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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4065/2023

ATAS/401/2025 du 30.05.2025 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4065/2023 ATAS/401/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 30 mai 2025

Chambre 4

 

En la cause

 

A______

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1963, marié et père de trois enfants.

b. Il a travaillé comme concierge d’école dès septembre 2001. Dans ce cadre, il a chuté dans des escaliers en 2009 et a, de ce fait, souffert d’une lombosciatique droite amenant à une intervention chirurgicale en mars 2010.

B. a. Le 14 décembre 2009, l’assuré a demandé les prestations de l’assurance-invalidité, invoquant une hernie discale L4-L5.

b. Dès 2014, il a bénéficié de nouvelles investigations neurologiques cervicales et lombaires en raison d’une radiculalgie du membre inférieur droit et d’une névralgie cervico-brachiale droite. Depuis juillet 2014, il est traité par Temgesic.

c. Suite à un programme de reconversion, il a été engagé comme conseiller professionnel à la Fondation B______, entreprise sociale privée (ci-après : B______) en 2016 à 80%.

d. Par décision du 18 janvier 2017, l'office de l'assurance-invalidité (ci-après : l'OAI ou l’intimé) a constaté que la réadaptation professionnelle de l’assuré était achevée et qu’il était en mesure de réaliser un revenu qui excluait le droit à la rente.

C. a. L’assuré a formé une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité le 20 novembre 2018, faisant valoir qu’il était en incapacité de travail depuis juillet 2018, en raison de hernies discales, lombaires et cervicales.

Il a produit un rapport établi le 14 septembre 2018 par le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne, qui indiquait que depuis la fin du mois d’août, il présentait une récidive de cervicalgies droites invalidantes avec une irradiation du membre supérieur gauche et thoracique antérieur, avec nausées. L’assuré avait dû augmenter son traitement de Temgesic de 3 à 4 × 0.2 mg, mais il était soulagé par des exercices de stretching qu’il allait pouvoir reprendre avec son physiothérapeute. Les limitations fonctionnelles étaient actuellement importantes, vu les contractures sus-scapulaires et les scalènes importantes. Une reprise devrait pouvoir être possible, mais à une date encore indéterminée.

b. Le 25 octobre 2018, le Dr C______ a indiqué que l’assuré montrait une péjoration et une exacerbation des cervicalgies et des lombalgies, malgré le traitement antalgique et la physiothérapie. Il prenait du Temgesic 0.4 mg matin et soir, notamment. Il y avait une lente amélioration avec fluctuation des douleurs certains jours. L’assuré était très vite handicapé dans les charges et la mobilité. Il avait une fatigabilité et une somnolence importantes nécessitant des siestes dans l’après-midi. Il était dans un état d’épuisement en fin de matinée, même en arrêt de travail.

c. Le 14 novembre 2018, le docteur D______, spécialiste FMH en pneumologie, a indiqué avoir mis chez l’assuré un trouble respiratoire du sommeil léger, sous la forme d’apnées obstructives en août 2018. L’assuré avait bénéficié d’un traitement par CPAP, bien respecté, de septembre à novembre 2018, sans ressentir de bénéfices sur sa somnolence diurne, sa fatigue et son trouble de la concentration et il était toujours en arrêt de travail. Il y avait lieu de compléter les investigations à la recherche d’un autre problème qui le fatiguait. Le traitement de CPAP avait été stoppé.

d. Le 25 février 2019, le Dr C______ a indiqué que l’assuré était en incapacité de travail à 100% depuis le 16 juillet 2018, en raison de troubles de la concentration et de l’attention ainsi que de cervicalgies et de lombosciatalgies. L’assuré prenait du Temgesic 2-3 × 0.2 mg. Dans une activité adaptée, on pouvait raisonnablement attendre de lui un travail à 50%. Le pronostic sur la réadaptation était bon, car l’assuré était motivé.

e. L’assuré a été licencié par son employeur le 11 mars 2019 au motif qu’il était arrivé à la fin de son délai de protection en cas de maladie.

f. Le 2 avril 2019, le Dr C______ a indiqué que l’assuré faisait un deuxième essai de CPAP et qu’il continuait à avoir de la peine sur le plan de la concentration le matin au réveil. Il avait toujours besoin d’une sieste l’après-midi. Ses difficultés de concentration étaient importantes. Sa reprise professionnelle, même à temps partiel, lui paraissait, à juste titre, insurmontable. Sur le plan des douleurs, en raison d’une aggravation, il avait dû augmenter son traitement de Temgesic de 3 × 0.2 mg à 3 × 0.4 mg associé à du Tilur. Les lombosciatalgies étaient toujours présentes avec des crampes et des paresthésies dans les jambes sans atteinte motrice. Concernant les cervicalgies, il présentait de rares paresthésies.

g. Le 27 mai 2019, le Dr C______ a informé le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin conseil de la Vaudoise Assurances, que la situation de l’assuré ne s’améliorait guère. Actuellement, il était sous Temgesic 2 × 0,4 et 2 × 0,2 / 24 heures. Il avait malheureusement pris un peu de poids. Le deuxième essai de CPAP avait été plus favorable, mais sans amélioration sur sa concentration durant la journée. De ce fait, une reprise professionnelle paraissait difficile, bien que soit ancien employeur soit disposé à le reprendre s’il allait mieux.

h. Le 4 juillet 2019, le docteur F______, spécialiste FMH en neurologie, a transmis au Dr C______ un bilan neuropsychologique de l’assuré effectué le 25 juin 2019 en raison de ses troubles de la concentration. Les résultats aux tests neuropsychologiques mettaient en évidence un fonctionnement normal de toutes les fonctions investiguées, y compris les différents types de mémoire, de même que l’attention sélective simple et l’attention concentrée. Ces résultats étaient donc rassurants. Les plaintes de l’assuré et les questionnaires d’auto-observation aiguillaient vers des défaillances d’attention liées à un déficit de sommeil réparateur et des effets secondaires de l’antalgie majeure. Une réévaluation de l’antalgie était conseillée afin d’améliorer le sommeil et si possible trouver un traitement qui ayant moins d’impact sur les fonctions cognitives. Du point de vue strictement neuropsychologique, le port du CPAP était recommandé, car le syndrome des apnées de sommeil ou les hypopnées était un facteur de risque de démence et d’accident vasculaire cérébral. L’assuré tentait aussi de perdre du poids, ce qui pourrait améliorer plusieurs problèmes de santé. Ses capacités intellectuelles étaient suffisantes pour une réinsertion professionnelle, mais elles présentaient des fluctuations en raison de ses troubles de l’attention et de la concentration liés à son déficit de sommeil réparateur et/ou à l’antalgie.

i. Le 7 octobre 2019, le docteur G______, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie, a établi un rapport d’expertise de l’assuré pour la Vaudoise Assurances. Il a posé les diagnostics de syndrome radiculaire déficitaire S1 droit et L5 des deux côtés, de syndrome de l’apnée du sommeil, appareillé, d’obésité morbide, de HTA essentielle traitée et de maladie goutteuse traitée. L’assuré présentait des troubles neurologiques liés à ses problèmes lombaires. Son état s’était péjoré depuis 2014. Il présentait également de grosses difficultés pour se mettre en route le matin avec une raideur lombaire qui pouvait durer plus d’une heure et de violents blocages lombaires à raison de cinq à sept épisodes par mois. Pour ces raisons, son travail comme maître d’atelier n’était plus possible de façon définitive. Il pourrait travailler à 50% dans un travail purement administratif permettant un changement de position toutes les 45 minutes, mais dans ce cas, il faudrait demander un avis psychiatrique, car l’assuré se plaignait d’importantes difficultés de mémoire. Un examen neuropsychologique serait utile et il se posait la question de savoir si l’assuré souffrait d’un état dépressif ?

j. Le 4 novembre 2019, le Dr C______ a indiqué à l’OAI que l’assuré continuait à présenter des cervicalgies et des lombosciatalgies bilatérales prédominant à droite, qui s’étaient péjorées les semaines précédentes avec le changement de saison, ce qui avait nécessité une augmentation du traitement de Temgesic à 4 × 0.4 mg par jour et des doses de Prednisone de 20 mg, ce qui n’avaient que peu amélioré ses symptômes. L’assuré continuait à présenter des difficultés de concentration, de la fatigue et de la somnolence, ce qui nécessitaient une sieste en début d’après-midi. Les levers du matin étaient difficiles. Il lui fallait pratiquement 2 heures pour être opérationnel. Une reconversion professionnelle paraissait possible, en tout cas à 50%.

k. Le 10 février 2020, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR) a estimé nécessaire de mettre en place un examen rhumatologique, car le Dr C______ attestait une capacité de travail de 4 heures par jour sans que l’on comprenne ce qui serait de nature à justifier une incapacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles d’usage chez un assuré souffrant de rachialgies non déficitaires de longue date. Aucun problème psychiatrique et/ou de dépendance/abus n’était signalé par le Dr C______.

l. L’OAI a confié une expertise à la docteure H______, spécialiste FMH en médecine physique et rééducation et rhumatologie. Dans son rapport du 5 mai 2020, l'experte n’a pas retenu de diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail et a retenu comme diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail :

-       des lombosciatalgies L5 et S1 sur troubles dégénératifs L4-L5 à prédominance droite et protrusion discale paramédiane droite L5-S1 (radiculopathie S1 droite mise en évidence par ENMG en septembre 2009), avec une hypoesthésie nette du trajet terminal de L5 droite et d’une paresthésie des fléchisseurs plantaires (S1 à droite) ;

-       un status après opération d’hémi-laminectomie L4-L5 et microdiscectomie (8 mars 2010) ;

-       des troubles dégénératifs au niveau cervical C4-C5 et C5-C6 pincement intersomatique postérieur avec une discopathie dégénérative, ostéophytose marginale des plateaux et sclérose des articulaires postérieures (2009) ;

-       des remaniements dégénératifs disco-vertébraux pluri-étagés de C3-C4 à C6-C7, sans modification sur l’IRM du 15 octobre 2018, une arthrose facettaire débutante à tous les étages ; en C5-C6, un discret rétrécissement du récessus latéral des deux côtés avec contact étroit avec la racine et C6, sans compression ; en C6-C7, une sténose foraminale bilatérale prédominant à droite sans contrainte radiculaire ; en C4-C5, un rétrécissement foraminale bilatéral sans conflit disco-radiculaire.

L’experte retenait comme diagnostics non rhumatologiques avec répercussion sur la capacité de travail : des difficultés de concentration, de la fatigue mentale et des troubles mnésiques sur prise d’opiacés avec probable décompensation vers un burnout.

L’experte a indiqué avoir eu un entretien téléphonique avec le Dr C______, auquel elle avait indiqué que l’assuré avait trop peu de symptômes pour lui donner des anti-inflammatoires ou de la Dexamethasone en cure courte. L’assuré en aurait peut-être besoin lors du sevrage de la morphine. L’expert, le médecin traitant et l’assuré étaient d’accord de diminuer progressivement le traitement morphinique afin que les fonctions de mémoire et de concentration, de même que le sommeil se restaure, puisque celui-ci était un frein manifeste à la reprise du travail, et non pas les douleurs physiques.

La capacité de travail de l’assuré était de 100% du point de vue rhumatologique. Il n’était pas exclu que celui-ci ait pu connaître depuis le début de l’année 2018 des incapacités de travail temporaires liées à des exacerbations des problématiques cervicales ou des membres inférieurs, mais, si ces pathologies existaient déjà depuis 2016, sans véritable modification, hormis une amélioration du point de vue de la problématique cervicale depuis une année, il n’y avait pas de raison de penser que les problématiques physiques étaient en lien avec une incapacité de travail prolongée. Pour l’experte, il n’y avait pas de motifs à une incapacité de travail prolongée depuis janvier 2018. L’incapacité de travail était exclusivement liée aux troubles de concentration et de la mémorisation, ayant conduit à un probable burnout, qui avaient empêché une efficacité permettant à l’assuré de remplir le cahier des charges de l’entreprise B______.

La capacité de travail dans une activité correspondant aux aptitudes de l’assuré était de 100%. La profession de coordinateur en insertion dans laquelle l’assuré était réadapté était complètement adaptée à la situation depuis 2016. L’assuré pouvait donc travailler à 100% dans toute autre profession en respectant les mêmes limitations fonctionnelles, c’est-à-dire : éviter les positions statiques prolongées au-delà de 45 minutes pour la position assise et la position debout, pas de marche au-delà de 1.5 heure consécutivement, limitation de la montée et de la descente des escaliers à trois étages de manière répétitive, limitation des ports de charges à 10 kg, éviter la marche sur terrains accidentés ainsi que la mise à genoux et la descente accroupie, la position assise avec tête penchée en avant en porte-à-faux.

m. Le 16 juin 2020, le SMR a fait siennes les conclusions de l’experte et retenu que l’assuré avait été incapable de travailler à 100% du 31 janvier au 4 mars 2018, à 50% du 5 mars 2018, à 100% du 9 mars au 26 mars 2018, à 0% du 26 mars 2018, à 50% du 4 juin 2018 au 15 juillet 2018, à 50% du 19 juin au 18 juillet 2018, à 100% du 16 juillet 2018 au 3 octobre 2019, à 50% du 3 octobre 2019 au 5 mai 2027 et à 0% dès le 6 mai 2020.

n. Par projet de décision du 19 août 2020, l'OAI a rejeté la demande de prestations de l’assuré. Après consultation de l’ensemble des éléments médicaux recueillis, une atteinte à la santé invalidante au sens de la loi ne pouvait être retenue. En effet, il n’y avait pas, depuis janvier 2018, de motifs à une incapacité de travail de longue durée et l’assuré était parfaitement apte à exercer son activité lucrative habituelle. Dès lors, son invalidité devait être considérée comme nulle au sens de LAI.

o. Le 30 septembre 2020, l’assuré a formé opposition au projet de décision précité, faisant valoir que le Dr C______ avait considéré qu’il ne pouvait plus travailler dans le poste qu’il occupait chez B______ et qu’il l’avait mis en arrêt de travail de longue durée. Il avait fait plusieurs essais de reprise à plein temps et à temps partiel qui s’étaient soldés par des échecs. Il avait de grandes difficultés à se concentrer en continu et besoin de plusieurs plages de repos pendant la journée, en plus de ses heures de sommeil régulières. Lorsqu’il devait lire et remplir des documents administratifs, il devait souvent s’y reprendre à plusieurs fois avant de comprendre ce qui était écrit et il avait besoin régulièrement du soutien de sa femme pour y répondre. Le Dr C______ avait testé plusieurs traitements médicamenteux pour améliorer la situation. Ils avaient constaté que s’il diminuait les médicaments, il ne pouvait plus bouger, car les douleurs étaient trop aiguës et il avait besoin de dormir davantage pour récupérer. Quand il les augmentait, il perdait ses capacités de concentration et faisait face à des effets secondaires plus importants. La Dre H______ lui avait dit qu’il faisait un burnout lié à la prise de médicaments et lui avait conseillé un nouveau traitement qu’il avait suivi, avec le soutien du Dr C______, sans changement notable dans son état de santé. Ne pouvant plus exercer son métier de conseiller en insertion, qui lui demandait beaucoup d’attention et de concentration, il souhaitait obtenir un rendez-vous avec un conseiller de l’OAI pour déterminer quel type de travail il pourrait effectuer et, si besoin, bénéficier de mesures de réinsertion. Cependant, ayant déjà bénéficié d’un reclassement, il ne voyait pas ce qu’il pourrait faire comme activité demandant peu de concentration et une activité physique minime, tout en alternant les positions pendant la journée. Sa demande de rente avait pour but la reprise de travail dans un emploi adapté à sa problématique, ce qui n’était possible, selon lui, qu’en milieu professionnel protégé.

L’assuré a produit un rapport établi le 21 septembre 2020 par le Dr C______, qui indiquait notamment que depuis 2018, l’assuré avait présenté une aggravation des troubles du sommeil et des troubles anxieux qui avaient nécessité un traitement de Cipralex et Remeron et un suivi psychiatrique par le « docteur I______ ». Suite à la proposition de l’experte, l’assuré s’était soumis à un sevrage progressif durant tout l’été. Cette diminution avait apporté une légère amélioration de sa concentration selon les jours, mais pas de manière significative. Malheureusement, les lombosciatalgies handicapantes et invalidantes avaient repris et n’étaient améliorées que par la prise de Dexamethasone. Aussitôt que l’assuré arrêtait ce traitement, les douleurs récidivaient. Les anti-inflammatoires comme le Tilur étaient sans effet. En raison d’une réaggravation des lombosciatalgies et des cervicalgies, l’assuré était en arrêt de travail à 100% dès janvier 2018. Une reconversion professionnelle paraissait possible, en tout cas à 50% dans le cadre d’un poste adapté. L’assuré devait pouvoir bénéficier au moins d’une prise en charge par l’assurance-invalidité de 50%, vu ses multiples handicaps.

p. Par décision du 7 octobre 2020, l'OAI a confirmé son projet de décision, considérant que les documents fournis par l’assuré dans le cadre de la procédure d'audition n'apportaient aucun élément nouveau susceptible de modifier son appréciation. La position de son médecin généraliste n'était qu'une appréciation différente d’une situation clinique similaire.

D. a. L'assuré a formé recours le 4 novembre 2020 contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à l'octroi d'une rente d'invalidité et à une détermination de son droit à des éventuelles mesures de réadaptation professionnelle avec suite de frais et dépens.

b. Dans un rapport établi le 21 décembre 2020, le Dr C______ a indiqué que depuis septembre 2017, la situation de l’assuré s’était progressivement aggravée avec la récidive de douleurs lombaires et une augmentation des cervicalgies, qui avaient nécessité un arrêt de travail et une augmentation de son traitement de Temgesic. Depuis 2018, il avait présenté une aggravation de ses troubles du sommeil avec l’impression que son cœur était arythmique. Il avait présenté des troubles anxieux de type crises de panique, qui avaient nécessité la mise en place d’un traitement de Cipralex et Remeron et Temesta. Il avait eu un suivi psychiatrique. Après une période de stabilisation, il avait pu reprendre son travail à 50%, mais cela n’avait pas duré, vu la récidive des douleurs. Les apnées du sommeil avaient conduit à la mise en place d’un CPAP, qui n’avait pas apporté d’amélioration clinique. À l’époque, le traitement de l’assuré consistait en du Temgesic 3 × 0.2 mg, de l’Irfen 3 × 600 et du Prednisone 20 mg en réserve. Ces dernières années, la situation ne s’était guère améliorée. La Dre H______ avait demandé de sevrer l’assuré de son traitement morphinique, ce qui avait été fait, mais avec une exacerbation après quelques semaines des douleurs qui avait nécessité la reprise du Temgesic. Par la suite, au vu de l’augmentation des douleurs cervicales et lombaires, des hanches et des genoux depuis octobre, l’assuré avait dû reprendre 40 mg de Prednisone jusqu’au 5 novembre et passer progressivement au Temgesic, tout d’abord à 0.5 puis entre 0.3 et 0.4 mg par jour. Il utilisait son CPAP, mais continuait à présenter une somnolence l’après-midi nécessitant une sieste, et des troubles de la concentration.

c. Dans un rapport établi le 1er février 2021, le docteur J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué que les limitations fonctionnelles que présentait le recourant dans sa vie quotidienne étaient d’abord la présence quasi continue de douleurs chroniques multi-étagées au niveau du rachis (plus de 10 ans). Les douleurs nécessitaient un traitement antalgique puissant qui, par son mode d’action (interaction avec des récepteurs aux opiacés), entraînait inévitablement comme effet secondaire une perturbation majeure des facultés d’attention et de concentration, des capacités de planification ainsi qu’une fatigabilité accrue. Une tentative de réduction de cette médication antalgique avait été tentée en été 2020, mais elle s’était vite avérée un échec, car les douleurs avaient augmenté à nouveau en intensité. La fatigabilité, avec pour corollaire la survenue fréquente d’une somnolence diurne excessive, était également à mettre sur le compte d’un syndrome d’apnées et d’hypopnées obstructives du sommeil. Plusieurs essais de reprise de travail avaient été tentés par l’assuré, qui était motivé, mais ils s’étaient soldés par des échecs. La capacité de travail en qualité de coordinateur en insertion professionnelle était désormais nulle. Une activité adaptée aux limitations fonctionnelles semblait possible, mais uniquement dans un contexte de travail protégé, l’assuré ne pouvant travailler que quelques heures par jour et selon des horaires flexibles, malgré une motivation tout à fait sincère de conserver une identité professionnelle. Il n’était pas possible de quantifier précisément sa capacité de travail, vu que dans un tel contexte, elle se définissait au cas par cas après un temps d’observation dans le milieu. Une activité compatible avec les exigences actuelles du marché de l’emploi, même dans le domaine considéré, paraissait impossible, vu la durée des pathologies décrites et l’âge de l’assuré.

d. Le 2 décembre 2020, l'OAI a conclu au rejet du recours. Les éléments objectifs du dossier ne permettaient pas de retenir une incapacité de travail durable. L’experte avait retenu une capacité de travail de 100%. Les éléments apportés par le recourant ne permettaient pas de modifier l’appréciation de l’intimé.

e. Le 8 juillet 2021, le recourant, dorénavant assisté d'un conseil, a conclu à l'audition des Drs J______, C______, G______, F______ et H______, à ce qu'une expertise judiciaire pluridisciplinaire soit ordonnée et à ce qu'il soit dit qu'il avait droit aux prestations de l'assurance-invalidité.

f. Le 30 mars 2021, l'intimé a persisté dans ses conclusions.

g. Le recourant a notamment déclaré à la chambre de céans le 29 septembre 2021 que son plus gros problème actuel, c'était la concentration, dans le cadre de sa reconversion professionnelle. Il souhaitait reprendre son activité si cela était possible, mais il ne pensait pas pouvoir le faire à 80%, car il se fatiguait énormément. Sur la suggestion de la Dre H______, il avait mis en place un traitement, sans morphine avec le Dr C______, mais cela n'avait pas fonctionné. S’il arrêtait la morphine, il avait un problème de manque. Cela lui provoquait des douleurs importantes et le traitement suggéré par la Dre H______ ne suffisait pas. Il avait toujours continué à prendre un peu de morphine en raison du manque et n’avait pas réussi à s'en passer. Le Dr C______ pensait que cela serait une bonne chose qu’il s’en passe, mais encore fallait-il qu’il puisse atténuer ses douleurs. Pour l'instant, seule la morphine l'aidait sur ce plan et son médicament lui convenait bien, sous réserve du problème de concentration. Il pensait pouvoir travailler dans une activité adaptée, à 50%, qui ne demanderait pas trop de concentration et lui permettrait de changer de positions avec un employeur compréhensif, qui pourrait accepter que par moment il ne pouvait pas travailler, en raison de pics de douleurs. Dans ce cas, son médicament à la morphine ne suffisait pas, étant précisé qu’il n'osait pas en prendre de trop grosses doses. Il n’essayait plus de s'en passer. Le manque de morphine lui faisait plus mal que ses douleurs. Le Dr C______ pensait qu'il n'y a peut-être pas de sens à arrêter ce médicament (pour un autre) qui ne serait peut-être pas mieux, un opiacé étant nécessaire. Il ne pensait qu’il pourrait travailler dans un emploi ayant des exigences de rendement.

Il avait diminué par trois la quantité de morphine depuis qu’il avait arrêté de travailler. Il avait moins de douleurs parce qu’il pouvait se déplacer et bouger quand il voulait. Maintenant, il était mieux concentré. S’il devait reprendre un travail nécessitant plus de contraintes physiques (assis-debout plus longtemps), il devrait sans doute reprendre plus de médicaments, ce qui affecterait sa concentration.

h. Par arrêt du 27 octobre 2021 (ATAS/1085/2021), la chambre de céans a admis partiellement le recours, annulé la décision du 7 octobre 2020 et renvoyé la cause à l’intimé pour instruction complémentaire. Elle a constaté que si l’experte avait retenu dans son rapport du 5 mai 2020, une capacité de travail de 100% du point de vue purement rhumatologique, elle semblait avoir admis une incapacité de travail du recourant liée à ses troubles de la concentration et de la mémorisation ainsi qu’en raison d’un probable burnout qui l’avait empêché de remplir son cahier des charges.

Dans ces circonstances, l’intimé ne pouvait retenir que le recourant était totalement capable de travailler depuis janvier 2018 dans son activité habituelle, qui requérait de la concentration. Il était prématuré de considérer que l’état de santé du recourant était stabilisé et d’évaluer son droit à la rente dans une activité adaptée avant de s’être assuré qu’il avait pu se sevrer des morphiniques et retrouver une capacité de concentration lui permettant de travailler. Or, il résultait des rapports médicaux du Dr C______ des 21 septembre et 21 décembre 2010 que malgré la bonne volonté du recourant, celui-ci n’a pu être sevré.

Par ailleurs, l’intimé ne pouvait soutenir qu’on ne pouvait retenir l’existence de troubles cognitifs, au motif que l’examen réalisé par le Dr F______ en 2019 avait démontré un fonctionnement normal de toutes les fonctions investiguées, y compris différents types de mémoire et d’attention. En effet, l’intimé omettait de prendre en compte la suite du rapport du Dr F______, qui précisait que les plaintes du recourant et les questionnaires d’auto-observation aiguillaient vers des défaillances d’attention liés à un déficit de sommeil réparateur et aux effets secondaires de l’antalgie majeure. Il retenait que les capacités intellectuelles, si elles étaient suffisantes pour une réinsertion professionnelle, présentaient des fluctuations en raison de troubles de l’attention et de la concentration liés à son déficit de sommeil réparateur et/ou à l’antalgie.

Ainsi, ce rapport confirme au contraire les constats de l’experte, à savoir que le lourd traitement médicamenteux du recourant impactait sa capacité de concentration et en conséquence sa capacité de travail.

La décision de l’intimé était ainsi fondée sur des conclusions erronées et sur une instruction insuffisante, de sorte qu’elle devait être annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire, afin d’établir de manière plus précise la capacité de travail du recourant et son évolution pendant la période considérée, dans son activité devenue habituelle pour B______, qui demandait des capacités de concentration, et dans une activité adaptée. L’expertise devrait également porter sur la question de savoir si l’arrêt des morphiniques était exigible du recourant.

En conclusion, il apparaît nécessaire de demander, dans un premier temps, un rapport au Dr I______, puis éventuellement de faire procéder à une expertise psychiatrique indépendante pour déterminer si une atteinte psychique a pu impacter la capacité de travail du recourant dès janvier 2018 et cas échéant avec quelle évolution dans le temps.

S’agissant de l’examen neuropsychologique, un tel examen a été effectué par le Dr F______, dont les conclusions n’apparaissent pas sérieusement contestées. Un nouvel examen n’apparaît dès lors pas nécessaire, sous réserve de l’avis de l’expert psychiatre. »

E. a. Selon une note d’exécution de jugement de l’OAI du 20 novembre 2021, le service juridique de l’OAI a indiqué qu’il se justifiait, dans un premier temps, de questionner la Dre H______ pour déterminer si elle pouvait se prononcer sur l’impact des morphiniques sur la capacité de travail et demander un rapport au « Dr I______ » pour qu’il décrive de manière détaillée si une atteinte psychiatrique avait pu impacter la capacité de travail du recourant dès janvier 2018 (à mars 2021) de même que si un impact des morphiniques pouvait être retenu ou non pendant ladite période sur le plan psychiatrique. L’opportunité de mettre en place un complément d’expertise ou une expertise bidisciplinaire sera évaluée à réception de ces éléments.

b. Le 9 décembre 2021, l’OAI a adressé un courrier au docteur I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

c. Le 16 décembre 2021, la Dre H______ a informé l’OAI qu’à priori l’assuré présentait des troubles de concentration et de mémoire avant la prise de morphiniques. Il avait été évalué par une neuropsychologue travaillant dans le même cabinet que le Dr F______. Pour sa part, elle avait été mandatée pour l’évaluation rhumatologique et n’était pas spécialiste des troubles de mémoire et de concentration. Elle ne pouvait donc pas répondre à la question de savoir quelle était la part éventuelle des morphiniques dans cette problématique, ce d’autant plus qu’elle n’avait pas trouvé la justification de leur prescription à long terme.

d. Les 17 et 18 janvier 2022, l’assuré a informé l’OAI qu’il n’avait pas le souvenir d’avoir consulter ce dernier et qu’il était suivi depuis septembre 2020 par le Dr J______.

e. Dans un rapport du 17 mai 2022, le Dr J______ a indiqué que l’assuré souffrait d’un trouble anxieux avec attaques de panique, d’un syndrome d’apnées/ hypopnées du sommeil, traité par CPAP, et de douleurs multi-étagées au niveau de la colonne vertébrale. Il arrivait à effectuer diverses tâches du quotidien, telles que ménage, entretien et courses diverses, mais de façon fragmentée avec des pauses vu ses difficultés. Il fonctionnait qualitativement relativement bien, mais avec un rendement notablement réduit.

Il avait des ressources, mais elles étaient limitées par les symptômes décrits précédemment (humeur modérément abaissée, troubles de la concentration majeurs, grande fatigabilité). Finalement, c’était surtout les comorbidités somatiques qui impactaient sa capacité de travail. Le traitement antalgique lourd prescrit était indispensable, mais il impactait ses fonctions cognitives. Il ressortait clairement du rapport d’évaluation des ÉPI que l’assuré avait désormais une capacité de travail de 0%. Depuis le début de sa prise en charge, il y avait eu une légère amélioration sur le plan psychique, dans le sens que l’assuré était moins anxieux et qu’il n’avait plus besoin de prendre du Cipralex. Il avait encore du Temesta et du Zoldorm en réserve. Les séances de méditation en pleine conscience l’aidaient visiblement. L’observance thérapeutique était bonne.

Le Dr J______ a transmis à l’OAI :

-          un rapport du 15 février 2021 établi par la consultation ambulatoire de la douleur, l’assuré souffrait de cervicalgies et lombosciatalgies bilatérales chroniques. Actuellement, il semblait euthymique et ne décrivait pas de pensées négatives. Il était encouragé à poursuivre le suivi psychothérapeutique selon ses besoins et la physiothérapie active de façon régulière avec des exercices de renforcement et étirement musculaire. Au vu de l’effet très bénéfique de la balnéothérapie, il lui était proposé de reprendre les séances en piscine, par exemple à la clinique générale Beaulieu. L’assuré demeurait par ailleurs actif et sortait tous les jours, se déplaçant principalement en vélo électrique, ce qu’il était encouragé à poursuivre pour éviter un déconditionnement. Sur le plan médicamenteux, le traitement actuel pouvait être poursuivi en raison en maintenant le dosage le plus faible possible pour permettre un contrôle des douleurs suffisant afin de pouvoir permettre la mobilisation régulière. Compte tenu des effets indésirables des traitements systémiques chez l’assuré, une prise en charge en antalgie interventionnelle pourrait être envisagée (infiltration épidurale et/ou foraminale au niveau lombaire). L’assuré se montrait intéressé par un essai.

-          et un rapport d’évaluation des ÉPI du 17 décembre 2021 demandé par l’office cantonal de l’emploi.

f. Le 11 juillet 2022, le Dr C______ a informé l’OAI qu’en raison de ses douleurs, l’assuré bénéficiait d’un traitement de Temgesic en principe 0.2 mg le matin et 0.4 mg le soir, de Torasemide 5 mg et de Micardis 20 mg en raison du HTA. Selon les besoins, il prenait du Temesta, du Tilur retard et du Prednisone. Il bénéficiait de physiothérapie et utilisait une fois par semaine du CBD, qui diminuait ses douleurs. Il suivait des cours de fitness de marche, de vélo, de relaxation respiratoire et d’autohypnose. Ses douleurs fluctuaient malheureusement selon la journée, les efforts fournis et la météo. Il bénéficiait aussi d’un suivi psychothérapeutique par le Dr J______. Au vu de ses nombreux handicaps invalidants et l’absence de possibilité de réinsertion professionnelle, il devait effectivement bénéficier de l’assurance-invalidité.

g. Dans un rapport du 26 mars 2021, le professeur K______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne, a indiqué que les limitations fonctionnelles du recourant dans la vie de tous les jours étaient des difficultés avec une lenteur importante dans presque toutes les activités (ménage et soins corporels), des difficultés à la marche prolongée, une grande fatigue et une fatigabilité. Il avait des difficultés à la position debout (impossible plus de 20 minutes), aux gestes répétés, de concentration (attribuées à la prise de médicaments et à la fatigue engendrée par les nuits difficiles à cause des douleurs ainsi que la fatigabilité). Les conséquences sur la capacité de travail étaient des grandes difficultés de régularité en raison des poussées récurrentes et une lenteur, notamment en raison des difficultés de concentration. Une activité compatible avec l’état médical et le marché du travail était une profession comparable (travail social dans la réinsertion), mais avec un rythme plus lent. Une amélioration était possible en fonction des résultats des examens et des traitements.

h. Dans un avis du 6 juin 2023, le SMR a considéré que la réalisation d’une expertise bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique était nécessaire.

i. Dans le rapport établi le 7 septembre 2023 par le docteur L______, spécialiste FMH en rhumatologie, et la docteure M______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, sont retenus comme diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail, un syndrome radiculaire L5 droit chronique, secondaire à une intervention chirurgicale sur l’étage L4-L5 en 2010, avec un canal lombaire rétréci essentiellement lié à une arthrose inter-apophysaire postérieure. Les diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail étaient une obésité morbide à 41.2 kg/m2, une hypertension artérielle équilibrée, un syndrome d’apnée du sommeil discret, non appareillé, une possible goutte non traitée, un hallux valgus droit non symptomatique et une possible polyneuropathie des membres inférieurs et des cervicalgies communes, sans syndrome radiculaire, ni lésion neuroradiologique pathogène. Il n’y avait pas de diagnostic psychiatrique. Compte tenu de la description du poste du travail permettant d’alterner la position assise et debout et en l’absence de soulèvement de charge, les experts estimaient que la capacité de travail de l’assurée était totalement préservée. Ainsi, une présence de 8 heures 30 par jour était légitime. Ceci était confirmé par le Prof. K______. Sur le plan psychique, sa capacité de travail avait toujours été de 100%. La performance était toutefois réduite de 20% compte tenu de la nécessité de se relever régulièrement 10 minutes par heure. La capacité de travail était en conséquence de 80%, au moins depuis le début de l’activité du recourant pour B______ en 2016.

Du point de vue des experts, la capacité de travail pouvait encore être améliorée de façon significative par un sevrage progressif en morphinique, lequel était indispensable, en raison de l’habituelle hypersensibilisation centrale, cette médication n’étant pas indiquée dans les rachialgies et les radiculalgies chroniques comme le confirmaient les dernières études. Des conseils avaient été donnés à l’assuré dans ce sens. Parallèlement, un programme de prise en charge diététique pour obtenir un amaigrissement éventuellement complété par une chirurgie bariatrique était à discuter. L’assuré s’était montré attentif et ouvert.

j. Dans un avis du 14 septembre 2023, le SMR a retenu que dans l’activité habituelle de maître socioprofessionnel, qui respectait les limitations fonctionnelles, la capacité de travail de l’assuré était de 80%, soit 100% de présence avec une baisse de rendement de 20% compte tenu de la nécessité de se relever régulièrement 10 minutes par heure depuis janvier 2018 (début de l’incapacité de travail ayant motivé la demande ultérieure). Le début de l’incapacité de travail durable avait commencé dès janvier 2018, avec une baisse de rendement de 20%. L’assuré était déjà réadapté.

k. Par projet de décision du 21 septembre 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assuré. Son statut était celui d’une personne se consacrant à 80% à son activité professionnelle et à 20% pour l’accomplissement de ses travaux habituels dans le ménage. À l’issue de l’instruction médicale, l’OAI reconnaissait une capacité de travail de 100% dans l’activité habituelle, avec une baisse de rendement de 20% dès le mois de janvier 2018 (début du délai d’attente d’un an). Dans sa situation particulière, le degré d’empêchement dans les travaux habituels n’avait pas d’influence sur l’échelle de rente. Par conséquent, l’OAI n’avait pas effectué d’enquête à domicile. Le degré d’invalidité tenant compte de la pondération entre la part active et la part des travaux habituels était de 16%, ce qui ne n’ouvrait pas à l’assuré le droit à rente. Des mesures professionnelles n’étaient pas indiquées et ne se justifiaient pas.

l. L’assuré a fait valoir qu’il ressortait du rapport d’évaluation des ÉPI du 17 décembre 2021 qu’il n’était plus en mesure de réintégrer le marché du travail.

m. Dans un avis du 10 octobre 2023, le SMR a relevé que lors de leur examen du 8 août 2023, les experts avaient pris en compte le rapport PASS, comme stipulé en p. 31 de leur rapport. De plus, dans son avis du 14 septembre 2023, le SMR avait cité l’expert psychiatre qui avait précisé en p. 77 de son rapport qu’il apparaissait peu probable que la prise de Temgesic, ancienne, mais actuellement à de posologie peu élevées, soit à l’origine de troubles de concentration, étant donné les effets de tolérance bien connus pour les analgésiques opioides. En conclusion, le SMR confirmait son avis du 14 septembre 2023.

n. L’OAI a confirmé son projet de décision par décision du 10 novembre 2023.

F. a. Le 5 décembre 2023, l’assuré a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à son annulation et à sa mise au bénéfice d’une rente entière d’invalidité dès le 28 novembre 2018, avec suite de frais et dépens.

Il a fait valoir que la décision querellée indiquait que l’évaluation médicale réalisée sur lui ne lui permettait pas de modifier sa décision de 2021, sans indiquer pourquoi, si bien qu’il lui était impossible de se défendre correctement en l’état.

La décision querellée entrait en contradiction diamétrale avec une autre décision administrative, à savoir celle du chômage, selon laquelle il était totalement inapte au placement, en raison de son état de santé.

Il ne comprenait pas la décision de l’intimé et estimait que la décision était arbitraire.

b. Par réponse du 11 janvier 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours, considérant qu’il ne ressortait pas des griefs du recourant d’élément concret susceptible de remettre en cause ses conclusions et celles des experts.

c. Lors d’une audience du 29 mai 2024, le recourant a notamment déclaré qu’il avait toujours travaillé à 100% jusqu’à 2009. Après sa reconversion en coordinateur en insertion professionnelle, il avait été engagé comme conseiller en insertion par B______. Au début cela allait bien, il s’occupait de l’atelier cartonnage et des personnes qui venaient de l’Hospice en stage pour évaluer leurs compétences. Après l’atelier cartonnage avait été éliminé et il s’était principalement occupé des entretiens, qui servaient à évaluer ce qui manquait aux personnes pour se réinsérer et à évaluer. Cela s’était bien passé au début, mais quand il avait commencé à faire les bilans, dans lesquels il devait retranscrire ce que la personne lui disait, il avait commencé à avoir des problèmes de concentration, en raison des médicaments que je prenais pour ses douleurs. Son travail précédent était plus manuel qui lui convenait mieux. Son état s’était aggravé, car il était tout le temps dans une position assise. Il avait dû prendre plus de Temgesic et ses rapports avaient commencé à avoir des erreurs. Au mois de mai 2018, son médecin l’avait mis en arrêt à 100%, mais à ce moment-là je n’avais pas encore pris conscience que les médicaments étaient problématiques. Il s’était retrouvé à la maison tranquille et avait réduit les médicaments. Il s’était rendu compte qu’il arrivait plus facilement à faire des mots croisés ou des sudokus. Il se déplaçait en moto, mais cela le fatiguait en raison de ses douleurs. Les médicaments qui faisaient également dormir vu les opiacés qu’ils contennaient. Actuellement, il prenait 0.2 mg de Temgesic. Quand il était à 1.2-1.4 mg en août 2023, il avait décidé de diminuer la posologie pour changer de médicament. L’effet de manque lui donnait comme des crampes dans toutes les articulations du corps. L’expertise au CEMed s’était bien passée. Le rapport correspondait à ses dire. Il était d’accord avec les conclusions des experts, dans le sens qu’il pourrait travailler s’il ne prenait plus de médicaments, mais les stages avaient montré que ce n’était pas possible

d. Le 26 juin 2024, l’intimé a informé la chambre de céans qu’il modifiait la décision litigieuse dans le sens où il reconnaissait un statut d’actif au recourant, mais cela ne modifiait pas ses conclusions, puisque le recourant avait une capacité de travail de 80% dans toute activité et que le taux d’invalidité de 20% ne lui ouvrait pas de droit à une rente.

e. Le 30 septembre 2024, le recourant a informé la chambre de céans qu’à l’issue de son stage, il avait été conclu qu’il n’était pas apte au placement dans le premier marché du travail.

Il a produit un rapport d’évaluation de Sekoia du 16 août 2024 suite à un stage s’étant déroulé du 22 juillet au 16 août 2024, qui concluait que l’assuré était éloigné du marché du travail usuel. Il avait des soucis limitant l’aisance dans ses déplacements. Toutefois, la problématique était plus sérieuse du fait de sa fatigue et de sa perte de concentration liée à ses douleurs qui demandaient une médication lourde de conséquences. Au mieux, il pourrait mener une activité de type monotâche, très rarement possible, dans un environnement adapté sur quelques heures en ayant droit à des coupures pour se reposer. Son rythme et la qualité de son travail étaient en dessous de ce qui était demandé sur le marché usuel.

f. Le 22 octobre 2024, l’intimé a estimé qu’il n’y avait pas lieu de modifier son appréciation des faits. Il appartenait avant tout aux médecins et non spécialistes de l’orientation professionnelle de se prononcer sur la capacité travail d’un assuré souffrant d’une atteinte à la santé et les éventuelles limitations résultant de celle-ci. La mise en valeur par le recourant d’une capacité de travail de 80% était objectivement exigible.

g. Le 29 novembre 2024, le recourant a produit une décision du 1er novembre 2024, dans laquelle l’OCE annulait son dossier au 25 octobre 2024 et a persisté dans ses conclusions.

h. Par courrier du 30 avril 2025, la chambre de céans a informé les parties de son intention de mettre en œuvre une expertise psychiatrique et leur a communiqué le nom de l’experte pressentie, ainsi que les questions qu’elle avait l’intention de lui poser, en leur impartissant un délai pour faire valoir une éventuelle cause de récusation et se déterminer sur les questions posées.

i. Le recourant n’a pas répondu dans le délai imparti.

j. L’intimé s’est opposé sur le principe à l’expertise ordonnée et subsidiairement a informé la chambre de céans ne pas avoir de motif de récusation à faire valoir à l’encontre de l’experte ni de questions complémentaires à poser. Il estimait toutefois que la réalisation d’un bilan neuropsychologique avec tests de QI et validation de symptômes pourrait s’avérer utile.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité suite à sa demande de prestation du 28 novembre 2018 au 10 novembre 2023, date de la décision querellée.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

Si un droit à la rente a pris naissance jusqu’au 31 décembre 2021, un éventuel passage au nouveau système de rentes linéaire s'effectue, selon l'âge du bénéficiaire de rente, conformément aux let. b et c des dispositions transitoires de la LAI relatives à la modification du 19 juin 2020. Selon la let. c, pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente a pris naissance avant l'entrée en vigueur de cette modification et qui, à l'entrée en vigueur de la modification, avaient au moins 55 ans, l’ancien droit reste applicable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_561/2022 du 4 août 2023 consid. 3.1 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022, mais elle concerne une demande de prestations ayant été déposée en 2018 et un éventuel droit à une rente d’invalidité qui naîtrait antérieurement au 1er janvier 2022 (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. En outre, dans la mesure où le recourant avait, au 1er janvier 2022, 58 ans, l’ancien droit resterait applicable jusqu’à l’extinction ou la suppression du droit éventuel à la rente.

3.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

Le Tribunal fédéral a affirmé à plusieurs reprises, en se référant à l'ATF 127 V 294 consid. 4c, que dans l'assurance-invalidité, la possibilité de traiter une affection ne s'oppose pas de manière absolue à la survenance d'une invalidité donnant droit à une rente. En effet, la possibilité de traitement, considérée en soi, ne dit encore rien sur le caractère invalidant d'une atteinte à la santé. Une atteinte à la capacité de gain doit être établie et son ampleur déterminée dans chaque cas particulier, indépendamment de la classification diagnostique d'une affection et, en principe, indépendamment de son étiologie. La question déterminante est de savoir si l'on peut raisonnablement exiger de la personne assurée qu'elle fournisse une prestation de travail. La naissance du droit à une rente d'invalidité suppose donc toujours et uniquement qu'une incapacité de travail d'au moins 40% ait existé pendant un an (sans interruption notable) et qu'une incapacité de gain justifiant le droit à une rente subsiste. Un refus ou une réduction des prestations au motif que l'assuré n'utilise pas tous les moyens de traitement présuppose une procédure selon l'art. 21 al. 4 LPGA. En l’absence d’une telle procédure, les atteintes à la santé ne peuvent pas être ignorées, lors de la détermination de la capacité de l'assuré, au seul motif qu’elles peuvent être traitées (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_327/2022 du 10 octobre 2023 consid. 4.2 et la référence). 

 

En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

3.3 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références). 

Les constatations médicales peuvent être complétées par des renseignements d’ordre professionnel, par exemple au terme d'un stage dans un centre d'observation professionnel de l'assurance-invalidité, en vue d'établir concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Il appartient alors au médecin de décrire les activités que l'on peut encore raisonnablement attendre de l'assuré compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer; nécessité d'aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d'une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail. En revanche, il revient au conseiller en réadaptation, non au médecin, d'indiquer quelles sont les activités professionnelles concrètes entrant en considération sur la base des renseignements médicaux et compte tenu des aptitudes résiduelles de l'assuré. Dans ce contexte, l'expert médical et le conseiller en matière professionnelle sont tenus d'exercer leurs tâches de manière complémentaire, en collaboration étroite et réciproque (ATF 107 V 17 consid. 2b; SVR 2006 IV n° 10 p. 39).

En cas d'appréciation divergente entre les organes d'observation professionnelle et les données médicales, l'avis dûment motivé d'un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_486/2022 du 17 août 2023 consid. 6.5 et la référence). En effet, les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l'emportent, en principe, sur les constatations y compris d’ordre médical qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 9C_87/2022 du 8 juillet 2022 consid. 6.2.1 et les références). Au regard de la collaboration, étroite, réciproque et complémentaire selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d'observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d'ordre professionnel recueillis à l'occasion d'un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l'assuré en cause. Au contraire, dans les cas où l'appréciation d'observation professionnelle diverge sensiblement de l'appréciation médicale, il incombe à l'administration, respectivement au juge - conformément au principe de la libre appréciation des preuves - de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d'instruction (ATF 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17; ATF 9C_833/2007 du 4 juillet 2008, in Plädoyer 2009/1 p. 70; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 35/03 du 24 octobre 2003 consid. 4.3 et les références, in Plädoyer 2004/3 p. 64; arrêt du Tribunal fédéral 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1).

3.4 De jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1; ATF 130 V 130 consid. 2.1). Même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit cependant être pris en considération, dans la mesure où il a trait à la situation antérieure à cette date (cf. ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).

4.              

4.1 Il convient d’examiner en premier lieu la valeur probante de l’expertise du CEMed.

Sur le plan rhumatologique, ses conclusions ne sont pas critiquées par le recourant et globalement convaincantes.

Il convient néanmoins de relever que l’expert rhumatologue du CEMed a indiqué dans son rapport que le sevrage du Temgesic restait de rigueur, car il n’était pas indiqué pour les lombalgies chroniques ni pour un syndrome radiculaire chronique et que, contrairement à ce que disait le médecin traitant, ce sevrage n’avait pas été tenté.

Or, il ressort des déclarations du recourant du 29 septembre 2021 ainsi que du rapport du Dr C______ du 21 septembre 2020 qu’un sevrage a bien été tenté, mais sans succès. La conclusion de l’expert apparaît ainsi non seulement erronée, mais également incomplète, dans la mesure où il n’a pas pris en compte les effets addictifs du Temgesic qui auraient dû être commentés.

L’expert rhumatologue du CEMed a indiqué que l’imputabilité du Temgesic dans les troubles de la concentration devait être estimée par l’experte psychiatre, ce qui correspond à l’appréciation de la Dre H______, qui indiquait, le 16 décembre 2021, qu’en tant que rhumatologue, elle ne pouvait se prononcer sur les troubles de mémoire et de concentration ni sur la part éventuelle des morphiniques dans cette problématique.

Sur ce point, important puisqu’il a justifié le renvoi de la cause par la chambre de céans à l’intimé pour instruction complémentaire, l’experte psychiatre du CEMed s’est contentée de retenir qu’il apparaissait peu probable que la prise de Temgesic, qui était ancienne et actuellement à une posologie peu élevée, soit à l’origine des troubles de concentration du recourant, étant donné les effets de tolérance bien connus pour les analgésiques opioïdes.

Si l’effet de tolérance du Temgesic peut être admis (publique. medicaments.gouv.fr), cela ne signifie pas encore que ce médicament n’aurait pas un effet sur la fatigue et la concentration. Il ressort au contraire de plusieurs rapports au dossier ce que ce serait le cas, ce qui nécessitait que l’experte développe ses conclusions (rapports du Dr C______ des 25 octobre 2018, 4 novembre 2019 et 21 décembre 2020 ; du Dr J______ du 1er février 2021, du Dr K______ du 26 mars 2021 et du Dr F______ du 25 juin 2019).

L’experte n’a pas non plus commenté les conclusions des ÉPI du 22 novembre 2021, qui faisaient également état d’une fatigue et une perte de concentration du recourant liées aux douleurs qui demandaient une médication lourde de conséquence. Par ailleurs, le seul fait que ce rapport ait été résumé ne permet pas de retenir qu’il a sérieusement été pris en compte par l’experte.

Le rapport établi le 16 août 2024 sur le stage effectué par le recourant du 22 juillet au 16 août 2024 et organisé par l’OCE, concerne une période postérieure à l’expertise du CEMEd et la décision querellée du 10 novembre 2023. Cela étant, les conclusions de ce rapport tendent à confirmer les conclusions faites lors du premier stage aux ÉPI, dans la mesure où il conclut pour le recourant n’est plus en mesure de réintégrer le marché du travail et que ses douleurs sont à l’origine de problèmes d’insomnie entraînant une fatigue chronique au quotidien affectant sa capacité de concentration.

Par ailleurs, l’experte psychiatre n’a pas différencié la période pendant laquelle le recourant travaillait de celle pendant laquelle il ne travaillait plus, ce qui lui avait permis de réduire les doses de Temgesic de trois fois et d’améliorer concentration.

Il ressort en effet des rapports du Dr C______ que la posologie du Temgesic était de 0.8 en 2018, 0.6 en 2019 avec une augmentation à 1.2 mg selon rapport du 2 avril 2019 et à 1.6 mg selon le rapport du 4 novembre 2019. Il est fort probable que, comme le recourant l’a déclaré, le fait de ne pas travailler lui ait permis de réduire la posologie du Temgesic avec un effet favorable sur sa concentration et sa fatigue. Pour évaluer les effets du Temgesic sur sa capacité de travail, il s’imposait de tenir compte de la période pendant laquelle le recourant en prenait plus et de l’éventuelle nécessité d’augmenter sa posologie en cas de reprise d’un travail en raison des contraintes plus ou moins importantes de celui-ci, selon le taux d’activité.

De plus, l’experte psychiatre n’a pas abordé la question de savoir si l’arrêt des morphiniques était exigible du recourant, alors qu’elle devait être instruite, selon l’arrêt de renvoi de la chambre de céans du 27 octobre 2021.

En conclusion, l’expertise du CEMed ne peut se voir reconnaître une pleine valeur probante s’agissant de l’effet du Temgesic et de la capacité de travail du recourant.

4.2 Dans la mesure où la capacité de travail pourrait être davantage atteinte que ne l’ont retenu les experts du CEMed, et en particulier l’experte psychiatre, selon les médecins traitants du recourant, en raison de l’effet du Temgesic, il apparaît nécessaire de faire procéder à une nouvelle expertise psychiatrique.

Le nouvel expert désigné devra se prononcer sur l’effet du Temgesic, sur la capacité de travail du recourant, en tenant compte de l’évolution de celle-ci au cours de temps en lien avec la posologie de ce médicament, et le fait que les effets de celui-ci ont pu être atténués par le fait que le recourant ne travaillait plus.

Il devra enfin se prononcer sur la question de savoir si l’arrêt des morphiniques est recommandé et exigible du recourant et commenter le fait qu’il n’a pas réussi à se sevrer de ce médicament.

L’expert devra également préciser si la capacité de travail éventuellement retenue est la même dans l’activité habituelle, qui demandait de la concentration, que dans une activité strictement adaptée aux limitations fonctionnelles du recourant.

Sur demande de l’intimé, il sera suggéré à l’experte de faire réaliser, si elle l’estime nécessaire, un bilan neuropsychologique avec tests de QI et validation de symptômes.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

I.          Ordonne une expertise psychiatrique du recourant.

II.       Commet à ces fins la docteure N______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, membre FMH.

III.    Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

a.         prendre connaissance du dossier de la cause ;

b.         si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité l’assuré ;

c.         examiner et entendre l’assurée, après s’être entouré de tous les éléments utiles, au besoin d’avis d’autres spécialistes ;

d.         si nécessaire, ordonner d’autres examens, éventuellement un bilan neuropsychologique avec tests de QI et validation de symptômes.

IV.    Charge l’experte d’établir un rapport détaillé et de répondre aux questions suivantes :

1.         Quelle est l’anamnèse détaillée du cas ?

2.         Quelles sont les plaintes et données subjectives de l’assurée ?

3.         Quels sont le status clinique et les constatations objectives ?

4.         Quels sont les diagnostics psychiatriques, selon la classification internationale ?

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse) :

4.1         Avec répercussion sur la capacité de travail (en mentionnant les dates d'apparition)

4.2         Sans répercussion sur la capacité de travail (en mentionnant les dates d'apparition)

4.3         Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4         Depuis quand les différentes atteintes sont-elles présentes ?

4.5         Les plaintes sont-elles objectivées ?

4.6         Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

4.7         Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

4.8         Dans l’ensemble, le comportement de l’assuré vous semble-t-il cohérent ?

5.         Quel est l’impact du traitement médicamenteux, en particulier du Temgesic sur la capacité de travail de l’assuré, en tenant compte de l’évolution de celle-ci au cours de temps en lien avec la posologie de ce médicament, et du fait que les effets de celui-ci ont pu être atténués par le fait que le recourant ne travaillait plus.

6.         L’arrêt des morphiniques est recommandé et exigible du recourant et commenter le fait qu’il n’a pas réussi à se sevrer de ce médicament.

Quelles sont les limitations fonctionnelles ?

7.         Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic psychiatrique (en mentionnant leur date d’apparition) :

7.1 Dans l’activité habituelle (qui demande de la concentration) ?

7.2 Dans une activité adaptée ?

7.3 Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par l’assuré).

7.4         Les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel mais aussi personnel) ? Quel est le niveau d’activité sociale et comment a-t-il évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

7.5         Quelle sont les limitations globales de l’assuré (en tenant compte des conclusions de l’expert rhumatologue du CEMed sur le plan somatique et des effets du traitement médicamenteux de l’assuré).

a)             dans l’activité habituelle (qui demande de la concentration)

b)            dans une activité strictement adaptée.

8.         Traitement

8.1 Quels ont été les traitements entrepris et avec quel succès (évolution et résultats des thérapies) ?

8.2 L’assuré a-t-il fait preuve de résistance à l’égard des traitements proposés ? Qualifier la compliance ?

8.3 Dans quelle mesure les traitements ont-ils été mis à profit ou négligés ?

8.4 Les troubles psychiques constatés nécessitent-ils une prise en charge spécialisée ?

8.6 Pour le cas où il y aurait refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie recommandée et accessible : cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de l’assurée à reconnaître sa maladie ou à une autre raison ?

9.         Capacité de travail

9.1         Mentionner les conséquences du traitement médicamenteux du recourant retenus sur la capacité de travail de l’assuré, en pourcent :

a)             dans l’activité habituelle (qui demande de la concentration)

b)            dans une activité strictement adaptée.

9.2         Dater la survenance de l’incapacité de travail durable, indiquer l'évolution de son taux en datant et commentant les changements.

9.3         Évaluer l’exigibilité, en pourcent, d’une activité lucrative adaptée, indiquer depuis quand une telle activité est exigible et quel est le domaine d’activité adapté.

9.4         Dire s'il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

9.5         Si une diminution de rendement est retenue, celle-ci est-elle déjà incluse dans une éventuelle réduction de la capacité de travail ou vient-elle en sus ?

9.6         Serait-il possible d’améliorer la capacité de travail par des mesures médicales ? Indiquer quelles seraient les propositions thérapeutiques et leur influence sur la capacité de travail.

9.7         Quel est de votre point de vue sur la capacité de travail globale de l’assuré (en tenant compte des conclusions de l’expert rhumatologue du CEMed sur le plan somatique) :

a)             dans l’activité habituelle (qui demande de la concentration)

b)            dans une activité adaptée.

10.     Appréciation d’avis médicaux du dossier

10.1 Êtes-vous d'accord avec la capacité de travail dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée retenue par la Dre M______ et son analyse des effets du Temgesic (p. 30 et 31 de son rapport d’expertise du 7 septembre 2023) ? pour quels motifs ? Commenter et discuter son rapport.

10.2 Êtes-vous d'accord avec la capacité de travail globale retenue par les experts du CEMed (p. 7 à 10 du rapport d’expertise du 7 septembre 2023 ? pour quels motifs ?

10.3 Êtes-vous d'accord avec les rapports établis par le Dr C______, notamment sur la capacité de travail (rapports des 14 septembre, 25 octobre 2018, 25 février 2019, 2 avril 2019, 27 mai 2019, 4 novembre 2019, 21 septembre 2020 retenant une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée ? pour quels motifs ?

10.4 Êtes-vous d’accord avec le rapport établi par le Dr J______ le 1er février 2021 ? pour quels motifs ?

10.5 Prière de commenter vos conclusions sur la capacité de travail en lien avec les rapports de stages des ÉPI des 17 décembre 2021 et 16 août 2024.

10.6 Êtes-vous d’accord avec le rapport établi le 15 février 2021 par la consultation ambulatoire de la douleur ? pour quels motifs ?

10.7. Êtes-vous d’accord avec les rapports établis par la Dre H______ des 5 mai 2020 et 16 décembre 2021 ? pour quels motifs ?

11.     Faire toutes remarques et propositions utiles.

V.      Invite l’experte à déposer, dans les trois mois dès réception de la mission d’expertise, un rapport en trois exemplaires à la chambre de céans.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie de la présente ordonnance est notifiée aux parties par le greffe le