, l'intimée a adopté une attitude largement inadéquate, dans le cadre de l'accomplissement de sa mission, attitude qui a été qualifiée de contraire à la loyauté par le Tribunal fédéral, il résulte du dossier que l'intéressée a su tirer les leçons de ses erreurs et a modifié son attitude postérieurement au prononcé de l'arrêt du Tribunal fédéral du 24 août 2022.

Depuis mai 2023, elle a participé aux négociations des nouvelles CCT pour le personnel de l'appelante et il n'est pas contesté que son attitude dans ce cadre a été appropriée. Les négociations ont d'ailleurs abouti à un accord global en octobre 2023.

Le changement d'attitude de l'intimée est de plus confirmé par le communiqué de presse publié conjointement par celle-ci et J______ en novembre 2023, duquel il ressort que l'intimée a, au cours de différentes réunions tenues sur une période de plusieurs mois, démontré sa volonté de dialoguer de manière constructive et sa capacité à être un partenaire social. Ce qui précède est corroboré par le fait que l'intimée a été capable de négocier avec J______ un nouvel accord en lien avec le déménagement du Service de stérilisation de ceux-ci fin 2024.

Le fait que l'intimée soit devenue, en novembre 2024, partenaire social de I______ est également un élément supplémentaire confirmant qu'elle est capable de négocier loyalement et qu'elle peut être reconnue comme partenaire social dans la présente cause.

Il n'y a ainsi pas de motif de retenir à ce stade que la participation de l'intimée à la négociation des CCT liant l'appelante serait de nature à nuire à la qualité du dialogue social, étant souligné que le droit des syndicats de défendre les intérêts de leurs membres est reconnu par la Constitution et ne saurait être restreint sans motif sérieux.

Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, le fait que deux secrétaires syndicaux de l'intimée aient été condamnés pénalement par le passé, pour des faits en lien avec leur activité professionnelle, n'est pas déterminant. Il résulte du dossier que cet élément n'a pas empêché l'intimée de participer, par la suite, de manière utile et loyale, à différentes négociations qui ont abouti.

Il est ainsi établi que l'intimée est parvenue à prendre des mesures permettant d'éviter les dérapages dus au comportement de certains de ses membres, qui se sont produits par le passé, de sorte qu'il n'y a pas lieu de craindre sérieusement qu'elle ne parviendra pas à se comporter de manière loyale dans le cadre de futures négociations syndicales.

Pour les mêmes motifs, la grève illicite organisée par l'intimée en juillet 2022 n'est pas déterminante puisque cet élément est antérieur au prononcé de l'arrêt du Tribunal fédéral d'août 2022 et au changement d'attitude de l'intimée. A cet égard, il n'est pas contesté que cette grève était illicite, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si elle se rapportait ou non aux relations de travail, puisque cela n'a aucun impact sur la solution du litige.

Le fait que l'intimée n'ait pas indiqué dans sa demande de mesures provisionnelles qu'elle était au courant depuis plusieurs mois du fait que l'appelante n'entendait pas la reconnaître comme partenaire social n'est quant à lui pas un motif pertinent de retenir comme établi qu'elle adoptera à l'avenir un comportement déloyal dans les négociations entre partenaires sociaux, au vu des éléments relevés ci-dessus. Cet élément n'a d'ailleurs été pris en compte dans l'arrêt de la Cour sur mesures provisionnelles que sous l'angle de la réalisation de la condition d'urgence nécessitant le prononcé desdites mesures, et non en lien avec les conditions de fond de la prétention de l'intimée.

Le jugement querellé sera dès lors confirmé.

4. L'appelante, qui succombe, sera condamnée à verser à l'Etat de Genève 1'000 fr. au titre des frais judiciaires d'appel (art 18 et 71 RTFMC et 106 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

 

* * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé par A______ SA contre le jugement JTPH/218/2024 rendu le 19 août 2024 par le Tribunal des prud'hommes.

Au fond :

Confirme le jugement précité.

Condamne A______ SA à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaires, 1'000 fr. au titre des frais judiciaires d'appel.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Pierre-Alain L'HÔTE, Madame Filipa CHINARRO, juges assesseurs ; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.