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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1862/2024

ATAS/406/2025 du 30.05.2025 ( LPP ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1862/2024 ATAS/406/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 mai 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

demanderesse

contre

CAISSE DE PENSION DE L’ETAT DE GENÈVE (CPEG)

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1961, veuve, a été affiliée à la CAISSE DE PRÉVOYANCE DU PERSONNEL ENSEIGNANT DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES FONCTIONNAIRES DE L’ADMINISTRATION DU CANTON DE GENÈVE (ci-après : CIA) le 1er avril 2006.

b. En date du 29 mai 2006, la CIA a informé l'assurée qu’elle avait réceptionné, en provenance de la FONDATION DE LIBRE PASSAGE DE LA RAIFFEISEN, un avoir de CHF 221'564.75, correspondant à sa prestation de sortie. Sur ce montant, la somme de CHF 83'324.60 permettait de reporter l’origine des droits de l’assurée au 1er septembre 1985 (date à laquelle elle avait 24 ans révolus, maximum consenti selon ses statuts). Le solde, de CHF 138'240.15, ne pouvant être affecté à un rachat complémentaire, devait être bloqué sur un compte de libre passage.

c. L’assurée a donc ouvert un compte de libre passage auprès de la FONDATION DE LIBRE PASSAGE DE LA BANQUE CANTONALE DE GENÈVE (ci-après : FONDATION DE LIBRE PASSAGE DE LA BCGE).

d. Le 1er janvier 2014, l’assurée a été affiliée, pour la prévoyance professionnelle, à la CAISSE DE PRÉVOYANCE DE L’ÉTAT DE GENÈVE (ci-après : CPEG) – née de la fusion de la CIA et de la CAISSE DE PRÉVOYANCE DU PERSONNEL DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS MÉDICAUX DU CANTON DE GENÈVE (CEH).

e. Pour financer l’acquisition d’un appartement sis à Genève, l’assurée a bénéficié, en octobre 2015, de deux versements anticipés : CHF 150'000.- versés par la CPEG et CHF 54'199.65 par la FONDATION DE LIBRE PASSAGE DE LA BCGE (cf. décompte de sortie du 25 janvier 2016).

f. Á ce titre, deux mentions de restriction du droit d’aliéner ont été inscrites au registre foncier concernant ce bien immobilier.

g. Par pli du 16 janvier 2024, l’Étude NECKER & MERLON NOTAIRES (ci-après : l’Étude) a informé la CPEG de la vente à venir de l’appartement de l’assurée. Afin que les deux mentions de restriction du droit d’aliéner puissent être radiées au registre foncier, l’Étude sollicitait de la CPEG le renvoi de la réquisition dûment signée.

h. Le 5 février 2024, la CPEG a transmis à l’Étude la réquisition signée, tout en précisant que, selon elle, l’obligation de rembourser portait sur le montant de CHF 204'199.65, montant effectif total des retraits ; sur demande de l’assurée, une offre de rachat complémentaire pouvait lui être adressée.

i. Les 9 avril et 17 mai 2024, la CPEG a confirmé sa position et requis le remboursement de la totalité des versements anticipés, soit CHF 204'199.65. Elle arguait que le montant devait en effet être versé à l’institution de prévoyance auprès de laquelle l’assurée était affiliée au moment du remboursement, indépendamment du fait qu’il provienne pour partie d’une autre caisse de prévoyance ou fondation de libre passage.

B. a. Par acte du 31 mai 2024 adressé à la Cour de céans, l’assurée a contesté devoir rembourser à la CPEG, suite à la vente de son appartement en mars 2024, le montant de CHF 54'199.65, puisque ces fonds n’avaient jamais fait partie de la fortune de la CPEG. Elle s’engageait à verser ledit montant sur un compte de libre passage. La demanderesse fait remarquer, pièces à l’appui, que les certificats d’assurance établis par la CPEG entre 2016 et 2018 ne faisaient état que d’un retrait pour l’encouragement à la propriété du logement (ci-après : EPL) de CHF 150'000.- ; ceux établis en 2019 et 2021 ne mentionnaient aucun montant versé à ce titre ; ce n’est qu’en 2022 que la totalité des retraits, soit CHF 204'199.65, a été mentionnée sur son certificat d’assurance. La demanderesse précise qu’elle entend prendre une retraite anticipée le 1er septembre 2024, ce qu’elle a planifié en considérant le montant de CHF 54'199.65 comme un capital disponible ; elle est désormais usufruitière d’un appartement dont ses enfants sont propriétaires.

b. Par écriture du 10 juillet 2024, la demanderesse a rappelé avoir interpellé la défenderesse le 8 novembre 2023 déjà.

c. Invitée à se déterminer, la défenderesse, dans sa réponse du 17 juillet 2024, a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet de la demande et au remboursement par la demanderesse du montant de CHF 204'199.65, correspondant à l’intégralité des fonds de prévoyance retirés dans le cadre de l’EPL, montant toujours bloqué auprès de l’Étude.

La défenderesse soutient que, dès lors que la demanderesse était affiliée auprès d’une institution de prévoyance au moment de la vente de son logement, elle ne pouvait ouvrir un compte de libre passage pour rembourser une partie des versements anticipés ayant participé au financement du bien. Selon les dispositions du règlement de la FONDATION DE LIBRE PASSAGE DE LA BCGE, les remboursements de versements anticipés peuvent certes être versés sur un compte auprès de cette institution, mais la défenderesse considère que cette possibilité doit être réservée aux assurés qui, au moment de la vente de leur logement, n’étaient pas affiliés à une institution de prévoyance.

Si le remboursement auprès d’une institution de libre passage permet un retour des fonds dans le circuit de la prévoyance en cas de vente du logement, en revanche, le maintien de la prévoyance sous cette forme n’offre aucune protection contre le risque d’invalidité et ne couvre le risque de décès que dans la mesure du montant de l’avoir de vieillesse apporté. Partant, le remboursement du versement anticipé litigieux auprès de l’institution de prévoyance doit rester la règle.

Au surplus, la concentration de la prévoyance acquise en un seul endroit empêche les assurés de disperser leurs avoirs de prévoyance dans un grand nombre d’endroits différents.

d. Une audience de comparution personnelle s’est tenue le 16 janvier 2025, lors de laquelle la demanderesse a expliqué notamment que si elle souhaite verser le montant litigieux sur un compte de libre passage, c’est afin de disposer d’un capital plus important que ce que prévoit le règlement de la défenderesse.

Celle-ci a rappelé qu’au moment de la vente de l’appartement, en mars 2024, la demanderesse était encore active et affiliée auprès d’elle.

 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO – RS 220] ; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP – RS 831.40] ; ancien art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).

1.2 La compétence des autorités visées par l'art. 73 LPP est doublement définie.

Elle l'est, tout d'abord, quant à la nature du litige : il faut que la contestation entre les parties porte sur des questions spécifiques de la prévoyance professionnelle, au sens étroit ou large. Ce sont donc principalement des litiges qui portent sur des prestations d'assurance, des prestations de libre passage (actuellement prestations d'entrée ou de sortie) et des cotisations. En revanche, les voies de droit de l'art. 73 LPP ne sont pas ouvertes lorsque la contestation a un fondement juridique autre que le droit de la prévoyance professionnelle, même si elle devait avoir des effets relevant du droit de ladite prévoyance (ATF 125 V 168 consid. 2 ; 122 V 323 consid. 2b et les références).

Cette compétence est également limitée par le fait que la loi désigne de manière non équivoque les parties pouvant être liées à une contestation, à savoir les institutions de prévoyance, les employeurs et les ayants droit (ATF 128 V 254 consid. 2a). Il s’agit des institutions de prévoyance enregistrées qui participent au régime de l’assurance obligatoire (art. 48 al. 1 LPP), avec la possibilité d’étendre la prévoyance au-delà des prestations minimales (institutions de prévoyance dites « enveloppantes » ; art. 49 al. 2 LPP) ; ces institutions doivent revêtir la forme d’une fondation ou d’une société coopérative, ou être une institution de droit public (art. 48 al. 2 LPP et art. 331 al. 1 CO ; arrêt du Tribunal fédéral B.95/02 du 5 juin 2003 consid. 3.2).

1.3 Selon l’art. 73 al. 3 LPP, le for est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans laquelle l'assuré a été engagé.

1.4 En l'espèce, est litigieux le montant que la demanderesse est tenue de verser à la défenderesse en remboursement des versements anticipés obtenus à titre d’EPL, étant précisé que le siège de la défenderesse se situe dans le canton de Genève.

Partant, la compétence de la Cours de céans à raison de la matière et du lieu est établie.

2.             L'ouverture de l'action prévue à l'art. 73 al. 1 LPP n'est soumise, comme telle, à l'observation d'aucun délai (ATF 117 V 329 consid. 4).

L’art. 73 al. 2 LPP se limite à fixer des règles-cadres de procédure. Celle-ci doit être simple, rapide et, en principe, gratuite. Dans le canton de Genève, la procédure en matière de prévoyance professionnelle est régie par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et plus particulièrement par les art. 89A et ss.

En l’espèce, la demande respecte la forme prévue à l'art. 89B LPA. Par conséquent, elle est recevable.

3.             Le litige porte sur le point de savoir si la défenderesse peut se prévaloir à l’encontre de la demanderesse, suite à la vente de son appartement, d’une créance en remboursement du versement anticipé de CHF 54'199.65 par la FONDATION DE LIBRE PASSAGE BCGE à titre d’EPL.

4.              

4.1.1 La section 2 du chapitre 4 de la LPP (art. 30a à 30g), intitulée « encouragement à la propriété du logement », a été introduite par la loi fédérale du 17 décembre 1993 sur l’EPL au moyen de la prévoyance professionnelle, en vigueur depuis le 1er janvier 1995 (RO 1994 2372 ; FF 1992 VI 229). Ces articles instaurent un ensemble de mesures destinées à alléger financièrement l’accession des personnes assurées dans le 2e pilier à la propriété d’un logement pour leurs propres besoins (Message du Conseil fédéral du 19 août 1992 concernant l’EPL au moyen de la prévoyance professionnelle, FF 1992 VI 229, n. 131 p. 238).

4.1.2 Selon l'art. 30c LPP, l’assuré peut, au plus tard trois ans avant la naissance du droit aux prestations de vieillesse, faire valoir auprès de son institution de prévoyance le droit au versement d’un montant pour la propriété d’un logement pour ses propres besoins (al. 1). Le versement entraîne simultanément une réduction des prestations de prévoyance calculée d’après les règlements de prévoyance et les bases techniques des institutions de prévoyance respectives. Afin d’éviter que la couverture ne soit restreinte par la diminution des prestations en cas de décès ou d’invalidité, l’institution de prévoyance offre elle-même une assurance complémentaire ou fait office d’intermédiaire pour la conclusion d’une telle assurance (al. 4).

4.1.3 L'art. 30d al. 1 let. a LPP prévoit que l’assuré ou ses héritiers doivent rembourser le montant perçu à l’institution de prévoyance si le logement en propriété est vendu.

Selon l’art. 30d al. 4 LPP, si, dans un délai de deux ans, l’assuré entend investir à nouveau dans la propriété de son logement le produit de vente du logement équivalant au versement anticipé, il peut transférer ce montant à une institution de libre passage.

Selon l'art. 30d al. 5 LPP, en cas de vente du logement, l’obligation de rembourser se limite au produit réalisé. Par produit, on entend le prix de vente, déduction faite des dettes hypothécaires et des charges légales supportées par le vendeur.

Selon l’art. 30d al. 6 LPP, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, les montants remboursés sont répartis entre l’avoir de vieillesse au sens de l’art. 15 et le reste de l’avoir de prévoyance professionnelle dans la même proportion qu’au moment du versement anticipé.

4.1.4 L’art. 30e LPP, intitulé « garantie du but de la prévoyance », prévoit à son alinéa 1, 1re phrase, que l’assuré ou ses héritiers ne peuvent vendre le logement en propriété que sous réserve de l’art. 30d LPP.

Cette restriction du droit d’aliéner au sens de l’al. 1 doit être mentionnée au registre foncier. L’institution de prévoyance est tenue d’en requérir la mention au registre foncier lors du versement anticipé ou lors de la réalisation du gage grevant l’avoir de prévoyance (art. 30e al. 2 LPP).

La mention peut être radiée, notamment lorsqu’il est établi que le montant investi dans la propriété du logement a été transféré selon l’art. 30d à l’institution de prévoyance de l’assuré ou à une institution de libre passage (art. 30e al. 3 let. d LPP).

Selon l'art. 30e al. 6 LPP, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2021 ici applicable, l’obligation et le droit de rembourser subsistent jusqu’à la naissance du droit réglementaire à la rente de vieillesse, jusqu’à la survenance d’un autre cas de prévoyance ou jusqu’au paiement en espèces.

4.1.5 Par institution de prévoyance au sens des dispositions relatives à l’EPL (section 2 du chapitre 4 de la LPP), on entend toutes les institutions qui sont inscrites dans le registre de la prévoyance professionnelle ainsi que celles qui assurent le maintien de la prévoyance sous une autre forme, définie à l’art. 1 de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 17 décembre 1993 (loi sur le libre passage, LFLP - RS 831.42) (cf. art. 30a LPP).

4.1.6 Selon l’ordonnance sur l'encouragement à la propriété du logement au moyen de la prévoyance professionnelle du 3 octobre 1994 (OEPL - RS 831.411), le montant minimal d’un remboursement est de CHF 10'000.- (art. 7 al. 1). L’institution de prévoyance doit attester, à l’intention de la personne assurée, le remboursement du versement anticipé sur le formulaire établi par l’Administration fédérale des contributions (art. 7 al. 3).

L’ancienne institution de prévoyance avise spontanément la nouvelle institution de prévoyance du montant sur lequel porte la mise en gage de la prestation de libre passage ou de la prestation de prévoyance, ou du montant du versement anticipé (art. 12 al. 1 OELP). Elle communique en outre à la nouvelle institution de prévoyance le montant de la prestation de libre passage au moment du versement anticipé, et la date de ce versement (art. 12 al. 2 OELP).

4.2.1 Le système de la prévoyance professionnelle en vertu de la LPP repose sur le principe selon lequel les assurés ne peuvent pas disposer de leur avoir de prévoyance avant la réalisation d'un risque assuré ; c'est pourquoi en cas de libre passage la prestation de sortie est obligatoirement versée auprès d'une nouvelle institution ou transférée sur une police ou un compte de libre passage. En ce sens, l'art. 30c LPP constitue une exception au système, car il donne aux assurés un droit légal et direct au capital épargné dans une institution de prévoyance pour acquérir la propriété d'un logement destiné à leur usage personnel. L'idée à la base de cette possibilité de versement en capital est que la propriété d'un logement offre une garantie de prévoyance équivalente aux autres formes légales de maintien de la prévoyance (les frais de logement constituant l'une des charges principales des ménages ; ATF 130 V 191 consid. 3.1 et la référence). Le versement anticipé est directement lié à la réglementation sur le libre passage (LFLP). La propriété du logement remplace la part de la prestation de libre passage utilisée à cette fin, raison pour laquelle le versement anticipé entraîne simultanément une diminution correspondante des prestations de prévoyance (art. 30c al. 4 LPP). Ce sont en effet les mêmes fonds de prévoyance accumulés par un assuré qui servent au financement des diverses prestations prévues par la LPP, qu'il s'agisse des prétentions en matière de vieillesse, d'invalidité et de survivants, de la prestation de sortie en cas de départ de l'institution de prévoyance ou du versement anticipé dans le cadre des dispositions sur l’EPL (ATF 130 V 191 consid. 3.2). Les moyens utilisés pour acquérir un logement aux conditions des art. 30c ss LPP demeurent liés à un but de prévoyance, même si le versement anticipé et le logement au financement duquel il a servi sortent des avoirs de prévoyance (ATF 135 V 324 consid. 4.2).

4.2.2 D’après l’art. 30d al. 1 LPP, le destinataire du remboursement est « l’institution de prévoyance ». L’institution de prévoyance qui a fourni le versement anticipé est mentionnée au registre foncier (art. 30e al. 2 LPP). En cas de changement d’employeur, l’institution de prévoyance au sens de l’art. 12 OEPL est tenue d’informer la nouvelle institution de prévoyance du versement anticipé intervenu. Cependant, il n’y a pas de modification de la mention au registre foncier, ce qui implique que l’institution de prévoyance mentionnée au registre foncier est différente de l’institution de prévoyance qui reçoit le remboursement. Ainsi, le remboursement doit être effectué à l’institution de prévoyance à laquelle l’assuré est affilié au moment du remboursement. Si un remboursement a lieu sans qu’il existe un rapport de prévoyance et sans qu’il soit possible de radier la mention effectuée conformément à l’art. 30e al. 2 LPP, alors le remboursement doit être transféré à une institution chargée du maintien de la prévoyance au sens de l’art. 4 LFLP. En cas de remboursement, la mention au registre foncier est radiée. Il appartient en premier lieu à l’institution de prévoyance mentionnée au registre foncier de donner son accord à la radiation. En cas de sortie de l’assuré, il appartient à la nouvelle institution de prévoyance de donner son accord à la radiation. En l’absence d’une relation de prévoyance, le remboursement doit être également transféré à l’institution chargée du maintien de la prévoyance (Hans-Ulrich STAUFFER in LPP et LFLP, 2e éd., 2020, n. 24 à 26 ad art. 30d LPP).

En cas d’aliénation, seul le montant nominal du versement anticipé sera remboursé à l’institution de prévoyance (Message du Conseil fédéral concernant la révision du code civil suisse [Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce] du 29 mai 2013 ; FF 2013 4341 p. 4394). Lors du remboursement de l’avance, le montant augmente à nouveau l’avoir de prévoyance (cf. ATF 136 V 57 consid. 3.2).

L’art. 30d al. 6 LPP a un objectif de clarification. En cas de versement anticipé, les fonds de prévoyance restent liés. Le versement anticipé se distingue en cela du paiement en espèces de la prestation de libre passage prévu à l’art. 5 LFLP. En conséquence, le retour dans une institution de prévoyance ou de libre passage des fonds investis dans la propriété du logement ne constitue pas un rachat, car, en cas de vente du logement, les fonds – pour autant qu’ils soient encore disponibles – doivent obligatoirement être reversés à l’institution de prévoyance ou de libre passage. Puisque le remboursement du versement anticipé EPL n’est pas un rachat, la somme remboursée ne peut pas être simplement créditée à l’avoir surobligatoire (Message du 29 mai 2013, p. 4388-4389).

En cas de versement anticipé des fonds de prévoyance destinés à l’acquisition de la propriété du logement, les avoirs de vieillesse légal et surobligatoire sont normalement prélevés de manière proportionnelle. Conformément à ce prélèvement proportionnel, un remboursement doit à son tour créditer proportionnellement les avoirs de vieillesse légal et surobligatoire. Un remboursement d’un versement anticipé est ainsi traité différemment d’un rachat, lequel est toujours versé à l’avoir (de vieillesse) surobligatoire. Les institutions de prévoyance doivent retenir la proportion du prélèvement entre l’avoir (de vieillesse) légal et surobligatoire en cas de versement anticipé pour l’accès à la propriété du logement, afin que lors d’un remboursement les imputations correspondantes puissent être faites. Si un remboursement a lieu, les droits aux prestations sont augmentés en conséquence. En cas d’un tel remboursement, qui engendre une augmentation du droit aux prestations, l’institution de prévoyance ne peut émettre de nouvelles réserves de santé pour les droits aux prestations nouvellement acquises et élargies (STAUFFER, op. cit., n. 21 ad art. 30d LPP).

4.2.3 Conformément à son titre « garantie du but de la prévoyance », l'art. 30e al. 2 LPP vise plutôt à garantir qu'une personne assurée ne détourne pas son capital de prévoyance, qu'elle a retiré par anticipation pour l'acquisition d'un logement, de l'objectif de prévoyance en aliénant le logement et en l'utilisant à des fins de consommation. Le versement anticipé du 2e pilier doit rester dans le circuit de la prévoyance (Message du 19 août 1992, n. 133.3 p. 250 ; cf. ATF 138 V 495 consid. 2.2.2 et la référence). Le versement anticipé doit rester lié à l'immeuble acquis. Le lien est garanti, d'une part par la restriction du droit d'aliéner au sens de l'art. 30e al. 1 LPP mentionné au registre foncier et, d'autre part, par l'obligation de rembourser en cas de vente au sens de l'art. 30d LPP, ces deux mesures visant à assurer que le versement anticipé ne soit pas retiré du cercle de la prévoyance (arrêt du Tribunal fédéral B 18/04 du 22 juillet 2005 consid. 3.2 ; cf. également ATF 132 V 332 consid. 4.1).

Le registre foncier n’a pas le droit de procéder à une radiation de la mention sans le consentement de l’institution de prévoyance inscrite. Si l’assuré change d’institution de prévoyance, l’ancienne reste inscrite et ne fait que communiquer le versement anticipé à la nouvelle institution de prévoyance. S’il y a remboursement, la nouvelle institution de prévoyance doit en aviser l’ancienne, laquelle donnera ensuite son consentement à la radiation. Or, cette démarche est impossible si l’ancienne institution de prévoyance n’existe plus. Si l’institution de prévoyance qui doit donner son consentement à la radiation de la mention n’est pas identique à celle qui a fait inscrire la mention, ce qui est le cas lorsqu’il y a eu changement d’institution de prévoyance, la radiation ne peut avoir lieu que si la nouvelle institution de prévoyance peut établir qu’elle est la successeure directe ou indirecte de l’ancienne institution et que le remboursement lui est parvenu (STAUFFER, op. cit., n. 11 ad art. 30e LPP).

5.             Selon l'art. 79b LPP, introduit par le ch. I de la LF du 3 oct. 2003 (1re révision LPP), en vigueur depuis le 1er janvier 2006 (RO 2004 1677 ; FF 2000 2495), l’institution de prévoyance ne peut permettre le rachat que jusqu’à hauteur des prestations réglementaires (al. 1).

Selon l'art. 79b al. 3, 2e phr. LPP, lorsque des versements anticipés ont été accordés pour l’encouragement à la propriété, des rachats facultatifs ne peuvent être effectués que lorsque ces versements anticipés ont été remboursés.

Jusqu'à l'entrée en vigueur de l'art. 79b LPP, des rachats pouvaient être effectués même en cas de retrait anticipé au titre de l'encouragement à la propriété ; il n'était pas nécessaire d'avoir auparavant reconstitué le capital retiré (arrêt du Tribunal fédéral 2C_462/2008 du 20 mars 2009 consid. 6.2 non publié in ATF 135 I 198). Depuis l'entrée en vigueur de l'art. 79b LPP, lorsqu'un versement anticipé a eu lieu pour acquérir un logement, il faut d'abord que ces fonds soient remboursés avant de pouvoir prétendre à un rachat déductible fiscalement (Jacques-André SCHNEIDER / Nicolas MERLINO / Didier MANGE, op cit., n. 108 ad art. 79b LPP et la référence).

6.             La CPEG est une institution de prévoyance de droit public dite enveloppante, en ce sens qu’elle alloue à ses affiliés des prestations obligatoires et plus étendues (sur la notion d’institution de prévoyance enveloppante, voir ATF 140 V 169 consid. 6.1). La CPEG est fondée sur la loi instituant la Caisse de prévoyance de l’État de Genève du 14 septembre 2012 [LCPEG - B 5 22].

La CPEG a pour but d’assurer le personnel de l’État de Genève ainsi que des autres employeurs affiliés contre les conséquences économiques de la retraite, de l’invalidité et du décès (art. 4 al. 1 LCPEG). Elle fixe les dispositions générales, communes et particulières s’appliquant aux prestations, dans le cadre du financement fixé par l’État (art. 22 LCPEG).

La caisse a ainsi adopté un règlement pour fixer lesdites dispositions. Les art. 56 à 62 du règlement général de la CPEG (ci-après : RCPEG) du 23 mars 2013 (état au 1er janvier 2024, ici applicable) règlent la question de l’accession à la propriété. Ils prévoient notamment que le membre salarié ou ses héritiers doivent, sauf exceptions légales, rembourser à la Caisse le montant perçu si le logement en propriété est vendu (art. 60 al. 1 let. a). Le rétablissement du droit aux prestations consécutif à un remboursement se calcule suivant les règles du rachat volontaire de prestations (art. 60 al. 3). Les montants remboursés sont répartis entre l’avoir de vieillesse au sens de l’art. 15 LPP et le reste de l’avoir de prévoyance professionnelle dans la même proportion qu’au moment du versement anticipé (art. 60 al. 4). Le logement en propriété est soumis à la restriction légale de vente, mentionnée au registre foncier (art. 61). La mention peut être radiée notamment lorsque le montant investi dans la propriété du logement est remboursé à la Caisse ou à une institution de libre passage (art. 62 let. d).

La section 6 du RCPEG règle par ailleurs le rachat volontaire effectué par le membre salarié et prévoit notamment qu’un rachat ne peut être effectué que si tous les versements anticipés dans le cadre de l’encouragement à la propriété du logement ont été remboursés (art. 50 al. 5).

7.              

7.1 En l’espèce, il n’est pas contesté que la demanderesse a bénéficié, en octobre 2015, de deux versements anticipés à titre d’EPL pour financer l’acquisition de son appartement : CHF 150'000.- de la défenderesse et CHF 54'199.65 de la FONDATION DE LIBRE PASSAGE BCGE. Deux mentions distinctes de la restriction du droit d’aliéner selon la LPP ont été inscrites au registre foncier (cf. pièce 3 chargé défenderesse), l’une requise par la défenderesse, la seconde par la FONDATION DE LIBRE PASSAGE BCGE.

En mars 2024, la demanderesse, alors âgée de 62 ans, a procédé à la vente dudit appartement, de sorte qu’elle était tenue, conformément à l’art. 30d al. 1 let. a LPP, de rembourser les montants perçus à titre d’EPL, ce qu’elle ne conteste pas.

7.2 La demanderesse est d’avis que, suite à la vente de son appartement, la défenderesse n’a droit au remboursement que du montant qu’elle lui a octroyé à titre d’EPL, soit CHF 150'000.-.

La défenderesse considère, quant à elle, que dans la mesure où la demanderesse lui était encore affiliée au moment de la vente de l’appartement, elle est en droit d’obtenir également le remboursement du versement anticipé octroyé par la FONDATION DE LIBRE PASSAGE BCGE, soit CHF 54'199.65.

7.3 Au vu des motifs qui suivent, la Cour de céans est d’avis que le montant de CHF 54'199.65 ne peut faire l’objet d’une obligation de remboursement de la part de la demanderesse à l’égard de la défenderesse.

On relèvera déjà que, contrairement à ce qu’avance la défenderesse, le libellé de l’art. 30d al. 1 LPP, en tant qu’il prévoit que le montant perçu doit être remboursé à « l’institution de prévoyance », sans mentionner expressément « l’institution de libre passage », ne permet pas de retenir que le remboursement des CHF 54'199.65 ne peut être effectué auprès de la FONDATION DE LIBRE PASSAGE BCGE. En effet, à teneur de l’art. 30a LPP, par « institution de prévoyance » au sens des dispositions sur l’EPL (section 2 du chapitre 4 de la LPP), on entend également les institutions qui assurent le maintien de la prévoyance sous une autre forme, comme le fait la FONDATION DE LIBRE PASSAGE BCGE (cf. règlement de la Fondation de libre passage, en vigueur depuis le 1er janvier 2023).

En outre, force est de constater que le montant versé de manière anticipée par la FONDATION DE LIBRE PASSAGE BCGE n’a jamais fait partie de la fortune de la défenderesse, de sorte que cette dernière ne saurait prétendre être créancière d’un montant qu’elle n’a pas elle-même alloué. On en veut pour preuve que, dans l’éventualité de la survenance d’un cas de prévoyance, les prestations dues par la défenderesse auraient été réduites compte tenu exclusivement des CHF 150'000.- qu’elle a versés de manière anticipée (cf. art. 30c al. 4 LPP ; ATF 130 V 194 consid. 3.2), alors que les CHF 54'199.65 octroyés par la FONDATION DE LIBRE PASSAGE BCGE, qui n’ont jamais servi au financement des prestations prévues par la défenderesse, n’auraient pu être pris en considération.

Dès lors que la FONDATION DE LIBRE PASSAGE BCGE figure au registre foncier en tant qu’institution ayant requis la mention de la restriction du droit d’aliéner en raison du versement anticipé du montant de CHF 54'199.65 (cf. art. 30e al. 2 LPP), elle seule est en mesure de donner le consentement écrit à la radiation de ladite mention, à moins que la défenderesse ne prouve avoir repris, directement ou indirectement, ses droits (cf. OFAS, Bulletin de la prévoyance professionnelle n. 40 du 22 décembre 1997 ch. 233 ; cf. OFJ, Directive du 29 décembre 1994 complétant l’instruction aux autorités du registre foncier sur la mention d’une restriction du droit d’aliéner et sa radiation selon la LPP). Or, aucune pièce au dossier ne permet de retenir que tel serait le cas. Au demeurant, la défenderesse ne le prétend pas.

Qui plus est, le remboursement en faveur de la défenderesse de la totalité du versement anticipé qu’elle a octroyé, soit CHF 150'000.-, permet à la demanderesse de reconstituer un droit intégral aux prestations (cf. art. 30d al. 6 LPP ; Message du 19 août 1992, p. 262) et d’effectuer à nouveau, si elle le souhaite, des rachats facultatifs (ou volontaires) pour combler les lacunes de prévoyance (cf. art. 79b al. 3, 2me phr. LPP et 50 al. 5 RCPEG). Il s’ensuit que si l’on admettait la position soutenue par la défenderesse, cela reviendrait à forcer la demanderesse à effectuer un rachat au moyen des avoirs du 2ème pilier investis précédemment dans le logement. Or, un rachat ne saurait être ni obligatoire (art. 79b al. 1 LPP a contrario ; art. 50ss du RCPEG qui qualifient le rachat de « volontaire »), ni financé par des fonds qui font l’objet d’une obligation de remboursement à l’égard d’une autre institution de prévoyance ou de libre passage, au sens de l’art. 30d LPP.

À cela s’ajoute le fait que le remboursement d’un versement anticipé ne saurait, quoi qu’il en soit, constituer un rachat, dès lors notamment que le remboursement – contrairement au rachat (cf. art. 51 RCPEG) –, permet d’augmenter les prestations dues par l’institution de prévoyance sans que cette dernière ne puisse émettre de nouvelles réserves de santé pour les droits aux prestations nouvellement acquises et élargies (STAUFFER, op. cit., n. 21 ad art. 30d LPP).

Par ailleurs, le remboursement du versement anticipé litigieux peut être effectué sur un compte de libre passage ouvert auprès de la FONDATION DE LIBRE PASSAGE BCGE (cf. art. 2 du règlement de la Fondation de libre passage BCGE). Il n’est ni contesté, ni contestable qu’en procédant de la sorte, la demanderesse n’élude pas les règles sur le remboursement du versement anticipé, mais permet un retour des fonds dans le circuit de la prévoyance et, ce faisant, la garantie du but de la LPP. Si le maintien de la prévoyance sous cette forme n’offre certes pas la même protection en cas d’invalidité et de décès que celle octroyée par une institution de prévoyance, il n’en demeure pas moins que la demanderesse peut, si elle le souhaite, conclure un contrat d’assurance complémentaire pour couvrir ces risques (cf. art. 1 du règlement de la FONDATION DE LIBRE PASSAGE BCGE).

Enfin, l’argument de la défenderesse, consistant à soutenir que le remboursement en sa faveur des CHF 54'199.65 permet la concentration de la prévoyance acquise en un seul endroit et empêche la dispersion des avoirs de la demanderesse, n’est pas pertinent, dès lors qu’un preneur de prévoyance est libre de répartir à sa guise sa prestation de sortie entre deux institutions de libre passage (cf. art. 12 al. 1 de l’ordonnance sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 3 octobre 1994 [ordonnance sur le libre passage, OLP - RS 831.425]).

Pour l’ensemble de ces motifs, la défenderesse n’a droit qu’au remboursement du montant de CHF 150'000.- correspondant au versement anticipé à la demanderesse à titre d’EPL.

8.             Partant, la demande est admise et les parties déboutées de toutes autres ou contraires conclusions.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP ; art. 89H al. 1 LPA).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Dit que la demanderesse ne doit rembourser à la défenderesse que le montant de CHF 150'000.- correspondant au versement anticipé octroyé à titre d’encouragement à la propriété du logement.

4.        Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le