Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/894/2025 du 20.11.2025 ( AI ) , ADMIS/RENVOI
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
| A/1910/2025 ATAS/894/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 20 novembre 2025 Chambre 5 | ||
En la cause
| A______ représenté par Me Andres PEREZ, avocat
| recourant |
contre
| OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né en 1965, est mécanicien de formation. Il a exercé la profession d’agriculteur-éleveur dans une ferme, en Bosnie, jusqu’en 1992. Le 21 novembre 1992, durant la guerre qui ravageait alors ce pays, il a reçu une multitude de fragments métalliques dans la jambe et le genou droit (shrapnels) à la suite de la déflagration causée par une mine antipersonnel. L’assuré a été soigné puis est arrivé en Suisse, le 5 mai 1993.
b. Hormis une brève expérience professionnelle en tant que serveur dans une pizzeria entre 1993 et 1994 et un stage de quelques mois auprès de l’entreprise d’insertion REALISE en 1998, il n’a jamais exercé d’activité lucrative en Suisse.
B. a. Le 30 août 1999, l’assuré a déposé une première demande de prestations invalidité. Par décision du 20 décembre 2005, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) a rejeté la demande, motif pris que l’assuré ne remplissait pas la clause d’assurance. Ce dernier a recouru contre cette décision, puis a retiré son recours et la décision de l’OAI est entrée en force.
b. Le 29 mars 2009, l’assuré a formé une deuxième demande de prestations invalidité auprès de l’OAI. Après avoir recueilli les avis des médecins traitants de l’assuré, le service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI a proposé qu’une expertise rhumato-psychiatrique soit réalisée.
c. Le 8 mars 2012, l’assuré s’est rendu au Bureau romand d’expertises médicales (BREM) pour se soumettre à un examen bi-disciplinaire (rhumatologique et psychiatrique), réalisé par les docteures B______, spécialiste en rhumatologie et C______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie Dans leur rapport du 29 juin 2012, les expertes ont posé les diagnostics suivants avec répercussion sur la capacité de travail :
- corps étrangers de plombs sous-cutanés du membre inférieur droit (M79.5) en regard du genou avec image de chondrocalcinose articulaire (diagnostic différentiel : arthropathie saturnine) ;
- tendinite des péroniers à gauche (M76.5).
Évoquant les limitations en relation avec les troubles constatés, les expertes ont considéré qu’au plan physique, l’assuré devait éviter de travailler en position à genoux ou accroupie, depuis 2009 (épanchements du genou) et éviter le travail sur échelle/échafaudage, terrain instable depuis 2010 (tendinopathie péronière). Elles n’ont, en revanche, objectivé aucune limitation qualitative ou quantitative au plan psychique, toute activité simple étant exigible, sans que l’on ait à tenir compte de critères particuliers. Dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles précitées – d’ordre purement physique –, l’assuré disposait d’une capacité de travail entière, sans diminution de rendement.
d. Dans un rapport du 16 août 2012, le SMR a considéré que le rapport d’expertise du 29 juin 2012 était pleinement convaincant et qu’il convenait d’en suivre les conclusions et de considérer que l’assuré n’avait jamais présenté d’incapacité de travail durable, au sens de la loi.
e. Par décision du 25 avril 2013, l’OAI a rejeté la demande de prestations invalidité au motif que le lien de causalité entre l’atteinte à la santé et l’incapacité de gain n’était pas établi.
f. Saisie d’un recours de l’assuré contre cette décision, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) a rejeté celui-ci par arrêt ATAS/983/2013 du 8 octobre 2013, au motif que rien ne permettait de s’écarter des conclusions du rapport d’expertise du 29 juin 2012 et que c’était donc à juste titre que l’OAI, sur la base de cette expertise, avait nié le droit à toute prestation en tenant compte d’une capacité de travail entière de l’assuré dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.
g. Le 28 février 2018, l’assuré a déposé une troisième demande de prestations auprès de l’OAI. L’atteinte à la santé consistait en des douleurs au genou droit et des opérations à la cheville gauche, consécutivement à l’explosion d’une mine antipersonnel en novembre 1992.
h. Par projet de décision du 23 novembre 2018, l’OAI a envisagé de rejeter cette demande.
i. Le 19 décembre 2018, l’assuré a contesté ce projet de décision et s’est déclaré disposé à se soumettre à une consultation auprès des médecins du SMR.
j. Le 18 janvier 2019, l’OAI a rendu une décision de refus de prestations. Vu l’absence d’élément objectif en faveur d’un changement notable de l’état de santé, la précédente décision, du 25 avril 2013, restait d’actualité.
k. Le 22 février 2019, l’assuré a interjeté recours contre cette décision, conclu à son annulation et à l’octroi d’une rente d’invalidité entière.
l. Par courrier du 29 juin 2020, la chambre de céans a informé les parties qu’elle avait l’intention de confier une mission d’expertise psychiatrique et orthopédique au professeur D______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et au docteur E______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur. Pour des raisons de disponibilité, la chambre de céans a, par la suite, proposé le docteur F______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, en lieu et place du Dr E______.
m. Dans son rapport d’expertise du 27 octobre 2021, le Dr F______ a posé comme diagnostics, ayant une répercussion sur la capacité de travail, des douleurs chroniques (M30.Z) ; la présence de corps étrangers de plomb sous-cutanés autour du genou droit (M79.5) ; une tendinopathie du muscle court péronier gauche (M76.7) ; une gonarthrose droite (M17.2) ; une chondrocalcinose du genou droit (M11.2) ; un œdème mixte des membres inférieurs dans un contexte d’insuffisance veineuse et de lipœdème (R 60.0) et une atteinte de la coiffe des rotateurs à droite (M75.1).
Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : limitations autant dans la station debout qu’assise prolongée, voire alternée ; limitations dans le périmètre de marche ; limitations dans la position à genoux et accroupie ; limitations dans la marche en terrain irrégulier ; dans les escaliers et les échafaudages ; limitations dans le port de charges au-delà de 5 kg et ceci depuis début 2011. Les plaintes étaient considérées comme objectivées. L’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle datait de l’accident du 21 novembre 1992 avec l’explosion de la mine antipersonnel. Toutefois, depuis cette date, l’expert orthopédiste considérait qu’il y avait une capacité de travail résiduelle, en tant que mécanicien, dans une activité adaptée à 100%, avec des incapacités temporaires à 100%, lors de l’ablation chirurgicale des corps étrangers jusqu’à guérison des cicatrices. À partir de juin-août 2010, l’incapacité de travail dans toute activité adaptée était de 100% jusqu’au mois de mars 2015, période à laquelle l’assuré avait retrouvé une capacité de travail entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. Le pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative était mauvais.
Enfin, l’expertise du Dr F______ comportait également une appréciation consensuelle du cas avec l’expert D______ (cf. ci-après : point. B, let. o).
n. Le 15 novembre 2021, le Prof. D______ a rendu à son tour ses conclusions.
L’assuré présentait, depuis 2005, une modification durable de la personnalité après une expérience de catastrophe (F62.0) et, depuis 2019, une majoration des symptômes physiques pour des raisons psychologiques (F68). Seul le premier de ces diagnostics, de gravité moyenne, avait une répercussion sur la capacité de travail dans la mesure où il était associé à une série de limitations fonctionnelles : irritabilité, détachement affectif avec ruminations sur son passé, attitude méfiante avec tendance au repli, sensibilité à la critique avec réactions défensives, relations interpersonnelles rares et souvent conflictuelles. Celles-ci n’empêchaient toutefois pas l’assuré d’exercer à plein temps, depuis 2005, une activité simple, ritualisée, avec faibles interactions humaines dans un milieu bienveillant, étant précisé que cette capacité s’était maintenue à ce taux entre juin 2012 et mars 2019.
o. Dans leur appréciation consensuelle du cas, les deux experts ont conclu, d’un commun accord, qu’il existait une capacité de travail résiduelle à 100%, à partir du 21 novembre 1992, dans une activité adaptée, en considérant toutefois des périodes avec une incapacité temporaire à 100%, lors de l’ablation chirurgicale des corps étrangers, jusqu’à guérison des cicatrices. La capacité de travail était de 100% dans une activité simple, ritualisée, avec faibles interactions humaines, en milieu bienveillant (de préférence en solitaire) entre 2005 et juin/août 2010. Il y avait eu une incapacité de travail à 100%, dans toute activité, à partir de juin/août 2010 jusqu’à mars 2015. Ensuite, l’assuré avait récupéré une capacité de travail de 100%, dans une activité simple, ritualisée, avec faibles interactions humaines, en milieu bienveillant (de préférence en solitaire), adaptée également aux limitations fonctionnelles somatiques concernant les membres inférieurs, à partir de mars 2015. Il fallait également tenir compte des limitations fonctionnelles concernant le membre supérieur droit, depuis juin 2021. Les deux experts étaient d’avis que le pronostic concernant une reprise d’une activité lucrative, même avec les limitations fonctionnelles énumérées, était mauvais.
p. Par arrêt ATAS/81/2022 du 3 février 2022, la chambre de céans a rejeté le recours de l’assuré, en l’absence d’un changement notable de son état de santé pouvant influencer ses droits depuis la décision du 25 avril 2013.
q. Le 14 mars 2022, l’assuré a saisi le Tribunal fédéral d’un recours contre cet arrêt.
r. Par ordonnance du 31 mai 2022, le Tribunal fédéral a rayé la cause du rôle par suite de retrait du recours.
C. a. Le 21 novembre 2024, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI. Il présentait, depuis 1992, des troubles psychiques et, au plan somatique, des troubles à l’épaule droite et aux genoux des deux côtés. Le suivi était assuré par le docteur G______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et le docteur H______, spécialiste en médecine interne générale.
b. Le 29 novembre 2024, l’OAI a accusé réception de la demande de prestations du 21 novembre 2024 et a fait savoir à l’assuré que celle-ci ne pourrait être examinée que s’il était rendu plausible que son invalidité s’était modifiée de manière à influencer ses droits depuis la dernière décision. Aussi était-il nécessaire qu’il fasse parvenir, dans un délai de 30 jours, des documents médicaux permettant d’admettre une aggravation de son état de santé, ceux-ci devant comporter des renseignements sur les diagnostics, l’évolution, les limitations fonctionnelles et la capacité de travail dans l’activité habituelle ainsi que dans une activité adaptée.
c. Par projet de décision du 11 février 2025, l’OAI a envisagé de refuser d’entrer en matière sur la demande de prestations du 21 novembre 2024 au motif que le courrier du « 22 novembre 2024 » (recte : 29 novembre 2024) était resté sans suite.
d. Dans un rapport du 20 mars 2025, le Dr G______ a indiqué que l’assuré était constamment envahi par les pensées et images de guerre et des violences vécues ou dont il avait été témoin. Il avait d’importants troubles du sommeil, des cauchemars et des réminiscences. À son hypervigilance s’ajoutait une attitude d’évitement. Ainsi, il ne regardait pas « les informations par exemple », pour ne pas être confronté aux images de guerre. Il ruminait également des idées paranoïdes et pensait que les professionnels qui s’occupaient de sa mère faisaient exprès de mal la prendre en charge. Il gardait une attitude hostile et méfiante. À noter qu’il était anosognosique. Tout ceci créait une anxiété sévère et quotidienne, des difficultés de concentration, un trouble du sommeil, une dévalorisation et une absence de libido.
En réponse à la mauvaise évolution de l’état de santé de sa mère – actuellement hospitalisée –, l’assuré présentait une aggravation des symptômes dépressifs et des idées paranoïdes depuis l’année passée.
Invité à mentionner les diagnostics qui, d’un point de vue psychiatrique, avaient une répercussion durable sur la capacité de travail, le Dr G______ a indiqué que ceux-ci consistaient en :
- un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, avec symptômes psychotiques (DSM 6A71.4) ;
- un trouble d’anxiété généralisée (DSM 6B00) ;
- un trouble de stress post-traumatique complexe (DSM 6B41) entraînant un trouble mental affectant des troubles ou des maladies classés ailleurs (DSM 6E40.0).
La première consultation remontait à mars 2019. Depuis lors, l’état de santé de l’assuré était stationnaire avec une persistance des symptômes post-traumatiques et des variations des troubles de l’humeur. En réponse à une péjoration de l’état de santé de sa mère, une aggravation des symptômes de l’assuré était toutefois observable depuis un an.
Invité à indiquer quelles limitations fonctionnelles découlaient des diagnostics ayant un impact durable sur la capacité de travail, le Dr G______ a mentionné pour l’essentiel que la capacité de l’assuré de s’adapter aux règles/routines et à appliquer des compétences professionnelles était nulle et qu’il en allait de même de son adaptabilité et de sa résistance psychique (stress, fatigabilité, ressources). En outre, sa flexibilité était diminuée. En effet, les situations sociales entraînaient chez lui un mouvement de fuite vers son domicile pour réguler son anxiété et son irritabilité. Sa capacité de décision et de jugement était également altérée (atermoiements, passivité, difficulté à mener une démarche de résolution d’un problème jusqu’au bout). Ses capacités d’affirmation de soi, à établir des contacts avec des tiers, à évoluer dans un groupe, à réaliser des activités spontanées et à prendre soin de soi était limitées. À cela s’ajoutaient des problèmes de mémoire et des difficultés de concentration, favorisées par des idées obsédantes relatives à sa situation ou des reviviscences traumatiques envahissant son esprit de façon intrusive.
Interrogé sur les répercussions des diagnostics durablement incapacitants dans les activités courantes de la vie (ménage, loisirs, activités sociales, etc.) ainsi que le déroulement d’une journée-type de l’assuré, le Dr G______ a indiqué que celui-ci présentait un isolement social sévère et une difficulté à effectuer les tâches ménagères (ménage fait une fois tous les trois mois). Il n’avait pas de loisirs ni d’activités sociales. La peur d’avoir mal ou de se montrer irritable l’isolait, si bien qu’il restait chez lui.
Interrogé sur les ressources disponibles ou mobilisables de l’assuré (soutien par le réseau social, l’aptitude à la communication, la motivation, les projets professionnels, de formation ou autres, etc.), le Dr G______ a répondu que l’assuré avait très peu de ressources. Il s’isolait et évitait de croiser des personnes de peur d’être jugé, de se sentir mal à l’aise ou de se fâcher. Il était soutenu par sa belle-sœur pour la lessive et le ménage. Sa nièce l’assistait pour les tâches administratives. Il pouvait compter sur sa première femme, ses deux enfants, sa mère et un frère pour le soutenir moralement. Enfin, il était capable d’établir une « alliance de travail » avec son psychiatre et présentait une bonne aptitude à communiquer ses états mentaux.
L’assuré n’était actuellement pas en mesure de suivre une mesure de réadaptation professionnelle. Sa capacité de travail était nulle dans toute activité et le resterait à moyen terme. Cela s’expliquait par ses limitations fonctionnelles. Présentes depuis de nombreuses années, celles-ci s’étaient chronicisées et aggravées récemment, au point d’être trop importantes et invalidantes.
Enfin, le Dr G______ a également annexé à son envoi un rapport d’examen neuropsychologique réalisé le 13 mars 2025 par I______, psychologue spécialiste en neuropsychologie FSP. Il en ressortait que selon les critères de l’association suisse de neuropsychologie (ASNP), on pouvait conclure à un trouble neuropsychologique léger à moyen. On retrouvait, en effet, une sous-fonction cognitive nettement réduite. Et d’autres fonctions étaient réduites ou possiblement réduites. Il existait également des signes marqués dans le domaine de l’affectivité et du comportement (dépression, anxiété, SSPT [syndrome de stress post-traumatique]). Selon ces critères, le degré d’incapacité de travail au sens strictement neuropsychologique se situait autour de 50% dans une activité adaptée, respectant son rythme, limitant les distracteurs attentionnels et le niveau de stress. I______ a toutefois précisé que les tests avaient été limités en raison de la langue et qu’une évaluation plus exhaustive aurait probablement retenu des troubles plus étendus, notamment dans la sphère exécutive et attentionnelle. Il se pouvait ainsi que la capacité de travail fût plus faible.
e. Par avis du 25 avril 2025, le SMR a estimé que l’assuré n’avait pas rendu plausible une aggravation de son état de santé depuis la décision du 18 janvier 2019, rejetant sa troisième demande de prestations. À l’appui de cette position, il a considéré, en synthèse, que le Dr G______ rappelait des éléments anamnestiques connus et qu’il retenait, comme par le passé, les diagnostics d’état de stress post-traumatique, de trouble dépressif et d’anxiété, sans se prononcer sur les raisons médicales qui l’amenaient à s’écarter des conclusions des deux expertises psychiatriques de 2012 et 2021 réfutant ces diagnostics en l’absence de critères cliniques requis. Par ailleurs, le status psychiatrique, les limitations fonctionnelles et le descriptif d’une journée-type étaient superposables aux éléments rapportés dans l’expertise du Prof. D______. Cela était cohérent avec le diagnostic de modification durable de la personnalité posé par cet expert. Quant à l’évolution actuelle, jugée stationnaire par le Dr G______ depuis le début de sa prise en charge en 2019, elle était également cohérente avec ce diagnostic. Les ressources intrinsèques et familiales de l’assuré restaient présentes. Quant à « l’anxiété situationnelle » que le Dr G______ avait constatée en lien avec l’aggravation de l’état de santé de la mère de l’assuré, elle apparaissait compréhensible et adaptée au contexte mais sans équivalent pathologique. En outre, la fréquence de la prise en charge psychiatrique n’avait pas été modifiée (4 consultations par mois), sans nécessité de recours à une hospitalisation en milieu spécialisé, ce qui parlait indirectement contre une aggravation de l’état de santé. Enfin, le bilan neuropsychologique du 13 mars 2025 s’appuyait avant tout sur des données anamnestiques, malheureusement sans passation de tests de validation des symptômes pour contrôler la fiabilité des réponses. Or, lors de l’expertise réalisée par le Prof. D______ en 2021, ces tests avaient fait retenir « un biais de réponse, avec tendance à la surcharge, à l’exagération des symptômes et à la majoration des plaintes, dans un contexte de revendication assécurologique ». Sur la base de ces arguments, cet expert n’avait pas reconnu de validité médicale à l’évaluation neuropsychologique du 1er juillet 2021, de même qu’il s’était distancié de l’appréciation du Dr G______ relative à l’évaluation neuropsychologique du 18 mars 2019, dont les résultats avaient été également invalidés par des troubles cognitifs déjà clairement majorés. Pour les mêmes raisons, les conclusions du bilan neuropsychologique du 13 mars 2025 ne permettaient pas de retenir d’atteinte cognitive incapacitante. En conséquence, les précédentes conclusions du SMR restaient valables.
f. Par décision du 28 avril 2025, l’OAI n’est pas entré en matière sur la demande de prestations formée le 21 novembre 2024, l’assuré n’ayant pas rendu plausible une aggravation de son état de santé depuis la décision de refus de prestations du 18 janvier 2019.
D. a. Le 30 mai 2025, l’assuré, représenté par un avocat, a saisi la chambre de céans d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l’intimé pour que celui-ci entre en matière sur la demande du 21 novembre 2024. Il a également sollicité, à titre préalable, un délai pour compléter son écriture.
À l’appui de sa position, il a fait valoir, en substance, que le rapport du 25 mars 2025 du Dr G______ démontrait, au degré de la vraisemblance prépondérante, que son état de santé s’était aggravé. Dans la mesure où la constitution récente de son avocat n’avait pas permis à celui-ci de consulter le dossier à ce jour, le rapport précité du 25 mars 2025 serait adressé à la chambre de céans dans les meilleurs délais.
b. Par réponse du 8 juillet 2025, l’intimé a conclu au rejet du recours. Renvoyant à l’avis du 25 avril 2025 du SMR, il a soutenu que le rapport du 20 mars 2025 du Dr G______ ne rendait pas plausible une aggravation de l’état de santé qui serait survenue depuis la dernière décision de refus de prestations. En conséquence, c’était à bon droit qu’une décision de refus d’entrée en matière avait été rendue.
c. Le 8 septembre 2025, le recourant a répliqué en soutenant que l’aggravation de son état de santé était documentée à plusieurs égards. En effet, les diagnostics retenus par le Dr G______ étaient nouveaux en tant qu’ils différaient de ceux posés par l’expert D______. Par ailleurs, le Dr G______ relevait l’apparition d’idées paranoïdes ainsi qu’une péjoration de l’état thymique depuis une année en lien avec la dégradation de l’état de santé de la mère du recourant. De même, les limitations fonctionnelles que le Dr G______ retenait étaient beaucoup plus étendues que celles mentionnées dans le rapport d’expertise du Prof. D______ et corroborées par le rapport neuropsychologique du 13 mars 2025 de I______. Enfin, contrairement à ce qu’affirmait le SMR, le traitement médicamenteux prescrit et le nombre mensuel de consultations étaient plus important en 2025 qu’antérieurement. Au vu de ces éléments, il apparaissait que l’état de santé du recourant avait connu une évolution défavorable depuis la décision du 18 janvier 2019, caractérisée par de nouveaux diagnostics psychiatriques et une aggravation des symptômes et des limitations fonctionnelles.
d. Par pli du 2 octobre 2025, l’intimé a fait savoir que la dernière écriture du recourant ne modifiait pas son appréciation du cas.
e. Le 9 octobre 2025, une copie de ce courrier a été envoyée, pour information, au recourant.
f. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
g. Les autres faits et documents seront mentionnés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Selon l’art. 38 al. 3 LPGA, applicable par renvoi de l’art. 60 al. 2 LPGA, lorsque le délai échoit un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal, son terme est reporté au premier jour ouvrable qui suit.
Datée du 28 avril 2025, la décision litigieuse a été reçue au plus tôt le lendemain, de sorte que le délai de recours a commencé à courir au plus tôt le 30 avril 2025 (cf. art. 38 al. 1 LPGA) pour arriver à échéance le 29 mai 2025. Cette date tombant sur un jour férié (jeudi de l’Ascension), le terme du délai de recours a été reporté au lendemain. Posté le 30 mai 2025 et respectant la forme prévue par la loi, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le point de savoir si l’intimé était fondé à refuser d’entrer en matière sur la nouvelle demande déposée par le recourant le 21 novembre 2024. Il s’agit plus particulièrement d’examiner si celui-ci a rendu plausible une modification de son état de santé susceptible d’influencer ses droits depuis la dernière décision entrée en force du 18 janvier 2019, reposant sur un examen matériel du droit aux prestations de l’assurance-invalidité.
3.
3.1 Dans le cadre du développement continu de l’AI, la LAI, le règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201) et l’art. 17 LPGA notamment ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (modifications des 19 juin 2020 et 3 novembre 2021 ; RO 2021 705 et RO 2021 706).
Conformément aux principes généraux en matière de droit intertemporel, les règles de droit déterminantes en cas de modification du droit sont celles qui étaient en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement et qui a des conséquences juridiques (ATF 149 II 320 consid. 3 ; 148 V 174 consid. 4.1 et les références). En application de ce principe général du droit intertemporel, lorsqu’un état de fait durable s’est produit en partie avant et en partie après l’entrée en vigueur de la nouvelle législation, le droit à une rente d’invalidité doit être examiné pour la première période selon les dispositions de l’ancien droit et pour la deuxième période selon les nouvelles règles. Les réglementations transitoires particulières sont réservées (arrêt du Tribunal fédéral 9C 505/2023 du 26 juin 2024 consid. 2.2 et la référence).
Dans les cas de révision selon l’art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu’au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l’art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).
3.2 En l’occurrence, la décision litigieuse a été rendue après le 1er janvier 2022. Par ailleurs, dans la mesure où le rapport du 25 mars 2025 du Dr G______ – sur lequel se fonde le recourant – évoque une aggravation des symptômes dépressifs et des idées paranoïdes « depuis l’année passée » (dossier AI, doc. 298, p. 1054), ce qui correspond à l’année 2024, une éventuelle modification des circonstances serait survenue après l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2022, des modifications des 19 juin 2020 et 3 novembre 2021 précitées. En conséquence, les dispositions applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
3.3 Selon l’art. 87 RAI, lorsqu’une demande de révision est déposée, celle-ci doit établir de façon plausible que l’invalidité, l’impotence ou l’étendue du besoin de soins ou du besoin d’aide découlant de l’invalidité de l’assuré s’est modifiée de manière à influencer ses droits (al. 2). Lorsque la rente, l’allocation pour impotent ou la contribution d’assistance a été refusée parce que le degré d’invalidité était insuffisant, parce qu’il n’y avait pas d’impotence ou parce que le besoin d’aide ne donnait pas droit à une contribution d’assistance, la nouvelle demande ne peut être examinée que si les conditions prévues à l’al. 2 sont remplies (al. 3).
3.4 Lorsque la rente a été refusée parce que le taux d’invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l’assuré rend plausible que son invalidité s’est modifiée de manière à influencer ses droits. Cette exigence doit permettre à l’administration qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force d’écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l’assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 133 V 108 consid. 5.2 et 5.3 ; 130 V 64 consid. 5.2.3 ; 117 V 198 consid. 4b et les références). Lorsqu’elle est saisie d’une nouvelle demande, l’administration doit commencer par examiner si les allégations de l’assuré sont, d’une manière générale, plausibles. Si tel n’est pas le cas, l’affaire est liquidée d’entrée de cause et sans autres investigations par un refus d’entrer en matière (arrêt du Tribunal fédéral 9C_576/2021 du 2 février 2022 consid. 2.2 et les références).
3.4.1 Les conditions d’entrée en matière prévues par l’art. 87 al. 2 et 3 RAI ont pour but de restreindre la possibilité de présenter de manière répétée des demandes de rente identiques (ATF 133 V 108 consid. 5.3.1). Lorsqu’elle est saisie d’une nouvelle demande, l’administration doit commencer par examiner si les allégations de l’assuré sont, d’une manière générale, plausibles. Si tel n’est pas le cas, l’affaire est liquidée d’entrée de cause et sans autres investigations par un refus d’entrée en matière. À cet égard, l’administration se montrera d’autant plus exigeante pour apprécier le caractère plausible des allégations de l’assuré que le laps de temps qui s’est écoulé depuis sa décision antérieure est bref. Elle jouit sur ce point d’un certain pouvoir d’appréciation que le juge doit en principe respecter. Ainsi, le juge ne doit examiner comment l’administration a tranché la question de l’entrée en matière que lorsque ce point est litigieux, c’est-à-dire quand l’administration a refusé d’entrer en matière et que l’assuré a interjeté recours pour ce motif. Ce contrôle par l’autorité judiciaire n’est en revanche pas nécessaire lorsque l’administration est entrée en matière sur la nouvelle demande (ATF 109 V 108 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_789/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2.2). Dans cette dernière hypothèse, l’administration doit effectivement procéder de la même manière que dans les cas de révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA et comparer les circonstances prévalant lors de la nouvelle décision avec celles existant lors de la dernière décision entrée en force et reposant sur un examen matériel du droit à la rente pour déterminer si une modification notable du taux d’invalidité justifiant la révision du droit en question est intervenue (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_412/2010 du 22 février 2011 consid. 3). Il sied toutefois de préciser que l’exigence d’une modification du degré d’invalidité d’au moins 5% ne s’applique pas en cas de nouvelle demande. Ainsi, l’assuré qui s’est vu par exemple refuser l’octroi d’une rente en raison d’un taux d’invalidité de 38% sur la base d’une décision entrée en force pourra néanmoins prétendre à une rente d’invalidité de 27.5% (cf. art. 28b al. 4 LAI) si dans le cadre d’une nouvelle demande, le degré d’invalidité est de 41% (FF 2017 p. 2506 ; Ulrich MEYER, Marco REICHMUTH, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum IVG, 4e éd., 2022, p. 441, n. 118).
3.4.2 Le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’autorité (cf. art. 43 al. 1 LPGA), ne s’applique pas à la procédure de l’art. 87 al. 3 RAI (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5). Le juge fonde plutôt son examen sur les faits et les pièces du dossier tels qu’ils se présentaient à l’administration au moment où celle-ci a rendu sa décision de non-entrée en matière (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2019 du 30 juillet 2019 consid. 1.1). Dans ce cas, l’examen du juge se limite au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative justifient ou non la reprise de l’instruction du dossier (arrêt du Tribunal fédéral 9C_789/2012 du 27 juillet 2013 consid. 4.1), étant précisé que peuvent également être pris en compte les rapports rendus postérieurement à la décision litigieuse, s’ils permettent d’apprécier les circonstances au moment où cette décision a été rendue (arrêt du Tribunal fédéral I 249/02 du 31 octobre 2002 consid. 2.3 et les arrêts cités).
3.4.3 L’exigence relative au caractère plausible de la modification ne renvoie pas à la notion de vraisemblance prépondérante usuelle en droit des assurances sociales. Il suffit qu’il existe au moins certains indices permettant de présumer l’existence de la modification de fait alléguée depuis le moment auquel la décision de refus de prestations a été rendue, quand bien même la possibilité subsiste qu’une instruction plus poussée ne permette pas de confirmer le changement allégué (arrêt du Tribunal fédéral 9C_154/2020 du 16 juin 2020 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral I 724/99 du 5 octobre 2001 consid. 1c/aa ; Damien VALLAT, La nouvelle demande de prestations AI et les autres voies permettant la modification de décisions en force, in RSAS 2003, p. 396 ch. 5.1).
Un nouveau diagnostic, en particulier de nature psychiatrique, n’est pas suffisant à lui seul pour rendre plausible une modification notable de l’état de santé. En effet, un tel diagnostic nouveau ne dit pas nécessairement grand-chose sur l’élément quantitatif de la détérioration de l’état de santé et son incidence sur la capacité de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3.2.2). En particulier, le diagnostic de dépression ne permet pas de conclure directement à une incapacité de travail, quel qu’en soit le degré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_841/2019 du 30 mars 2020 consid. 4.2.2 et la référence).
3.5 En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d’invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d’entraîner une incapacité de gain au sens de l’art. 4 al. 1 LAI. Pour qu’une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu’un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l’anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s’il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d’atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels ; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d’autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l’on puisse parler d’invalidité. En revanche, là où l’expert ne relève pour l’essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n’y a pas d’atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine). Ces principes sont toujours valables dans le cadre de la jurisprudence soumettant l’évaluation des troubles psychiques à une procédure probatoire structurées selon l’ATF 141 V 281 (cf. ATF 143 V 418 consid. 6 et 7), le droit de l’assurance-invalidité continuant à exclure les facteurs psychosociaux ou socioculturels dans la mesure où il s’agit de décrire les facteurs assurés qui sont déterminants, d’un point de vue causal, pour l’évaluation de l’incapacité de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_559/2019 du 20 janvier 2020 consid. 3.2). En revanche, les conséquences fonctionnelles des atteintes à la santé sont également évaluées en tenant compte des facteurs psychosociaux et socioculturels qui influencent l’ampleur des conséquences d’une atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 3.4.2.1). En tant qu’ils entraînent directement des conséquences fonctionnelles négatives, ils ne sont donc pas pris en compte (ATF 141 V 281 consid. 3.4.3.3 ; 127 V 294 consid. 5a). Les facteurs de stress psychosociaux peuvent toutefois contribuer indirectement à l’invalidité s’ils entraînent une atteinte avérée à l’intégrité psychique qui restreint à son tour la capacité de travail, s’ils maintiennent une atteinte à la santé devenue autonome ou en aggravent les conséquences – qui existent indépendamment des éléments étrangers à l’invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_559/2019 du 20 janvier 2020 consid. 3.2 et l’arrêt cité). Des facteurs de stress psychosociaux peuvent par exemple avoir pour origine l’immigration, des soucis financiers, des conditions de travail difficiles, la perte d’un emploi, des conflits conjugaux, le décès de proches, etc. (cf. notamment l’arrêt du Tribunal fédéral I 784/04 du 20 juin 2005 consid. 4.2).
4. En l’espèce, il convient d’examiner si le recourant a rendu plausible que son état de santé s’est aggravé depuis la décision de refus de prestations du 18 janvier 2019. On rappellera que la chambre de céans a confirmé cette décision par arrêt ATAS/81/2022 du 3 février 2022 en se fondant sur le rapport d’expertise bi‑disciplinaire du Dr F______ et du Prof. D______. Dans la mesure où les modifications alléguées par le recourant dans les suites de sa demande du 21 novembre 2024 ne concernent pas les aspects somatiques du cas, on se contentera de déterminer ci-après si le rapport du 20 mars 2025 du Dr G______ – qui s’écarte du rapport d’expertise du Prof. D______ notamment sur le plan des diagnostics et de la capacité de travail – comporte au moins certains indices allant dans le sens de l’aggravation alléguée par le recourant.
4.1 À titre liminaire, il sied de rappeler que le rapport du Dr G______ du 20 mars 2025 pose les diagnostics de trouble de stress post-traumatique, trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, avec symptômes psychotiques, et trouble d’anxiété généralisée. En comparant ce rapport à celui que ce médecin a rendu le 26 avril 2019, qui évoquait déjà « un état de stress post-traumatique » (cf. pièce 4 recourant), il apparaît que seuls les deux derniers diagnostics cités dans le rapport du 20 mars 2025 sont apparemment nouveaux. On constate toutefois que l’expert D______ a relevé en 2021 que la docteure J______, cheffe de service à la Clinique de Montana, avait déjà posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent avec épisode actuel modéré à sévère dans le cadre d’un séjour que le recourant avait effectué du 7 au 29 octobre 2019 dans cette clinique (cf. dossier AI, doc. 258, p. 913 et la référence de l’expert à ce rapport). On relève ensuite que le Prof. D______ a pris position au sujet de l’état de stress post-traumatique attesté par le Dr G______ en expliquant qu’un tel diagnostic « ne peut pas être retenu à ce jour […] mais probablement pas non plus au début de [la] trajectoire de soins en 2005 […] » (cf. dossier AI, doc. 258, p. 927). Par ailleurs, cet expert n’a pas fait sien non plus le diagnostic de trouble dépressif récurrent posé par la Dre J______, pas plus qu’il n’a retenu d’éléments en faveur d’une anxiété généralisée ou d’un trouble anxieux, ce qu’il a motivé en ces termes :
« la thymie est triste sans fixation de la tonalité au pôle dépressif. Baisse légère de l’élan vital sans aboulie ou anhédonie. Absence d’idées noires ou idéation suicidaire lors de l’entretien. Absence de distorsions cognitives de la lignée dépressive. Absence de sentiment de dévalorisation, culpabilité ou d’inutilité. Pas de troubles biologiques de la lignée dépressive. Vision pessimiste et désabusée de son avenir en référence à l’éloignement de sa famille et les contacts rares avec ses enfants. Décrit une irritabilité accrue sans éléments en faveur d’une anxiété généralisée ou d’un trouble anxieux » (cf. dossier AI, doc. 258, p. 919-920).
Sachant par ailleurs que le Dr G______ n’indique pas dans son rapport du 20 mars 2025 les raisons pour lesquelles il s’écarte du rapport d’expertise du 15 novembre 2021 – dont il ne fait d’ailleurs mention nulle part – et qu’il reconnaît lui-même que depuis le début de la prise en charge en mars 2019, « l’état de santé du patient [est] stationnaire avec persistance des symptômes post-traumatiques et variations du trouble de l’humeur » (dossier AI, doc. 298, p. 1056), ce médecin effectue à première vue une appréciation différente de l’état de fait déjà examiné par l’expert D______ jusqu’en novembre 2021, à ceci près qu’il fait également état de symptômes psychotiques – accompagnant le trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère – et d’une aggravation des symptômes dépressifs et des idées paranoïdes depuis un an (i.e. depuis 2024), en réponse à la mauvaise évolution de l’état de santé de la mère de l’intéressé, hospitalisée.
4.2 En tant que le rapport du 20 mars 2025 du Dr G______ souligne qu’une aggravation des symptômes du recourant est observable depuis un an en réponse à la péjoration de l’état de santé de sa mère, le SMR estime dans son avis du 25 avril 2025 que
« l’anxiété situationnelle constatée par le psychiatre, en lien avec l’aggravation de l’état de santé de la mère de l’assuré, apparaît compréhensible et adaptée au contexte, sans équivalent pathologique. La fréquence de la prise en charge psychiatrique n’a d’ailleurs pas été modifiée, sans nécessité de recours à une hospitalisation en milieu spécialisé, ce qui parle indirectement contre une aggravation de l’état de santé. Enfin, le bilan neuropsychologique du 13/03/25 sollicité par le psychiatre traitant dans le cadre de la présente demande AI, s’appuie essentiellement sur des données anamnestiques, malheureusement sans passation de tests de validation de symptômes pour contrôler la fiabilité des réponses » (cf. dossier AI, doc. 303, p. 1078).
La chambre de céans constate en premier lieu qu’en tant que le SMR évoque l’absence d’un « équivalent pathologique » en lien avec le facteur de stress psychosocial que constitue l’atteinte à la santé de la mère du recourant, sa vision de la portée des facteurs psychosociaux est trop réductrice. Il sied en effet de rappeler qu’une contribution pertinente de ces facteurs à l’invalidité n’est pas réservée à l’hypothèse dans laquelle ceux-ci entraînent une atteinte avérée à l’intégrité psychique : les facteurs psychosociaux peuvent également maintenir une atteinte à la santé devenue autonome ou en aggraver les conséquences (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_559/2019 consid. 3.2 précité).
En second lieu, contrairement à ce qu’affirme le SMR, alors qu’il était question de 2 à 3 consultations par mois auprès du Dr G______ et de « Mme K______(psychologue) qui le rencontre 2 à 3 fois par mois en psychothérapie par délégation » (dossier AI, doc. 258, p. 912), les consultations sont désormais au nombre de 4 par mois (dossier AI, doc. 298, p. 1084). Par ailleurs, la médication a également connu une évolution : alors que l’expert D______ évoquait, en novembre 2021, un traitement à base de Zyprexa (2.5 mg par jour), Valdoxan (25 mg par jour) et de Stilnox (10 mg par jour en réserve) (dossier AI, doc. 258, p. 912), le rapport du 20 mars 2025 du Dr G______ indique que le Zyprexa et le Valdoxan ont été abandonnés – en raison de l’absence de réponse clinique ou de la présence d’effets secondaires délétères – et remplacés par du Réagila, de la Venlafaxine et du Xanax. En outre, il est indiqué que malgré une bonne observance sur le plan médicamenteux et psychothérapeutique, les limitations fonctionnelles, qui « sont présentes depuis de nombreuses années, se sont chronicisées et se sont aggravées récemment […], entraînant une incapacité de travail totale de longue durée » (dossier AI, doc. 298, p. 1055 et 1058). Enfin, il est précisé dans l’examen neuropsychologique du 13 mars 2025 qu’en l’absence de discordance au sein des différents tests cognitifs, ceux-ci peuvent être considérés comme valides devant l’authenticité des plaintes et la bonne cohérence avec le vécu et la présentation clinique (dossier AI, doc. 298, p. 1063 in fine).
Bien qu’il existe des différences d’appréciation diagnostiques entre l’expert D______ et le Dr G______, la chambre de céans n’en constate pas moins que l’aggravation des symptômes, relatée par ce psychiatre traitant, et survenue en 2024 en réponse à la péjoration de l’état de santé de sa mère, est en tout état postérieure à l’expertise et se reflète dans l’aggravation des limitations fonctionnelles « observées en raison de l’état de santé psychique actuel du patient » (dossier AI, doc. 298, p. 1062). Or si, à l’instar du SMR, on excluait la pertinence de l’aggravation des symptômes évoquée par le Dr G______ au seul motif que l’aggravation de l’état de santé de la mère du recourant constituerait un facteur de stress psychosocial à écarter d’emblée du champ d’analyse, cela reviendrait, selon la jurisprudence, à examiner la plausibilité de l’aggravation de l’atteinte à la santé non pas au regard de la gravité objective de l’atteinte et de ses effets sur la capacité de travail et de gain, mais uniquement sur la base de critères anamnestiques. Cela n’est pas admissible et appelle, au contraire, de la part de l’administration, qu’elle procède à une évaluation détaillée portant sur l’influence des facteurs psychosociaux sur l’évolution et l’appréciation du tableau clinique dans la mesure où un rapport satisfaisant à ces réquisits ne figure pas au dossier (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_336/2024 du 1er juillet 2025 consid. 4.3.3 et 9C_55/2016 du 14 juillet 2016 consid. 4 et 5). S’agissant enfin de la critique du SMR, relative au bilan neuropsychologique du 13 mars 2025 qui, à défaut de tests de validation des symptômes, s’appuierait essentiellement sur des données anamnestiques, elle ne saurait être suivie. Il est en effet précisé dans le rapport du 13 mars 2025 de la psychologue I______ que lors de l’examen neuropsychologique, le recourant a fait montre d’un comportement bien adapté et d’un bon effort cognitif (cf. dossier AI, doc. 298, p. 1061) et qu’en l’absence de discordance au sein des différents tests cognitifs, les tests peuvent être considérés comme valides devant l’authenticité des plaintes et la bonne cohérence avec le vécu et la présentation clinique (cf. dossier AI, doc. 298, p. 1063 in fine). Au vu de cette explication bien motivée de la psychologue I______, qui se fonde notamment sur une comparaison entre les tests cognitifs et d’autres critères d’analyse, l’absence de test de validation pointée par le SMR apparaît d’autant moins pertinente que dans le présent contexte d’une aggravation des symptômes en réponse à un facteur psychosocial, cette prétendue lacune du rapport d’examen neuropsychologique ne doit pas servir à éluder l’obligation de l’OAI de procéder à une évaluation détaillée portant sur l’influence du facteur psychosocial invoqué (aggravation de l’état de santé de la mère) sur l’évolution et l’appréciation du tableau clinique du recourant (cf. ci-dessus).
4.3 Il résulte, en synthèse, de ce qui précède qu’il existe chez le recourant une intrication de problèmes de nature psychique et de problèmes qui ont pour origine un facteur de stress psychosocial depuis 2024, à savoir une aggravation de son état de santé en réponse à l’aggravation de l’état de santé de sa mère. En tant qu’il décrit cette évolution, sur fond de symptômes nouveaux (psychotiques) ou à tout le moins en aggravation (symptômes dépressifs et idées paranoïdes), et qu’il relate une aggravation des limitations fonctionnelles de l’intéressé malgré l’observance, par celui-ci, du traitement médical (psychothérapeutique et pharmacologique), le rapport du 20 mars 2025 du Dr G______ rend plausible une aggravation de l’état de santé du recourant, et ce en dépit de l’absence d’une évaluation détaillée de l’influence des facteurs psychosociaux sur l’évolution et l’appréciation du tableau clinique.
5. Compte tenu de ce qui précède, il convient d’annuler la décision attaquée et de renvoyer la cause à l’intimé pour qu’il entre en matière sur la demande du 21 novembre 2024 et complète l’instruction au sens des considérants, cas échéant en mettant en œuvre une expertise psychiatrique.
6.
6.1 Obtenant gain de cause et étant assisté par un conseil, le recourant a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 2’000.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).
6.2 La procédure n’étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI) et vu l’issue du litige, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d’un émolument de CHF 200.-.
*****
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet.
3. Annule la décision du 28 avril 2025 et renvoie la cause à l’intimé pour qu’il entre en matière sur la demande du 21 novembre 2024 et complète l’instruction au sens des considérants.
4. Alloue au recourant, à la charge de l’intimé, une indemnité de CHF 2’000.- à titre de participation à ses frais et dépens.
5. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.
| La greffière
Véronique SERAIN |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le