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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1839/2025

ATAS/477/2025 du 24.06.2025 ( LAA )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1839/2025 ATAS/477/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 24 juin 2025

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

Représenté par Me Claudio FEDELE, avocat

 

recourant

contre

 

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1960, de nationalité italienne, marié, était employé de nettoyage. Dès le 11 janvier 2024, il a bénéficié de prestations de l’assurance-chômage, par la caisse de chômage UNIA (ci-après : la caisse) et était assuré contre les risques d’accidents auprès de la SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : SUVA).

b. Le 7 mars 2023, l’assuré a chuté d’une échelle et une IRM du 25 avril 2023 a conclu à un canal lombaire rétréci L4-L5 multifactoriel de grade C, selon la classification de Lausanne, une ostéochondrose érosive Modic I en L4-L5, pas de tassement lombaire, une surcharge mécanique au niveau des articulations sacro-iliaques prédominant à droite et des séquelles d’une maladie de Scheuermann au niveau de la jonction dorsolombaire.

c. Les 6 et 20 juillet 2023, l’assuré a bénéficié d’infiltrations L4-L5 en raison de lombalgies droites.

d. Le 17 avril 2024, l’assuré a glissé dans sa baignoire et fait un faux mouvement, il s’est blessé au dos. Il a été en incapacité de travail totale du 18 avril au 25 juillet 2024 et à un taux de 80% dès le 26 juillet 2024, attestée par le docteur B______, spécialiste en médecine générale.

B. a. Le 17 juin 2024, le Dr B______ a attesté d’une consultation le 18 avril 2024 et de lombosciatalgie L5-S1 gauche, traumatique. L’incapacité de travail était totale du 18 avril au 1er juillet 2024. L’assuré avait été victime d’un ancien accident le 7 mars 2023, avec hernie discale L4-L5.

b. La SUVA a pris le cas en charge.

c. Le 7 janvier 2025, la docteure C______, médecin praticien et médecin-conseil de la SUVA, a estimé que l’accident du 17 avril 2024 avait décompensé de manière passagère un état antérieur, soit pendant six mois.

d. Le 23 janvier 2025, le Dr B______ a attesté de dorsolombalgie L5-S1 non déficitaire avec irradiation au membre inférieur droit et une recrudescence des symptômes après la glissade du 17 avril 2024. La situation était stable depuis le 26 juillet 2024 et l’assuré avait été victime d’un accident le 7 mars 2023.

La capacité de travail était de 20% depuis le 26 juillet 2024. Il fallait s’attendre à un dommage qui demeurerait, soit une limitation de mouvement de la colonne lombaire dans les trois axes.

e. Le 21 février 2025, la Dre C______ a relevé que le médecin traitant n’avait pas attesté d’une atteinte traumatique comme cause des douleurs de l’assuré, lequel avait un état antérieur, soit des lombalgies sur des atteintes dégénératives préexistantes et avait bénéficié de deux infiltrations en juillet 2023.

L’accident avait cessé de déployer ses effets au plus tard le 26 juillet 2024, date à laquelle l’assuré avait repris son activité à un taux de 20%.

f. Par décision du 3 mars 2025, la SUVA a considéré que « selon l’appréciation du service médical » l’état de santé de l’assuré, tel qu’il aurait été sans l’accident du 17 avril 2024, était atteint depuis le 4 mars 2025 au plus tard, de sorte qu’il était mis fin aux frais de traitement et indemnités journalières à cette date.

g. Le 31 mars 2025, l’assuré, représenté par un avocat, a fait opposition à la décision précitée, au motif que ses médecins traitants considéraient que ses douleurs étaient en lien de causalité avec l’accident. Son droit d’être entendu avait été violé car la décision du 3 mars 2025 supprimait les prestations au 4 mars 2025.

h. Par décision du 14 avril 2025, la SUVA a rejeté l’opposition et retiré l’effet suspensif à un éventuel recours.

C. a. Le 27 mai 2025, l’assuré, représenté par son avocat, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en concluant, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif et à l’ordonnance d’une expertise judiciaire et, principalement, à l’annulation de la décision et à l’octroi de prestations dès le 4 mars 2025. Le médecin-conseil de l’intimée ne l’avait pas examiné.

b. Le 10 juin 2025, l’intimée a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif et du recours.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est prima facie recevable (art. 56 et 60 de la LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [(LPA - E 5 10)].

2.              

2.1 Depuis le 1er janvier 2021, les art. 49 al. 5 et 52 al. 4 LPGA prévoient que l’assureur peut, dans sa décision ou dans sa décision sur opposition, priver toute opposition ou tout recours de l’effet suspensif, même si cette décision porte sur une prestation en espèces. Les décisions et les décisions sur opposition ordonnant la restitution de prestations versées indûment sont exceptées.

Selon le message du Conseil fédéral du 2 mars 2018 concernant la modification de la LPGA (FF 2018 1597), l’art. 49 al. 5 LPGA correspond à l’ancien art. 97 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, qui s’appliquait par analogie à l’assurance-invalidité et aux prestations complémentaires (cf. art. 66 LAI et 27 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires du 6 octobre 2006 [LPC – RS 831.30] dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020), et selon la jurisprudence, également par analogie à l’assurance-chômage et à l’assurance-maladie. Il était alors possible, par une application étendue de l’art. 55 al. 2 de la loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA - RS 107.021) en relation avec l’art. 55 al. 1 LPGA, de priver de l’effet suspensif tout recours éventuel contre une décision qui ne portait pas sur une prestation en espèces. De plus, conformément à la jurisprudence et à la majorité de la doctrine, mais contrairement à la lettre de la loi, seule une décision qui engageait son destinataire à une prestation en espèces était considérée comme une décision portant sur une prestation en espèces. Par conséquent, les décisions d’octroi de prestations des assurances sociales ne constituaient pas des décisions portant sur une prestation en espèces au sens de la PA. Si une prestation en espèces (durable ou non) était interrompue ou réduite, l’effet suspensif pouvait donc être retiré. Le Conseil fédéral a estimé que pour prévenir tout flou juridique dans ce domaine – puisqu’il est courant, dans les assurances sociales, de qualifier de prestations en espèces des prestations comme les rentes, les indemnités journalières, l’allocation pour impotent, etc. (cf. à ce sujet la définition des prestations en espèces à l’art. 15 LPGA) –, il était nécessaire d’élaborer une base légale claire pour toutes les assurances sociales soumises à la LPGA. La nouvelle réglementation assure ainsi la sécurité juridique et elle est essentielle, notamment en lien avec la règle relative à la suspension des prestations à titre provisionnel prévue par le nouvel art. 52a LPGA, entré en vigueur le 1er janvier 2021. La pratique fondée sur l’ATF 130 V 407, qui n’autorise pas le retrait de l’effet suspensif en cas de créances en restitution de prestations indûment perçues, n’est en revanche pas modifiée en vertu de cette harmonisation de la LPGA (cf. art. 49 al. 5 2e phrase LPGA).

Les dispositions de la PA continuent à s’appliquer pour les questions liées à l’effet suspensif qui ne sont pas réglées par l’art. 49 al. 5 LPGA (cf. art. 55 al. 1 LPGA). Le juge saisi du recours peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l’autorité inférieure l’avait retiré ; la demande de restitution de l’effet suspensif étant traitée sans délai, conformément à l'art. 55 al. 3 PA. 

2.2 Selon la jurisprudence, le retrait de l’effet suspensif est le fruit d’une pesée des intérêts qui s’inscrit dans l’examen général du principe de la proportionnalité, lequel exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 et la référence).

La possibilité de retirer ou de restituer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération ; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).

L'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3 et les références).

3.             En l’espèce, l’intimée s’est fondée sur les appréciations médicales de la Dre C______ des 7 janvier et 21 février 2025, selon lesquelles l’accident du 17 avril 2024 avait cessé de déployer ses effets au plus tard au 26 avril 2024, le recourant présentant un état antérieur dégénératif attesté par l’IRM du 25 avril 2023 et le médecin traitant n’attestant pas d’une atteinte traumatique comme origine des douleurs.

S’agissant des chances de succès du recours, on ne saurait admettre, en l’état, que selon toute vraisemblance le recourant l’emportera dans la cause principale. En effet, les avis de la Dre C______ ne sont a priori pas mis en doute par l’appréciation du Dr B______ du 17 juin 2024, selon laquelle la lombosciatalgie L5-S1 gauche était traumatique, dès lors que celui-ci ne motive pas du tout son appréciation et que, de surcroit, il précise par la suite, soit le 23 janvier 2025, qu’il s’agit d’une recrudescence des symptômes, après une glissade à domicile, affirmation qui conforte plutôt la version de la Dre C______ d’une décompensation passagère de la symptomatologie.

4.             Au vu de ce qui précède, la demande de restitution de l’effet suspensif au recours ne peut qu’être rejetée.

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA-GE

1.        Rejette la demande de restitution de l’effet suspensif.

2.        Réserve la suite de la procédure.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 93 al. 1 LTF ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le