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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2983/2024

ATAS/832/2025 du 03.11.2025 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2983/2024 ATAS/832/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 novembre 2025

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

représentée par Me Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER, avocate

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1976, originaire de Bosnie, titulaire d’un permis C depuis le 14 juin 2022, mariée, mère de trois enfants nés en 1995, 2000 et 2006, a suivi l’école obligatoire en Bosnie et est entrée en Suisse en 2001.

b. Elle a travaillé comme concierge, femme de chambre et nettoyeuse. Depuis le 4 mai 2009, elle travaillait à B______, avec un dernier jour de travail effectif le 27 janvier 2014 et une incapacité de travail à 100% depuis le 28 janvier 2014.

B. a. Le 10 septembre 2014, l’assurée a déposé une demande de prestations d’invalidité en raison d’une fibromyalgie débutée en janvier 2014.

b. L’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) a pris en charge des cours de français et de bureautique en faveur de l’assurée, ainsi que des stages d’orientation professionnelle aux établissements publics pour l’intégration (ci‑après : EPI) et des cours de coaching.

c. Le 2 juillet 2015, le service médical régional (ci-après : SMR) a rendu un rapport d’expertise rhumato-psychiatrique à la suite de l’examen de l’assurée du 29 juin 2015 (docteurs C______, spécialiste en médecine physique et réadaptation et rhumatologie, et D______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie). L’assurée se plaignait de cervicalgies, de lombalgies, de douleurs aux cuisses et de douleurs cutanées superficielles diffuses, de douleurs à l’épaule droite, aux bras et dans tout le corps, de céphalées en casque, parfois d’acouphène bilatéral. Les experts ont indiqué qu’il n’y avait pas de diagnostics avec répercussion durable sur la capacité de travail et ont posé ceux, sans répercussion sur la capacité de travail, de fibromyalgie, de trouble de l’adaptation, réaction mixte anxieuse et dépressive en rémission complète, difficultés dans les rapports avec le conjoint ou partenaire, expérience de catastrophe, de guerre et d’autres hostilités et pré-obésité. La fibromyalgie n’était pas accompagnée d’une comorbidité psychiatrique manifeste, d’une perte d’intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie, d’un état psychique cristallisé ou profit tiré de la maladie, « ni l’échec de traitement » ; l’assurée avait actuellement seulement un traitement en réserve. En dépit de ses douleurs chroniques, elle assumait parfaitement bien les activités de la vie quotidienne, elle s’occupait de ses enfants et de son mari. Vu qu’elle avait de très bonnes ressources d’adaptation aux changements, qu’elle ne souffrait d’aucun trouble de la personnalité morbide ni d’une autre pathologie psychiatrique aiguë ou chronique, le pronostic à moyen et long terme était favorable ; il n’y avait pas de limitations fonctionnelles à caractère incapacitant. Elle aurait pu reprendre son activité professionnelle dès mi-mars 2014.

d. Par décision du 5 avril 2016, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

e. À la demande de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, saisie d’un recours contre la décision précitée (cause A/1404/2016), la docteure E______, spécialiste en médecine interne et rhumatologie, a indiqué, les 9 août et 21 octobre 2016, que l’assurée présentait des douleurs de l’épaule droite sur tendinopathie de la coiffe des rotateurs et un syndrome douloureux chronique. En raison des douleurs de l’épaule droite, elle était limitée dans les travaux lourds répétés, les ports de charges et les manipulations répétées avec le membre supérieur droit. Depuis fin janvier 2014, l’assurée pouvait travailler dans une activité légère, sans port de charges, sans travaux lourds et sans activités répétées avec le membre supérieur droit. Elle ne pouvait plus travailler comme femme de chambre. La Dre E______ contestait l’absence de limitations fonctionnelles établie par le SMR ; depuis son arrêt de travail, l’assurée gérait de manière totalement différente les activités répétées, les ports de charges à domicile et les symptômes étaient évidemment moins importants que lors de son activité professionnelle. Il était tout à fait possible que, si elle reprenait l’activité de femme de chambre à 100%, les douleurs et les atteintes s’aggraveraient à nouveau rapidement.

f. Le 5 septembre 2016, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

g. À la demande de la chambre de céans, les docteurs F______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, G______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et H______, psychologue spécialisée en psychothérapie FSP de l’association Appartenances, ont indiqué le 12 septembre 2016 que l’assurée présentait les diagnostics de trouble de l’adaptation, réaction mixte, anxieuse et dépressive (F43.22), des difficultés dans les rapports avec le conjoint ou le partenaire (Z63.0), autres événements difficiles ayant une incidence sur la famille et le foyer (Z63.7), expérience de catastrophe, de guerre et d’autres hostilités (Z65.5). Les limitations fonctionnelles étaient essentiellement physiques. D’un point de vue psychique, elles étaient en lien avec les répercussions de l’état anxieux et dépressif, à savoir fatigabilité, sentiment d’incapacité de faire face, découragement. L’assurée avait une capacité de travail dans une activité adaptée, après une réadaptation professionnelle. Ils contestaient l’appréciation de la Dre D______, en mentionnant la présence d’une humeur dépressive, une anxiété, une inquiétude, un sentiment d’incapacité à faire face, à faire des projets, une altération du fonctionnement quotidien et des troubles du sommeil. L’assurée n’était pas capable de travailler depuis mars 2014 comme femme de chambre mais dans une activité en accord avec ses limitations physiques et psychologiques.

h. Par arrêt du 20 mars 2017 (ATAS/21/2017), la chambre de céans a constaté que les avis de la Dre E______ étaient convaincants ; la recourante présentait des douleurs de l’épaule droite sur tendinopathie de la coiffe des rotateurs malgré les traitements effectués dans les règles de l’art et excluant l’ancienne activité de femme de chambre ; l’atteinte était moins symptomatique avec l’arrêt de l’activité professionnelle mais augmentée avec la reprise d’une telle activité et les limitations fonctionnelles décrites correspondaient à celles retrouvées dans le cadre d’une tendinopathie de la coiffe. Il convenait en conséquence de retenir que la recourante était incapable d’exercer son ancienne activité de femme de ménage mais présentait une capacité de travail entière dans une activité légère, respectant les limitations fonctionnelles fixées par la Dre E______, soit sans port de charges, sans travaux lourds et sans activités répétées avec le membre supérieur droit. Quant à l’aspect psychique, les Drs F______ et G______ avaient estimé que les limitations fonctionnelles étaient essentiellement physiques et que, du point de vue psychique, elles étaient dues à de la fatigabilité, un sentiment d’incapacité de faire face et du découragement ; la recourante présentait cependant une capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations physiques, après une réadaptation professionnelle. Dans ces conditions, la chambre de céans a renoncé à investiguer l’aspect psychique, l’avis des médecins traitants de la recourante ainsi que le propre avis de celle-ci sur sa capacité de travail rejoignant les conclusions de la Dre D______. La recourante présentait une capacité de travail nulle dans son ancienne activité et totale dans une activité légère, adaptée à ses limitations fonctionnelles. Le degré d’invalidité était de 2%, de sorte que la recourante n’avait droit ni à une rente d’invalidité, ni à une mesure de reclassement. En revanche, la cause était renvoyée à l’intimé afin qu’il octroie à la recourante la mesure d’ordre professionnel la plus appropriée à sa situation, en prenant en compte les observations déjà faites par les EPI et le coaching professionnel quant aux compétences et capacités de la recourante à exercer une activité professionnelle.

i. Le 16 octobre 2017, l’assurée a été reçue par la réadaptation professionnelle de l’OAI et une mesure d’aide au placement a été convenue chez IPT (intégration pour tous), du 17 novembre 2017 au 31 mai 2018. Un stage de gouvernante d’étage dans un hôtel a été interrompu en raison de douleurs et l’assurée a effectué un stage de nettoyeuse dans un EMS qu’elle a pu assumer seulement à 50%, en raison de fatigue et douleurs. Le rapport final d’IPT concluait à des emplois d’employée de maison / femme de chambre et réception / accueil.

j. Depuis août 2018, l’assurée a effectué des missions temporaires pour des postes de nettoyeuse dans des EMS et le 2 novembre 2018, l’OAI a clos le mandat à l’issue de la mesure de placement. L’assurée a travaillé comme femme de ménage, à la demande, de juillet 2018 à décembre 2019, pour I______SA.

k. Le 12 octobre 2020, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations, en mentionnant une incapacité de travail totale depuis janvier 2020 pour fibromyalgie importante et état dépressif et anxieux existant depuis au moins 2012.

l. Le 13 octobre 2020, l’OAI a octroyé à l’assurée un délai pour communiquer tout document rendant plausible une aggravation de son état de santé.

m. L’assurée a communiqué

-        un rapport de la docteure J______, spécialiste en médecine interne, du 14 décembre 2020, selon lequel elle présentait une fibromyalgie depuis 2012, qui s’était aggravée depuis 2017 et était devenue invalidante, de sorte qu’elle ne pouvait exercer une activité de nettoyeuse, femme de chambre, aide-soignante ou manutentionnaire dans la vente ; son état psychique s’était péjoré, ce qui aggravait les douleurs ;

-        un rapport du docteur K______, spécialiste en rhumatologie, du 5 décembre 2019, attestant d’exacerbation des douleurs depuis quelques mois, avec tristesse et troubles du sommeil. Il a retenu une fibromyalgie avec probable épicondylite évoluant depuis un mois et probable tendinopathie du moyen fessier.

n. Le 8 janvier 2021, le SMR a estimé que l’assurée présentait un tableau clinique similaire à celui pris en compte lors de l’instruction initiale. Aucun élément ne rendait plausible une modification notable et durable de l’état de santé.

o. Par projet de décision du 21 janvier 2021 et décision du 8 mars 2021, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations.

p. Le 20 avril 2021, l’assurée, représentée par une avocate, a recouru auprès de la chambre de céans (cause A/2699/2021) à l’encontre de la décision précitée, en concluant à ce que l’OAI entre en matière sur la nouvelle demande de prestations, son état de santé s’étant aggravé par l’augmentation des douleurs, de l’état dépressif et anxieux et par l’aggravation de l’état de santé de son époux. Des troubles cognitifs étaient évoqués par sa médecin traitante ainsi qu’une aggravation de la fibromyalgie. Elle a communiqué le 23 décembre 2021 un rapport de la docteure L______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et de H______, psychologue, du 6 décembre 2021, concluant à une capacité de travail nulle de l’assurée, suite à une aggravation de l’état de santé depuis deux ans. Elles ont posé les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1), d'anxiété généralisée (F41.1), de difficultés dans les rapports avec le conjoint ou le partenaire (Z673.0), d'autres événements difficiles ayant une incidence sur la famille et le foyer (Z63.7) et d'expérience de catastrophe, de guerre et d'autres hostilités (Z65.5). L'assurée présentait plusieurs limitations fonctionnelles, à savoir une importante fatigabilité, une inquiétude généralisée et incapacitante, des troubles du sommeil, des troubles de la concentration avec difficultés mnésiques et un sentiment d'incapacité à faire face aux aléas quotidiens avec une altération du fonctionnement. L'aggravation était en lien, d'une part, avec les limitations physiques provoquées par la fibromyalgie importante et invalidante et, d'autre part, avec un épuisement psychique dans le contexte familial. L'intensité des symptômes dépressifs et anxieux était augmentée avec comme conséquence d'importantes difficultés à mener les activités de la journée à leur terme, des difficultés de sommeil perturbant la journée, des oublis fréquents et un découragement généralisé. La compliance de l'assurée était excellente.

q. Le 31 janvier 2022, l’OAI s’est rallié à un avis du 21 janvier 2022 du SMR, estimant que le rapport précité du 6 décembre 2021 n’apportait pas d’élément objectif en faveur d’une aggravation de l’état de santé de l’assurée.

Selon le SMR, il ressortait de l'examen bidisciplinaire du 2 juillet 2015 que le mari de l'assurée était capable de conduire régulièrement, il pouvait donc lui apporter son soutien dans le cadre des tâches ménagères. Par ailleurs, deux de ses enfants étaient adultes et sa dernière fille avait 15 ans, de sorte qu'elle pouvait également lui apporter de l'aide. Les éléments du rapport du 6 décembre 2021 étaient essentiellement descriptifs et basés sur les déclarations de l'assurée. L'assurée n'avait pas nécessité une hospitalisation ou une modification du traitement médicamenteux et une modification récente des modalités de suivi n'était pas précisée.

r. Par arrêt (ATAS/173/2022) du 28 février 2022, la chambre de céans a rejeté le recours (cause A/2699/2021) interjeté par l’assurée, au motif que les éléments médicaux au dossier, au 8 mars 2021, ne permettaient pas d’admettre une aggravation notable de l’état de santé de la recourante. Le constat établi par la Dre J______, dans son avis du 14 janvier 2020, avait déjà été pris en compte lors de l’examen de sa première demande de prestations et ne permettait pas de conclure à une incapacité de travail dans les activités jugées adaptées à son état de santé. Les diagnostics qu’elle posait étaient similaires à ceux qui avaient été retenus à l’époque. Il en était de même du rapport du 5 décembre 2019 du Dr K______, lequel faisait notamment état d’une fibromyalgie déjà connue et d’examens sanguins dans la norme. Par ailleurs, conformément à la jurisprudence, les rapports médicaux qu'avait transmis la recourante à l’appui de son recours ne pouvaient pas être pris en compte et il n'était pas donné suite à la demande de la recourante de pouvoir communiquer à la chambre de céans d’autres pièces médicales.

C. a. Le 5 avril 2022, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations d’invalidité en raison d'une aggravation de son état de santé sur le plan physique mais également psychique. Elle renvoyait au rapport médical du 6 décembre 2021 de la Dre L______ et de H______ communiqué à l’appui de son recours du 20 avril 2021.

Elle a également produit un avis médical de la Dre J______ du 21 février 2022, dans lequel il est précisé que l'aggravation évoquée dans le rapport du 14 décembre 2020 résidait principalement dans un trouble généralisé de douleurs au niveau de toutes les zones articulaires et périarticulaires provoquant des insomnies. Cette symptomatologie était liée à une dégradation de son état psychique et avait nécessité la mise en place d'un antidépresseur ainsi que la reprise d'un suivi avec une psychologue d'Appartenances. L'assurée était épuisée par ses douleurs, ceci d'autant plus qu'elle fournissait des soins d'assistance complète à son mari qui était au bénéfice de l'assurance-invalidité complète depuis février 2019.

b. Le 10 août 2022, le docteur M______ du SMR a rendu un rapport prenant en compte l'avis médical du 21 février 2021 de la Dre J______. L'assurée n'avait pas de prise en charge par un spécialiste en psychiatrie et n'avait pas été hospitalisée. Les troubles évoqués par la Dre J______ n'empêchaient pas l'assurée de fournir « des soins d'assistance complète à son mari qui est lui-même en incapacité d'accomplir des tâches quotidiennes et administratives » (sic). Il a considéré que la pièce médicale versée au dossier n'avait pas rendu plausible une modification notable et durable de l'état de santé de l'assurée depuis la dernière décision de l'OAI.

c. L’OAI a rendu, le 18 octobre 2022, une décision de refus d’entrer en matière.

d. Le 19 octobre 2022, l’intimé a reçu un courrier de l’assurée daté du 13 octobre 2022, contestant l’absence de suivi psychiatrique mentionnée par le SMR. Lors du dépôt de sa demande, elle avait expressément fait mention du questionnaire médical du 6 décembre 2021 de la Dre L______ et de H______. La mention d'un suivi psychiatrique figurait non seulement dans ce questionnaire mais aussi dans le formulaire de demande de prestations. En outre, le SMR s'était contenté de recopier l'avis médical du 10 août 2022 sans nullement le discuter. Il appartenait à l'intimé d'instruire le dossier plus avant et de questionner les médecins afin d'évaluer l'importance de l'aggravation et les conséquences sur sa capacité de travail.

e. Le 18 novembre 2022, l'assurée a recouru auprès de la chambre de céans à l'encontre de la décision du 18 octobre 2022, en concluant principalement à son annulation et au renvoi du dossier à l'intimé.

Elle n'était en mesure de travailler qu’à 50%. Son état de santé s'était dégradé tout d'abord en raison de l'augmentation des douleurs physiques mais également en raison de l'aggravation de l'état dépressif et anxieux. L'état de santé de son mari s'était également aggravé depuis quelques années. Par projet de décision, il s'était vu octroyer le droit à une allocation pour impotence faible. Elle gérait seule les enfants et assistait également son mari.

Selon les nouveaux éléments médicaux, les médecins psychiatres posaient un diagnostic de trouble dépressif récurrent épisode moyen (F33.1) et indiquaient que la fibromyalgie était maintenant invalidante. Sur le plan psychique, ils considéraient sa capacité de travail comme nulle. Le diagnostic de trouble dépressif récurrent épisode moyen (F33.1) était nouveau et pertinent car il servait à l'examen du caractère incapacitant d'une fibromyalgie. En outre, le SMR n'avait pas tenu compte du rapport du 6 décembre 2021 avant de statuer. Sur le plan somatique, les douleurs se trouvaient maintenant dans toutes les zones articulaires et périarticulaires alors qu'auparavant elles se situaient principalement dans les cervicales et le bras droit.

f. Le 7 décembre 2022, l'OAI a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, en soulignant qu'il n'appartenait pas à l'intimé de procéder à une instruction et de recueillir les documents médicaux nécessaires dans le cadre d'une demande de révision déposée par la recourante. En l'absence de documents médicaux objectifs et détaillés produits par la recourante dans le cadre de sa demande de prestations, il était légitime de rendre une décision de refus d'entrée en matière sur la nouvelle demande de prestations. Concernant le questionnaire médical du 6 décembre 2021, le SMR avait déjà indiqué, dans le cadre de la précédente procédure de recours, qu'il n'apportait pas d'éléments objectifs en faveur d'une aggravation de l'état de santé de l'assurée.

g. Par arrêt du 6 février 2023 (ATAS/81/2023), la chambre de céans a admis le recours, annulé la décision litigieuse et renvoyé la cause à l’OAI pour qu’il entre en matière sur la nouvelle demande de prestations, en relevant ce qui suit :

Sur le plan somatique, la Dre J______ a indiqué, dans son avis médical du 21 février 2022, que la recourante présentait une aggravation qui résidait principalement dans un trouble généralisé de douleurs au niveau de toutes les zones articulaires et périarticulaires provoquant des insomnies. Elle renvoyait à son rapport du 14 décembre 2020. Or, dans son arrêt du 28 février 2022, la chambre de céans s'était déjà prononcée sur l'aggravation décrite dans le rapport du 14 décembre 2020 et avait conclu que ce dernier ne permettait pas de retenir une aggravation notable et durable de l’état de santé de la recourante.

Par ailleurs, l'avis médical du 21 février 2022 de la Dre J______ n’étaye pas une péjoration de l’état de santé de la recourante portant à conséquence sur la capacité de travail et de gain dans une activité légère que l'arrêt du 20 mars 2017 lui reconnaissait. Le diagnostic posé de trouble généralisé de douleurs au niveau de toutes les zones articulaires et périarticulaires provoquant des insomnies avait déjà été pris en compte lors de l’examen de la première demande de prestations. Par ailleurs, ledit rapport ne rapporte aucun changement de traitement médicamenteux ou d'autres modalités thérapeutiques qui auraient été mises en place. Il n'est pas non plus fait mention d'examen spécifique ou d'investigations complémentaires.

L'avis médical de la Dre J______ du 21 février 2022 ne permet pas de conclure, de façon plausible, à une aggravation de l’état de santé de la recourante qui mettrait en cause l’exigibilité d’une capacité de travail de celle-ci dans une activité légère, sans port de charges, sans travaux lourds et sans activités répétées avec le membre supérieur droit, telle que retenue dans la décision de l’intimé du 5 avril 2016.

Sur le plan psychiatrique, la chambre de céans avait constaté, par arrêt du 20 septembre 2017, que les avis des psychiatres traitants rejoignaient celui du SMR et concluaient à une capacité de travail totale de la recourante.

Or, les diagnostics posés et la capacité de travail établie lors de la première demande de prestations, sont différents de ceux exposés dans la nouvelle demande du 5 avril 2022.

Par rapport du 6 décembre 2021, la Dre L______ et H______ ont notamment diagnostiqué chez la recourante un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1). L'intensité des symptômes dépressifs et anxieux était augmentée depuis deux ans avec comme conséquence d'importantes difficultés à mener les activités de la journée à leur terme, des difficultés de sommeil perturbant la journée, des oublis fréquents et un découragement généralisé. Les diagnostics posés étaient totalement incapacitants. La recourante présentait plusieurs limitations fonctionnelles, notamment une inquiétude généralisée et incapacitante. Ce tableau est plus important que celui décrit par les Drs F______ et G______ et par H______ dans leur rapport du 12 septembre 2016. D'après celui-ci, la recourante présentait, à l'époque, un trouble de l’adaptation, réaction mixte, anxieuse et dépressive (F43.22) et une capacité de travail totale dans une activité adaptée à ses limitations, lesquelles étaient essentiellement physiques.

Par ailleurs, le 21 février 2022, la Dre J______ a précisé que la symptomatologie de l'assurée était liée à une dégradation de son état psychique et qu'un traitement par antidépresseur avait été mis en place, ce qui corrobore, contrairement à l’avis du SMR du 21 janvier 2021, une aggravation de l’état de santé psychique de la recourante.

Enfin, contrairement à l’avis du SMR du 21 janvier 2022, le mari de la recourante, qui bénéficie d’une allocation pour impotent, ne peut lui apporter son soutien dans le cadre des tâches ménagères.

Dans ces circonstances, la recourante a rendu plausible une aggravation de son état de santé depuis la dernière décision entrée en force du 5 avril 2016 et il se justifie que l’intimé procède à un nouvel examen de son cas.

h. La recourante a communiqué à l’OAI un rapport du 13 décembre 2023 du Dr K______, lequel a attesté d’une poussée de la fibromyalgie.

i. Le 3 juillet 2023, la Dre J______ a rempli un rapport médical AI, en mentionnant une incapacité de travail totale. En 2019, l’état général s’était aggravé, avec une augmentation des douleurs et des troubles cognitifs. Elle a posé les diagnostics de fibromyalgie ou syndrome douloureux chronique, d’état dépressif et d’état anxieux avec trouble panique. L’assurée présentait un surpoids (59 kg en 2002 et 82 kg en 2023). Elle ne pouvait pas se prononcer sur l’exigibilité professionnelle mais relevait qu’actuellement l’assurée ne pouvait exercer aucune activité. Elle présentait des douleurs constantes, des pertes de mémoire, des paresthésies dans les membres supérieurs, un manque de force général et une grande fatigabilité.

j. Le 5 novembre 2023, H______ a rempli un rapport médical AI, mentionnant un suivi depuis 2014, bimensuellement et des diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1), d’anxiété généralisée (F41.1), de difficultés dans les rapports avec le conjoint ou le partenaire (Z673.0), d’autres événements difficiles ayant une incidence sur la famille et le foyer (Z63.7) et d’expérience de catastrophe, de guerre et d’autres hostilités (Z65.5).

L’état de santé psychique s’était aggravé deux ans avant décembre 2021 tant en raison de la fibromyalgie que d’un épuisement psychique, et l’état général continuait à se péjorer. La capacité de travail était nulle, dans toute activité.

k. À la demande de l’OAI, le Bureau d’expertises médicales (ci-après : BEM ; docteurs N______, spécialiste en rhumatologie, et O______, spécialiste en psychiatrie) a rendu le 16 avril 2024 un rapport d’expertise bidisciplinaire.

Du point de vue somatique, le diagnostic de fibromyalgie était retenu, lequel n’était pas incapacitant, et du point de vue psychiatrique, aucun diagnostic n’était retenu.

La capacité de travail était de 100% dans toute activité, depuis toujours.

Un examen neuropsychologique avait été effectué le 3 avril 2024 par P______, psychologue FSP, lequel avait conclu à un probable effort cognitif initialement autolimité et un échec à tous les tests de validité des performances. Il n’était pas possible de se prononcer sur d’éventuels troubles cognitifs, mais ils apparaissaient peu probables.

l. Le 7 décembre 2023, la clinique de la douleur de l’Hôpital de La Tour a constaté un syndrome douloureux diffus avec des douleurs myofasciales (scapulaires et lombaires associées).

m. Une polysomnographie du 22 janvier 2024 du centre du sommeil de l’Hôpital de La Tour a conclu à un SAOS (syndrome d'apnées obstructives du sommeil) modéré à sévère avec hyperventilation alvéolaire nocturne.

n. Le 23 avril 2024, le SMR a estimé que l’expertise du BEM était probante et que l’assurée présentait une capacité de travail totale dans toute activité dès le 8 mars 2021 (dernière décision de l’OAI).

o. Par projet de décision du 30 avril 2024, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

p. Le 27 juin 2024, l’assurée, représentée par une avocate, a fait valoir que l’examen neuropsychologique n’avait pas de valeur car son enregistrement sonore s’arrêtait après 16 minutes et que son contenu était déterminant car il prétendait qu’elle n’avait pas collaboré à l’examen. Elle sollicitait un nouvel examen neuropsychologique.

q. Par décision du 13 août 2024, l’OAI a rejeté la demande de prestations, en relevant que le défaut de l’enregistrement n’était pas déterminant car l’examen neuropsychologique se basait sur des tests qui ne faisaient pas l’objet d’un enregistrement.

D. a. Le 13 septembre 2024, l’assurée, représentée par son avocate, a recouru à l’encontre de la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité. Elle a requis l’ordonnance d’une expertise judiciaire, subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause à l’OAI pour recherche d’un consensus et décision incidente sur l’enregistrement sonore.

L’OAI ne pouvait pas statuer sur le fond en présence d’un enregistrement défectueux et devait chercher une solution avec elle-même. Le rapport d’expertise était vicié. Par ailleurs, l’expertise du BEM n’était pas convaincante. Les experts estimaient la capacité de travail comme totale également dans l’activité habituelle, alors que la chambre de céans l’avait exclue déjà en 2017.

b. Le 14 octobre 2024, l’OAI a conclu au rejet du recours, au motif que l’expertise du BEM était probante.

c. Le 6 décembre 2024, la recourante a répliqué et communiqué :

-     un rapport du 15 novembre 2024 de la clinique de la douleur de l’Hôpital de La Tour, attestant d’un syndrome douloureux diffus traité par des perfusions de Lidocaïne permettant un soulagement pendant deux semaines. Malgré ce traitement efficace, l’assurée était toujours incapable d’exercer une activité professionnelle régulière adaptée tant la maladie avait un impact important sur l’aspect physique et psychologique ;

-     un rapport du 29 novembre 2024 de la docteure Q______, spécialiste en médecine interne générale, selon lequel la recourante présentait des douleurs musculosquelettiques diffuses sévères, un SAS (syndrome d'apnées-hypopnées du sommeil) et des troubles de la concentration et de la mémoire. Vu l’avis du Dr K______, qui retenait une diminution de rendement de 40%, elle s’étonnait de la conclusion du BEM qui estimait une capacité de travail totale comme femme de chambre.

d. Le 27 février 2025, la recourante a communiqué un rapport du 22 février 2025 de H______, selon lequel, depuis 2014, il existait un état dépressif attesté également par la médecin généraliste et la psychiatre qui l’avaient évaluée. Ses limitations physiques et psychologiques étaient depuis de nombreuses années très importantes. Elle contestait le rapport du Dr O______ qui remettait en question la validité de nombreux diagnostics émis par plusieurs médecins.

e. Le 24 mars 2025, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

f. Le 16 avril 2025, la chambre de céans a confié une expertise psychiatrique judiciaire au docteur R______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, ainsi qu’un examen neuropsychologique à S______, MAS en neuropsychologie clinique, en relevant ce qui suit :

Il convient de déterminer si la recourante a présenté une aggravation de son état de santé depuis la dernière décision de l’intimé du 5 avril 2016, jusqu’à la décision litigieuse du 13 août 2024.

L’intimé fonde son refus de prestations sur le rapport d’expertise bidisciplinaire du BEM du 16 avril 2024. La recourante conteste la valeur probante de l’expertise bidisciplinaire du BEM et, en particulier, la valeur probante de l’examen neuropsychologique de P______, lequel souffre d’un défaut d’enregistrement sonore.

Du point de vue psychique, le rapport d’expertise du Dr O______ repose sur toutes les pièces du dossier, contient une anamnèse, la description d’une journée-type, un status psychique et l’examen des éventuelles limitations fonctionnelles de la recourante. Dans cette mesure, il parait respecter les réquisits jurisprudentiels précités pour qu’une pleine valeur probante lui soit reconnue.

Cela dit, au vu des rapports circonstanciés de la Dre L______ (du 6 décembre 2021) et de H______ (des 6 décembre 2021, 5 novembre 2023 et 22 février 2025), attestant d’un suivi depuis 2014 et, notamment, d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen ainsi qu’une anxiété généralisée - avec des limitations fonctionnelles d’importance et incapacitantes, fatigabilité, inquiétude généralisée, troubles du sommeil, de la concentration et difficultés mnésiques, ainsi qu’un sentiment d’incapacité à faire face aux aléas quotidiens, avec altération du fonctionnement - l’absence totale de tout diagnostic psychiatrique et de toute limitation fonctionnelle constatée par le Dr O______ n’emporte pas la conviction. Par ailleurs les avis des médecins traitants J______, du 3 juillet 2023, et Q______, du 29 novembre 2024, ont également fait état de limitations sévères, avec aggravation de l’état de santé, notamment psychiatrique, et présence de troubles cognitifs et d’une grande fatigue.

Dans ces conditions, il se justifie d’ordonner une expertise psychiatrique judiciaire, confiée au Dr R______, avec, préalablement, un examen neuropsychologique confié à S______, avec un test de validation des performances, de sorte que la question de la valeur probante de l’examen de P______, dont l’enregistrement sonore est défectueux, peut rester ouverte.

L’aspect somatique était réservé.

g. Le 4 juin 2025, S______ a rendu son rapport d’examen neuropsychologique, concluant à la présence d’un trouble neuropsychologique léger, compatible avec les répercussions fonctionnelles d’un trouble dépressif récurrent, d’une anxiété généralisée et d’une charge mentale importante dans un contexte marqué par la précarité sociale, les douleurs chroniques et le rôle d’aidante, entrainant une incapacité de travail entre 10 et 30%.

h. Le 24 juillet 2025, le Dr R______ a rendu son rapport d’expertise, concluant à des diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, état de stress post-traumatique et facteurs psychiques ou comportementaux associés à des troubles ou à des maladies classés ailleurs (fibromyalgie). La capacité de travail était de 50% dans toute activité dès fin 2019.

i. Le 25 août 2025, la recourante a constaté que l’expert avait, à tort, tenu compte de l’examen neuropsychologique du BEM et qu’il n’avait pas pris en compte les manifestations physiques de la douleur. Elle a requis son audition.

j. Le 22 septembre 2025, l’intimé s’est rallié à un avis du SMR du 18 septembre 2025 et a conclu à l’octroi d’une demi-rente d’invalidité dès le 1er octobre 2022.

k. Le 14 octobre 2025, la recourante a observé que l’intimé et le SMR ne s’étaient pas déterminés sur les aspects somatiques, alors que le volet rhumatologique du BEM n’était pas convaincant. L’expertise judiciaire ne tenait pas compte des douleurs et l’expert judiciaire devait être interpellé à ce propos ou entendu.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait au plus tôt fin 2022, soit six mois après le dépôt de la demande d’avril 2022 (cf. art. 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité.

3.              

3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

3.2 A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

Une rente n'est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l'art. 8 al. 1bis et 1ter n'ont pas été épuisées (art. 28 al. 1bis LAI).

3.3  

3.3.1 Le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques ou psychosomatiques et aux syndromes de dépendance (ATF 148 V 49 ; 145 V 215 ; 143 V 418 ; 143 V 409). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_265/2023 du 19 août 2024 consid. 3.2).

3.3.2 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis, mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante. Á ce stade, ladite autorité doit encore s'assurer que l'atteinte à la santé résiste aux motifs d'exclusion, tels que l'exagération des symptômes ou d'autres manifestations analogues, qui conduiraient d'emblée à nier le droit à la rente (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1, 2.1.2, 2.2 et 2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.1.1).

3.3.3 Une fois le diagnostic posé par un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2), la capacité de travail réellement exigible doit être examinée, sans résultat prédéfini, au moyen d’un catalogue d’indicateurs, appliqué en fonction des circonstances du cas particulier (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.1.1). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

La grille d’évaluation de la capacité résiduelle de travail comprend tout d’abord un examen des indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel », lesquels forment le socle de base pour l'évaluation des troubles psychiques. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Ces indicateurs comportent une analyse du complexe « atteinte à la santé », lequel comprend la prise en considération des éléments pertinents pour le diagnostic, du succès ou de l’échec d’un traitement effectué dans les règles de l’art, du succès ou de l’échec d’une éventuelle réadaptation, et enfin de l’existence d’une éventuelle comorbidité physique ou psychique. Il s’agit également d’effectuer une analyse du complexe « personnalité », soit un diagnostic de la personnalité de l’assuré et de ses ressources personnelles, et du complexe « contexte social » (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3 et les références).

Il y a lieu ensuite d’effectuer un examen des indicateurs en lien avec la catégorie « cohérence », à savoir examiner notamment si l’atteinte à la santé se manifeste de la même manière dans l’activité professionnelle (pour les personnes sans activité lucrative, dans l’exercice des tâches habituelles) et dans les autres domaines de la vie ; si des traitements sont mis à profit ou, au contraire, négligés et prendre en compte le comportement de la personne assurée dans le cadre de sa réadaptation professionnelle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.4 et les références).

3.4 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

3.4.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

3.4.2 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

3.4.3 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

3.4.4 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

3.4.5 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion distincte. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_458/2023 du 18 décembre 2023 consid. 3.2 et la référence).

3.5  

3.5.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

3.5.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

3.5.3 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

4.             En l’occurrence, la chambre de céans a estimé qu’une expertise judiciaire psychiatrique, comprenant un examen neuropsychologique, était nécessaire, le rapport d’expertise du Dr O______ n’emportant pas la conviction.

4.1 Fondé sur toutes les pièces du dossier, comprenant une anamnèse complète, la description d’une journée-type et des plaintes de la recourante, un status clinique, des résultats de plusieurs tests et d’un examen neuropsychologique, un dosage de la médication antidépressive, des diagnostics clairs et une motivation convaincante de la capacité de travail de la recourante, le rapport d’expertise du Dr R______ répond aux réquisits jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante.

L’expert judiciaire pose les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, d’état de stress post-traumatique et de facteurs psychiques ou comportementaux associés à des troubles ou des maladies classés ailleurs (fibromyalgie) et retient une incapacité de travail de 50% depuis le 1er décembre 2019.

4.2 L’intimé admet la valeur probante de l’expertise judiciaire et conclut à l’octroi d’une demi-rente d’invalidité dès le 1er octobre 2022.

4.3 La recourante conteste l’expertise du Dr R______, en faisant valoir, d’une part, que celui-ci s’est fondé sur les résultats de l’examen neuropsychologique du BEM pour évaluer ses limitations fonctionnelles, alors que cet examen est contesté, d’autre part, que les manifestations physiques de la douleur n’ont pas vraiment été prises en compte dans les limitations fonctionnelles.

4.3.1 Contrairement à l’avis de la recourante, l’expert judiciaire ne s’est pas fondé sur l’examen neuropsychologique du BEM pour procéder à l’appréciation des limitations fonctionnelles.

En effet, l’expert judiciaire constate tout d’abord que le raisonnement de l’expertise du Dr O______, consistant à nier toute symptomatologie dépressive en se fondant sur l’examen neuropsychologique du BEM, singulièrement sur la conclusion de celui-ci d’une majoration des plaintes de la recourante, ne peut pas être suivi. Il rappelle ensuite que l’examen neuropsychologique judiciaire a conclu à des tests de performance réussis, avec des conclusions différentes de celles de l’examen neuropsychologique du BEM et considère que le premier est probant. Certes, l’expert judiciaire, lorsqu’il relève que l’ampleur de certaines plaintes de la recourante doit être pondérée, cite notamment le fait que l’on ne peut exclure, au vu de l’examen neuropsychologique du BEM, que la recourante aurait eu, à ce moment-là, une tendance à majorer ses plaintes. Cependant, l’expert judiciaire motive également sa conclusion par le fait que lors de l’examen neuropsychologique judiciaire, la recourante s’est plainte de graves troubles cognitifs, lesquels ne sont pas retrouvés à l’examen, seule une intensité légère des troubles étant constatée. Il relève que, même lorsque les tests de validation des performances sont réussis, comme c’est le cas de l’examen neuropsychologique judiciaire, il existe toujours un écart entre les plaintes de la recourante et les constats objectifs. En outre, la recourante a été capable de soutenir une longue et exigeante discussion psychiatrique, avec une bonne capacité à situer ses troubles dans le présent et le passé et sans afficher de ralentissement psychique.

Finalement, l’expert judiciaire estime que si « la majoration ne domine pas le tableau clinique, on doit tenir compte d’une tendance à surinvestir certaines plaintes, ce qui ne remet pas en question l’entier du tableau clinique, mais amène la présente évaluation à pondérer l’estimation de la capacité de travail et de l’exigibilité médico-théorique ».

Au vu de ce qui précède, l’expert judiciaire, s’il évoque l’examen neuropsychologique du BEM pour pondérer l’ampleur de certaines plaintes de la recourante, relève également que ce constat peut être déduit de l’examen neuropsychologique judiciaire et de ses propres constatations lors de l’entretien psychiatrique.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que son constat est étayé et probant et que, même si l’examen neuropsychologique du BEM devait être totalement écarté, comme demandé par la recourante, les conclusions de l’expert judiciaire resteraient cohérentes et motivées.

4.3.2 La recourante critique également l’expertise judiciaire, dans la mesure où elle ne tiendrait pas compte de ses douleurs.

La recourante ne peut être suivie.

L’expert judiciaire a longuement discuté la prise en compte du tableau douloureux dans la pose des diagnostics (expertise judiciaire, pp. 27 ss). Il souligne que l’assurée explique que sa vie ne s’articule qu’autour de ses douleurs généralisées qui provoquent un sentiment très pesant de souffrance, de sorte que le critère d’un sentiment de détresse, nécessaire pour retenir un trouble du registre somatoforme est clairement réalisé. Il relève ensuite que dans la logique de la CIM-10, le syndrome douloureux somatoforme persistant n’est posé que par exclusion, et n’est pas retenu si un diagnostic somatique est posé, ce qui est le cas pour la recourante, laquelle présente une fibromyalgie. L’expert judiciaire relève cependant que cette distinction entre fibromyalgie et syndrome douloureux somatoforme persistant est discutable, ces deux affections étant, pour certains auteurs, considérées comme similaires. Finalement, il explique qu’il retient un diagnostic de facteurs psychologiques ou comportements associés à des troubles ou de maladie classés ailleurs (fibromyalgie), dès lors qu’un diagnostic de fibromyalgie a été posé.

La symptomatologie douloureuse a ainsi été prise en compte dans les diagnostics posés par l’expert judiciaire.

Tel est également le cas s’agissant des limitations fonctionnelles. Les douleurs sont en effet signalées par l’expert judiciaire, qui mentionne que l’intentionnalité est limitée par la fatigue et l’envahissement de la sphère psychique par les douleurs (expertise judiciaire, p. 32), que la capacité à exploiter les ressources professionnelles est abaissée en raison de la fatigue et de l’impact du vécu douloureux dans les actes professionnels, que les capacités d’endurance sont amoindries par la fatigue et les douleurs (expertise judiciaire, p. 33) et que la capacité de relation avec les proches est diminuée, l’expert judiciaire citant, à cet égard, un enkystement de la recourante dans une symptomatologie douloureuse (expertise judiciaire, p. 34). Finalement, l’expert judiciaire conclut que les plaintes de la recourante peuvent être objectivées, même si leur ampleur mérite une pondération, en fonction des constatations cliniques actuelles, des facteurs contextuels et des résultats qui ressortent de l’examen neuropsychologique judiciaire (expertise judiciaire, p. 35), étant relevé que les plaintes de la recourante sont, au premier plan, celles d’une symptomatologie douloureuse, mentionnées par l’expert judiciaire (expertise judiciaire, p. 16). Au demeurant, les douleurs évoquées par la recourante ont bien été prises en compte par l’expert judiciaire.

L’analyse des indicateurs de gravité, à laquelle l’expert judiciaire a procédé, permet également de comprendre que le processus de somatisation, lequel fait référence à la symptomatologie douloureuse, a bien été pris en compte et évalué au regard de la cohérence et des ressources de la recourante (expertise judiciaire, pp. 36 ss). À l’issue de cette évaluation, l’expert judiciaire estime qu’il est nécessaire de s’écarter de la seule position subjective de la recourante (et de la position de ses thérapeutes) qui irait dans le sens d’une incapacité de travail complète (expertise judiciaire, p. 36).

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que le tableau douloureux de la recourante a été considéré et évalué par l’expert judiciaire, lequel a estimé qu’en tenant compte de toutes les pathologies psychiatriques, la capacité de travail de la recourante était limitée, dans toute activité, à un taux de 50% dès le 1er décembre 2019.

En conséquence et par anticipation des preuves, il sera renoncé à l’ordonnance d’un complément d’expertise auprès du Dr R______, voire à son audition.

4.3.3 Enfin, s’agissant de l’aspect somatique, réservé par l’ordonnance d’expertise du 16 avril 2025, aucun élément médical ne permet de s’écarter de l’expertise rhumatologique du BEM, étant constaté qu’un diagnostic de fibromyalgie a été posé par le Dr N______, et que l’impact des douleurs de cette affection sur la capacité de travail de la recourante a fait l’objet de l’expertise judiciaire psychiatrique. Par ailleurs, les médecins traitants de la recourante ont fait principalement état, du point de vue somatique, d’une aggravation de la fibromyalgie (rapports de la Dre J______ des 21 février 2022 et 3 juillet 2023, du Dr K______ du 13 décembre 2023, de la clinique de la douleur de l’hôpital de La Tour des 7 décembre 2023 et 15 novembre 2024 et de la Dre Q______ du 29 novembre 2024), dont l’impact a été pris en compte par l’expertise judiciaire psychiatrique et n’ont pas évoqué d’autres diagnostics rhumatologiques.

4.4  Au demeurant, au vu de l’expertise judiciaire psychiatrique, de l’appréciation du SMR du 23 avril 2024 et des conclusions de l’expertise rhumatologique du BEM, la recourante présente une capacité de travail de 50% dans toute activité dès le 1er décembre 2019.

La recourante estime encore que son ancienne activité dans le nettoyage ou une activité lourde physiquement n’est pas exigible, ce que les médecins avaient par le passé admis.

À cet égard, la chambre de céans avait certes retenu, dans son arrêt du 20 mars 2017 (ATAS/211/017), que l’activité de femme de ménage n’était plus exigible, mais ce constat reposait sur les avis de la Dr E______ des 9 août et 21 octobre 2016, laquelle avait posé le diagnostic de tendinopathie de la coiffe des rotateurs, qui motivait l’incapacité à exercer une activité de femme de ménage. Or, ce diagnostic n’est plus repris par l’expert rhumatologue et les médecins traitants de la recourante, de sorte que l’exigibilité de l’activité habituelle, à un taux de 50%, depuis le 1er décembre 2019 n’est pas critiquable. Elle l’est d’autant moins que la recourante a exercé, postérieurement à l’arrêt précité, dans le cadre de la mesure professionnelle octroyée par l’intimé, une activité de nettoyeuse et à l’issue des mesures, comme femme de ménage.

En conséquence, la recourante présente, depuis le 1er décembre 2019, une incapacité de travail de 50% dans toute activité, de sorte que le degré d’invalidité est de 50% à l’issue du délai de carence, le 1er décembre 2020, étant précisé que le degré d’invalidité se confond avec le taux d’incapacité de travail, vu l’exigibilité de l’ancienne activité.

Vu la demande de prestations du 5 avril 2022, le droit à la rente d’invalidité nait six mois plus tard, le 1er octobre 2022 (art. 29 al. 1 LAI).

5.             Partant, le recours sera partiellement admis, la décision de l’intimé du 13 août 2024 annulée et il sera dit que la recourante a droit à une rente d’invalidité de 50% d’une rente entière (art. 28b al. 2 LAI) dès le 1er octobre 2022.

Pour le surplus, la recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 4'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 13 août 2024.

4.        Dit que la recourante a droit à une rente d’invalidité de 50% d’une rente d’invalidité entière dès le 1er octobre 2022.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 4'000.- à charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le