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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1204/2024

ATAS/378/2025 du 15.05.2025 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1204/2024 ATAS/378/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 mai 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

représentée par l’Association de défense des chômeur-se-s (ADC), mandataire

recourante

 

contre

CAISSE DE CHÔMAGE UNIA

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Le 2 février 2017, A______ (ci-après : l’assurée) a été engagée par B______ (ci-après : l’employeur) en tant qu’employée de banque, avec entrée en service le 15 mars 2017.

b. Par courrier du 23 mai 2023, l’assurée a démissionné avec effet au 31 juillet 2023, en respectant le délai de congé contractuel de deux mois.

c. L’assurée s’est annoncée à la caisse de chômage UNIA (ci-après : la caisse) et un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur à compter du 1er août 2023.

d. L’assurée a expliqué avoir donné son congé pour des raisons de santé et avoir été, avant la résiliation du contrat, en traitement médical en raison de problèmes de santé liés à son travail.

e. Interrogée par la caisse, la docteure C______, psychiatre et psychothérapeute, a indiqué qu’elle suivait l’assurée depuis mars 2022, que celle-ci lui avait fait état de problèmes de santé dus à son activité professionnelle (épuisement professionnel et trouble de l’adaptation mixte). Le médecin a précisé que sa patiente avait été en incapacité de travail à 100% du 11 avril au 13 novembre 2022, puis à 50% du 14 au 30 novembre 2022 et qu’elle avait recouvré une pleine capacité de travail le 1er décembre 2022. À la question de savoir si la poursuite des rapports de travail aurait péjoré l’état de santé de sa patiente, le médecin a répondu par l’affirmative (surcharge, stress et symptômes dépressifs). Le médecin a néanmoins indiqué n’avoir pas conseillé à sa patiente de mettre fin au contrat de travail. Cette dernière pouvait continuer à exercer toute activité professionnelle à 100% (cf. certificat du 10 août 2023).

f. Par décision du 18 août 2023, la caisse a suspendu le droit à l’indemnité de l’assurée pour une durée de 20 jours. Il a été considéré que la nécessité de résilier le contrat de travail pour raisons de santé n’avait pas été établie. En revanche, il a été tenu compte de la santé de l’assurée à titre de « condition atténuante », permettant de qualifier la faute de moyenne et non de grave.

g. Le 10 septembre 2023, l’assurée s’est opposée à cette décision.

En substance, elle a allégué que l’évolution de ses conditions de travail (licenciements réguliers de collègues, augmentation subséquente de la charge de travail, travail tardif) avait contribué à la détérioration de sa santé physique (problèmes gastro-intestinaux, troubles du sommeil). Elle n’avait pas prévu de démissionner et ne s’y était pas préparée financièrement ; la suspension qui lui est infligée la mettait dès lors dans une situation financière difficile.

À l’appui de ses dires, elle a produit un bref certificat établi le 28 août 2023 par la docteure D______, attestant que l’intéressée avait été « contrainte de démissionner pour raisons de santé », sans autre explication.

h. À nouveau interrogée par la caisse, la Dre C______, a expliqué avoir été consultée pour la première fois par l’assurée en mars 2022, puis en 2023, en précisant que les sujets abordés en séance n’étaient pas toujours en lien avec les difficultés éprouvées au travail. Le dernier certificat maladie avait été établi le 17 octobre 2022 pour une incapacité de travail à 100% du 20 octobre au 18 novembre 2022, mais l’assurée avait repris son travail à 50% le 14 novembre 2022. La dernière consultation remontait au 21 août 2023. Si une reprise à 100% du travail aurait effectivement pu empirer l’état de santé de l’assurée, une reprise à 50% était néanmoins envisageable en novembre 2022, étant donné l’amélioration clinique (cf. courrier du 6 février 2024).

i. Par décision du 29 février 2024, la caisse a rejeté l’opposition.

Elle a retenu que l’assurée avait résilié son contrat de travail en respectant le délai de congé sans s’être assurée d’un nouvel emploi et ce, alors qu’au moment de la résiliation des rapports de service, aucun certificat probant ne pouvait attester de la nécessité de mettre fin au contrat de travail en raison de son état de santé et qu’elle avait retrouvé une pleine capacité de travail le 1er décembre 2022, après une amélioration clinique.

Le certificat fourni par la Dre D______, tardif, car établi plus de trois mois après la démission de l’intéressée, ne suffisait pas à démontrer la nécessité de résilier le contrat de travail pour raisons de santé.

Il était souligné qu’en dépit d’une faute grave, la suspension appliquée correspondait, selon le barème, à une faute moyenne. L’ensemble des circonstances atténuantes avait ainsi été pris en compte.

B. a. Par écriture du 4 avril 2024, l’assurée a interjeté recours contre cette décision en demandant principalement l’annulation de toute sanction, subsidiairement, que la suspension soit fixée à 1 jour seulement.

En substance, la recourante explique que, suite à de violentes crises de douleurs abdominales, elle a consulté le Centre Médical E______. La docteure F______ l’a alors mise en arrêt de travail. L’examen clinique ne montrant pas de substrat physique organique, la voie de la somatisation en raison d’un épuisement professionnel a été privilégiée. La Dre F______ a été remplacée par la Dre D______, qui l’a redirigée vers la Dre C______ pour un suivi psychiatrique, en mars 2022. A alors été diagnostiqué un burnout avec état anxieux et état dépressif.

Si la recourante a repris son emploi à 50% le 14 novembre 2022, c’est parce qu’elle voulait honorer ses engagements professionnels et stabiliser sa situation financière. Elle a réussi à poursuivre le travail grâce à la psychothérapie et, peu à peu, à arrêter les traitements introduits lors de son parcours clinique.

En avril 2023 cependant, la situation s’est à nouveau détériorée, suite aux politiques mises en œuvre par son employeur. Des licenciements massifs ont ainsi été effectués à Genève ou à Edimbourg. Son équipe a été décimée. Deux de ses managers ont également quitté l’entreprise en mai 2023. Elle a dû reprendre une partie du cahier des charges des personnes parties et non remplacées, ce qui lui a causé une surcharge de travail et donné des responsabilités encore plus importantes. Lorsque la question s’est à nouveau posée de reprendre un traitement médicamenteux, il lui est devenu évident que son environnement professionnel était néfaste à son état de santé, raison pour laquelle elle a résilié son contrat.

La recourante allègue que la Dre C______ lui a expliqué qu’il ne lui appartenait pas de lui conseiller de démissionner ou non. Cependant, même si elle ne le lui a pas conseillé expressément, elle appuyait sa démarche.

Elle soutient que ce sont bel et bien des motifs de santé qui l’ont contrainte à démissionner et qu’on ne saurait donc qualifier de faute le fait de donner sa démission. Quant à la quotité de la sanction, elle la juge disproportionnée, puisqu’elle a tout mis en œuvre pour revenir à son poste.

b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 30 avril 2024, a conclu au rejet du recours.

Elle fait remarquer que, dûment interpellée, la Dre C______ – qui a suivi la recourante durant toute la période précédant la résiliation des rapports de travail – a confirmé que la recourante n’était plus en incapacité de travail pour problèmes de santé en lien avec son emploi depuis le 1er décembre 2022, date de sa reprise à 100%.

c. Une audience d’enquêtes s’est tenue en date du 19 septembre 2024, lors de laquelle a été entendue la Dre C______.

Cette dernière a souligné qu’en tant que médecin, il ne lui appartient pas d'influencer les choix de ses patients, mais simplement de les accompagner dans les leurs. Elle ne peut leur conseiller de divorcer ou de démissionner.

Interrogée sur le point de savoir si l’assurée, lorsqu'elle a donné sa démission, aurait pu continuer le travail, la Dre C______ s’est déclarée dans l’incapacité de répondre de manière catégorique. Cela étant, elle dit avoir été surprise de sa décision, puisque le suivi thérapeutique avait précisément pour objectif la reprise graduelle des rapports de travail. Elle s’en est même inquiétée et a voulu s'assurer qu'il n'y avait là aucune décision impulsive de la part de sa patiente, raison pour laquelle elle lui a proposé un rendez-vous.

Loin d’avoir été « soulagée pour l’état de santé » de sa patiente, la Dre C______ explique qu’il s'agissait d'un contexte global de souffrance qui n'impliquait pas seulement la sphère professionnelle ; dans ce cadre, la reprise du travail lui paraissait être plutôt un élément protecteur et stabilisateur. Il s'agissait donc de favoriser la reprise, en apprenant à gérer les frustrations et les difficultés dans le cadre professionnel. À l'époque, dans le contexte mis en place, il n'y avait aucune urgence à démissionner.

Le témoin a reçu la recourante pour la première fois le 14 mars 2022. En mai 2023, il a été plus ou moins mis fin au suivi, parce que la situation était stabilisée. L’assurée avait repris le travail en novembre 2022 à 50% et il y avait une nette amélioration. Le suivi a recommencé en août 2023.

La Dre C______ a reçu l’assurée en consultation le 22 mai 2023, soit la veille de sa démission. L’intéressée ne l’a toutefois pas informée de ses intentions, raison pour laquelle elle dit avoir été surprise lorsqu’elle a appris la nouvelle par la suite, étant rappelé que le travail thérapeutique avait pour objectif la reprise du poste, malgré les difficultés encore présentes et évoquées une fois encore. Selon le médecin, la recourante disposait des ressources pour travailler, raison pour laquelle elle dit l’avoir encouragée à prendre plutôt de petits arrêts de travail si elle avait besoin de pauses, plutôt qu'une décision radicale.

Lors de la seconde période d'arrêt de travail, il y a également eu un traitement médicamenteux, mais moins lourd et différent de la première fois, car la patiente était beaucoup plus stable.

d. La recourante a expliqué pour sa part avoir retenu de l’entretien du 22 mai 2023 avec la Dre C______ que, pour protéger et consolider son état de santé tel qu’elle avait pu l'améliorer, elle lui conseillait de prendre des décisions dont elle convenait qu'elle ne pouvait l'inciter à les prendre. C'est la raison pour laquelle le lendemain, elle s’est sentie forte au point de pouvoir donner son congé dans l'espoir d'aller mieux.

La recourante affirme qu’elle avait déjà entrepris des recherches d'emploi depuis des mois, sans succès. Elle a même eu un entretien chez G______, dont elle pense qu’il aurait pu aboutir, si elle n’avait pas été retenue par son travail au point d’arriver en retard et sans pouvoir se préparer.

Si elle s’est décidée à donner sa démission à ce moment-là, c'est que, sur une équipe de 17 personnes, cinq avaient été licenciées ou avaient démissionné, en plus de sa superviseuse, à qui il revenait de valider le travail de ces cinq personnes. La recourante savait donc que cela allait lui retomber dessus et a clairement vu les conséquences que cela aurait sur son état de santé. Cela avait déjà commencé.

La recourante fait remarquer que, dans le formulaire qui lui a été soumis par l’intimée, sa psychiatre a répondu par l'affirmative à la question de savoir si la poursuite du travail aurait péjoré son état de santé (cf. pièce 3 recourante et 14 intimée).

e. Interrogée par écrit, la Dre D______ a expliqué n’avoir vu la recourante qu’à deux occasions, en urgence, le 28 août et le 15 septembre 2023, soit postérieurement à la démission de l’intéressée, raison pour laquelle elle s’est basée, pour établir son attestation, sur les dires de l’assurée et une évaluation clinique mettant en évidence des troubles anxieux et un syndrome dépressif. La poursuite du travail aurait à son avis péjoré son état de santé, car elle évoluait selon ses dires dans un environnement professionnel toxique.

f. Les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

g. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

1.3 Interjeté dans la forme et le délai – de 30 jours – prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension de 20 jours du versement de l’indemnité infligée par l'intimée à la recourante pour avoir démissionné de son poste de travail sans s'être préalablement assurée d'un autre emploi.

2.1 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. a LACI, le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute.

Est notamment réputé sans travail par sa propre faute l'assuré qui a résilié lui-même le contrat de travail, sans avoir été préalablement assuré d'obtenir un autre emploi, sauf s'il ne pouvait être exigé de lui qu'il conservât son ancien emploi (art. 44 al. 1 let. b de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 [OACI - RS 837.02]).

Ce motif de suspension s'applique aussi lorsque l'assuré avait trouvé lui-même l'emploi qu'il décide ensuite de quitter. Cette circonstance n'atténue pas sa faute (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, p. 309, n°32 et les références citées).

2.2 La suspension du droit à l’indemnité est destinée à poser une limite à l’obligation de l’assurance-chômage d’allouer des prestations pour des dommages que l’assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l’assuré, d’une manière appropriée, du préjudice causé à l’assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_316/2007 du 16 avril 2008 consid. 2.1.2).

2.3 Pour qu'un assuré puisse être sanctionné en vertu de l'art. 44 al. 1 let. b OACI, trois conditions doivent être réunies. Il faut premièrement que l'assuré ait donné lui-même son congé. Il importe ensuite qu'au moment de résilier son contrat de travail, l'assuré n'ait pas eu d'assurance préalable d'un nouvel emploi. Enfin, il faut qu'aucune circonstance ne se soit opposée à la poursuite des rapports de travail (critère de l'exigibilité).

2.4 Dans le cadre de l'art. 44 al. 1 let. b OACI, l'emploi quitté est présumé convenable, de sorte que la continuation des rapports est réputée exigible. Cette présomption est susceptible d'être renversée et il sied de ne pas se montrer trop strict quant à la preuve qui incombe alors à l'assuré. Cela étant, c'est de façon restrictive qu'il convient de trancher la question de savoir si l'on pouvait raisonnablement exiger du travailleur qu'il conserve son emploi (Boris RUBIN, op. cit., p. 309, n°33 à 37 et les références citées).

Des désaccords sur le montant du salaire ou un rapport tendu avec des supérieurs ou des collègues de travail ne suffisent par exemple pas à justifier l'abandon d'un emploi. Dans ces circonstances, on doit, au contraire, attendre de l'assuré qu'il fasse l'effort de garder sa place jusqu'à ce qu'il ait trouvé un autre emploi. Par contre, on ne saurait en règle générale exiger de l'employé qu'il conserve son emploi, lorsque les manquements d'un employeur à ses obligations contractuelles atteignent un degré de gravité justifiant une résiliation immédiate (arrêt du Tribunal fédéral 8C_285/2013 du 11 février 2014 consid. 4.1 et les références citées).

2.5 Aux termes de l'art. 16 al. 2 LACI n'est pas réputé convenable et, par conséquent, est exclu de l’obligation d’être accepté, tout travail qui :

-          n’est pas conforme aux usages professionnels et locaux et, en particulier, ne satisfait pas aux conditions des conventions collectives ou des contrats-type de travail (let. a),

-          ne tient pas raisonnablement compte des aptitudes de l’assuré ou de l’activité qu’il a précédemment exercée (let. b),

-          ne convient pas à l’âge, à la situation personnelle ou à l’état de santé de l’assuré (let. c),

-          compromet, dans une notable mesure, le retour de l’assuré dans sa profession, pour autant qu’une telle perspective existe dans un délai raisonnable (let. d),

-          doit être accompli dans une entreprise où le cours ordinaire du travail est perturbé en raison d’un conflit collectif de travail (let. e),

-          nécessite un déplacement de plus de deux heures pour l’aller et de plus de deux heures pour le retour et qui n’offre pas de possibilités de logement appropriées au lieu de travail, ou qui, si l’assuré bénéficie d’une telle possibilité, ne lui permet de remplir ses devoirs envers ses proches qu’avec de notables difficultés (let. f),

-          exige du travailleur une disponibilité sur appel constante dépassant le cadre de l’occupation garantie (let. g),

-          doit être exécuté dans une entreprise qui a procédé à des licenciements aux fins de réengagement ou à de nouveaux engagements à des conditions nettement plus précaires (let. h),

-          ou procure à l’assuré une rémunération qui est inférieure à 70% du gain assuré, sauf si l’assuré touche des indemnités compensatoires conformément à l’art. 24 (gain intermédiaire, let. i).

En conséquence, un travail est réputé convenable si toutes les conditions énoncées à l'art. 16 al. 2 LACI sont exclues cumulativement (ATF 124 V 62 consid. 3b ; cf. également arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 239/00 du 18 octobre 2000 consid. 1a).

2.6 S'agissant en particulier de l'art. 16 al. 2 let. c LACI, n'est pas réputé convenable un travail qui ne convient pas à l’âge, à la situation personnelle ou à l’état de santé de l’assuré.

Les critères de l'âge, de la situation personnelle et de l'état de santé dépendent de la situation de chaque assuré. La notion d'emploi convenable est donc relative. Les critères précités permettent à un assuré de refuser un emploi qui, par ailleurs, remplirait les autres critères d'admissibilité. Si l'assuré fait valoir des motifs supplémentaires de restriction à la disponibilité (horaire de disponibilité, préférence pour un poste bien précis, etc.), son aptitude au placement pourrait devoir être niée dans le cadre d'une appréciation globale de celle-ci (Boris RUBIN, op. cit., n. 31 ad art. 16 LACI).

Un assuré qui entend se prévaloir d'un motif de santé pour quitter ou refuser un poste de travail doit en principe fournir un certificat médical circonstancié, reposant sur une analyse clinique et technique ((Boris RUBIN, op. cit., n. 37 ad art. 16 LACI).

2.7 Il sied de souligner que l'exigibilité de la continuation des rapports de travail est examinée plus sévèrement que le caractère convenable d'un emploi au sens de l'art. 16 LACI. Les conditions fixées par l'art. 16 LACI n'en constituent pas moins des éléments d'appréciation importants du critère d'exigibilité.

La notion d'inexigibilité au sens de l'art. 44 al. 1 let. b OACI doit être interprétée conformément à la Convention OIT n° 168 qui permet de sanctionner celui qui a quitté volontairement son emploi « sans motif légitime » (ATF 124 V 234 consid. 3b ; arrêt du 8 octobre 2004 [C 22/04] consid. 3 ; v. l'art. 20 let. c de la Convention OIT précitée). Cette notion coïncide par ailleurs avec celle figurant à l'art. 44 al. 1 let. c OACI, rédigée dans les mêmes termes (arrêt du Tribunal fédéral C 302/01 du 4 février 2003 consid. 3.1 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 36 ad art. 30 LACI). Généralement, des conditions de travail difficiles, des relations tendues avec les collègues et les supérieurs, une mauvaise atmosphère de travail ou des problèmes de santé non attestés médicalement ne suffisent pas à faire admettre que la continuation des rapports de travail n'était pas exigible (DTA 1989 p. 88 consid. 1a ; 1986 p. 90 ; 1976 p. 114 ; 1953 p. 68 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_12/2010 du 4 mai 2010, C 8/04 du 5 avril 2004 et C 104/02 du 2 septembre 2002 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 37 ad art. 30 LACI).

3.             En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

À cet égard, pour examiner la question de savoir si l'assuré peut refuser un travail en raison de son état de santé, il y a lieu de s'en tenir au principe inquisitorial régissant la procédure administrative, principe comprenant en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (cf. consid. 3c du jugement entrepris et les références). Il incombe ainsi à l'assuré qui s'en prévaut d'établir, au moyen d'un certificat médical, que le travail n'est pas compatible avec son état de santé. Ce critère s'apprécie en effet non pas par rapport à ce que pourrait ressentir un assuré, mais sur la base de certificats médicaux (arrêt du Tribunal fédéral C 151/03 du 3 octobre 2003 consid. 2.3.2 et la référence citée).

4.             En l’espèce, l’intimée considère que la recourante, en démissionnant sans s’être assurée d’un nouveau poste, a commis une faute.

La recourante, pour sa part, soutient en substance qu’il était évident pour elle que son environnement professionnel était néfaste à son état de santé, raison pour laquelle elle a résilié son contrat de travail.

4.1 Il n’est pas contesté que la recourante a démissionné de son emploi sans s’être préalablement assurée d’un nouveau poste, ce qu’elle justifie par le fait qu’elle était convaincue que la poursuite des rapports de travail nuirait à son état de santé.

Se pose donc la question de savoir s’il était exigible de sa part qu’elle conservât son poste le temps de trouver un autre emploi.

La notion de travail convenable sert de référence pour déterminer à la fois les postes de travail qui doivent être acceptés et ceux qui doivent continuer à être occupés.

On relèvera que la recourante ne produit aucun certificat médical circonstancié attestant que la poursuite de son emploi n'aurait pas été compatible avec son état de santé, étant rappelé qu’un assuré qui entend se prévaloir d'un motif de santé pour quitter un poste de travail doit en principe fournir un certificat médical circonstancié, reposant sur une analyse clinique et technique.

En effet, la Dre C______, qui la suivait au moment des faits pertinents – c'est-à-dire au moment où la recourante a donné sa démission, fin mai 2023 – a souligné que, dans le contexte et au vu du traitement mis en place, il n'y avait aucune urgence à démissionner. La recourante avait pu reprendre le travail à plein temps depuis décembre 2022 et, au moment de donner sa démission, elle n’était pas menacée d’une nouvelle incapacité. Un travail thérapeutique était en cours, qui avait précisément pour objectif de permettre à l’assurée de continuer à travailler en faisant face aux difficultés. Selon le psychiatre traitant, la recourante disposait des ressources pour travailler.

Certes, la Dre D______ émet un avis différent. Cela étant, cet avis, émis plusieurs mois a posteriori et basé pour l’essentiel sur les dires de la recourante, ne saurait suffire à établir la nécessité de démissionner sans attendre d’avoir pu s’assurer d’un autre emploi. D’autant moins qu’il est contredit par l’avis d’un médecin spécialiste qui suivait l’assurée au moment des faits.

La recourante échoue ainsi à démontrer que sa démission se justifiait pour des motifs de santé. Dès lors, le poste litigieux ne saurait être qualifié de non convenable. On pouvait donc exiger de l’intéressée qu’elle le conserve jusqu'à ce qu’elle en trouve un autre. En d’autres termes, la continuation des rapports de travail était exigible de sa part, aucune des hypothèses énoncées par l’art. 16 al. 2 LACI n’étant réalisée.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'intimée a retenu que les éléments constitutifs d'un chômage fautif étaient réunis en l'espèce (art. 30 al. 1 let. a LACI cum 44 al. 1 let. b OACI). 

5.             Reste à déterminer si la durée de la suspension est bien fondée.

5.1 L'art. 30 al. 3 LACI prévoit notamment que la durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute. En vertu de l'art. 45 OACI, la suspension dure de 1 à 15 jours en cas de faute légère (al. 3 let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (al. 3 let. b) et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (al. 3 let. c).

5.2 Il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l'assuré abandonne un emploi réputé convenable sans être assuré d'obtenir un nouvel emploi (al. 4 let. a) ou qu'il refuse un emploi réputé convenable (al. 4 let. b) ; demeurent toutefois réservées des circonstances particulières faisant apparaître, dans le cas concret, la faute comme plus légère (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 142/06 du 3 juillet 2007 consid. 3).

Selon la jurisprudence, lorsqu'un assuré peut se prévaloir d'un motif valable, il n'y a pas nécessairement faute grave en cas d'abandon d'un emploi convenable.

Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s'agir d'un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 130 V 125 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_225/2011 du 9 mars 2012 consid. 4.2). Si l'existence d'une faute de l'assuré doit être admise, mais que celui-ci peut faire valoir des circonstances atténuantes, par exemple une situation comparable à du mobbing ou des provocations continuelles de la part de l'employeur, la durée de la suspension sera réduite en fonction de la gravité de la faute concomitante commise par l'employeur (arrêt du Tribunal fédéral C 74/06 du 6 mars 2007 consid. 3). Dès lors, même en cas d'abandon ou de refus d'emploi, il est possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à 31, en présence de circonstances particulières, objectives et subjectives (arrêt du Tribunal fédéral 8C_775/2012 du 29 novembre 2012 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_616/2010 du 28 mars 2011 consid. 6 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 117 ad art. 30 LACI). Il n'en demeure pas moins que, dans les cas de chômage fautif au sens de l'art. 30 al. 1 LACI, l'admission de fautes moyennes ou légères doit rester l'exception (arrêt du Tribunal fédéral C 161/06 du 6 décembre 2006 consid. 3.2 in fine). Les motifs permettant de s'écarter de la faute grave doivent être admis restrictivement (Boris RUBIN, op. cit., n. 117 ad art. 30 LACI).

5.3 La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2). Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est, concernant notamment la quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret, pas limité à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »).

En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut cependant, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration. Il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3).

5.4 En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l'intention des organes d'exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour ces organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l'intéressé au regard de ses devoirs généraux d'assuré qui fait valoir son droit à des prestations (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_601/2012 du 26 février 2013 consid. 4.1, non publié in ATF 139 V 164 et les références citées).

Pour la détermination de la faute individuelle et de la quotité de la suspension dans le domaine de la faute grave, il faut partir, selon le Tribunal fédéral, du milieu de la fourchette de 31 à 60 jours (art. 45, al. 3, let. c OACI), soit 45 jours, et tenir compte des facteurs aggravants, atténuants et du principe de proportionnalité (ATF 123 V 153).

Il résulte de l’échelle des suspensions établie par le SECO que lorsque l’assuré a résilié son contrat de travail sans motif valable, sa faute est considérée comme grave (cf. bulletin LACI IC / D 75 1D).

La durée de la suspension est fixée en tenant compte de toutes les circonstances du cas particulier, telles que le mobile, les circonstances personnelles (l'âge, l'état civil, l'état de santé, une dépendance éventuelle, l'environnement social, le niveau de formation, les connaissances linguistiques, etc.), des circonstances particulières (le comportement de l'employeur ou des collègues de travail, le climat de travail, etc.), de fausses hypothèses quant à l'état de fait (par exemple quant à la certitude d'obtenir un nouvel emploi (Bulletin LACI IC / D 64). Le comportement général de la personne assurée doit également être pris en considération. Lorsque la suspension infligée s'écarte de ladite échelle, l'autorité qui la prononce doit assortir sa décision d'un exposé des motifs justifiant sa sévérité ou sa clémence particulière (Bulletin LACI IC / D 72).

5.5 En l’espèce, la recourante a résilié son contrat de travail de sa propre initiative et sans s’assurer préalablement d’un autre emploi. Comme constaté ci-dessus, il n’a pas été établi que la poursuite de la relation de travail aurait conduit à la dégradation de son état de santé.

L'emploi quitté étant réputé convenable, l’assurée a commis une faute grave au sens de l'art. 45 al. 4 let. a OACI, pour laquelle le barème du SECO prévoit une sanction d’une durée oscillant entre 31 et 60 jours.

La sanction infligée est en dessous du minimum de la fourchette prévue par le barème du SECO. Il apparaît donc que l’intimée a déjà opté pour une solution très favorable à l’assurée et ce, alors même qu’aucun motif valable pour démission sans attendre n’a été admis et que l'admission de fautes moyennes ou légères doit rester l'exception.

Partant, le recours, mal fondé, est rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

***


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le