Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2838/2025

ATAS/900/2025 du 20.11.2025 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2838/2025 ATAS/900/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 novembre 2025

Chambre 5

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré), marié, est né en ______1960.

b. Par décision du 24 février 2025, la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : CCGC) a rendu une décision de rente mensuelle AVS d’un montant de CHF 2'174.- dès le 1er mai 2025. La durée de cotisation prise en compte était de 42 ans et 4 mois alors que le nombre d’années de cotisations selon la classe d’âge était de 44 ans.

c. Par courrier du 21 mars 2025, l’assuré a fait opposition à la décision susmentionnée au motif qu’il avait cotisé à l’AVS en 1979 et 1980, soit avant ses 21 ans et demandait que ces deux années compensent son absence due à des séjours à l’étranger, raison pour laquelle il devait être mis au bénéfice d’une rente totale et non partielle.

d. Par courrier du 26 mars 2025, la CCGC a répondu que les cotisations des années 1979 et 1980 avaient déjà été utilisées pour combler des lacunes présentes durant les années 1980, 1982 et 1983. Par ailleurs, l’assuré avait confirmé qu’il était à l’étranger durant les années 1991 et 1992 pendant lesquelles il n’avait pas cotisé à l’AVS. Partant, la CCGC confirmait l’exactitude de son calcul et maintenait les termes de la décision du 24 février 2025, tout en signalant à l’assuré que s’il souhaitait maintenir son opposition, il pouvait répondre au présent courrier, en indiquant et justifiant les points qui demeuraient contestés.

e. Par courrier du 3 avril 2025, l’assuré a maintenu sa contestation au motif que pendant les années 1981, 1982 et 1983 il était étudiant et ses parents avaient acheté des années AVS par le biais de ce qu’on appelait un timbre. Ces pièces n’étaient plus en sa possession mais la somme avait été versée. Il ajoutait qu’en 1982, il avait effectué un emploi temporaire rémunéré officiellement et concluait qu’il devait être mis au bénéfice d’une rente totale.

f. Par courrier du 22 avril 2025, l’assuré s’est référé à un entretien téléphonique du 17 avril 2025 avec un employé de la CCGC et a confirmé qu’il n’était pas en état de fournir les carnets de timbres pour les années 1981 à 1983 et que « par conséquent je dois admettre votre calcul. J’ai pris bonne [note] qu’une reconsidération du calcul serais possible au cas où, assez improbable, je retrouverai ces carnets ».

Par ailleurs, l’assuré a confirmé que son épouse avait décidé de révoquer l’ajournement de sa rente et souhaitait la percevoir dès le mois de juin 2025, et joignait les documents concernant son épouse.

g. Par décision du 8 mai 2025, la CCGC a informé l’épouse de l’assuré que sa rente mensuelle, dès le 1er juin 2025, s’élèverait à CHF 1’506.-.

B. a. Par décision du 8 mai 2025, la CCGC a procédé au recalcul de la prestation en raison de l’octroi de la rente de vieillesse pour le conjoint et informé l’assuré que le montant de sa rente mensuelle, dès le 1er juin 2025, s’élevait à CHF 1'854.-.

b. Par courrier du 6 juin 2025, l’assuré a fait opposition à la décision du 8 mai 2025, en revenant sur la précédente décision et en rappelant qu’en avril 2025, lors de discussions avec un dénommé B______, employé de la CCGC, il avait compris qu’il devait fournir les carnets de timbres pour démontrer les cotisations des années 1981, 1982 et 1983, ce qu’il était incapable de faire et ce qui l’avait amené à rédiger son courrier du 22 avril 2025, dans lequel il acceptait ce fait. Toutefois, après réflexion, il avait décidé de contester cette décision qu’il estimait injuste et peu correcte dès lors que ses parents avaient payé trois ans de cotisations, que son père était décédé, que sa mère avait 91 ans et que suite à divers déménagements, les carnets de timbres étaient introuvables. Quarante ans après, ce fait pouvait parfaitement être compris, il considérait le résultat comme étant « profondément choquant ».

c. Par décision sur opposition du 22 juillet 2025, la CCGC a considéré que la première opposition du 21 mars 2025 avait été retirée par l’assuré en date du 22 avril 2025, raison pour laquelle la cause avait été rayée du rôle. S’agissant de l’opposition du 6 juin 2025, il concernait le calcul de la rente AVS de l’épouse de l’assuré, ce dernier ne pouvait dès lors pas contester le calcul de la rente AVS. Ainsi l’opposition formée le 6 juin 2025 à l’encontre de la décision du 24 février 2025 était manifestement tardive et irrecevable.

C. a. Par acte posté le 21 août 2025, l’assuré a interjeté recours contre la décision sur opposition du 22 juillet 2025 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), en répétant les arguments déjà développés dans ses précédentes écritures destinées à la CCGC. Il reconnaissait qu’il lui était impossible de fournir le carnet de timbres pour les années 1981, 1982 et 1983, tout en considérant que le montant des cotisations avait toutefois été versé à l’AVS. Il considérait pouvoir à nouveau alléguer ce grief dans le cadre de la nouvelle décision qui avait été rendue le 8 mai 2025 et qu’il avait contestée par opposition du 6 juin 2025. Il concluait à ce qu’une rente AVS entière lui soit versée. En annexe à son courrier du 18 septembre 2025, le recourant a transmis plusieurs pièces à la chambre de céans.

b. Par réponse du 18 septembre 2025, la CCGC a confirmé sa précédente décision et a conclu à ce que l’opposition du 6 juin 2025 soit déclarée irrecevable pour cause de tardiveté. Si, par impossible ladite opposition devait être déclarée recevable, elle devait être rejetée pour les raisons déjà invoquées sur le fond à savoir que le recourant n’était pas en mesure de démontrer qu’il avait payé les cotisations d’étudiant pendant les années 1981 à 1983 et qu’il n’apportait aucun autre indice susceptible de rendre vraisemblable ses allégations.

c. Par réplique du 15 octobre 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

e. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable. Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.             Le litige porte sur la fixation de la durée de cotisations prise en compte pour le calcul de la rente mensuelle ordinaire de vieillesse du recourant et, partant, l’application de l’échelle de rente pour en déterminer le montant.

3.              

3.1 La LAVS définit très largement le champ des personnes assurées obligatoirement à l’assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS), conformément à une conception universaliste voulant que ladite assurance sociale couvre en principe l’ensemble de la population active et non-active professionnellement. Dès les débuts de l’AVS, ont été notamment assurées obligatoirement les personnes physiques domiciliées en Suisse, exerçant ou non une activité lucrative, et les personnes physiques exerçant en Suisse une activité lucrative (art. 1a LAVS, à l’origine art. 1 LAVS). Les étudiants sans activité lucrative étaient (en tout état durant les années ici litigieuses de 1970 à 1976) soumis à l’obligation d’être assurés à l’AVS (cf. art. 1a al. 3 let. b LAVS).

Selon l’art. 3 al. 1 LAVS, les assurés sont tenus de payer des cotisations tant qu’ils exercent une activité lucrative. Les personnes sans activité lucrative sont tenues de payer des cotisations à compter du 1er janvier de l’année qui suit la date à laquelle elles ont eu 20 ans; cette obligation cesse à la fin du mois où les hommes atteignent l’âge de 65 ans. Alors que les cotisations des assurés exerçant une activité lucrative sont calculées en pour-cent du revenu provenant de l’exercice de l’activité dépendante et indépendante (art. 4 al. 1 LAVS), les assurés n’exerçant aucune activité lucrative paient une cotisation selon leur condition sociale, entre un montant minimal et un montant maximal (art. 10 al. 1 LAVS). Les étudiants sans activité lucrative, jusqu’au 31 décembre de l’année où ils atteignent l’âge de 25 ans, paient la cotisation minimale (art. 10 al. 2 let. a LAVS).

3.2 Les cotisations perçues sur le revenu provenant de l’exercice d’une activité dépendante sont retenues lors de chaque paie ; elles doivent être versées périodiquement par l’employeur en même temps que la cotisation d’employeur (art. 14 al. 1 LAVS). Les cotisations perçues sur le revenu provenant de l’exercice d’une activité indépendante, les cotisations des assurés n’exerçant aucune activité lucrative et celles des assurés dont l’employeur n’est pas tenu de payer des cotisations sont déterminées et versées périodiquement (art. 14 al. 2 phr. 1 LAVS).

Les cotisations non versées après sommation sont perçues sans délai par voie de poursuite, à moins qu’elles ne puissent être compensées avec des rentes échues (art. 15 al. 1 LAVS).

Les cotisations dont le montant n’a pas été fixé par voie de décision ne peuvent plus être exigées ni versées à l’expiration d’un délai de prescription (art. 16 al. 1 LAVS). La créance de cotisations, fixée par décision notifiée, s’éteint après un certain délai de prescription (art. 16 al. 2 LAVS).

Des dispositions complémentaires notamment sur ces différentes questions figurent dans le règlement sur l’assurance vieillesse et survivants (RAVS ‑ RS 831.101).

4.              

4.1 Peuvent prétendre à une rente ordinaire de vieillesse ou de survivants tous les ayants droit auxquels il est possible de porter en compte au moins une année entière de revenus, de bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d’assistance, ou leurs survivants (art. 29 al. 1 LAVS). Les rentes ordinaires sont servies sous forme de rentes complètes aux assurés qui comptent une durée complète de cotisation, et de rentes partielles aux assurés qui comptent une durée incomplète de cotisation (art. 29 al. 2 LAVS).

En vertu de l'art. 29bis al. 1 LAVS, Le calcul de la rente est déterminé par les années de cotisations, les revenus provenant d'une activité lucrative ainsi que les bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d'assistance, entre le 1er janvier qui suit la date où l'ayant droit a eu 20 ans révolus et le 31 décembre qui précède la réalisation du risque assuré (âge de la retraite ou décès).

D'après l'art. 29ter al. 1 LAVS, la durée de cotisation est réputée complète lorsqu'une personne présente le même nombre d'années de cotisations que les assurés de sa classe d'âge. Sont considérées comme années de cotisations, les périodes pendant lesquelles une personne a payé des cotisations, pendant lesquelles son conjoint a versé au moins le double de la cotisation minimale, et pour lesquelles des bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d’assistance peuvent être prises en compte. L’art. 50 RAVS précise qu’une année de cotisations est entière lorsqu'une personne a été assurée au sens des art. 1a ou 2 LAVS pendant plus de onze mois au total et que, pendant ce temps-là, elle a versé la cotisation minimale ou qu'elle présente des périodes de cotisations au sens de l'art. 29ter al. 2 let b et c LAVS.

4.2 Selon l’art. 52 RAVS, les rentes partielles correspondent à des pourcentages de la rente complète, définis par cette disposition. Une rente complète est attribuée lorsque le rapport entre les années entières de cotisations de l’assuré et celles de sa classe d’âge est d’au moins 97.73 % (échelle de rente n° 44). Une rente partielle de 97.73 % de la rente complète est attribuée lorsque ledit rapport est d’au moins 95.46 % mais inférieur à 97.73 % (échelle de rente n° 43) ; une rente partielle de 95.45 % de la rente complète est attribuée lorsque ledit rapport est d’au moins 93.19 % mais inférieur à 95.46 % (échelle de rente n° 42).

5.              

5.1 Selon l’art. 30ter al. 1 LAVS, il est établi pour chaque assuré tenu de payer des cotisations des comptes individuels où sont portées les indications nécessaires au calcul des rentes ordinaires ; le Conseil fédéral règle les détails.

Tout assuré a le droit d’exiger de chaque caisse de compensation qui tient pour lui un compte individuel un extrait des inscriptions faites, portant des indications relatives aux employeurs (art. 141 al. 1 LAVS). L’assuré peut, dans les trente jours suivant la remise de l’extrait de compte, exiger de la caisse de compensation la rectification de l’inscription ; la caisse de compensation se prononce dans la forme d’une décision (art. 141 al. 2 RAVS). Selon l'art. 141 al. 3 RAVS (dont la teneur - modifiée par l'ordonnance du 11 septembre 2002, entrée en vigueur le 1er janvier 2003 [RO 2002 3710], ne diffère de l'ancienne version pour l'essentiel que sur le plan rédactionnel -, lorsqu'il n'est demandé ni extrait de compte ni rectification, ou lorsqu'une demande en rectification a été rejetée, la rectification des inscriptions ne peut être exigée, lors de la réalisation du risque assuré, que si l'inexactitude des inscriptions est manifeste ou si elle a été pleinement prouvée.

5.2 De façon générale, dans le domaine des assurances sociales, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire (ATF 117 V 263 consid. 3b, 282 consid. 4a ; 116 V 26 consid. 3c ; 115 V 142 consid. 8a et les références). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 117 V 264 consid. 3b et les références). Par ailleurs, il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

5.3 Selon la jurisprudence, des motifs de sécurité juridique exigent de se montrer strict en matière d'appréciation des preuves et d'appliquer la règle de l'art. 141 al. 3 RAVS précité lorsqu'un assuré affirme avoir exercé une activité lucrative soumise à cotisations paritaires durant une période non prise en compte dans le calcul de la rente (cf. ATF 107 V 12 consid. 2a). Dans ce contexte, il n’y a toutefois matière à rectification que si la preuve absolue (ATF 117 V 265 consid. 3d) est rapportée qu'un employeur a effectivement retenu des cotisations AVS sur les revenus versés ou qu'une convention de salaire net a été fixé entre cet employeur et le salarié. Établir l'exercice d'une activité lucrative ne suffit pas (arrêt B. du 10 mai 2005 [H 213/04]).

5.4 La jurisprudence fédérale prévoit également que lorsqu'un assuré prétend s'être acquitté de cotisations au moyen de timbres et qu'il allègue avoir perdu ou détruit le carnet qui lui avait été délivré à cet effet, il convient, pour des motifs de sécurité juridique, de se montrer strict en matière d'appréciation des preuves, surtout lorsqu'une telle affirmation est faite après plusieurs années, à l'occasion d'un litige portant sur la fixation de rentes. C'est pourquoi il y a lieu, dans un tel cas également, d'appliquer la règle de l'art. 141 al. 3 RAVS. Cela ne signifie pas pour autant que, faute pour l'assuré de produire lui-même la preuve du paiement de la cotisation d'étudiant, cette preuve ne puisse être rapportée autrement (ATF 117 V 262-266 consid. 3 et les références ; 110 V 97 consid. 4a et la référence).

Dans une affaire qui a donné lieu à l'arrêt ATF 110 V 89, le Tribunal fédéral des assurances avait à juger du cas d'une assurée qui demandait que sa rente de veuve soit calculée sur une échelle de rente supérieure à celle retenue par la caisse de compensation. Cette assurée faisait valoir que son défunt mari, né en 1936, d'origine tunisienne, ayant acquis la nationalité suisse en 1968, avait cotisé à l'AVS au moyen de l'achat de timbres-cotisations entre 1957 et 1959, alors qu'il était étudiant à l'Ecole polytechnique universitaire de Lausanne (EPUL) ; elle alléguait toutefois ne pas avoir retrouvé le carnet dans lequel lesdits timbres avaient été collés, mais affirmait que l'inscription à l'EPUL dépendait de la présentation de ce document. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral des assurances a d'abord examiné la légalité du système de perception des cotisations au moyen des timbres-cotisations instauré par l'OFAS et l'a déclaré conforme aux dispositions légales applicables (consid. 2b, 3c, d et e). Il a ensuite jugé qu'en cas de perte ou destruction du carnet de timbres, il fallait se montrer strict en matière d'appréciation des preuves et appliquer la règle de l'art. 141 al. 3 RAVS. La preuve du versement de la cotisation d'étudiant au moyen de timbres devait être considérée comme étant pleinement rapportée s'il était établi que l'assuré était immatriculé comme étudiant pendant la période litigieuse, qu'il avait son domicile civil en Suisse et que l'une des conditions de l'immatriculation consistait dans la preuve de l'acquittement de la cotisation minimale (ATF 110 V 97 consid. 4b). Dans le cas qui lui était soumis, le Tribunal fédéral des assurances a estimé qu'il subsistait un doute à ce sujet ; il était en effet possible que l'intéressé ait pu s'inscrire à l'EPUL sans apporter la preuve qu'il avait acquitté ses cotisations à l'AVS étant donné qu'il était étranger et éventuellement exonéré, faute de domicile en Suisse, de l'assurance obligatoire.

Cette jurisprudence a été confirmée plusieurs fois depuis lors, et cela même dans l'hypothèse où la rectification des inscriptions était requise avant la réalisation du risque assuré (ATF 117 V 262-266 consid. 3 ; arrêts non publiés P. du 19 juin 1991 [H 87/90], D. du 14 juillet 1992 [H 80/91], K. du 19 septembre 2001 [H 437/00]). Elle a été reprise telle quelle dans les directives sur les cotisations des travailleurs et indépendants et des non-actifs (arrêts du Tribunal fédéral du 25 octobre 2006 H 139/06 ; du 24 février 2005 H 298/02).

5.5 Sur le plan cantonal, la Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI du canton de Genève a déjà eu l’occasion de s’intéresser aux conditions d’immatriculation à la Faculté de médecine de l’Université de Genève entre 1958 et 1967. L'instruction de la cause avait alors permis d'établir que de 1948 à 1958, l'Université de Genève exigeait, avant d'immatriculer un étudiant, qu'il lui présentât son carnet de timbres dûment rempli, mais qu'elle avait renoncé à cette exigence à partir de 1959 (arrêt M. du 24 février 2005 [H 298/02] consid. 4.1).

La chambre des assurances sociales a elle aussi suivi la jurisprudence fédérale précitée (ATAS/911/2014 du 18 août 2014).

Dans une autre affaire, elle a retenu que ne constituaient pas une preuve du paiement de cotisations une décision de taxation concernant la période litigieuse, une immatriculation à l'Université ou des témoignages attestant de ce que l'assuré avait travaillé pendant la période litigieuse (ATAS/953/2010 du 21 septembre 2010).

6.             En l’espèce, la caisse considère que l’opposition du recourant n’est pas recevable en raison du fait que ce dernier avait retiré sa précédente opposition et que sa seconde opposition n’a pas été effectuée dans le délai de 30 jours. Sur le fond, la caisse estime que la durée de cotisation à prendre en compte pour le recourant est de 42 années et 4 mois (impliquant l’application de l’échelle de rente n° 42), du fait qu’il n’est pas prouvé que le recourant a payé les cotisations AVS durant ses années d’études.

Le recourant, quant à lui, considère qu’il doit être admis qu’il a dûment cotisé durant ses études et qu’il a droit à une rente calculée en application de l’échelle de rente complète n° 44.

6.1 S’agissant de la question de l’irrecevabilité soulevée par la caisse, il convient toutefois de relever que la seconde opposition concerne la décision du 8 mai 2025 et non pas la première décision du 24 février 2025.

Selon l’intimée, la décision du 8 mai 2025 concerne uniquement l’épouse de l’assuré raison pour laquelle ce dernier n’aurait pas qualité pour s’y opposer. Néanmoins, il apparaît clairement que deux décisions ont été rendues par la caisse en date du 8 mai 2025, l’une concernant l’épouse et l’autre concernant l’assuré lui-même, raison pour laquelle le raisonnement de l’intimée ne peut être suivi.

Il sied d’admettre que l’opposition à l’encontre de la décision du 8 mai 2025, qui concerne le recourant, a été faite dans les délais. Autre est la question de savoir si les griefs qu’il allègue sont recevables dès lors qu’ils avaient déjà été invoqués, à l’identique, dans le cadre de sa première opposition puis avaient été retirés par l’opposant qui avait admis ne pas être en mesure de démontrer que les timbres d’étudiant avaient été acquittés pendant les années 1981, 1982 et 1983.

Ce point peut toutefois souffrir de n’être pas résolu car le recours doit, en tous les cas, être rejeté pour les raisons qui suivent.

6.2 Le recourant admet qu’il n’est pas en mesure de prouver le paiement de ses cotisations AVS durant les années 1981 à 1983, ni par la production d’un carnet de timbres, ni d’une autre façon.

S’ajoute à cela l’absence de tout document, soit dans le dossier fourni par l’intimée, soit dans les pièces transmises par le recourant, établissant que le recourant a été immatriculé comme étudiant pendant les années 1981 à 1983

Ce nonobstant, si l’on devait admettre que le recourant a été immatriculé à l’Université de Genève (ci-après : l’Université), selon le système applicable pendant ces années, chaque étudiant recevait un carnet de timbres, accompagné d’un mémento lui fournissant toutes indications utiles sur son obligation d’acquérir et coller dans ledit carnet les timbres correspondant au montant des cotisations par semestre, puis, à la fin de ses études, de remettre ce carnet à la caisse à laquelle il serait affilié, pour établissement du certificat d’assurance et ouverture du premier compte individuel des cotisations, sur lequel seraient portées en compte les années de cotisations attestées par les timbres collés dans ledit carnet.

Le recourant prétend que pendant sa période estudiantine, ses parents ont reçu le carnet de timbres et les ont acquittés. Il relève toutefois être dans l’incapacité de le démontrer dès lors que son père est décédé et que sa mère était dans l’incapacité de lui dire où ces documents pouvaient se trouver lorsqu’il lui a posé la question au printemps 2025, avant son décès, en juin 2025.

À l’époque, déjà depuis plus d’une dizaine d’années (soit depuis le semestre d’hiver 1959), l’Université n’opérait plus de contrôle concernant le paiement des cotisations AVS de ses étudiants. De son côté, dès 1969, la caisse n’avait plus de fonctionnaire délégué à l’Université pour procéder à l’affiliation des étudiants et à l’encaissement des cotisations des étudiants. Selon un accord mis sur pied entre l’Université et la caisse, la première transmettait à la seconde la liste des étudiants immatriculés à l’université (sous la réserve - ici non pertinente - des étudiants étrangers dont les parents n’étaient pas domiciliés en Suisse), avec leur adresse sur trois jeux de carte-adresse (utilisables pour des envois sous enveloppes à fenêtre), à charge pour la caisse de mener la procédure de perception des cotisations, comportant l’envoi aux étudiants d’une circulaire explicative les renseignant sur leurs obligations de s’affilier et de cotiser auprès de la caisse et l’expédition d’une sommation. Mais la caisse n’entamait pas à l’encontre des étudiants de procédure en recouvrement de cotisations.

Selon la jurisprudence précitée du Tribunal fédéral des assurances (ATF 110 V 97 consid. 4b), et ainsi que cela résulte des chiffres 2168 ss des directives sur les cotisations des travailleurs et indépendants et des non-actifs, les revenus correspondant aux cotisations payées par l’achat de timbres n’étaient inscrits dans le compte individuel que si la preuve de l’achat des timbres étaient rapportée, et cette preuve n’était considérée comme rapportée qu’aux trois conditions cumulatives que l'assuré était immatriculé comme étudiant pendant la période litigieuse, qu'il avait son domicile civil en Suisse et que l'une des conditions de l'immatriculation consistait dans la preuve de l'acquittement de la cotisation minimale.

Or, s’il mettait les étudiants en mesure de s’acquitter de leurs obligations à l’égard de l’AVS, le système mis en place pour la perception de leurs cotisations ne garantissait pas qu’ils s’acquittassent réellement de leurs cotisations AVS. L’immatriculation à l’Université n’était pas conditionnée par le paiement de la cotisation minimale.

La troisième condition retenue par la jurisprudence n’est donc pas remplie. Aussi ne saurait-on présumer que le recourant a payé les cotisations AVS durant ses études universitaires.

6.3 Cela ne pourrait non plus se déduire fût-ce logiquement du fait - ni a fortiori pouvoir être admis fictivement sur la base du fait - que l’assujettissement à l’AVS et, partant, le paiement des cotisations étaient obligatoires et que, de façon générale, les organes en charge de l’AVS devaient veiller à la perception des cotisations AVS. Quand bien même - par hypothèse - ces organes auraient dû non seulement informer mais aussi mener des procédures en vue d’encaisser les cotisations AVS, le paiement effectif de ces dernières ne pourrait être admis en partant de l’idée que lesdites procédures sont censées avoir été respectées. Même la sanction d’une éventuelle violation par la caisse d’une telle obligation ne pourrait résider dans une présomption - irréfragable ou non - de paiement des cotisations AVS. Preuve en est que la LAVS prévoit elle-même la prescription tant de cotisations AVS dont le montant n’a pas été fixé que de créances de cotisations fixées par décision mais non recouvrées (art. 16 LAVS), nonobstant la règle que les cotisations non versées après sommation sont perçues par voie de poursuite (art. 15 al. 1 LAVS).

Concernant les étudiants immatriculés à l’Université, la caisse n’entamait pas de procédure en recouvrement de leurs cotisations AVS. Dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral a admis la légalité de la procédure simplifiée mise en place pour la perception des cotisations AVS des étudiants.

La diversité des situations respectives des salariés, des indépendants et des personnes sans activité lucrative justifie des modes de perception différents des cotisations AVS (art. 14 LAVS). Cela vaut aussi pour la catégorie spécifique des étudiants, pour lesquels la modicité des cotisations AVS qu’ils doivent payer justifie que ne soient pas engagés des frais disproportionnés en vue de les recouvrer, dès lors qu’au surplus ils sont dûment informés de leurs obligations, qu’il peut être attendu d’eux qu’ils fassent preuve d’un minimum de diligence pour faire inscrire sur leur compte individuel leurs années de cotisations pendant leurs années d’études et qu’en contrepartie ils se trouvent dispensés de participer aux frais d’administration des caisses (ATF 110 V 89 consid. 3d).

En conclusion, il n’est pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante et il subsiste en tout état une incertitude que le recourant a payé ses cotisations AVS durant ses études pendant les années 1981 à 1983.

6.4 Aussi la caisse a-t-elle à juste titre - d’autant plus au regard de l’art. 141 al. 3 RAVS - considéré que le recourant n’a pas une durée complète de cotisation par rapport aux assurés de sa classe d’âge et ne lui a-t-elle pas appliqué l’échelle de rente n° 44.

Il sied de préciser que - comme la caisse l’a indiqué dans sa détermination du 26 mars 2025 - toutes les années d’appoint et les années de jeunesse susceptibles d’être octroyées au recourant, soit 1979 et 1980, le lui ont été.

7.              

7.1 À l’aune de ce qui précède, la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter le recours.

7.2 Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le