Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/875/2025 du 17.11.2025 ( AI ) , REJETE
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
| A/1055/2025 ATAS/875/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 17 novembre 2025 Chambre 16 | ||
En la cause
| A______ représenté par Me Andrea VON FLÜE, avocat
| recourant |
contre
| OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1978, souffre d’un diabète de type I depuis l’âge de 5 ans. Il n’a jamais exercé d’activité lucrative. L’Hospice général lui accorde une aide financière.
b. Le 14 décembre 2023, il a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI).
B. a. Dans un rapport du 21 novembre 2023, le docteur B______, spécialiste en médecine interne générale, a relevé que l’assuré avait perdu la vision de l’œil droit et 35% de la vision de l’œil gauche depuis plus de dix ans à la suite d’une rétinopathie diabétique sévère, de façon irréversible.
b. Le 7 février 2024, l’OAI a reçu :
- un certificat du 27 février 2013 d’une entreprise active dans la gestion de fonds, indiquant que l’assuré avait travaillé bénévolement à 50% du 1er février au 15 décembre 2012. Ses tâches comprenaient les ordres de paiement (vérification/transmission), les placements fiduciaires, la préparation des dossiers des remises documentaires, le classement et la gestion des suspens, ainsi que la réception de la clientèle ;
- une attestation du 28 juillet 2008 d’une association de protection de la nature, mentionnant que l’assuré travaillait bénévolement depuis le 23 juin 2008. Il s’assurait des tâches d’employé administratif dans le secrétariat ;
- le curriculum vitae (CV) de l’assuré ajoutant avoir travaillé pour cette association jusqu’en 2011.
c. Dans un rapport du 19 mars 2024, le Dr B______ a posé le diagnostic, avec répercussion sur la capacité de travail, de perte de la vue. L’assuré présentait une rétinopathie diabétique sévère bilatérale, avec une perte complète irréversible de sa vision de l’œil droit depuis deux ans, qui empêchait tout travail de précision visuelle. La perte visuelle à gauche pouvait se développer dans le futur. Son diabète était auto-géré sans autre complication connue. L’assuré était autonome à domicile. Ses ressources disponibles étaient sa mère. Sa capacité de travail était nulle dans toute activité depuis janvier 2022.
d. Dans un « questionnaire statut » complété par l’assuré le 8 avril 2024, à la question de savoir s’il avait suivi une formation certifiante, il a répondu par la négative. À la question de savoir s’il exerçait une activité professionnelle avant l’atteinte à la santé, l’assuré a également répondu par la négative.
e. Dans un rapport du 30 avril 2024, le docteur C______, spécialiste en ophtalmologie, a posé le diagnostic, avec répercussion sur la capacité de travail, de décollement de rétine tractionnel maculaire de l’œil droit. Les diagnostics, sans répercussion sur la capacité de travail, étaient la rétinopathie diabétique proliférante des deux yeux, la néovascularisation irienne de l’œil droit et le décollement de rétine tractionnel débutant périphérique de l’œil gauche. La capacité de travail de l’assuré était de 100% dans une activité adaptée, l’acuité visuelle de l’œil gauche étant encore bonne.
f. Dans une note du 7 mai 2024, l’OAI a retenu un statut ménager pour l’assuré. Ce dernier avait travaillé à titre bénévole entre 2008 et 2012. Il n’avait jamais eu de revenus selon l’extrait de son compte individuel. Rien n’indiquait qu’il souhaitait se former à la fin de l’école secondaire pour exercer une activité professionnelle plus tard.
g. Par avis du 12 juin 2024, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a retenu, à titre d’atteinte à la santé incapacitante, une perte de l’acuité visuelle à l’œil droit dans le contexte d’un décollement de rétine fractionnel (recte : tractionnel) maculaire chez un assuré diabétique insulino‑requérant. Sa capacité de travail, nulle dans l’activité habituelle d’employé administratif depuis janvier 2022, était entière dans une activité adaptée depuis toujours (mis à part pendant une période de trois mois post-opératoires en cas d’intervention ophtalmo-chirurgicale). Les limitations fonctionnelles étaient : éviter les activités nécessitant une vision de précision binoculaire précise, l’usage prolongé d’écrans, et la conduite d’engin ou machine.
h. Le 3 octobre 2024, une enquête sur le ménage a été réalisée au domicile de l’assuré, qui vivait avec sa mère, 72 ans, retraitée. À cette occasion, l’assuré a déclaré qu’il habitait également avec son grand-père à l’époque, et ne rencontrait alors pas de difficultés financières. Après le décès de celui-ci, il n’avait pas eu d’autre choix que de solliciter une aide de l’Hospice général, car en 2008, il n’avait aucune expérience professionnelle. Dans le cadre des cours proposés par cette institution, il avait effectué du bénévolat pour alimenter son CV. Il avait envoyé des lettres de motivation dans le domaine administratif, sans succès. Des stages lui avaient été proposés, mais il n’y avait pas donné suite en raison de ses problèmes de santé. Dans un rapport du 4 octobre 2024, l’évaluatrice a conclu que les empêchements de l’assuré avant l’obligation de réduire le dommage était de 2.7%, mais de 0% après l’obligation de réduire le dommage.
i. Dans un projet de décision du 6 novembre 2024, l’OAI a annoncé à l’assuré qu’il entendait rejeter sa demande de prestations.
Le statut d’assuré retenu dans sa situation était celui d’une personne non active consacrant tout son temps à ses travaux habituels. Celui-ci présentait une atteinte à la santé depuis janvier 2022. L’invalidité dans la sphère des travaux habituels était évaluée en fonction des difficultés que l’assuré rencontrait pour accomplir ses travaux habituels. Selon l’enquête économique sur le ménage, son empêchement pondéré dans la tenue du ménage était de 2.7%. En tenant compte de l’exigibilité des membres de la famille, ses empêchements étaient de 0%. Un taux inférieur à 40% n’ouvrait pas le droit à des prestations sous forme de rente. Par ailleurs, des mesures professionnelles n’étaient pas indiquées dans sa situation.
j. Le 29 novembre 2024, l’assuré a contesté ce projet de décision, en particulier le statut retenu.
Il était sans activité en raison de ses atteintes à la santé. Il n’avait plus exercé d’activité ces dernières années afin de préserver sa vision résiduelle. Il était arbitraire de retenir que son atteinte à la santé remontait à janvier 2022, dès lors que selon le rapport du Dr B______ du 21 novembre 2023, il avait perdu la vision de l’œil droit depuis plus de dix ans. Il avait de la peine à faire ses courses ou à s’occuper des tâches ménagères dans l’appartement. S'il pouvait compter sur l’aide de sa mère, elle était à la retraite et souffrait de problèmes de santé également. La pondération retenue correspondait à celle d’une personne valide ne présentant presque aucune atteinte à la santé.
k. Dans une note du 29 janvier 2025, l’OAI a indiqué que selon le Dr B______, le diagnostic ayant un impact sur la capacité de travail était la perte de la vue à l’œil droit intervenue depuis deux ans. Aucun nouvel élément médical permettait de remettre en cause l’avis du SMR du 12 juin 2024. Ainsi, la date du début de l’incapacité de travail à janvier 2022 était confirmée. En ce qui concerne le statut de l’assuré, il avait vécu de la fortune de son grand-père jusqu’en 2008, date à laquelle il avait 30 ans. Dans ces circonstances, il était considéré sans activité lucrative. Malgré la proposition de stages par l’Hospice général, l’assuré n’y avait pas donné suite. Il n’existait pas suffisamment d’éléments pour admettre, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré aurait exercé une activité professionnelle à plein temps sans atteinte à la santé. En l’absence de preuves de la poursuite de ses études, de recherches d’emploi et d’atteinte incapacitante avant janvier 2022, le statut ménager de l’assuré était maintenu.
l. Dans une note du 14 février 2025, le service des évaluations de l’AI a rappelé que les limitations fonctionnelles retenues par le SMR n’avaient que peu d’impact sur les activités au ménage. Aucun nouvel élément probant n’était apporté susceptible de modifier l’appréciation effectuée au domicile. L’exigibilité à charge de la mère de l’assuré (34 minutes par semaine) ne représentait pas une aide excessive. Il n’y avait pas lieu de s’écarter des conclusions de l’enquête ménagère.
m. Par décision du 20 février 2025, l’OAI a rejeté la demande de prestations, pour les motifs exposés dans le projet de décision, tout en précisant que les éléments apportés dans le cadre de l’audition ne permettaient pas de modifier l’appréciation du cas.
C. a. Par acte du 26 mars 2025, l’assuré a recouru contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant, sous suite de dépens, à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité.
Le statut ménager retenu était contesté. L’absence d’activité ne découlait pas d’un choix, mais de ses graves atteintes à la santé. Son diabète de type I et ses problèmes de vue, présents depuis de nombreuses années, s’étaient aggravés récemment. Il aurait souhaité exercer une activité lucrative et avoir une vie « normale » plutôt que de devoir passer l’essentiel de son temps à domicile, à l’abri de la lumière, en représentant une charge importante pour sa mère, âgée. Ses empêchements étaient très importants, car il devait non seulement faire attention à son alimentation, mais également à la lumière qui affectait sa capacité visuelle résiduelle. Il ne pouvait pas sortir à toute heure de la journée pour effectuer ses courses en raison de la luminosité. Il était par ailleurs entravé dans ses mouvements vu sa capacité réduite sur le plan visuel. Pour ces motifs, il contestait la pondération retenue dans la sphère ménagère. En ce qui concernait l’exigibilité retenue, l'OAI n'avait pas pris en considération le fait que sa mère était à la retraite et avait plus de 70 ans. On ne pouvait exiger qu’elle s’occupe de ses tâches personnelles en plus des besoins de son fils. Ses empêchements devaient être pondérés de manière nettement plus proportionnée compte tenu de sa perte très importante de la vue.
b. Par réponse du 16 avril 2025, l’OAI a conclu au rejet du recours.
L’avis du SMR du 12 juin 2024, qui remplissait les conditions permettant de lui reconnaître une pleine valeur probante, était fondé sur les éléments médicaux au dossier selon lesquels l'assuré gérait très bien son diabète et qu’il n’y avait pas d’autre complication hormis une perte de la vision à l’œil droit depuis deux ans. De l’avis du spécialiste en ophtalmologie, l'assuré était apte à exercer une activité adaptée à taux plein.
L’OAI avait adressé à l'assuré un « questionnaire statut » auquel ce dernier avait répondu par la négative aux questions afférentes à une activité lucrative. Il avait également indiqué n’avoir jamais suivi de formation certifiante. Selon l’extrait de son compte individuel, il n’avait jamais exercé d’activité lucrative avant l’atteinte à la santé. Dans la demande de prestations ne figurait aucune indication quant à l’exercice d’une activité lucrative avant l’atteinte à la santé. Si le médecin généraliste avait mentionné dans son premier rapport que l'assuré souffrait d’un diabète insulino requérant depuis l’âge de 5 ans, il n’était aucunement relevé que cette atteinte serait incapacitante depuis cet âge et qu’elle l'aurait empêché de se former ou de travailler. Le statut de ménager devait être confirmé, les éléments au dossier ne permettant pas de retenir les déclarations d’intention de l'assuré aux termes desquelles il aurait travaillé à 100% sans atteinte à la santé.
S'agissant de l’enquête ménagère, l’évaluatrice avait constaté qu’il n’existait pas d’empêchement dans l’accomplissement des travaux habituels, hormis un empêchement de 6% pour le poste de l’alimentation. L’exigibilité des membres de la famille de 34 minutes par semaine ne pouvait en aucun cas être considérée comme excessive. Le rapport d’enquête remplissait les réquisits jurisprudentiels, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de s’en écarter.
D’ailleurs, les conclusions de cette enquête ne divergeaient sur aucun point avec les éléments médicaux au dossier. D’après le rapport du médecin généraliste traitant du 19 mars 2024, l'assuré était autonome à son domicile. À titre de limitations fonctionnelles, le médecin retenait que son patient ne pouvait pas effectuer « un travail de précision visuelle ». Selon le rapport de l’ophtalmologue traitant du 30 avril 2024, en ce qui concernait les limitations fonctionnelles, « l’acuité visuelle de l’œil droit [était] probablement perdue définitivement. Il fa[llait] veiller à préserver tant que possible l’acuité visuelle de l’œil gauche pour maintenir la capacité de travail ». L'assuré faisait valoir des empêchements très importants dans la gestion de ses tâches domestiques, sans toutefois apporter d’éléments objectifs permettant d’aboutir à une telle conclusion. Au vu des limitations fonctionnelles retenues par les médecins traitants et reprises par le SMR, l’OAI peinait à comprendre les raisons pour lesquelles l'assuré serait fortement empêché d’accomplir ses travaux habituels.
c. Invité à répliquer, le recourant ne s’est pas manifesté dans le délai qui lui avait été imparti par la chambre de céans.
1. 1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément. La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a LPA) prévus par la loi, le recours est recevable.
2. 2.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).
2.2 En l’occurrence, la décision querellée porte sur l’octroi d’une rente dont le droit naîtrait postérieurement au 31 décembre 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
3. Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité, singulièrement sur son statut.
4. 4.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).
La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I.654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).
A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).
4.2 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).
Selon l’art. 54a LAI, les SMR établissent les capacités fonctionnelles de l’assuré qui sont déterminantes pour l’assurance-invalidité en vertu de l’art. 6 LPGA, pour l’exercice d’une activité lucrative raisonnablement exigible ou pour l’accomplissement des travaux habituels (al. 3).
Lors de la détermination des capacités fonctionnelles, la capacité de travail attestée médicalement pour l’activité exercée jusque-là et pour les activités adaptées est évaluée et justifiée en tenant compte, qualitativement et quantitativement, de toutes les ressources et limitations physiques, mentales et psychiques (art. 49 al. 1bis RAI).
Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
4.3 Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 144 I 28 consid. 2.3 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).
4.4 4.4.1 Pour évaluer le taux d'invalidité d’un assuré exerçant une activité lucrative, le revenu qu’il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables (art. 16 LPGA et 28a al. 1 LAI).
L’art. 25 RAI pose les principes de la comparaison des revenus. Selon son al. 1, est réputé revenu au sens de l’art. 16 LPGA le revenu annuel présumable sur lequel les cotisations seraient perçues en vertu de la loi fédérale sur l’assurance‑vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), à l’exclusion toutefois : des prestations accordées par l’employeur pour compenser des pertes de salaire par suite d’accident ou de maladie entraînant une incapacité de travail dûment prouvée (let. a) ; des indemnités de chômage, des allocations pour perte de gain au sens de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (loi sur les allocations pour perte de gain, LAPG - RS 834.1) et des indemnités journalières de l’assurance-invalidité (let. b).
Les revenus déterminants au sens de l’art. 16 LPGA sont établis sur la base de la même période et au regard du marché du travail suisse (art. 25 al. 2 RAI).
Si les revenus déterminants sont fixés sur la base de valeurs statistiques, les valeurs médianes de l’enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) de l’Office fédéral de la statistique font foi. D’autres valeurs statistiques peuvent être utilisées, pour autant que le revenu en question ne soit pas représenté dans l’ESS. Les valeurs utilisées sont indépendantes de l’âge et tiennent compte du sexe (art. 25 al. 3 RAI). Les valeurs statistiques sont adaptées au temps de travail usuel au sein de l’entreprise selon la division économique ainsi qu’à l’évolution des salaires nominaux (art. 25 al. 4 RAI).
La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants des revenus sans et avec invalidité et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 137 V 334 consid. 3.1.1 ; 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).
4.4.2 Selon l’art. 28a al. 2 LAI, dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2022, le taux d’invalidité de l’assuré qui n’exerce pas d’activité lucrative, qui accomplit ses travaux habituels et dont on ne peut raisonnablement exiger qu’il entreprenne une activité lucrative est évalué, en dérogation à l’art. 16 LPGA, en fonction de son incapacité à accomplir ses travaux habituels.
Par travaux habituels, visés à l’art. 7 al. 2 LAI, des assurés travaillant dans le ménage, il faut entendre l’activité usuelle dans le ménage, ainsi que les soins et l’assistance apportés aux proches (art. 27 RAI).
Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution – attestée médicalement – du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).
4.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
5. En l’espèce, la question de savoir si le statut ménager retenu par l’intimé doit être confirmé peut demeurer indécise, car même en admettant un statut d’actif pour le recourant, comme ce dernier le fait valoir, cela ne changerait pas l’issue du litige.
En effet, il n’est pas contesté que le recourant présente une perte de la vue de l’œil droit. Toutefois, il ressort du rapport de l’ophtalmologue traitant du 30 avril 2024 que son acuité visuelle de l’œil gauche est encore bonne, raison pour laquelle le spécialiste a conclu que le recourant est pleinement apte à exercer une activité adaptée à son handicap (dossier AI p. 68-72). L’avis du médecin spécialiste l’emporte sur celui du médecin généraliste qui considère que la même atteinte à la santé entraîne une totale incapacité de travail dans toute activité. Aucun rapport médical émanant d’un spécialiste ne remet en cause les conclusions de l’ophtalmologue traitant, de sorte qu’il y a lieu d’admettre avec le SMR que le recourant dispose d’une capacité de travail entière dans une activité adaptée.
Quand bien même le médecin généraliste a indiqué, dans son rapport du 21 novembre 2023, que le recourant présentait une perte de la vision depuis plus de dix ans (dossier AI p. 4), c’est dans son rapport du 19 mars 2024 qu’il s’est prononcé, en toute connaissance de cause, sur la date de l’incapacité de travail durable du recourant dans une activité professionnelle, en la fixant à janvier 2022 (p. 51-55). En l’absence de rapport médical au dossier remettant en question cette date, il y a lieu de la confirmer.
Cela étant précisé, le recourant est sans activité lucrative, depuis toujours. L’Hospice général lui accorde une aide financière depuis le décès de son grand‑père en 2008, date à compter de laquelle le recourant a rencontré des difficultés financières.
Dans ces circonstances, il convient de déterminer les revenus avec et sans invalidité en se référant aux données statistiques, telles qu'elles résultent de l'ESS (ATF 126 V 76 consid. 3b/aa et bb ; arrêt du Tribunal fédéral I.418/03 du 23 septembre 2003 consid. 6.2).
Lorsque les revenus avec et sans invalidité sont ainsi basés sur la même tabelle statistique, il est superflu de les chiffrer avec exactitude. En pareil cas, le degré d'invalidité se confond avec celui de l'incapacité de travail, sous réserve d'une éventuelle réduction du revenu d'invalide (arrêt du Tribunal fédéral I.368/04 du 28 juillet 2005).
En l'occurrence, le recourant dispose d'une capacité de travail raisonnablement exigible de 100% dans une activité adaptée, comme exposé précédemment. Ainsi, compte tenu d'une incapacité de travail de 0%, il résulte à l'évidence, à l’échéance du délai d’attente d’un an, en janvier 2023 (art. 28 al. 1 LAI), un degré d'invalidité inférieur à 40 % – cela même en procédant à l'abattement maximum de 25% sur le revenu d'invalide (ATF 150 V 410 consid. 10.6 ; 126 V 78 consid. 5 ; art. 26bis al. 3 RAI dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023 ici applicable).
Par surabondance, dans l’hypothèse où il conviendrait de déterminer le revenu de valide du recourant dans l’activité habituelle d’employé administratif (avis du SMR du 12 juin 2024), et que, comme l’allègue le recourant, sa perte de la vue de l’œil droit aurait une incidence sur sa capacité de travail depuis novembre 2013 déjà (dix ans avant la rédaction du rapport médical du 21 novembre 2023), auquel cas le délai d’attente d’un an arriverait à échéance en novembre 2014, le recourant, qui dispose d’une capacité de travail entière dans une activité adaptée depuis toujours (avis du SMR du 12 juin 2024), ne serait, quoi qu’il en soit, pas invalide au sens de l’AI.
Dans ce cas, le droit éventuel aux prestations doit être examiné au regard de l’ancien droit, étant relevé que la notion d’invalidité et la manière d’évaluer l’invalidité des assurés actifs sont identiques sous l’empire de la LAI dans sa version antérieure (art. 28 al. 1 aLAI en lien avec l’art. 8 LPGA ; art. 28a al. 1 aLAI en lien avec l’art. 16 LPGA) et dans sa version actuelle.
En l’absence de renseignement sur le dernier salaire que le recourant aurait effectivement perçu en 2014, il y a lieu de se référer aux données statistiques résultant de l’ESS pour fixer son revenu sans invalidité (arrêts du Tribunal fédéral I.168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 et B.80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2). D’après le tableau TA1_tirage_skill_level de l’ESS 2014, le salaire qu’un homme obtiendrait dans les activités de services administratifs (ligne 77, 79-82), niveau 1 (puisque le recourant admet n’avoir suivi aucune formation certifiante) s’élèverait à CHF 4'443.-.
S'agissant du revenu avec invalidité, dès lors que le recourant n’a pas repris d’activité, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique – médiane – s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3).
D’après l’ESS 2014, ce revenu s’élève à CHF 5’312.- par mois (tableau TA1_tirage_skill_level, niveau 1, total, homme, part au 13e salaire comprise).
Le revenu d’invalide (CHF 5'312.-) étant supérieur au revenu de valide (CHF 4'443.-), le recourant ne subit aucune perte de gain, de sorte qu’il n’a pas le droit à une rente d’invalidité.
Si l’on retenait tout au plus un revenu sans invalidité de CHF 5'179.- correspondant au salaire qu’un homme percevrait dans les activités de services administratifs (ligne 77, 79-82), niveau 2, lequel se rapporte aux tâches pratiques telles que la vente/les soins, le traitement de données et les tâches administratives/l'utilisation de machines et d'appareils électroniques/les services de sécurité/la conduite de véhicules, on parviendrait à la même conclusion, étant donné que ce revenu de valide (CHF 5'179.-) resterait inférieur au revenu d’invalide (CHF 5'312.-).
Dans ces circonstances, c'est à juste titre que l'intimé a refusé d'accorder au recourant une rente d'invalidité.
6. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et le recourant condamné au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al.1bis LAI).
Le recourant, qui succombe, n'a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Justine BALZLI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le