Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/377/2025 du 15.05.2025 ( AI ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/3546/2023 ATAS/377/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 15 mai 2025 Chambre 3 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. A______ (ci-après : l’assurée), née en ______ 1973, originaire d’Erythrée, arrivée en Suisse en juin 2014, n’y a jamais travaillé sur le marché ordinaire du travail – hormis brièvement, durant le mois de juillet 2020, comme nettoyeuse à raison de 3 h./j.
b. L’assurée a en revanche aidé à l’intendance du foyer B______, en s’occupant de la gestion d’un jardin potager et en participant aux ateliers du foyer (l’Entraide Protestante Suisse [EPER] loue des jardins dans différentes localités ; chaque personne est responsable du jardinet qui lui est attribué ; lors des ateliers de jardinage hebdomadaires, les participants interagissent entre eux et le voisinage ; il s’agit de les encourager à l’apprentissage et à la pratique de la langue du pays d’accueil et d’élargir leurs possibilités d’intégration). L’assurée bénéficie de l’aide sociale.
c. Le 1er juin 2022, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) en indiquant rencontrer « divers soucis de santé » suite à un accident survenu en 2018.
d. Interrogée sur sa situation professionnelle, l’assurée a indiqué n’avoir pas exercé d’activité professionnelle avant l’atteinte à sa santé.
e. Les éléments médicaux suivants ont été versés au dossier :
- Dans un rapport du 10 octobre 2022, la docteure C______, psychiatre traitant, a retenu les diagnostics de stress post-traumatique et de trouble panique sans agoraphobie. Le médecin a relaté que sa patiente s’était fait renverser par une moto en juin 2018 et que, suite à cet accident, elle avait développé une symptomatologie anxieuse post-traumatique avec des attaques de panique lorsqu’elle se retrouve à l’extérieur (chutes, suivies de migraines importantes). Plusieurs investigations somatiques se sont révélées négatives. Un diagnostic de migraines a été retenu. Les symptômes consistent en une anxiété, des flashbacks de l’accident, un sommeil agité, des cauchemars, une hypervigilance, un sentiment d’insécurité, parfois de tristesse, avec une baisse de l’attention et de la concentration. L’assurée passe beaucoup de temps à la maison, fréquente quelques amis de sa communauté et est très peu intégrée. Elle n’a ni loisirs, ni activités sociales, et se limite au strict minimum pour les courses et le ménage. Le psychiatre traitant conclut à une totale incapacité de travail.
- Dans un rapport du 24 février 2024, la docteure D______, cardiologue, a attesté d’une hypertension artérielle et d’une dépression, sans pouvoir se prononcer sur la capacité de travail de l’assurée.
f. L’OAI a alors mis sur pied une expertise qu’il a confiée à la docteure E______, psychiatre, laquelle a rendu son rapport en date du 4 août 2023, étant précisé que l’examen a eu lieu en présence d’un interprète de langue tigrigna.
L’experte a retenu l’existence de troubles anxieux et dépressifs mixtes depuis 2017, sans indice de gravité, et de traits mixtes de la personnalité dépendante et anxieuse, non décompensés. Elle a conclu à une totale capacité de travail, aucune limitation psychiatrique significative n’ayant été objectivée.
g. Par décision du 2 octobre 2023, l’OAI a nié à l’assurée le droit à toute prestation au motif que l’instruction médicale n’avait mis en évidence aucune atteinte à la santé invalidante.
B. a. Par écriture du 30 octobre 2023, l’assurée a interjeté recours contre cette décision en demandant l’octroi d’une rente entière.
b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 22 novembre 2023, a conclu au rejet du recours.
Il se réfère à l’expertise psychiatrique du 4 août 2023 à laquelle il estime qu’il faut reconnaître pleine valeur probante.
c. Le 12 décembre 2023, la recourante a sollicité l’audition de son médecin, la Dre C______.
d. Une audience d’enquêtes s’est tenue en date du 18 avril 2024, à laquelle la Dre C______ ne s’est pas présentée.
La recourante a expliqué que la psychiatre la suit depuis trois ou quatre ans, à raison d’une fois par mois et ce, sans interruption de suivi, contrairement à ce que retient l’assurance-invalidité.
La recourante a allégué souffrir surtout de troubles de la mémoire, mais aussi rencontrer des problèmes d’équilibre qui la font parfois chuter.
L’intimé a indiqué avoir transféré le rapport d’expertise à la Dre C______ en date du 24 janvier 2024, conformément à une demande de l’assurée.
e. Interrogée par écrit, la Dre C______ a répondu en date du 19 juin 2024.
Elle indique qu’elle suit l’assurée depuis novembre 2018, que le suivi est irrégulier et qu’il a été interrompu entre janvier 2019 et décembre 2021 avant de reprendre en 2022, parce que la patiente n’était pas prête pour un suivi psychiatrique.
L’assurée est désormais sous Cymbalta 60mg/j. Sa compliance est qualifiée de « moyenne », étant précisé qu’il n’a pas été procédé à une vérification des taux sériques.
S’agissant du rapport d’expertise, la Dre C______ dit ne pas partager les conclusions de sa collègue qui lui semble « banaliser complètement la symptomatologie invalidante » de sa patiente qu’elle décrit comme suit : troubles mnésiques, troubles de la concentration, vertiges, migraines et anxiété. Elle explique que ces troubles font de la recourante une personne complètement perdue et déconnectée de la réalité, même si elle ne présente aucune symptomatologie psychotique. Selon le psychiatre traitant, l’assurée n’est pas capable de s’adapter à un travail, aussi simple soit-il.
f. Par écriture du 16 juillet 2024, l’intimé a persisté dans ses conclusions.
Il se réfère à un avis émis par le service médical régional pour la Suisse romande (ci-après : SMR) en date du 28 juin 2024. Celui-ci remarque que les symptômes rapportés par le psychiatre traitant ont été mentionnés dans l’expertise et qu’il s’agit dès lors d’une évaluation différente d’un même état de fait. L’experte a constaté que l’assurée avait attendu deux ans entre 2017 – moment de l’accident – et 2019, avant de commencer un suivi psychiatrique qu’elle a pu interrompre durant six mois sans conséquences sur son quotidien – ce qui plaidait, indirectement, contre un état de stress post-traumatique incapacitant chez une assurée ne décrivant par ailleurs ni flashbacks, ni évitements objectivables.
g. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie "en droit" du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.
1.3 La procédure devant la Cour de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).
1.4 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
2. L’objet du litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité.
3.
3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) et celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ;
RO 2021 706) sont entrées en vigueur.
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).
3.2 En l’occurrence, la décision querellée concerne un premier octroi de rente dont le droit – s’il était reconnu – naîtrait avant le 31 décembre 2021. En conséquence, les dispositions légales applicables seront citées, ci-après, dans leur ancienne teneur.
4.
4.1 Est réputée invalidité, l’incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).
4.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.
Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA ; ATF 130 V 343 consid. 3.4).
Pour les assurés qui accomplissent des travaux habituels à plein temps, l’invalidité est calculée en fonction de l’incapacité de l’assuré à accomplir ses travaux habituels (art. 28a al. 2 LAI).
4.3 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l’art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165
consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du
19 janvier 2006 consid. 3.1).
4.3.1 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, telle la classification internationale des maladies (ci-après : CIM) ou le DSM-IV (Diagnostic and Statiscal Manual ; ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).
4.3.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d’évaluation de la capacité de travail, respectivement de l’incapacité
de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d’évaluation au moyen d’un catalogue d’indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d’évaluation aux autres affections psychiques
(ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d’atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d’un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au nombre desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l’art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).
Le Tribunal fédéral a considéré qu'il se justifiait sous l'angle juridique, en l'état des connaissances médicales, d'appliquer par analogie les principes développés par la jurisprudence en matière de troubles somatoformes douloureux à l'appréciation du caractère invalidant d'une fibromyalgie, vu les nombreux points communs entre ces troubles (ATF 132 V 65 consid. 4 p. 70 ss). Quand bien même le diagnostic de fibromyalgie était d'abord le fait d'un médecin rhumatologue, dès lors que les facteurs psychosomatiques avaient une influence décisive sur le développement d'une telle maladie, le concours d'un médecin spécialisé en psychiatrie était donc nécessaire pour en poser le diagnostic (ATF 132 V 65 consid. 4.3 p. 72 ; arrêt 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2). Une expertise interdisciplinaire tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques apparaissait donc la mesure pour établir de manière objective si l'assuré présentait un état douloureux d'une gravité telle que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne pouvait plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part (ATF 132 V 65 consid. 4.3 ; arrêt 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).
Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé, la portée des motifs d’exclusion définis dans l’ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l’absence d’une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d’assurance, si les limitations liées à l’exercice d’une activité résultent d’une exagération des symptômes ou d’une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d’un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d’une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, d’allégation d’intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, d’absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l’anamnèse, de plaintes très démonstratives laissant insensible l’expert, ainsi qu’en cas d’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ;
132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).
4.3.3 L’organe chargé de l’application du droit doit, avant de procéder à l’examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d’une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l’assurance-invalidité, c’est-à-dire qui résiste aux motifs dits d’exclusion tels qu’une exagération ou d’autres manifestations d’un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.2 et la référence).
4.3.4 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d’une procédure d’établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d’évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d’une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d’autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L’accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d’exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).
Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).
- Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),
A. Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)
Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3)
B. Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2)
C. Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)
- Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4)
Limitation uniforme du niveau d’activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).
Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).
4.3.5 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêts du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).
5.
5.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).
5.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).
5.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux.
Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).
6.
6.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
6.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 – Cst ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).
7. En l’espèce, l’intimé, pour nier l’existence de toute atteinte à la santé invalidante, se fonde sur le rapport d’expertise de la Dre E______.
La recourante, elle, invoque l’avis de son psychiatre traitant.
7.1 Se pose donc en premier lieu la question de la valeur probante à accorder au rapport d’expertise.
Tout d'abord, le rapport d'examen de l’experte se fonde sur une anamnèse détaillée, un examen clinique de la recourante et tient compte des plaintes rapportées par celle-ci. Il a été établi en pleine connaissance du dossier et ses conclusions, dûment motivées, ne laissent pas apparaître de contradiction. Il y a donc lieu de lui reconnaître pleine valeur probante à la forme.
Il en va de même quant au fond. L’experte a relevé que l’assurée disposait de bonnes ressources et gérait son quotidien sans limitations d’un point de vue psychiatrique, en dehors des tâches administratives complexes. Elle ne bénéficiait pas d’un traitement antidépresseur et se trouvait sans suivi psychiatrique depuis six mois. L’isolement social était partiel depuis 2017. La cohérence entre l’anamnèse et l’examen clinique était bonne, tout comme la plausibilité des troubles psychiques, chez une assurée dont il a été indiqué qu’elle n’exagérait pas volontairement. La seule incohérence consistait dans le fait que l’assurée sollicitait l’octroi d’une rente entière d’un point de vue psychiatrique, en l’absence de toutes limitations fonctionnelles significatives de ce point de vue. L’absence de limitations fonctionnelles était uniforme dans tous les domaines d’activité. Il y avait également discordance entre la totale incapacité de travail alléguée et la journée type décrite par une assurée gérant sans difficultés son quotidien (ménage, courses, préparation des repas, tâches administratives simples, moments avec des amis et des connaissances malgré un isolement social partiel, bricolage, bénévolat, promenades, etc.). L’assurée admettait pouvoir faire le ménage, s’occuper d’enfants, d’un potager ou d’un jardin, mais expliquait qu’il lui était difficile de trouver un emploi impliquant lecture, écriture, concentration et emploi de la langue française. L’experte a souligné que l’absence de traitement antidépresseur et d’hospitalisation psychiatrique – alors que le suivi avait été interrompu depuis plusieurs mois – plaidait contre l’existence d’un trouble incapacitant, d’une décompensation de la personnalité ou encore de limitations fonctionnelles significatives. C’est d’autant plus vrai qu’il ressort des indications du psychiatre traitant que, contrairement aux dénégations de la recourante, son suivi a bel et bien été interrompu, et ce durant près de deux ans – de janvier 2019 à décembre 2021.
Dans ces circonstances, l’avis émis par le psychiatre traitant, selon lequel l’incapacité de travail de sa patiente serait totale, non étayé par des éléments médicaux objectifs qui auraient été ignorés lors de l’expertise, ne suffit pas à écarter les conclusions de l’expert psychiatre. Le diagnostic de stress post-traumatique n’a pu être confirmé par l’experte. Il est d’autant moins crédible que, comme le fait remarquer le SMR, la recourante a attendu deux ans après l’accident pour débuter un suivi, qu’elle a ensuite rapidement et durablement interrompu. C’est le lieu de rappeler qu’au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat de soins et un mandat d’expertise (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 5 janvier 2003, I 701/05, consid. 2 et les références, en particulier l’ATF 124 I 170 consid. 4), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l’administration et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire : il n’en va autrement que si lesdits médecins traitants font état d’éléments objectifs ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de cette dernière, ce qui, comme déjà dit, n’est pas le cas en l’espèce.
On relèvera enfin, à l’instar de l’experte, que les traits de personnalité préexistaient à l’arrivée sur le territoire helvétique.
La Cour de céans relève que l’intimé n’a pas mis en œuvre d’enquête ménagère alors que la recourante – qui n’a jamais travaillé sur le marché ordinaire, pas même avant l’accident – doit se voir reconnaître un statut de personne non active. Cela étant, dans la mesure où l’atteinte à la santé est uniquement de nature psychique et qu’aucune limitation fonctionnelle n’a été mise en évidence sur ce plan, d’une part, et que l’assurée elle-même a décrit à l’experte un quotidien non affecté par l’atteinte, d’autre part, il n’apparaît pas nécessaire de mettre une telle enquête sur pied. Même le psychiatre traitant n’allègue pas que l’assurée serait empêchée d’accomplir ses travaux habituels pour des raisons psychiques.
8. Eu égard aux considérations qui précèdent, c’est à juste titre que l’intimé a nié à la recourante le droit à une rente, faute d’atteinte à la santé invalidante. Le recours est rejeté.
***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Diana ZIERI |
| La présidente
Karine STECK
|
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le