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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/18861/2024

ACJC/1057/2025 du 06.08.2025 sur JTBL/1234/2024 ( SBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18861/2024 ACJC/1057/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 6 AOUT 2025

 

Entre

Madame A______, Monsieur B______ domiciliés ______, appelants et recourants contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 16 décembre 2024,

et

1) C______ SA, p.a. D______ SA, ______, intimée, représentée par
Me Tatiana GURBANOV, avocate, rue du Général-Dufour 11, 1204 Genève,

2) Monsieur E______, Madame F______, c/o B______, ______, autres intimés.

 


EN FAIT

A.         Par jugement JTBL/1234/2024 du 16 décembre 2024, expédié pour notification aux parties le 9 avril 2025, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ et B______ à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec eux l'appartement de 4,5 pièces situé au 5ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (ch. 1), condamné F______ et E______ à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec eux l'appartement de 4,5 pièces situé au 5ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (ch. 2), autorisé C______ SA à requérir l'évacuation par la force publique de A______, B______, F______ et E______ après l'écoulement d'un délai de six mois dès l'entrée en force du jugement (ch. 3), a condamné A______ et B______ à verser à C______ SA 14 fr. 95 et 200 fr. "tous deux" avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juin 2024 (ch. 4), a autorisé la libération de la garantie de loyer constituée le 18 décembre 2018 par A______ et B______ auprès de G______ SA [service de cautionnement] sous numéro de police 2018.2______ en faveur de C______ SA à concurrence de 214 fr. 95 et le solde en faveur de A______ et B______ (ch. 5), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6), et dit que la procédure était gratuite (ch. 7).

Au chiffre 4 du dispositif de ce jugement, la mention du montant de 200 fr. suivie des termes "tous deux", a fait l'objet d'un biffage. Il en va de même, au chiffre 5 dudit dispositif, du nombre "2" dans le montant de 214 fr. 95. En regard de ces deux biffages ont été apposées les mentions "rectification art. 334 CPC", assortie du tampon du Tribunal de première instance et de la signature du président du Tribunal.

Le jugement porte, en page de garde, la mention "le présent jugement motivé et rectifié selon art. 334 CPC est communiqué pour notification aux parties".

B.          Par acte expédié le 15 avril 2025 à la Cour de justice, A______ et B______, comparant en personne, ont formé "recours" contre ce jugement. Ils n'ont pas pris de conclusions expresses. Ils ont évoqué leur situation familiale, leur absence d'un autre logement, la mauvaise foi du sous-locataire, et le règlement des montants dus.

C______ SA a conclu à la forme à l'irrecevabilité du recours, au fond au rejet de celui-ci, se prévalant de ce que seuls les chiffres 4 et 5 du dispositif du jugement du Tribunal ont été rectifiés par jugement du 5 avril 2025 alors que les précités ne les contestaient pas, et que par ailleurs ils auraient été forclos à demander la motivation du jugement non motivé, le délai pour ce faire arrivant à échéance le 23 janvier 2025 au plus tard.

E______ et F______ ne se sont pas déterminés.

Par avis du 6 juin 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.         Il résulte de la procédure de première instance les faits pertinents suivants :

a. Le 28 novembre 2018, C______ SA a remis à bail à A______ et B______ un appartement de 4,5 pièces au 5ème étage et une cave sis dans l'immeuble situé rue 1______ no. ______ à Genève.

Le contrat de bail, conclu pour une durée initiale de trois ans et cinq mois, du 1er décembre 2018 au 31 avril 2022, se reconduisait tacitement d'année en année.

Le loyer a été fixé en dernier lieu à 2'128 fr. par mois, acomptes de charges en 230 fr. en sus.

b. Le 18 décembre 2018, A______ et B______ ont constitué une garantie de loyer de 6'380 fr.

c. Le 1er septembre 2022, ils ont remis l'objet du bail en sous-location (autorisée par C______ SA jusqu'au 31 mars 2023) à F______ et E______.

Par courrier du 26 mai 2023, A______ et B______ ont informé la régie de leur retour dans les locaux loués.

d. Par avis comminatoires du 16 mai 2024, C______ SA a mis en demeure A______ et B______ de lui régler dans les trente jours 4'836 fr. à titre d'arriéré de loyers (4'256 fr.) et de charges (460 fr.) pour la période du 1er avril au 31 mai 2024, ainsi qu'à titre de frais de rappels impayés (20 fr.) et de mise en demeure (100 fr.). Elle les a informés de son intention de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO à défaut du paiement intégral des montants précités dans le délai imparti.

Le 27 mai 2024, 2'318 fr. ont été versés.

Par avis officiels du 24 juin 2024, considérant que le montant requis n'avait pas été intégralement réglé, C______ SA a résilié le bail pour le 31 juillet 2024.

e. Le 13 août 2024, C______ SA a saisi le Tribunal d'une requête en évacuation et en paiement dirigée contre A______, B______, E______ et F______.

A l'audience du Tribunal du 25 novembre 2024, C______ SA a persisté dans sa requête, précisant que l'arriéré avait été réglé (sous réserve de 14 fr. 95), et consentant à l'octroi d'un délai humanitaire de six mois aux sous-locataires avant de faire exécuter l'évacuation requise, pour autant que les indemnités courantes soient régulièrement versées. B______, F______ et E______ ont comparu. A teneur du procès-verbal d'audience, aucun d'entre eux n'a pris de conclusions. Seul E______ a fait une déclaration, à savoir qu'il travaillait depuis "récemment" à raison d'environ 20%, que sa femme ne travaillait pas, et que le couple avait des enfants de 2 ans et quatre mois; il versait à B______ un loyer [mensuel] de 2'318 fr, et le couple cherchait un autre logement.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

f. Le 16 décembre 2024, le Tribunal a rendu un jugement non motivé, communiqué aux parties le 2 janvier 2025, notamment reçu, selon acte de notification d'huissier judiciaire, le 7 janvier 2025 par A______ et le 8 janvier 2025 par B______.

Par pli posté le 11 janvier 2025 à l'adresse du Tribunal, A______ et B______ ont manifesté leur "opposition" au jugement.

Par pli posté le 22 janvier 2025, ils se sont à nouveau adressés au Tribunal, en ces termes : "je tiens à vous confirmer le courrier du 11/1/2025 adressé à vous est une motivation et recours contre le jugement 16/12/2024 du Tribunal et le courrier du 11/1/2025 est une demande de motivation".

Le dossier du Tribunal ne comporte pas de pièce permettant de déterminer si les deux courriers précités ont été transmis à C______ SA.

Sur quoi, le jugement attaqué a été rendu.

EN DROIT

1. La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC.

1.1 Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle.

S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3, JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, pp. 69-70).

1.2 En l'espèce, les locataires ne précisent pas ce qu'ils contestent, de sorte que la question de savoir s'ils forment appel et recours, ou recours seulement, n'est pas aisément déterminable.

En tout état, au vu du montant du loyer mensuel, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte en ce qui concerne le prononcé de l'évacuation.

1.3 Seule la voie du recours est ouverte contre les mesures d'exécution (art. 309 CPC).

1.4 L'appel et le recours ont été formés dans les délais prévus par la loi (art. 130, 131 CPC), à compter de la notification du jugement motivé, elle-même requise dans le délai légal (art. 239 al. 2 CPC), le courrier des appelants du 11 janvier 2025 devant être interprété dans le sens d'une demande de motivation.

A cet égard, les développements de l'intimée relatifs à la rectification opérée par les premiers juges, intervenue à en croire le dossier du Tribunal, d'office au moment de la rédaction de la décision motivée, sont sans portée.

1.5 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont recevables qu'aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC. Les nova improprement dits (ou faux ou pseudo-nova) ne sont recevables qu'à deux conditions : (1) la partie qui s'en prévaut ne pouvait les invoquer avant, malgré sa diligence et (2) elle les présente sans retard.

Dans les procédures en protection des cas clairs, les exigences posées par l'art. 257 al. 1 CPC doivent être satisfaites en première instance déjà et le juge d'appel ne saurait contrôler l'appréciation du tribunal sur la base de pièces différentes, fussent-elles recevables au regard de l'art. 317 al. 1 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 4A_376/2021 précité consid. 4.2.2; 4A_420/2012 du 7 novembre 2012 consid. 5; 4A_312/2013 du 17 octobre 2013 consid. 3.2).

Les conclusions, allégations de faits et preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 al. 1 CPC).

1.6 Il incombe à l'appelant de motiver son appel, c’est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.7 En l'espèce, selon le procès-verbal de l'audience du Tribunal, les appelants n'ont pas pris de conclusions en première instance, ni fait de déclarations.

Les conclusions et faits qu'ils soumettent pour la première fois à la Cour sont ainsi nouveaux, tant sur appel que sur recours.

Par ailleurs, ils ne critiquent pas les motifs du jugement entrepris, singulièrement la réalisation des conditions de l'art. 257d CO, ou les montants qu'ils ont été condamnés à payer. Leurs doléances se rapportent à leur situation personnelle, familiale et financière, toute entière fondée sur des faits non exposés en première instance, donc irrecevables. Pour le surplus, un relativement long délai de départ leur a été consenti par l'intimée, de sorte qu'en tout état, le principe de proportionnalité a été respecté.

Au vu de ce qui précède, l'appel et le recours sont entièrement irrecevables.

2. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,

La Chambre des baux et loyers :


Déclare irrecevables l'appel et le recours formés le 15 avril 2025 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/1234/2024 rendu le 16 décembre 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/18861/2024.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, Monsieur
Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2