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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1449/2025

ATAS/420/2025 du 03.06.2025 ( LAA )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1449/2025 ATAS/420/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 3 juin 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

représenté par Me Imed ABDELLI, avocat

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

intimée

 


 

EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né en 1962, parqueteur, était assuré auprès de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : SUVA) contre le risque d’accidents, professionnels ou non.

b. Le 3 décembre 2018, il a été annoncé à la SUVA que l’assuré, en date du 30 novembre 2018, avait fait un faux mouvement en portant une machine, ce qui avait entraîné une blessure à son épaule droite (luxation).

c. Interrogé par la SUVA, l’assuré a expliqué, en date du 14 décembre 2018, qu’il portait une machine lorsqu’il avait ressenti une douleur dans l’épaule droite. Cette douleur, perceptible dans le courant de la journée, était devenue manifeste durant la nuit. Il l’avait ressentie au moment de soulever une machine de ponçage.

d. À l’Hôpital de la Tour, le diagnostic de tendinopathie à l’épaule droite a été posé sans examen radiologique. Un traitement par antalgiques et une mobilisation douce, ainsi que la pose de glace ont été prescrits (rapport du 15 décembre 2018).

e. Le 18 janvier 2019, l’assuré a encore précisé que le poids soulevé était d’à peu près 40 kg (le poids global de la ponceuse était d’environ 80 kg, mais il l’avait séparée en deux pour pouvoir la déplacer).

f. Après avoir, dans un premier temps, refusé de prendre le cas en charge par courrier du 25 janvier 2019, au motif que l’existence d’un accident ou d’une lésion corporelle assimilée à un accident devait être niée, la SUVA, par pli du 3 avril 2019, a accepté de prester, après que l’assuré a produit un rapport d’échographie de l’épaule droite du 11 décembre 2018 concluant à une déchirure subtotale du tendon sus-épineux sur toute sa longueur avec maintien d’une languette tendineuse bursale, à une déchirure partielle profonde du tiers supérieur du tendon subscapulaire, ainsi qu’à une bursite sous-acromio-deltoïdienne.

B. a. Le 11 mai 2022, déséquilibré alors qu’il rangeait du matériel, l’assuré a effectué un mouvement de rattrapage avec le bras droit.

b. Cet événement a été annoncé à la SUVA le 17 mai 2022. L’assuré a exposé qu’il était tombé : en descendant du matériel, il avait été déséquilibré sur les marches d’escaliers et avait chuté sur le flanc droit en s’appuyant sur le bras. Depuis lors, il souffrait du bras et de la jambe droits, ainsi que du bas du dos.

c. Le 16 mai 2022, une imagerie par résonance magnétique (IRM) de l’épaule droite a conclu à une tendinopathie de la coiffe des rotateurs avec une fissuration transfixiante du tiers moyen du supra-épineux, à une bursite sous-acromio-deltoïdienne modérée, à une omarthrose débutante, ainsi qu’à une déchirure du labrum de type SLAP 3.

d. Le 27 juin 2022, la SUVA a pris en charge le cas.

e. Le 14 juillet 2022, le docteur B______, médecin d’assurance, a relevé que l’IRM réalisée le 16 mai 2022 avait confirmé l’existence de nombreuses anomalies de type dégénératif, avec une omarthrose débutante et des anomalies des tendons de la coiffe des rotateurs, mais sans rupture transfixiante. En l’absence de rupture de tendons, il fallait considérer que le retour à l’état antérieur avait été atteint au plus tard huit semaines après l’événement du 11 mai 2022.

f. Par décision du 18 juillet 2022, la SUVA a annoncé à l’assuré qu’elle mettrait un terme au versement des prestations le 24 juillet 2022.

g. L’assuré ayant formé opposition, la SUVA, par lettre du 24 mai 2023, lui a annoncé qu’elle annulait la décision du 18 juillet 2022, les prestations d’assurance allouées à compter du 25 juillet 2022 l’étant, non pas en relation avec le sinistre du 11 mai 2022, mais avec celui du 30 novembre 2018.

h. Le 31 mai 2023, le Dr C______, après étude des clichés radiologiques du 11 décembre 2018 et de l’IRM du 16 mai 2022, a émis l’avis que l’atteinte était due de manière prépondérante à l’usure ou à la maladie.

i. Par courrier du 5 juin 2023, la SUVA a informé l’assuré qu’elle considérait que le versement des prestations annoncé le 3 avril 2019 était le fruit d’une erreur. En effet, l’événement du 30 novembre 2018 ne pouvait être considéré, ni comme un accident, ni comme une lésion corporelle assimilée.

j. Le 30 juin 2023, l’assuré a requis que soient rendues deux décisions formelles et motivées concernant les événements des 30 novembre 2018 et 11 mai 2022.

k. Par décision du 19 juillet 2023, la SUVA a mis un terme aux prestations avec effet au 24 juillet 2022, concernant l’accident du 11 mai 2022, au motif que ce dernier n’était pas propre à entraîner des conséquences au-delà d’une période de huit semaines.

À compter du 25 juillet 2022, les prestations d’assurance devaient être versées en lien avec l’événement du 30 novembre 2018.

l. Le 14 septembre 2023, l’assuré s’est opposé à cette décision.

m. Par décision du 24 juillet 2023, la SUVA a maintenu que la prise en charge de l’événement du 30 novembre 2018 avait constitué une erreur. Pour le surplus, elle a indiqué mettre un terme au versement des prestations avec effet au 5 juin 2023.

n. Les 20 février et 22 mai 2024, l’assuré a informé la SUVA d’une aggravation de son état de santé et lui a demandé de statuer sur les événements des 30 novembre 2018 et 11 mai 2022.

o. Par courrier du 20 juin 2024, la SUVA a informé l’assuré de son intention de mettre sur pied une expertise, confiée au docteur D______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur auprès du Bureau d’expertises médicales (BEM), à Montreux.

p. L’expert a rendu son rapport en date du 18 septembre 2024.

q. Le 2 décembre 2024, l’assuré a émis un certain nombre de critiques par rapport à ce rapport.

r. Par décision du 12 mars 2025, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré et confirmé ses décisions des 19 et 24 juillet 2023.

En substance, la SUVA s’est référée au rapport de l’expert, lequel avait conclu à l’existence de lésions dégénératives préexistantes. Selon lui, l’accident n’avait pas entraîné d’aggravation déterminante et durable. Le statu quo sine devait être au 8 novembre 2022.

s. Par écriture du 28 avril 2025, l’assuré a interjeté recours contre cette décision en sollicitant préalablement la restitution de l’effet suspensif, l’ouverture d’enquêtes et, quant au fond, l’octroi d’indemnités journalières avec effet rétroactif au 24 juillet 2022, la prise en charge par la SUVA de tous les frais médicaux, l’octroi d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité, subsidiairement, la mise sur pied d’une expertise judiciaire.

En substance, le recourant fait valoir que l’expertise ne saurait se voir reconnaître valeur probante. Selon lui, l’avis du Dr D______ est « trop académique et trop éloigné des faits ». Il ajoute qu’il n’a fait l’objet que d’une courte audition par le Dr D______, que celui-ci n’a pas pris en compte ses plaintes et que ses conclusions sont largement contredites par celles d’autres médecins.

Il rappelle que plusieurs années se sont écoulées entre les deux accidents.

Il soutient que l’existence d’un état dégénératif préexistant serait invraisemblable.

Le recourant invoque principalement, à l’appui de sa position, les avis des docteurs E______ et F______.

Il en tire la conclusion que « la balance entre un dossier médical corroborant sa demande et l’expertise doit pencher en faveur du dossier médical » (sic).

t. Invitée à se déterminer, l’intimée a conclu au rejet du recours et de la demande de restitution de l’effet suspensif en date du 13 mai 2025.

S’agissant plus particulièrement de la demande de « restitution éventuelle de l'effet suspensif », elle fait remarquer que le recourant ne peut pas soutenir qu'il a de bonnes chances d'obtenir gain de cause de sorte qu’il se justifierait de poursuivre le versement des prestations durant la procédure.

Elle soutient que son intérêt à ce que l'effet suspensif ne soit pas restitué est prépondérant.

u. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est prima facie recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.              

2.1 Selon l'art. 54 al. 1 let. c LPGA, les décisions et les décisions sur opposition sont exécutoires lorsque l'effet suspensif attribué à une opposition ou à un recours a été retiré.

Depuis le 1er janvier 2021, les art. 49 al. 5 et 52 al. 4 LPGA prévoient que l’assureur peut, dans sa décision ou dans sa décision sur opposition, priver toute opposition ou tout recours de l’effet suspensif, même si cette décision porte sur une prestation en espèces. Les décisions et les décisions sur opposition ordonnant la restitution de prestations versées indûment sont exceptées

2.2 Selon l'art. 55 al. 1 LPGA, les points de la procédure administrative en matière d'assurances sociales qui ne sont pas réglés de manière exhaustive aux art. 27 à 54 de la LPGA ou par les dispositions des lois spéciales sont régis par la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA - RS 172.021).

L'art. 61 LPGA, qui règle la procédure de recours devant le tribunal cantonal des assurances, renvoie quant à lui à l'art. 1 al. 3 PA. Aux termes de cette disposition, l'art. 55 al. 2 et 4 PA relatif au retrait de l'effet suspensif est applicable à la procédure devant les autorités cantonales de dernière instance qui ne statuent pas définitivement en vertu du droit public fédéral.

2.3 L'art. 55 al. 3 PA prévoit que l'autorité de recours ou son président peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l'autorité inférieure l'avait retiré ; la demande de restitution de l'effet suspensif est traitée sans délai.

La possibilité de retirer ou de restituer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération ; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).

2.4 L'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale.

Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée ; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références ; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 267/98 du 22 octobre 1998, in VSI 2000 p. 184 consid. 5; Hansjörg SEILER, in Praxiskommentar zum VwVG, n° 103 ad art. 55 PA).

3.             En l’espèce, la demande de restitution de l’effet suspensif constitue en réalité une demande de mesures provisionnelles.

Il n’est en l’état actuel pas possible d'admettre que, selon toute vraisemblance, l’intéressé obtiendra gain de cause sur le fond, en particulier pour les motifs qui suivent.

Quant au fond, est principalement litigieuse la question de savoir si et quand le statu quo a été atteint – justifiant ainsi qu’il soit mis un terme au versement des indemnités journalières.

À été versée au dossier l’expertise du Dr D______, qui, prima facie, remplit tous les réquisits pour se voir reconnaître pleine valeur probante.

L’expert conclut que l’évènement de novembre 2018 a révélé des troubles dégénératifs majeurs de l’épaule droite, liés à une surcharge des deux membres supérieurs, dans le cadre d’une activité professionnelle exigeante à ce niveau. De l’échographie effectuée alors, l’expert estime qu’elle démontre que l’évènement n’a pas aggravé de manière déterminante les lésions préexistantes.

Quant à l’évènement de mai 2022, il a décompensé de manière passagère l’état antérieur. Lui aussi a révélé un problèmes dégénératif majeur. L’expert en veut pour preuve le fait que l’épaule gauche, non concernée par les deux évènements, montre des lésions dégénératives similaires.

L’expert, expliquant qu’une contusion à l’épaule se guérit normalement entre quatre et six semaines, a admis que, sur un état préexistant, cela peut prendre entre trois et six mois. En définitive, il a considéré que le statu quo avait été atteint le 18 novembre 2022, date de la consultation chez le Dr E______.

Le fait que les médecins traitants de l’assuré aient prolongé les arrêts de travail de l’assuré ne suffit pas encore à s’écarter des conclusions de l’expertise.

On rappellera qu’en l’occurrence, la problématique doit être appréhendée essentiellement d’un point de vue médical. Le simple fait de substituer les considérations personnelles du recourant et son opinion quant à la préexistance ou non d’atteintes dégénératives aux conclusions de l’expert ne saurait suffire pour écarter ces dernières.

Dès lors que les chances de succès du recourant sur le fond ne paraissent pas évidentes prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, l’intérêt de l’intimée au non-octroi de l’effet suspensif ou de toute autre mesure provisionnelle l’emporte sur celui du recourant à obtenir le versement de prestations. En effet, l’issue de la procédure étant incertaine, il existe un risque important qu’il ne puisse rembourser les prestations qui lui seraient versées à tort par l’intimée pendant la procédure.

4.             Partant, la demande de restitution de l’effet suspensif est rejetée et la suite de la procédure réservée.

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA-GE

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Sur incident

2.        Rejette la demande de mesures provisionnelles.

3.        Réserve la suite de la procédure.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 93 al. 1 LTF ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le