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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1109/2025

ATAS/658/2025 du 02.09.2025 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1109/2025 ATAS/658/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 1er septembre 2025

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

Représentée par Me Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER, avocate

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1971, originaire d'Éthiopie, entrée en Suisse le ______ 1985, mariée à B______ le ______ 2010 et divorcée le ______ 2020, mère de deux enfants né en 1992 et 1994 dont le père est C______, a travaillé comme vendeuse.

b. Le 25 mai 2016, l’assurée s’est présentée au service des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) pour mise à l’abri d’idéation suicidaire.

c. Le 6 novembre 2017, l’assurée a consulté le service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise qui a posé le diagnostic de trouble dépressif majeur d’intensité sévère.

d. Le 4 octobre 2019, l'assurée a déposé une demande de prestations d'invalidité, en faisant valoir une incapacité de travail totale depuis le 10 juin 2019, en raison d'un accident vasculaire cérébrale ischémique (AVC).

B. a. À la demande de l'office de l'assurance invalidité (ci-après : OAI), le 16 octobre 2019, le professeur D______, médecin-adjoint agrégé au service de neuro-rééducation des HUG, a attesté d'un AVC ischémique du centre semi-ovale et précentral droit d'origine vasculitique secondaire à un syndrome de Sjögren le 16 septembre 2019. L'assurée présentait un manque de force et de dextérité de l'hémicorps gauche, ralentissement, fatigabilité. Elle pouvait se déplacer de manière autonome, le membre supérieur était fonctionnel mais encore ralenti. Elle était indépendante pour toutes les activités de la vie quotidienne. Elle n'avait pas adhéré au programme de neurorééducation.

Le même jour le Prof. D______ a attesté de diagnostics d'état dépressif avec stress post-traumatique (PTSD) et de kératite.

b. À la demande de l'OAI, l'assurée a indiqué le 22 juillet 2020 que son état de santé s'était aggravé et qu'elle n'avait pas pu reprendre une activité professionnelle en raison de son état de santé.

c. Le 11 août 2020, le docteur E______, médecin-chef de service au service d'immunologie et d'allergologie des HUG a indiqué un syndrome de Sjögren avec suspicion d'AVC vasolitique en 2019, un syndrome sec et de l'asthénie. La symptomatologie neurologique s'était nettement améliorée et il y avait une persistance de l'asthénie. La capacité de travail était de 50-80% dans l'activité habituelle et de 100% dans une activité adaptée.

d. Le 22 octobre 2020, la docteure F______, spécialiste en médecine interne générale, a rendu un rapport médical AI attestant d'un suivi depuis le 9 février 2018 et d'une vasculite cérébrale secondaire à un syndrome de Sjögren, d'un AVC ischémique sylvien droit en juin 2019 avec hémisyndrome gauche principalement au membre supérieur et d'un épisode dépressif qui variait de modéré à sévère depuis plus de 5 ans.

e. Le 1er février 2021, le Dr E______ a relevé un syndrome de Sjögren d'évolution favorable. Un suivi immunologique était prévu.

f. Un rapport d'examen neuropsychologique et neurocomportemental des HUG du 25 février 2021 a conclu à des difficultés de compréhension écrite, une fragilité dans le calcul et l'impossibilité d'effectuer des multiplications. Pour les troubles thymiques, un suivi psychothérapeutique paraissait pertinent.

g. Le 11 mars 2021, le docteur G______, médecin interne au service d'immunologie et d'allergologie des HUG, a relevé une perte de fonctionnalité du membre supérieur gauche, des troubles mnésiques et une atteinte neuropsychologique. La capacité de travail était nulle, en raison de limitations motrice et cognitive, traitement lourd avec risque lié à l'immunosuppression.

h. Le 2 juillet 2021, la Dre F______ a indiqué qu'elle n'avait pas revu l'assurée depuis le 24 avril 2020 et qu'elle ne pensait pas qu'elle était capable de travailler.

i. Le 13 juillet 2021, le service médical régional (ci-après : SMR) a conclu à une incapacité de travail totale dès le 16 juin 2019 et une aptitude à la réadaptation dès le 15 octobre 2019 avec des limitations suivantes : activité légère, plus ou moins sédentaire, sans conduite de véhicule, ni usage de machines dangereuses, sans nécessité d'effectuer des gestes rapides et précis de la main dominante et « acceptant une baisse de rendement à chiffrer par une mise en situation ».

j. Le 5 novembre 2021, le service d'évaluation de l'OAI a retenu un degré d'invalidité de 9.09%, sur la base d'un revenu sans invalidité, en 2018, de CHF 55'162.- et d'un revenu d'invalide de CHF 50'150.-

k. Par projet de décision du 12 novembre 2021, et décision du 10 janvier 2022, l'OAI a rejeté la demande de prestations. L'assurée était incapable de travailler dès le 18 juin 2019 et capable de travailler à 100% dans une activité adaptée dès le 15 octobre 2019, le taux d'invalidité était de 9%.

l. Le 10 février 2022, la recourante a recouru à l'encontre de cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans).

m. Le 4 juillet 2022, le SMR a estimé que l'instruction devait être reprise, notamment le volet psychiatrique et le 5 septembre 2022, la chambre de céans a annulé la décision litigieuse et renvoyé la cause à l'OAI (ATAS/773/2022).

n. Le 4 novembre 2023, H______, psychologue, a indiqué qu'elle avait vu l'assurée trois fois, les 13 avril, 16 juin et 20 avril 2021. Les troubles cognitifs étaient importants et la thymie était impactée par des problématiques sociales.

o. À la demande de l'OAI, le SWISS EXPERTISES MEDICALES Sàrl (ci-après : SEM ; docteure I______, médecine interne générale, professeur J______, spécialiste en neurologie, docteur K______, spécialiste en rhumatologie, et docteur L______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie), a rendu le 15 juillet 2024 une expertise pluridisciplinaire. Un examen neuropsychologique a été effectué par M______, MAS en psychologie et neuropsychologie. L'assurée se plaignait de fatigue, de douleur articulaire, de mal de dos, de trouble du sommeil et de la mémoire, d'une diminution de force dans le bras gauche dominant et dans la jambe gauche et d'un moral bas. Les diagnostics étaient les suivants :

- Status après AVC ischémique aigu du centre semi-ovale et précentral droits en juin 2019, sur une possible vascularite cérébrale sur un syndrome de Sjögren, avec des limitations fonctionnelles plutôt motrices persistantes, du membre dominant qui est le gauche, troubles de la manipulation, difficulté à l'écriture, difficulté à réaliser des activités motrices avec force. L'assurée rapportait également des données subjectives de fatigue et troubles de mémoire qui ne pouvaient être objectivés.

- Syndrome de Sjögren stabilisé, non traité depuis 8 mois,

- Maladie thromboembolique : utilisation au long court de l'anticoagulation. Status après embolie pulmonaire et thromboses veineuses profondes en 2017.

- Hypertension artérielle stade 1 – troubles de l'acuité visuelle :

- Trouble anxieux et dépressif mixtes.

- Les limitations fonctionnelles étaient celles de : pas d'utilisation d'objets contendants, nécessité d'utiliser des lunettes adaptées, pas de stress, allègement des capacités de responsabilités et de rapports écrits.

L'assurée présentait une capacité de travail de 50% dès octobre 2019 (limitations neurologiques) et nulle, d’une part, durant les hospitalisations de 2016, 2017 et 2019, d’autre part, de « trois à six mois » lors des poussées aigues du syndrome de Sjögren.

p. Le 22 juillet 2024, le SMR a retenu une capacité de travail nulle dès le 16 juin 2019 et de 50% dans l'activité habituelle et dans une activité adaptée dès octobre 2019, avec des limitations fonctionnelles de trouble de la manipulation, difficulté à l'écriture, difficulté à réaliser des activités motrices avec force et fatigabilité.

q. Par projet de décision du 14 août 2024, l'OAI a alloué à l'assurée une demi rente d'invalidité dès le 16 juin 2020 et une rente de 60% d'une rente entière dès le 1er janvier 2024.

r. Par décision du 25 février 2025, l'OAI a alloué à la recourante une demi rente d'invalidité du 1er juin 2020 au 31 décembre 2023 et une rente de 60% d'une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2024.

C. a. Le 28 mars 2025, l'assurée, représentée par une avocate, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l'encontre de la décision précitée, en concluant à son annulation et à l'octroi d'une rente entière d'invalidité, son incapacité de travail étant totale.

b. Le 28 avril 2025, l'OAI a conclu au rejet du recours.

Les revenus avec et sans invalidité retenus dans la décision litigieuse étaient erronés. Ceux-ci étaient réévalués selon l'ESS, ligne 47, (commerce de détail). En 2020, le degré d'invalidité était de 50% et dès le 1er janvier 2024 de 60%, compte tenu d'un abattement de 20%, soit des degrés d'invalidité finalement inchangés.

c. Le 21 mai 2025, la recourante a répliqué. Elle contestait la valeur probante de l'examen neuropsychologique et de l'expertise du SEM. Un abattement de 10% au moins devait être appliqué sur son revenu d'invalide pour la période de 2020-2023, de sorte que le degré d'invalidité était de 60% et donnait droit à un trois quart de rente, qui devait être maintenu, au titre de droit acquis, au-delà du 1er janvier 2022.

d. Le 23 juin 2025, l’avocate de la recourante s’est présentée, sans sa cliente, à une audience de comparution personnelle des parties.

e. Le 15 août 2021, la recourante a informé la chambre de céans que son état de santé psychique actuel ne lui permettait pas de se présenter à une audience.

f. Le 21 août 2025, la chambre de céans a informé les parties qu’elle entendait confier une expertise psychiatrique judiciaire au docteur N______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, ainsi qu’un examen neuropsychologique à O______, MAS en neuropsychologie clinique.

g. Le 21 août 2025, l’intimé s’est opposé à la convocation d’une nouvelle audience.

h. Le 28 août 2025, l’intimé s’est opposé à l’ordonnance d’une expertise judiciaire et a communiqué un avis du SMR du 25 août 2025, selon lequel il n’avait pas de question complémentaire à poser.

i. Le 1er septembre 2025, la recourante a proposé l’ajout d’une question à la mission d’expertise.


 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

1.3 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, le litige porte sur la quotité de la rente d’invalidité, dont il n’est pas contesté que le droit est né antérieurement à cette date, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité supérieure à une demi-rente dès le 1er juin 2020 et à un 60% d’une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2024.

3.              

3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2). Quant à l’incapacité de travail, elle est définie par l’art. 6 LPGA comme toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de l’assuré peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité.

L’assuré a droit à une rente si sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, s’il a présenté une incapacité de travail d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et si, au terme de cette année, il est invalide à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

3.2 Le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques ou psychosomatiques et aux syndromes de dépendance (ATF 148 V 49 ; 145 V 215 ; 143 V 418 ; 143 V 409). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_265/2023 du 19 août 2024 consid. 3.2).

3.2.1 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis, mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante. Á ce stade, ladite autorité doit encore s'assurer que l'atteinte à la santé résiste aux motifs d'exclusion, tels que l'exagération des symptômes ou d'autres manifestations analogues, qui conduiraient d'emblée à nier le droit à la rente (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1, 2.1.2, 2.2 et 2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.1.1).

3.2.2 Selon la jurisprudence, l'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.2). Il y a ainsi lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble somatoforme douloureux au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2). Á lui seul, un simple comportement ostensible ne permet pas de conclure à une exagération (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et la référence).

3.2.3 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons. En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (ATF 143 V 418 consid. 7.1 ; 409 consid. 4.5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_43/2023 du 29 novembre 2023 consid. 5.2 ; 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 ; 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

3.2.4 Une fois le diagnostic posé par un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2), la capacité de travail réellement exigible doit être examinée, sans résultat prédéfini, au moyen d’un catalogue d’indicateurs, appliqué en fonction des circonstances du cas particulier (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.1.1). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations sur les manifestations concrètes de l'atteinte à la santé diagnostiquée aident à séparer les limitations fonctionnelles qui sont dues à une atteinte à la santé des conséquences (directes) de facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogénèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.31.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_265/2023 du 19 août 2024 consid. 6.3 et la référence).

L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).

Le fait d'avoir été en mesure d'exercer une activité lucrative pendant de nombreuses années sans problème majeur est un élément important à prendre en considération dans l'évolution de la situation médicale de la personne assurée. Cet élément ne suffit toutefois pas pour en déduire une absence de gravité des atteintes à la santé (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.2).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. Á l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).

3. Comorbidités

On ne saurait inférer la réalisation concrète de l'indicateur « comorbidité » et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et la référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation ; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Étant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches […]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3).

L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).

3.3 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux

3.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

3.3.2 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

3.3.3 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

3.3.4 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

3.3.5 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

3.4  

3.4.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 139 V 176 consid. 5.3).

3.4.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 – Cst. ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

3.4.3 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

4.             En l’occurrence, l’intimé s’est fondé sur l’expertise pluridisciplinaire du SEM du 15 juillet 2024 pour rendre la décision litigieuse.

La recourante conteste la valeur probante de l’examen neuropsychologique et de l’expertise psychiatrique. Par ailleurs, elle conteste, dans l’expertise neurologique, la date à laquelle elle aurait recouvré une capacité de travail de 50%, soit juin 2019, en faisant valoir que ce n’était qu’en octobre 2020 qu’une amélioration de son état somatique avait été constatée.

4.1 S’agissant du rapport d’examen neuropsychologique du 15 avril 2024, il a conclu à de nombreuses incohérences chez la recourante. Il est notamment relevé que le tableau cognitif indiquant des troubles sévères dans la plupart des fonctions cognitives contrastait avec la capacité de la recourante à prendre les transports publics jusqu’à Lausanne et à gérer les courses et la cuisine. Les résultats aux épreuves psychométriques en mémoire épisodique montrant d’importantes difficultés n’étaient pas cohérents avec l’aptitude de la recourante à fournir de mémoire les dates des prochains rendez-vous médicaux prévus pour l’expertise de l’AI. Enfin, l’échec à différents tests de validation de symptômes et de performance ne permettait pas de donner des résultats probants.

Ce rapport d’examen neuropsychologique ne revêt cependant pas pleine valeur probante.

En effet, le constat de résultats non valides est d’abord mis en cause par le fait que l’examen neuropsychologique effectué le 8 février 2021 au HUG a conclu à des résultats valides, retrouvant des troubles cognitifs (compétence écrite, calcul) et une fatigabilité précoce qui avaient justifié la proposition d’un suivi auprès d’une psychologue et la mise sur pied d’un cycle de rééducation neuropsychologique et logopédique. Par ailleurs, la psychologue a constaté, ce qui est en désaccord avec l’analyse neuropsychologique, que la recourante présentait d’importants troubles cognitifs, notamment mnésiques, qui entravaient ausssi la prise en charge et la limitaient dans la réalisation de ses activités (rapport H______ du 4 novembre 2023).

Ensuite, la recourante souligne que pour se rendre aux examens d’expertise, sa fille lui avait préparé l’itinéraire et acheté son billet ainsi que commandé un taxi pour se rendre de la gare de Lausanne jusqu’au centre d’expertise. Elle était aidée au quotidien par sa sœur et ses enfants. Elle ne s’était ainsi pas rendue seule et de façon autonome à l’examen neuropsychologique. Ce fait n’est pas contesté par l’intimé et permet de douter de l’analyse effectuée par le psychologue pour retenir les incohérences précitées. Ce d’autant que, dans le même sens, la Dre F______ a attesté le 22 octobre 2020 d’un soutien de la fille aînée, qui avait interrompu sa formation pour pouvoir accompagner sa mère dans les différentes démarches et rendez-vous médicaux. Ce constat permet de douter de l’autonomie de la recourante évoquée par la psychologue justifiant les incohérences soulevées par celle-ci.

Dans ces conditions, le rapport d’examen neuropsychologique du 15 avril 2024 doit être écarté.

4.2 S’agissant de l’expertise psychiatrique du Dr L______, elle retient une amplification, en relevant que celle-ci est également retrouvée lors de l’évaluation neuropsychologique. Or, cette évaluation ne peut, comme il vient d’être relevé, être suivie. Le Dr L______ a exclu une perte de fonctionnalité de nature psychiatrique, en relevant qu’elle n’est ni cohérente ni plausible en l’absence de limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie. Or, cette conclusion n’est pas cohérente avec, d’une part, la description de la journée-type de la recourante par l’expert, qui montre un niveau d’activité très bas, d’autre part, les plaintes de celle-ci (angoisse, trouble du sommeil, tristesse, pleurs, manque d’envie de sortir, troubles de la mémoire, idées noires) et le status psychiatrique (la recourante a les larmes aux yeux). En outre, l’expert n’analyse pas l’évolution de l’état psychiatrique de la recourante, laquelle a présenté un état dépressif variant de modéré à sévère depuis plus de cinq ans (selon le rapport de la Dre F______ du 22 octobre 2020) soit depuis environ 2015, avec des idées suicidaires en 2016 (rapport d’intervention psychiatrique d’urgence des HUG du 25 mai 2016), et un diagnostic de trouble majeur d’intensité sévère en 2017 (consultation de psychiatrie de liaison des HUG du 6 décembre 2017). Il n’explique pas en quoi l’état de santé de la recourante se serait amélioré pour aboutir au constat qu’il n’y a, au jour de l’examen, aucune limitation fonctionnelle notable et concrète de nature psychiatrique (expertise SEM, p. 44) et que la recourante a toujours présenté une capacité de travail entière en dehors d’un mois d’hospitalisation en 2016 (expertise SEM, p. 18).

La valeur probante de l’expertise du Dr L______ est ainsi douteuse.

4.3 Dans ces conditions, il se justifie d’ordonner un examen neuropsychologique et une expertise psychiatrique, lesquels seront confiés à O______ et au Dr N______.

La recourante a proposé l’ajout d’une question supplémentaire. Celle-ci ne sera pas reprise telle quelle, dès lors qu’il n’incombe pas à l’expert psychiatre d’évaluer l’aspect somatique. En revanche, la mission sera complétée (questions 9 et 9.3.4) afin d’éclaircir la question de l’impact de l’interaction des diagnostics psychiques et somatiques sur la capacité de travail de la recourante.

 

 

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

I. Ordonne une expertise psychiatrique de A______.

Commet à ces fins le Dr N______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, chemin P______, 1860 Aigle. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A.    Prendre connaissance du dossier de la cause, ainsi que du rapport neuropsychologique de O______, MAS en neuropsychologie clinique.

B.     Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée.

C.     Examiner et entendre la personne expertisée et si nécessaire, ordonner d’autres examens.

D.    Charge l’expert d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :

1.                Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)

2.                Plaintes de la personne expertisée

3.                Status clinique et constatations objectives

4.                Diagnostics (selon un système de classification reconnu)

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse).

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.1 Dates d'apparition

4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4 Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée).

4.5 Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

4.6 Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

5.                Limitations fonctionnelles

5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

5.1.1 Dates d'apparition

5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?

5.3 Existe-t-il des limitations fonctionnelles neuropsychologiques ? Si oui, veuillez les détailler.

6.                Cohérence

6.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?

6.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

6.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autre termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?

6.4 Quels sont les niveaux d’activité sociale et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

6.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?

7.                Personnalité

7.1 Est-ce que la personne expertisée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence et si oui, lequel ? Quel code ?

7.2 Est-ce que la personne expertisée présente des traits de la personnalité pathologiques et, si oui, lesquels ?

7.3 Le cas échéant, quelle est l'influence de ce trouble de personnalité ou de ces traits de personnalité pathologiques sur les limitations éventuelles et sur l'évolution des troubles de la personne expertisée ?

7.4 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?

8.                Ressources

8.1 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur le plan somatique ? (au besoin en utilisant les items de la mini-CIF)

8.2 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur les plans :

a) psychique

b) mental

c) social et familial. En particulier, la personne expertisée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?

9.                Capacité de travail

Veuillez-vous prononcer sur la capacité de travail de la personne expertisée d’un point de vue uniquement psychiatrique, étant relevé qu’une incapacité de travail de 50% a déjà été retenue du point de vue somatique.

9.1 Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour chaque diagnostic, indiquer son taux pour chaque diagnostic et détailler l’évolution de ce taux pour chaque diagnostic.

9.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?

9.2.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.2.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite/ nulle ?

9.3 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ? 

9.3.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.3.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? A quel taux ? Depuis quelle date ?

9.3.3 Dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

9.3.4 Est-ce que l’interaction entre les troubles psychiques et somatiques a un impact sur la capacité de travail de la personne expertisée et, cas échéant, de quelle manière ?

 

9.4 Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis le 5 avril 2016 ?

9.5 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

9.6 Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?

10.            Traitement

10.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

10.2 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?

10.3 En cas de refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie, cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de la personne expertisée à reconnaître sa maladie ?

10.4 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

11.            Appréciation d'avis médicaux du dossier

Êtes-vous d'accord avec l'expertise du Dr L______ du 15 juillet 2024 ? En particulier avec l’absence de tout diagnostic psychiatrique ? Si non, pourquoi ?

12. Quel est le pronostic ?

13. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

14. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

II A. Ordonne un examen neuropsychologique, comprenant un test de validation des performances et la réponse aux questions suivantes :

1.    Quelle est la gravité de l’éventuel trouble neuropsychologique ?

2.    Quelles sont les limitations fonctionnelles ?

3.    Quelle est la capacité de travail dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée, compte tenu des limitations neuropsychologiques ?

B. Commet à cette fin O______, MAS en neuropsychologie clinique, rue Q______, à Genève.

C. Invite O______ à communiquer, dans les meilleurs délais, son rapport à la chambre de céans et au Dr N______.

III. Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, son rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.

IV. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties le