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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/29963/2018

ACJC/649/2025 du 20.05.2025 sur JTBL/543/2024 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29963/2018 ACJC/649/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 20 MAI 2025

 

Entre

 

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 22 mai 2024 et intimée sur appel joint, représentée par
Me Stéphane REY, avocat, rue Michel-Chauvet 3, case postale 477, 1211 Genève 12,

 

et

 

Madame B______, p.a. [société] C______, ______, intimée et appelante sur appel joint.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/543/2024 du 22 mai 2024, reçu par les parties le 28 mai 2024, le Tribunal des baux et loyers a réduit de 15 % du 21 mars 2018 au 14 juin 2022 le loyer de l’appartement de 4 pièces loué par A______ au 1er étage (duplex) de l’immeuble sis no. ______, route 1______ à D______ (GE) (ch. 1 du dispositif), validé la consignation de loyer opérée par A______ sur le compte no 14L 2018/2______ auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 2), ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire la libération des loyers consignés à concurrence des réductions octroyées sous chiffre 1 du dispositif en faveur de A______, et à concurrence du solde en faveur de B______ (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 27 juin 2024 à la Cour de justice, A______ (ci-après également : la locataire ou l’appelante) a formé appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut, cela fait principalement, à ce que la Cour valide la consignation du loyer n° 14L 2018/2______, ordonne à la bailleresse de procéder, à ses frais et dans les règles de l’art à tous les travaux nécessaires pour supprimer l’origine des infiltrations d’eau et d’humidité dans l’appartement et pour remettre en état, dans les règles de l’art, les pièces endommagées, soit le salon, la cuisine, la chambre no 2, le hall d’entrée et la salle de bains, dise que l’intégralité du loyer pourra être consignée jusqu’à complète et parfaite exécution des travaux susmentionnés, lui octroie une réduction de loyer de 35 % dès le 21 mars 2018 et jusqu’à la complète et parfaite exécution desdits travaux, dise que les loyers seront déconsignés en faveur de la bailleresse, une fois les travaux effectués, sous déduction de la somme correspondant à la réduction de loyer qui lui est due pour la période courant du 21 mars 2018 jusqu’au jour où l’intégralité des travaux précités aura été exécutée, condamne la bailleresse en tous les frais et dépens et la déboute de toutes autres ou contraires conclusions. Subsidiairement, elle conclut à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal des baux et loyers pour nouvelle décision.

b. Dans sa réponse du 2 septembre 2024, B______ (ci-après également : la bailleresse ou l’intimée) conclut, sur réponse principale, à la confirmation du jugement entrepris. Sur appel joint, elle conclut à l’annulation du jugement, à ce qu’aucune réduction de loyer ne soit accordée à la locataire, à ce que la Cour ordonne la déconsignation de l’intégralité des loyers n° 14L 2018/2______ en sa faveur et au déboutement de la locataire de toutes autres ou contraires conclusions.

c. Dans son écriture du 9 octobre 2024, la locataire a conclu au rejet de l’appel joint. Elle a répliqué sur appel principal, en persistant dans ses conclusions.

d. Par acte du 13 novembre 2024, la bailleresse a persisté dans ses conclusions.

e. La locataire s’est encore déterminée le 16 décembre 2024.

f. Les parties ont été avisées le 22 janvier 2025 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

g. Le 20 février 2025, la bailleresse a adressé des déterminations complémentaires à la Cour.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 26 septembre 2001, [la banque] E______, en qualité de bailleresse, et P______ et A______, en qualité de locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d’un appartement de quatre pièces en duplex au 1er étage de l’immeuble sis no. ______, route 1______, [code postal] D______.

Le bail a été conclu pour une durée initiale d’une année, du 1er novembre 2001 au 31 octobre 2002. Il s’est ensuite renouvelé tacitement d’année en année.

b. Par avenant du 2 octobre 2007, A______ est devenue seule titulaire du contrat de bail à loyer.

c. Par courrier du 9 août 2012, la locataire a été informée du fait que B______ était devenue la nouvelle propriétaire de l’appartement.

d. Le loyer mensuel a été fixé en dernier lieu à 1’512 fr., hors charges, dès le 1er novembre 2013.

e. L’immeuble est géré par F______ (ci-après : la régie).

f. Dans le cadre d’un premier litige ayant opposé les parties, le Tribunal des baux et loyers a, par jugement JTBL/216/2017 du 7 mars 2017, donné acte à B______ de ce qu'elle s'engageait à exécuter les travaux suivants, à ses frais et conformément aux règles de l’art : refaire le revêtement du sol du hall d'entrée; remplacer l'agencement des meubles de la cuisine; fixer correctement la baignoire pour qu'elle ne bouge pas; refaire le joint d’étanchéité autour de la baignoire; supprimer le problème de moisissures au bas du mur entre la salle de bains et le hall d'entrée, côté hall d'entrée. Il l'y a condamnée en tant que de besoin (ch. 1). Il a réduit le loyer de l’appartement de 10 fr. par mois du 29 décembre 2014 jusqu’à complète exécution des travaux listés sous chiffre 1 du dispositif du jugement (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

Par arrêt du 28 février 2019 (ACJC/340/2019), la Cour de justice a annulé le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris et, statuant à nouveau sur ce point, réduit le loyer de l’appartement de 15% du 11 décembre 2014 au 11 décembre 2015, 12% du 12 décembre 2015 au 15 avril 2016 et 8% du 16 avril 2016 jusqu’à complète exécution des travaux restant à effectuer à teneur du chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris, et condamné en conséquence la bailleresse à restituer à la locataire le trop-perçu de loyer en découlant.

g. Par courrier du 21 mars 2018, la bailleresse a été informée du fait que des problèmes de moisissures et d’humidité étaient apparus dans l'appartement et avaient touché le salon, la cuisine, la chambre no 2, le hall d'entrée et la salle de bains.

h. Une entreprise de ventilation est intervenue en avril 2018 et a constaté la présence d'humidité sur les murs de la chambre, du salon, du couloir et de la cuisine, provenant d'une ancienne fuite sanitaire.

i. Par courrier du 8 juin 2018, la locataire a mis en demeure la bailleresse de régler le problème avant le 20 juillet 2018, à défaut de quoi le loyer serait consigné.

j. Le 19 juillet 2018, l’entreprise G______ SA est intervenue à la demande de la régie, afin de contrôler la toiture au-dessus de l’appartement concerné. Elle n’a pas constaté de problèmes en lien avec la toiture mais a constaté des moisissures plus ou moins importantes sur plusieurs zones de l’appartement, un manque de ventilation (absence de grille d’aération aux fenêtres), la présence de lambris détachés sur le balcon et d’un nid de frelons. Les moisissures étaient dues, selon elle, à un manque de ventilation et de pont thermique.

k. Par courrier du 28 août 2018, la régie a indiqué avoir constaté l’existence d’une fuite sous l’évier et avoir mandaté l’entreprise H______ SA pour y remédier, à laquelle la locataire avait refusé l’accès à deux reprises.

l. Par courrier du 17 septembre 2018, la locataire a contesté refuser l’accès à son logement aux entreprises concernées, tout en niant l’existence d’une fuite d’eau sous l’évier de la cuisine. Elle a mis la bailleresse en demeure de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin aux infiltrations d’eau et aux moisissures et remettre en état les pièces endommagées avant le 20 octobre 2018, sous menace de consignation.

m. Par courrier du 20 septembre 2018, la régie a rappelé avoir mandaté quatre entreprises, dont une lui avait signifié que la locataire ne l’autorisait pas à se rendre chez elle sans une demande écrite de la régie et une autre que la locataire ne souhaitait pas son intervention.

n. Par courrier du 12 octobre 2018, la locataire a répondu qu’elle n’autoriserait l’intervention des diverses entreprises qu’après avoir reçu les bons de travail délivrés par la régie. Elle a maintenu sa mise en demeure du 17 septembre 2018, en reportant d’un mois le délai imparti et indiqué qu’elle ne pouvait utiliser aucun de ses deux balcons en raison, d’une part, des mauvaises odeurs persistant suite à l’enlèvement du nid de frelons et, d’autre part, de la présence d’excréments de fouines.

o. La locataire a consigné le loyer dès le mois de décembre 2018 sous compte n14L 2018/2______.

p. Dans son rapport du 4 décembre 2018, l’entreprise I______ SA a relevé des valeurs hydrométriques trop élevées dans les pièces évaluées, à savoir le salon, la cuisine et la salle de bains.

q. Le 14 décembre 2018, deux grilles d’aération ont été posées sur la traverse haute des fenêtres du séjour.

r. Le 21 décembre 2018, la locataire a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d’une requête en validation de la consignation du loyer, en exécution de travaux et en réduction de loyer à raison de 35% dès le 21 mars 2018 et jusqu’à exécution complète des travaux sollicités.

s. En parallèle de la procédure pendante, la locataire a pris contact avec la Police du feu, laquelle s’est rendue dans l’appartement le 24 octobre 2019 pour la première fois.

t. Par courrier du 28 novembre 2019, la Police du feu a sollicité de la bailleresse, sur la base des constatations effectuées, qu’elle entreprenne les travaux suivants :

- fournir un descriptif des travaux à réaliser ainsi que les fiches techniques des produits, en particulier pour la colle à faïences;

- raccorder la hotte existante à une extraction en façade ou en toiture, ou la remplacer par une hotte à circuit fermé;

- créer une entrée d'air dans la salle de bains (par le tablettage de la porte de 15 mm ou par la pose d'une grille de ventilation);

- s’assurer de la ventilation naturelle des pièces, particulièrement dans la salle de bains et la cuisine;

- compléter les réglettes de ventilation sur les menuiseries;

- reposer les dalles du balcon dans les règles de l'art, à savoir sur taquets permettant un bon écoulement de l'eau;

- fournir le rapport de contrôle des installations électriques SIG;

- déposer le parquet flottant inadapté au chauffage du sol.

u. Par courrier du 6 juillet 2020, la bailleresse a sollicité de la locataire qu’elle libère les loyers consignés à hauteur de 6’000 fr., et qu’elle ne consigne que la moitié du loyer pour le futur, afin de lui permettre d’entreprendre les travaux restants. Elle disposait en effet de moyens limités et ne percevait plus de loyer depuis le mois de décembre 2018.

La même demande, portant sur une déconsignation des loyers à hauteur de 10’000 fr., a été réitérée les 1er février 2021 et 12 juillet 2022.

D’entente entre les parties, un montant de 10’000 fr. a été libéré en faveur de la bailleresse le 5 novembre 2021 et un montant de 9’073 fr. 30 en faveur de la locataire.

v. La bailleresse a entrepris les travaux suivants entre 2019 et 2022 :

- réfection des peintures du hall et de la montée d’escaliers en mai 2019;

- réparation de deux stores, le 4 juin 2019;

- remplacement de la baignoire et réfection des joints, du 5 au 23 juillet 2019;

- remplacement et raccordement des électroménagers de la cuisine, les 15 et 19 juillet 2019;

- remplacement des faïences de la cuisine et de la salle de bains, en été 2019;

- nettoyage des dalles et muret du balcon et remise en état du seuil des WC, le 31 juillet 2019;

- nettoyage des moisissures des cadres des fenêtres du salon, le 15 août 2019;

- remplacement du parquet dans le hall, en août 2019;

- rabotage de la porte de la salle de bains, le 17 décembre 2019;

- contrôle des installations électriques, le 16 janvier 2020, et remplacement de certaines prises, le 13 mars 2020;

- mise hors service de l’ancienne hotte, le 17 juin 2020;

- remplacement d’une tuile pour sortie de ventilation par une tuile standard sur la toiture, le 23 juillet 2020;

- pose d’un nouveau joint et d’une nouvelle targette sur la fenêtre de la cuisine, en janvier 2021, la locataire ayant refusé l’accès à l’entreprise fin 2020 en raison de la situation sanitaire;

- l’entreprise J______ SA s’est rendue sur place pour prendre les mesures des ventilations et établir un devis pour les changer, en avril 2022;

- évacuation des plaques d’isolation du balcon et nettoyage des eaux de ce dernier, le 20 juillet 2022;

- remplacement des chapeaux et robinets du lavabo de la salle de bains, le 20 septembre 2022.

w. Le 29 avril 2022, une réunion a eu lieu dans l’appartement litigieux, à la suite de laquelle il a été convenu que l’entreprise K______ SA procéderait à l’installation d’une centrale de traitement d’air, prévue le 14 juin 2022.

L’appareil a effectivement été installé le 14 juin 2022. Toutefois, la locataire s’est opposée au rabotage des portes et à la reprise de joints des fenêtres pour permettre la décompression du logement, de sorte que l’appareil n’a pas pu être mis en service ce jour-là. Ce n’est qu’en septembre 2022 qu’il a pu l’être, après une mise en demeure de la régie du 25 août 2022, avec menace de résiliation anticipée du bail.

Aussitôt après sa mise en service, la centrale d’assainissement a été débranchée par la locataire au motif qu’elle avait senti une odeur de brûlé. K______ SA s’est rendue sur place et, n’ayant rien constaté, a remis la centrale en fonction.

La locataire a toutefois procédé à son débranchement très rapidement après sa remise en marche en indiquant être incommodée par son fonctionnement, lequel accentuait les mauvaises odeurs et n’était pas indiqué vu qu’elle souffrait d’asthme allergique. L’appareil n’a ensuite été rebranché qu’à de rares reprises et pour quelques heures seulement.

x. Vu l'échec de la tentative de conciliation, une autorisation de procéder a été délivrée à la locataire le 16 mars 2021.

Le 30 avril 2021, cette dernière a saisi le Tribunal des baux et loyers. Elle a conclu à la validation de la consignation du loyer, à ce qu’il soit ordonné à la bailleresse de procéder, à ses frais et dans les règles de l’art, à tous les travaux nécessaires pour supprimer l’origine des infiltrations d’eau et d’humidité dans l’appartement et pour remettre en état, dans les règles de l’art, les pièces endommagées, soit le salon, la cuisine, la chambre no 2, le hall d’entrée et la salle de bains, au maintien de la consignation jusqu’à complète et parfaite exécution des travaux précités, à l’octroi d’une réduction de loyer de 35% du 21 mars 2018 et jusqu’à la complète et parfaite exécution des travaux susmentionnés et à la déconsignation des loyers, une fois les travaux effectués, en faveur de la bailleresse, sous déduction de la réduction de loyer due à la locataire pour la période courant du 21 mars 2018 jusqu’au jour où l’intégralité des travaux précités aura été exécutée.

Le délai pour répondre à la demande a été prolongé plusieurs fois, et la cause suspendue puis reprise.

y. Dans sa réponse du 1er mars 2023, la bailleresse a conclu au déboutement de la locataire de toutes ses conclusions, à la déconsignation des loyers en sa faveur et à ce qu’aucune réduction de loyer ne soit accordée à la locataire dès le 1er mars 2018.

A l’appui de ses conclusions, la bailleresse a notamment produit :

- un devis du 20 décembre 2021 (de 2'939 fr.) pour la modification de l’écoulement du balcon, travaux qu’elle s’est déclarée prête à effectuer pour autant qu’elle dispose des liquidités nécessaires;

- un devis du 9 juin 2022 (de 7'372 fr.) portant sur la remise en état de l’intégralité du logement et des travaux d’étanchéité du balcon et;

- un devis du 20 février 2023 (de 1'507 fr.) portant sur la pose d’appareils de mesure d'hygrométrie et de température dans l’appartement concerné.

z. Lors de l’audience du 4 avril 2023, le conseil de la locataire a accepté de déconsigner la somme de 11’000 fr. afin de permettre à la bailleresse de réaliser les travaux prévus selon le devis du 20 février 2023 (mesure d’hygrométrie), puis, si les résultats étaient satisfaisants, les travaux prévus selon le devis du 9 juin 2022. La locataire s’est toutefois opposée à la pose de l’appareil de mesure d’hygrométrie et n’a accepté que des prises de mesures ponctuelles, en dépit des explications fournies à ce sujet lors de l’audience, à savoir qu’il était nécessaire de mesurer le taux d’humidité dans son logement avant de procéder aux travaux de réfection, notamment de peinture. Il s’agissait en effet de s’assurer que l’origine du problème était bien résolue, à défaut de quoi les travaux de réfection n’auraient qu’un effet temporaire.

La bailleresse a expliqué qu’il y avait plusieurs démarches à entreprendre, en commençant par la purification de l’air par un appareil « K______ », puis en mesurant l’humidité au moyen d’une sonde d’hygrométrie et, enfin, en procédant à la réfection de l’appartement. L’appareil d’extraction d’air « K______ » avait été débranché par la locataire à une date indéterminée, de sorte qu’il n’était pas possible de savoir s’il avait réellement fonctionné. Elle souhaitait pouvoir mesurer l’hygrométrie de manière continue, comme préconisé par la Police du feu, et non de façon ponctuelle.

Les parties ont déposé des listes de témoins, des déterminations, ainsi que des allégués et chargés de pièces complémentaires, desquels il ressort notamment que le bail concerné a été résilié le 28 mars 2023 par la bailleresse pour sa prochaine échéance contractuelle au 31 octobre 2023, au motif qu’elle souhaiterait vendre l’appartement libre de tout occupant. La locataire a indiqué vouloir contester ladite résiliation. Elle a également allégué que le problème d’humidité dans son appartement provenait de la toiture.

aa. Lors de son audition, la locataire a expliqué avoir constaté des taches de moisissures au plafond du salon et de la cuisine, se situant à l'étage supérieur du duplex, dès 2017. Des gouttes tombaient quotidiennement du plafond de ces deux pièces et touchaient sa bibliothèque ainsi que tout le mobilier du salon. La bibliothèque et le sol présentaient des moisissures. À l'étage inférieur, où se situaient les chambres et la salle de bains, il y avait des ponts thermiques et des moisissures autour des fenêtres de la chambre no 2. L'intégralité du balcon était inutilisable suite à une intervention ayant eu lieu en 2019 pour enlever un nid de frelons, le produit ayant endommagé le balcon. Elle n'avait jamais refusé l'accès de son appartement aux entreprises. Elle s'opposait en revanche à ce que la bailleresse se rende personnellement dans son logement car elle avait commis une violation de domicile le 3 juin 2016 et tenu des propos calomnieux dans le cadre d'une précédente procédure ayant opposé les parties. Elle refusait de déconsigner partiellement le loyer, à l’exception de la somme de 10’000 fr., car la première déconsignation acceptée avait été utilisée à d’autres fins que celle prévue. Elle a déclaré avoir débranché l’appareil « K______ » rapidement après sa mise en marche et l’avoir rebranché quelques fois par la suite pour quelques heures seulement et non de manière continue car celui-ci l’incommodait.

bb. Lors de l’audience du 23 mai 2023, la bailleresse a confirmé qu’une somme de 11’000 fr. avait été déconsignée en sa faveur. Une entreprise avait été mandatée pour la pose d’un instrument de mesure d’hygrométrie et une dizaine de dates avaient été proposées à la locataire pour cette intervention, deux semaines auparavant. Le conseil de la locataire a indiqué s’apprêter à communiquer des dates à la bailleresse à l’issue de l’audience.

Lors de son audition, la bailleresse a déclaré qu’à l’origine, le problème d’humidité avait débuté sur un mur entre la salle de bains et le couloir. Elle ne contestait pas l’existence du défaut et n’avait jamais refusé de réaliser les travaux nécessaires. Elle avait délégué la gestion de la réparation des défauts à la régie ainsi qu’à son conseil. Elle ne pouvait expliquer pour quelle raison le défaut annoncé en mars 2018 n’était toujours pas réparé. Un grand nombre d’entreprises avaient été mandatées pour intervenir mais elles avaient été freinées, voire empêchées d’intervenir dans l’appartement, la locataire ayant toujours des excuses pour repousser les interventions. Au départ, la bailleresse avait demandé à des connaissances de s’occuper de cette problématique car elle ne possédait pas les liquidités nécessaires pour faire face aux nombreuses demandes de travaux. Les revenus locatifs constituaient ses seuls revenus et couvraient à peine ses charges minimales. Sa situation financière était mauvaise et elle n’était dès lors pas en mesure de réaliser les travaux nécessaires sans obtenir une déconsignation partielle des loyers. Elle avait donné son accord à la réalisation de tous les travaux figurant dans le courrier de la Police du feu du 28 novembre 2019. Elle acceptait de déposer le parquet flottant installé, à la demande de la locataire, dans le salon, sans le remplacer. Elle acceptait également de procéder à la réfection du plancher d’origine s’il était en mauvais état. Elle acceptait de poser des radiateurs en lieu et place du chauffage au sol, si cela permettait de régler le problème d’humidité. Aucun autre appartement de l’immeuble ne présentait des problèmes d’humidité.

cc. Lors des audiences des 23 mai et 26 septembre 2023, le Tribunal a procédé à l’audition de témoins.

L______, gérante d’immeuble auprès de la régie, a déclaré que les travaux préconisés par la Police du feu avaient été réalisés, à l’exception de la dépose du parquet flottant. De façon générale et y compris suite au rendez-vous de fin avril 2022, elle avait toujours eu beaucoup de difficultés à faire réaliser les travaux dans cet appartement car la locataire imposait de fixer les rendez-vous par l'intermédiaire de son conseil et elle avait de la peine à obtenir des réponses de sa part. Des déconsignations de loyer partielles avaient été requises à plusieurs reprises et obtenues avec difficulté. La première avait permis de financer la dépose des dalles et le nettoyage du balcon, l'installation de la centrale d'aération et le remplacement d'un robinet. La bailleresse acceptait de réaliser les travaux nécessaires mais avait de la peine à les financer. Dans le cadre de l'installation de la centrale de ventilation, les mesures à respecter pour permettre son utilisation, comme par exemple laisser les portes ouvertes et l'appareil branché de manière continue, avaient été expliquées à la locataire mais n'avaient pas été respectées par cette dernière. Selon son expérience, la centrale de ventilation permettait de remédier aux problèmes d'humidité et n'était pas incompatible avec l'asthme dont souffrait la locataire. Il convenait pour la suite d'installer des mouchards permettant d'effectuer des relevés afin de déterminer si, d'une part, la centrale d'aération avait été efficace et, d'autre part, si des travaux de rénovation pouvaient être réalisés. La régie n'avait pas obtenu de réponse quant aux dates proposées pour la pose de mouchards. Concernant les moisissures, l'état de l'appartement était resté stable. La présence de moisissures rendait l'appartement plus difficilement habitable, raison pour laquelle la bailleresse était déterminée à assainir l'appartement. Pour cela il fallait, d'une part, la coopération de la locataire et, d'autre part, une déconsignation partielle pour financer les travaux. S’agissant du balcon, les dalles avaient été retirées à la demande de la locataire et la correction de la pente était prévue dans le devis global de réfection de l'appartement.

M______, directeur technique auprès de K______ SA, a expliqué que l'appareil installé durant l'été 2022 fonctionnait automatiquement et ne devait surtout pas être coupé pour être efficace. Environ deux mois après l'installation de l'appareil, la locataire l'avait appelé pour lui dire qu'elle l'avait débranché car il sentait le brûlé, ce qu’il n'avait pas constaté à son arrivée sur place. L’appareil avait alors été remis en marche. Par ailleurs, il n’avait aucune information selon laquelle l’appareil avait fonctionné. Il ne voyait pas d’autre explication à cela qu’un débranchement immédiat de l’appareil. Il s'agissait d'une installation définitive, nécessitant le carottage d’un mur. Le but était de permettre l'arrivée d'air assaini dans le logement en permanence. L'air était préchauffé à 18° et le débit diminuait – jusqu'à arrêt complet – lorsque la température extérieure se réchauffait. En principe, le filtre devait être changé après six mois si l'appareil avait fonctionné correctement. Un voyant lumineux s’allumait et il appartenait aux locataires de le contacter pour effectuer le premier changement de filtre. La locataire ne les avait pas contactés en l’espèce. Il considérait que l’air était assaini après un mois de fonctionnement de l’appareil et que les moisissures pouvaient alors être nettoyées et ne devaient pas réapparaître. L’entreprise avait une obligation de résultat, elle installait entre deux et trois machines par jour et n’avait pas connaissance d’un cas où le résultat n’était pas atteint après un mois. L’entreprise ne posait pas de mouchards pour mesurer l’hygrométrie des logements. Des travaux de remise en état pouvaient être réalisés un mois et demi après la pose de l’appareil. Le passage de l’air dans les grilles causait un bruit de 30 dB(A) environ. Il avait été installé dans un petit renfoncement du salon chez la locataire. Il avait été assez compliqué d’accéder au logement, car la locataire n’était pas « souple » et refusait de laisser l’entreprise entrer avant l’heure prévue, par exemple. Elle avait également refusé, lors de l’installation de l’appareil, que les joints de décompression soient déposés et que les portes soient rabotées, au motif que ce n’était pas prévu, alors que ça l’était. L’appareil était indiqué pour une affection à l’asthme, dans la mesure où il traitait l’air au moyen d’un filtre FFP2 retenant toutes les particules, y compris les pollens. Son installation au-dessus d’eau stagnante n’était pas contre-indiquée. La décompression était nécessaire au bon fonctionnement de l’appareil, le but étant d’expulser l’air vicié du logement. Selon lui, si la machine tournait, le problème d’humidité devait être résolu à ce jour.

N______, inspecteur auprès de la Police du feu, a déclaré s’être rendu à trois reprises dans l’appartement concerné, une première fois le 24 octobre 2019 et une dernière le 7 décembre 2022. Des travaux avaient été entamés en 2020 mais l’absence de collaboration entre les parties avaient retardé leur bon déroulement. Un courrier avait d’ailleurs été adressé le 31 août 2022 aux deux parties leur rappelant leur devoir de collaborer. Si les points concernant la cuisine et la salle de bains avaient été réalisés, il avait pu constater que la situation dans le séjour avait empiré, notamment avec l’apparition de taches de moisissures sur les boiseries. La situation laissant penser à un manque d’occupation ou d’aération, la Police du feu avait demandé un relevé des taux d’humidité. Un appareil devant permettre un relevé du taux d’humidité et de la température du logement durant trois mois avait été placé à l’intérieur du logement, puis débranché. N’ayant pu obtenir un relevé du taux satisfaisant, l’expert n’avait pas encore pu établir un rapport avec ses conclusions. A son sens, l’appareil de mesure du taux d’hygrométrie était couplé avec l’appareil de filtration d’air K______, car c’était la demande de son service, mais il ne pouvait pas confirmer que cet appareil permettait ces relevés.

dd. Lors de l’audience du 26 septembre 2023, la bailleresse a produit un courrier de mise en demeure adressé à la locataire le 1er septembre 2023, lui impartissant un délai au 30 septembre 2023 pour permettre à l’entreprise O______ SA de poser les sondes de relevés de températures et d’humidité dans son appartement, aucune date n’ayant été proposée par la locataire suite aux précédentes audiences. Un courrier lui avait déjà été adressé à ce propos le 4 juillet 2023.

ee. Par plaidoiries finales écrites du 3 novembre 2023, la bailleresse a persisté dans ses conclusions. Elle a également produit des avis de résiliation adressés à la locataire le 16 octobre 2023, de façon anticipée pour le 30 novembre 2023 et pour l’échéance contractuelle au 31 octobre 2024, au motif qu’elle n’avait pas donné suite à la mise en demeure du 1er septembre 2023.

ff. Par plaidoiries finales écrites du 27 novembre 2023, la locataire a persisté dans ses conclusions.

La cause a ensuite été gardée à juger.

gg. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que la bailleresse avait admis l’existence de problèmes d’humidité et de moisissures. Conformément aux témoignages recueillis, pour supprimer efficacement ces problèmes, il y avait lieu, dans un premier temps, de procéder à des travaux d’assainissement d’air, puis de poser un appareil de mesure d’hygrométrie et de température afin de s’assurer que le problème était résolu et, enfin, de procéder aux travaux de remise en état. La bailleresse avait déjà mis en œuvre les premiers travaux utiles, en faisant poser une centrale d’assainissement d’air, et entrepris des démarches pour poser l’appareil de mesure. Or, la locataire avait débranché le premier appareil et ne l’avait pas rallumé de façon continue et s’était opposée à la pose du second. Ainsi, il n’y avait pas lieu de condamner la bailleresse à entreprendre des travaux qu’elle avait initiés mais qui avaient été interrompus ou refusés ensuite par la locataire. L’installation et le bon fonctionnement de ces deux appareils était en effet un préalable nécessaire aux travaux de remise en état. Considérant également que la bailleresse s’y était déclarée d’accord sur le principe, la locataire a été déboutée de ses conclusions en exécution de travaux. S’agissant de la réduction de loyer, le Tribunal l’a fixée à 15 % compte tenu de l’importance des nuisances occasionnées, lesquelles constituaient un défaut de confort du logement et un défaut esthétique touchant quasiment toutes les pièces. La réduction a été octroyée à compter du 21 mars 2018, date à laquelle l’existence des défauts avait été portée à la connaissance de la bailleresse, et jusqu’au 14 juin 2022, date à laquelle la bailleresse avait fait poser la centrale de traitement d’air. Le refus de la locataire de permettre le rabotage des portes et la reprise des joints avait en effet empêché la mise en service de l’appareil. Elle avait également nui à son bon fonctionnement après sa mise en service en septembre 2022, en débranchant l’appareil, sans jamais le rebrancher de façon continue ensuite. Le Tribunal a par conséquent validé la consignation de loyer jusqu’au 14 juin 2022 et ordonné aux Services financiers la restitution à la locataire des sommes qui lui revenaient au vu de la réduction de loyer admise, le solde revenant à la bailleresse.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

En l'espèce, les dernières conclusions de l’appelante en première instance portaient notamment sur le paiement de sommes supérieures à 10'000 fr. La voie de l'appel est donc ouverte.

1.2 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. Dans son courrier du 20 février 2025, déposé après que la cause a été gardée à juger par la Cour, l’appelante a notamment invoqué des faits nouveaux.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

Toutefois, lorsque l’autorité d’appel a commencé les délibérations, les parties ne peuvent plus invoquer de faits ou moyens de preuve nouveaux, même s’ils remplissent les conditions de l’art. 317 CPC. Dans cette phase en effet, la matière du procès doit être fixée de façon définitive, en sorte que le tribunal délibère la cause sans retard et qu’un jugement puisse être rendu rapidement. Il ne doit pas être possible de revenir à l’administration des preuves par l’invocation de novas et ainsi de provoquer l’interruption des délibérations. La phase des délibérations commence dès la clôture d’une éventuelle audience d’appel (cf. ATF 138 III 788 consid. 4.2) ou lorsque la juridiction d’appel annonce formellement qu’elle considère la cause en état d’être jugée et qu’elle passe aux délibérations (ATF 142 III 413 in JdT 2017 II 153 consid. 2.2.5).

2.2 En l’espèce, l’intégralité des allégués contenus dans le courrier de l’intimée du 20 février 2025 sont irrecevables, indépendamment de la question de savoir s’il s’agit de vrais novas. Ce courrier a en effet été produit alors que la cause avait été mise en délibération le 22 janvier 2025.

3. L'appelante se plaint d'une constatation arbitraire des faits, reprochant aux premiers juges d'avoir retenu que l’intimée avait pris des mesures pour effectuer les travaux nécessaires et qu’elle avait elle-même « interféré ou a fortiori bloqué l’exécution des travaux ». Elle reproche également au Tribunal d'avoir fixé une réduction de loyer insuffisante, eu égard aux nuisances subies. Sur appel joint, l’intimée conclut à ce qu’aucune réduction ne soit admise en faveur de l’appelante.

Les griefs de l’appelante portant en réalité sur l'appréciation des faits par le Tribunal et non sur leur constatation, ils seront traités ci-après, conjointement aux griefs sur l’application du droit.

3.1.1 Selon l'art. 259a al. 1 CO, lorsqu'apparaissent des défauts de la chose qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il n'est pas tenu de remédier à ses frais ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut notamment exiger du bailleur la remise en état de la chose (let. a), une réduction proportionnelle du loyer (let. b) et des dommages-intérêts (let. c). Il peut en outre consigner le loyer (art. 259a al. 2 CO).

Il y a défaut lorsque l'état réel de la chose diverge de l'état convenu, c'est-à-dire lorsque la chose ne présente pas une qualité que le bailleur avait promise ou lorsqu'elle ne présente pas une qualité sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se référant à l'état approprié à l'usage convenu (ATF 135 III 345 consid. 3.2 et les références citées). L'usage convenu se détermine prioritairement en fonction des termes du bail et de ses annexes (arrêt du Tribunal fédéral 4A_245/2021 du 26 octobre 2021 consid. 5.1). Le défaut de la chose louée est une notion relative; son existence dépend des circonstances du cas concret (ATF 135 III 345 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_127/2022 du 28 juin 2022 consid. 6.1.1). Il peut consister en des défauts matériels tels que des infiltrations d’eau ou des moisissures sur les murs (Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 268). La présence d’humidité provoquant l’installation récurrente de moisissures sur les murs et plafonds de différentes pièces est également constitutive d’un défaut (ACJC/1840/2019 du 16 décembre 2019). Le défaut peut être purement esthétique, le locataire étant en droit d’escompter que l’apparence extérieure de la chose louée corresponde à des standards normaux (ACJC/966/2012 du 29 juin 2012 consid. 4.2.1 et les références citées; ACJC/1844/2020 du 22 décembre 2020).

La loi distingue, d'une part, les menus défauts, à la charge du locataire (art. 259 CO), et d'autre part, les défauts de moyenne importance et les défauts graves, qui ouvrent au locataire les droits prévus à l'art. 259a CO (arrêts du Tribunal fédéral 4A_127/2022 du 28 juin 2022 consid. 6.1.1 et 4A_577/2016 du 25 avril 2017 consid. 3.1).

Un défaut est de moyenne importance lorsqu'il restreint l'usage pour lequel la chose a été louée, sans l'exclure ni l'entraver considérablement. L'usage de la chose louée demeure possible et peut être exigé du locataire. Celui-ci ne subit, en règle générale, qu'une diminution du confort (Lachat, op. cit., pp 273 et 274; Aubert, Commentaire pratique Droit du bail à loyer et à ferme, 2ème éd., 2017, n. 41 ad art. 258 CO).

Le fardeau de la preuve de l'existence d'un défaut incombe au locataire (art. 8 CC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_226/2022 du 27 septembre 2022 consid. 3.1.1). Lorsque le bailleur procède à des travaux destinés à résoudre le défaut reconnu comme tel, il lui incombe, si le locataire conteste l'efficacité des travaux et que la situation reste litigieuse, de démontrer que le défaut préalablement admis est réparé et que l'objet loué est désormais conforme à l'usage convenu (Aubert, op. cit., n. 56 ad art. 258 CO).

3.1.2 Si le défaut entrave ou restreint l'usage pour lequel la chose a été louée, le locataire peut exiger du bailleur une réduction proportionnelle du loyer à partir du moment où le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu'à l'élimination de celui-ci (art. 259d CO).

La réduction de loyer vise à rétablir l'équilibre des prestations entre les parties. En principe, la valeur objective de la chose avec le défaut est comparée à sa valeur objective sans le défaut, et le loyer est réduit dans la même proportion. Ce calcul proportionnel n'est cependant pas toujours aisé, notamment lorsque l'intensité des nuisances est variable et se prolonge sur une longue période; il peut alors être remplacé par une appréciation en équité, fondée sur l'expérience générale de la vie, le bon sens et la casuistique (ATF 130 III 504 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2; 4C_219/2005 du 24 octobre 2005 consid. 2.3 et 2.4).

Le juge doit apprécier objectivement la mesure dans laquelle l'usage convenu se trouve limité, en tenant compte des particularités de chaque espèce, au nombre desquelles la destination des locaux joue un rôle important (Lachat, op. cit., p. 316; Aubert, op. cit., n. 21 ad art. 259d CO).

Le défaut n'a pas, pour ouvrir le droit à la réduction de loyer, à constituer un empêchement de l'usage de la chose louée. Un défaut qui en entrave ou restreint l'usage peut donner lieu à une réduction de loyer (Aubert, op. cit, n. 9 ad art. 259d CO).

La pratique reconnaît au juge un large pouvoir d'appréciation dans la détermination de la quotité de réduction du loyer (Lachat, op. cit., p. 316). La jurisprudence en la matière est vaste et variée.

La jurisprudence retient généralement des réductions comprises entre 8 et 15% dans le cadre de défauts d'ordre essentiellement esthétique (usure générale dépassant la durée de vie des installations, dégradation consécutive à des problèmes d'étanchéité) (Lachat, op. cit., p. 316 ss; ACJC/124/2005 du 14 février 2005) lesquelles peuvent également être moins élevées (par exemple : 3% pour des cloques sur le plafond de la chambre à coucher et du salon; ACJC/1025/2004 du 6 septembre 2004).

Selon la casuistique, les réductions de loyer suivantes ont, entre autres, été consenties pour des problèmes liés à l’humidité, la présence de moisissures ou de taches sur les murs : humidité excessive affectant l’appartement et présence de moisissures, d'une étendue importante, localisées dans les angles entre les murs et entre les murs et le plafond, ceci dans deux pièces sur trois, ayant entraîné un inconfort physique, une atteinte potentielle à la santé et une gêne de caractère esthétique : 30% (ACJC/496/2018 du 23 avril 2018); infiltrations ayant engendré des auréoles, des cloques et des taches noires sur des peintures, un revêtement, des parois et des plafonds ainsi que dans une armoire : 15% (ACJC/447/2005); infiltrations d’eau et humidité excessive sur une durée de deux ans dans un appartement de cinq pièces, ayant provoqué des taches à des endroits précis de deux chambres à coucher, des craquelures et l’apparition, lors de précipitations, de gouttes d’eau nécessitant de placer des bassines pour éviter des dégâts supplémentaires : 15% (ACJC/51/2017 du 16 janvier 2017); présence d'humidité provoquant l'installation récurrente de moisissures sur les murs et plafonds de différentes pièces, constituant un défaut de confort du logement et un défaut esthétique, ayant entraîné des travaux de nettoyage et de nombreuses interventions dans l'appartement : 10% (ramené à 5% ultérieurement) (ACJC/1840/2019 du 16 décembre 2019); plusieurs murs tachés, sol détériorés : 15%; plafonds de plusieurs pièces tachés, papier-peints décollés : 10%; changement de baignoire, enlèvement des catelles, trous dans le mur : 10%; taches d'eau et tapisserie décollée dans un logement : 8% (ACJC/894/2019 du 24 juin 2019 consid. 4.1).

3.1.3 Conformément à l’art. 257h al. 1 CO, le locataire doit tolérer les travaux destinés à remédier au défaut de la chose ainsi qu'à réparer ou à prévenir des dommages. En raison de cette obligation, le locataire peut être amené à se montrer actif, par exemple en déplaçant ses meubles pour permettre des travaux de peinture. L'étendue du devoir de coopérer du locataire dépendra cependant des circonstances, dont celles propres à sa personne (Lachat, op. cit., p. 288).

Est contraire à la bonne foi l’attitude du locataire qui ne réagit pas aux demandes de fixation d'un rendez-vous pour l'exécution de travaux ou qui les repousse sans raison (ACJC/1014/2002 du 9 septembre 2002). Dans ce cas, le locataire ne saurait faire valoir la continuation d’une réduction de loyer et la consignation de loyer sans commettre un abus de droit (Aubert, op. cit, n. 24 ad art. 257h CO).

3.2 En l’espèce, le logement litigieux présente des défauts liés à une humidité excessive et à la présence de moisissures en plusieurs endroits. La cause exacte du défaut n’a pas pu être déterminée. Cela étant, l’intimée a entrepris des démarches afin d’y remédier, notamment par l’installation de la centrale d’aération K______. L’appelante a toutefois déclaré en audience qu’elle avait rapidement débranché cet appareil après sa mise en service, et ce, en dépit des instructions qui lui avaient été données pour garantir son bon fonctionnement. Elle n’a pas remis en cause l’efficacité de l’appareil pour justifier son débranchement, invoquant uniquement une gêne personnelle. Elle a, en outre, expressément refusé, en audience également, l’installation d’un dispositif permettant une mesure continue du taux d’humidité dans l’appartement, n’acceptant que des mesures ponctuelles.

Par ailleurs, l’ensemble des témoins entendus au cours de la procédure ont relevé les difficultés rencontrées dans la collaboration avec l’appelante, laquelle n’a pas donné suite aux demandes de rendez-vous, ne s’est pas conformée aux instructions reçues et a adopté une attitude rigide, entravant ainsi la réalisation des travaux qu’elle réclame pourtant depuis de nombreuses années, et ce, alors même qu’elle consigne l’intégralité de son loyer depuis mars 2018.

Dès lors, l’appréciation des faits par le Tribunal ne prête pas le flanc à la critique, celui-ci ayant justement retenu que l’intimée avait commencé à entreprendre les travaux nécessaires, lesquels ont été empêchés par l’attitude de l’appelante. C’est donc à juste titre que le Tribunal l’a déboutée de ses conclusions tendant à l’exécution de ces travaux.

S’agissant de la réduction de loyer, le Tribunal a fixé celle-ci à 15% pour la période allant du 21 mars 2018 au 14 juin 2022, en prenant en compte l’ensemble des défauts affectant le logement ainsi que l’attitude obstructive de l’appelante. Ce faisant, il a exercé son pouvoir d’appréciation et les arguments avancés tant par l’appelante que par l’intimée ne permettent pas de conclure à une violation du droit.

En effet, l’octroi d’une réduction de loyer apparaît justifié, dès lors que l’intimée ne s’est limitée qu’à des mesures mineures avant l’installation de la centrale d’aération, et ce malgré l’injonction qui lui avait été adressée par la Police du feu dès le 28 novembre 2019 de garantir une ventilation naturelle suffisante dans les pièces concernées.

La quotité retenue s’inscrit par ailleurs dans la ligne jurisprudentielle de la Cour, s’agissant principalement de défauts d’ordre esthétique. L’inspecteur de la Police du feu a d’ailleurs relevé que ces défauts laissaient penser à un manque d’aération ou d’occupation des lieux. Il est dès lors pour le moins paradoxal que l’appelante ait refusé la mise en place d’un dispositif de mesure hygrométrique en continu pour écarter cette hypothèse.

Enfin, s’agissant du dies ad quem, au vu de l’ensemble des éléments précités, l’appréciation du Tribunal ne consacre pas de violation de son pouvoir d'appréciation. Ni l’appel ni l’appel joint ne sont dès lors fondés sur ce point et le jugement entrepris sera par conséquent intégralement confirmé.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevables l'appel interjeté le 27 juin 2024 par A______ et l’appel joint formé le 13 novembre 2024 par B______ contre le jugement JTBL/543/2024 rendu le 22 mai 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/29963/2018.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Nevena PULJIC et Madame Sarah ZULIAN-MEINEN, juges assesseurs; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.