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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1926/2023

ATAS/366/2025 du 20.05.2025 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1926/2023 ATAS/366/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 mai 2025

Chambre 15

 

En la cause

A______

représentée par Me Marie-Josée COSTA, avocate

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’intéressée), née le ______ 1957, bénéficiaire d’une rente AVS depuis le 1er septembre 2021, a sollicité des prestations du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC), le 10 février 2022 (date de réception de la demande).

b. Par décision du 15 mars 2022, le SPC a admis la demande avec effet au 1er septembre 2021. Son calcul tenait compte du revenu de l’activité lucrative de B______, l’époux de l’intéressée, de CHF 3'980.-, à raison de 80%.

c. Le SPC a informé l’intéressée que, passé un délai de douze mois, un revenu hypothétique serait pris en compte dans les ressources de son époux dont le revenu d’indépendant était très largement inférieur à celui qu’il pourrait réaliser dans le cadre d’une activité salariée.

d. Par décision du 14 mars 2023, le SPC a calculé à nouveau les droits de l’intéressée en incluant dans le calcul un revenu hypothétique estimé à CHF 46'205.-.

e. Par acte du 17 mars 2023, l’intéressée s’est opposée à cette décision, au motif que son époux, chauffeur de taxi indépendant depuis 2007, ne pouvait pas réaliser un revenu supérieur à celui qu’il réalisait alors. Son chiffre d’affaires s’était élevé à CHF 19'631.50 en 2022 et le résultat d’exploitation à CHF 11'473.30. Pour cette même année, l’avis de taxation mentionnait un bénéfice net de CHF 11'874.-.

f. Le 20 mars 2023, l’intéressée a complété son opposition en indiquant qu’elle souffrait d’une polyarthrite rhumatoïde, de diabète, de cholestérol et de problèmes de tension. Son époux devait l’aider chaque matin à se lever, faire le ménage, les courses et devait l’emmener chez le médecin. Sans lui, elle ne pouvait pas vivre à domicile. Son époux avait également des problèmes de tension.

g. Par décision du 10 mai 2023, le SPC a rejeté l’opposition formée contre sa décision du 14 mars 2023, qu’il a confirmée. Lorsque le revenu de l’activité d’indépendant était sensiblement inférieur à celui qui serait obtenu d’une activité salariée, ce dernier revenu devait être pris en compte dans les ressources à titre de revenu hypothétique. Un délai de douze mois, au maximum, était accordé à la personne exerçant ladite activité pour s’adapter. Aucun revenu hypothétique n’était en revanche pris en compte si une personne valide faisait valoir qu’elle ne trouvait pas d’emploi malgré tous ses efforts (inscription à l’ORP et recherches d’emploi prouvées), qu’elle touchait des allocations de chômage ou encore que sans son aide, son conjoint serait placé dans un home.

h. Le 1er juin 2023, le SPC a rendu une nouvelle décision pour fixer les droits dès le 1er juillet 2023, en incluant dans les ressources de la famille le revenu hypothétique du conjoint de l’intéressée.

B. a. Par acte du 9 juin 2023, l’intéressée, sous la plume de son conseil, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) d’un recours contre la décision du 10 mai 2023, en concluant, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de la décision contestée et à ce que la chambre de céans dise qu’il faut renoncer à prendre en compte un revenu hypothétique et renvoie le dossier au SPC. Subsidiairement, elle sollicitait l’annulation de la décision et le renvoi au SPC pour nouvelle décision. Son conjoint devait s’occuper d’elle en journée, ce qui l’empêchait d’exercer un emploi en tant que salarié en journée. Il s’était mis à son compte après avoir épuisé son droit au chômage, sans avoir pu retrouver d’emploi. Il ne lui était pas possible de trouver un autre emploi que celui de chauffeur de taxi indépendant. Enfin, son état de santé ne lui permettrait pas de travailler à plein temps. Elle a produit un chargé de pièces comprenant des attestations médicales, notamment de son généraliste, le docteur C______.

b. Le 30 juin 2023, le SPC a persisté dans sa décision, en concluant au rejet du recours. L’état de santé du conjoint de l’intéressée n’avait jamais été invoqué jusqu’au recours, de sorte qu’il s’agissait d’un fait nouveau dont le SPC n’avait pas pu tenir compte. L’intéressée n’en avait pas fait état et n’avait pas indiqué que son conjoint aurait fait une demande auprès de l’assurance-invalidité. Il lui appartenait de déposer une demande de prestations d’invalidité et non au SPC de lui allouer une aide à la place d’une rente, le cas échéant. Le certificat de travail du médecin du conjoint de l’assurée ne permettait pas de retenir que ce dernier était empêché de travailler. Il semblait en outre peu vraisemblable que les atteintes à la santé dont souffrait l’intéressée, laquelle n’était pas au bénéfice d’une allocation pour impotence, nécessitaient la présence permanente de son époux à ses côtés.

c. Le 17 août 2023, l’intéressée a répliqué qu’elle avait déjà fait mention des problèmes de santé de son époux dans le cadre de son opposition et qu’il appartenait au SPC d’instruire la question de la mise en valeur de la capacité de gain sur le marché de l’emploi, une demande de prestations d’invalidité n’étant pas une condition pour retenir que des atteintes à la santé empêchent l’exercice de l’activité ou d’une autre activité.

d. Le 25 août 2023, le SPC a dupliqué. L’intéressée avait fait parvenir un seul certificat de travail établi par le médecin-traitant de son conjoint après le prononcé de la décision sur opposition. Ledit médecin n’excluait pas l’exercice d’une activité lucrative, mais mentionnait à titre de contre-indication un travail continu et prolongé. Cette pièce ne permettait pas d’exclure la capacité de travail du conjoint dans une activité adaptée et donc la prise en compte d’un gain hypothétique. Quant à l’état de santé de l’intéressée, il n’était pas établi que sans l’aide de son conjoint, l’intéressée serait placée en home. Enfin, le parcours professionnel du conjoint de l’intéressée ne constituait pas un obstacle à sa reprise d’emploi. Il était âgé de 54 ans, vivait en Suisse depuis vingt ans et exerçait l’activité de chauffeur de taxi indépendant. Rien n’indiquait qu’il ne pouvait pas réaliser un revenu dans son emploi. Il avait demandé le renouvellement de son autorisation de travailler le 1er mars 2023, de sorte qu’il devait se considérer être en mesure de poursuivre son activité. Il n’y avait pas lieu de renoncer à tenir compte d’un revenu hypothétique.

e. Le 14 septembre 2023, le conseil de la recourante a fait parvenir à la chambre de céans une nouvelle prise de position écrite et a produit une attestation du médecin de la recourante concernant les raisons psychologiques rendant nécessaires la présence du conjoint à domicile durant la journée, de sorte que le conjoint ne peut travailler que la nuit. Elle a également produit des pièces relatives au parcours du conjoint de la recourante, lequel avait dû être aidée par l’hospice général faute d’avoir retrouvé du travail après le chômage. Elle a enfin produit le compte d’exploitation 2023, lequel démontrait une amélioration de la situation financière du conjoint de la recourante.

f. Par acte du 6 octobre 2023, le SPC a rappelé avoir adressé un courrier à la recourante le 15 mars 2022 pour l’informer qu’un revenu hypothétique serait imputer à son conjoint dans un délai d’un an si ce dernier ne cherchait pas une activité salariée. La recourante n’avait pas réagi ni n’avait invoqué des problèmes de santé chez son conjoint ou chez elle-même avant son complément d’opposition du 20 mars 2023. Il était incompréhensible que le conjoint de la recourante n’ait pas déposé de demande de prestations d’invalidité. Cela contrevenait à l’obligation de diminuer le dommage valable en matière d’assurances sociales et dénotait un comportement contradictoire puisque l’assurance-invalidité (ci-après : AI) disposait de spécialistes en réadaptation qui pouvaient examiner la possibilité de mettre en place de telles mesures. L’OAI pouvait octroyer des indemnités journalières et instruisait le droit à une rente. Il n’appartenait pas au SPC d’allouer des prestations sans que l’intéressé n’ait fait valoir ses prétentions auprès de l’AI. Enfin, le SPC relevait que la recourante n’était pas au bénéfice d’une allocation pour impotent, ce qui était un indice sérieux plaidant en défaveur de la nécessité d’un accompagnement permanent.

g. Par acte du 26 octobre 2023, la recourante a soutenu, en se fondant sur un arrêt rendu précédemment par la chambre des assurances sociales (ATAS/284/2023), qu’il n’était pas nécessaire que le conjoint d’un bénéficiaire de prestations complémentaires dépose ou redépose une demande d’AI pour nier le gain hypothétique selon les spécificités du cas. Il était illusoire de parler de mesures de réadaptation, vu la modicité des revenus de son conjoint, son absence de formation et son âge. Ce dernier n’avait pas déposé de demande auprès de l’AI, car il exploitait sa capacité de travail résiduelle en l’adaptant à ses limitations et aux besoins de son épouse, depuis plusieurs années, ce qui serait impossible dans une activité salariée. Les pièces produites démontraient que son conjoint avait fait tout ce qu’il pouvait être exigé de lui pour éviter d’avoir recours à des prestations sociales. La baisse de ses revenus a découlé de la pandémie. Enfin, ses propres troubles n’avaient pas été décompensés, dans la mesure où son époux l’aidait au quotidien, raison pour laquelle ces troubles n’avaient pas été « externalisés » vis-à-vis des institutions sociales.

h. Par actes des 20 novembre et 14 décembre 2023, le SPC, puis la recourante, ont persisté dans leurs conclusions.

i. Interrogé par la chambre de céans, le médecin-traitant de l’époux de la recourante a indiqué le 21 février 2025 que son patient souffrait d’obésité sévère, de HTA et de dyslipidémie, d’affections traitées par antihypertenseurs, antilipémiant et suspicion vitaminique. Il a affirmé que ces affections n’étaient pas incapacitantes. Son patient exerçait une activité professionnelle à 100% et cela lui convenait.

j. Les parties ont été invitées à se prononcer sur ce dernier document et la recourante a fait parvenir une nouvelle brève attestation du médecin de son époux, par laquelle ce praticien a indiqué que les affections de son patient pouvaient affecter sa capacité à exercer son activité professionnelle de manière optimale, en tant que chauffeur de taxi indépendant.

k. La cause a été gardée à juger à l’issue de l’instruction écrite.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 En matière de prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF), les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de 30 jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20]) auprès du tribunal des assurances du canton de domicile de l’assuré (art. 58 al. 1 LPGA).

1.3 S’agissant des prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC), l’art. 43 LPCC ouvre les mêmes voies de droit.

1.4 Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur l'étendue du droit de la recourante à des prestations complémentaires, en particulier sur le point de savoir si un revenu hypothétique de l'époux doit, ou non, être pris en considération dans la mesure retenue par l’intimé.

3.              

3.1 Sur le plan fédéral, l’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

3.2 Les revenus déterminants comprennent en particulier les rentes, pensions et autres prestations périodiques y compris les rentes de l'AI (art. 11 al. 1 let. d LPC). Ils comprennent aussi les deux tiers des ressources en espèces ou en nature provenant de l'exercice d'une activité lucrative (aux conditions prévues à l'art. 11 al. 1 let. a LPC).

3.3 L’art. 11a LPC stipule que si une personne renonce volontairement à exercer une activité lucrative que l’on pourrait raisonnablement exiger d’elle, le revenu hypothétique correspondant est pris en compte comme revenu déterminant. La prise en compte de ce revenu est réglée par l’art. 11 al. 1 let. a LPC.

3.4 L’ATF 140 V 267 consid. 5.2.1 rappelle à cet égard l’obligation du bénéficiaire de prestations sociales de réduire le dommage et indique que l’on peut exemple raisonnablement exiger d'une personne assurée qui ne réalise aucun bénéfice (ou un bénéfice nettement inférieur au salaire net possible) dans l'activité indépendante qu'elle exerce, tant du point de vue du droit de l'assurance-invalidité (cf. à ce sujet l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 11/00 du 22 août 2001 consid. 5a/bb, in : AHI 2001 p. 277) que du point de vue des prestations complémentaires, qu'elle passe à une activité salariée (mieux rémunérée) (Ralph JÖHL, Prestations complémentaires à l’AVS/AI, dans : Sécurité sociale, SBVR vol. XIV, 2ème édition 2007, p. 1754 s. note 575).

3.5 L'obligation faite à un conjoint d'exercer une activité lucrative s'impose en particulier lorsque l’autre conjoint n'est pas en mesure de le faire en raison de son invalidité parce qu'il incombe à chacun de contribuer à l'entretien et aux charges du ménage. Dès lors que l’un y renonce, il y a lieu de prendre en compte un revenu hypothétique après une période dite d'adaptation (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 40/03 du 9 février 2005 consid. 4.2).

3.6 En matière de prestations complémentaires cantonales, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et des dispositions d’exécution, moyennant certaines adaptations (cf. art. 5 al. 1 LPCC).

3.6.1 Selon le ch. 3424.07 des directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (DPC – état au 1er janvier 2022), aucun revenu hypothétique n’est pris en compte chez le bénéficiaire de prestations complémentaires à l’une ou l’autre des conditions suivantes : (i) si, malgré tous ses efforts, sa bonne volonté et les démarches entreprises, l’intéressé ne trouve aucun emploi. Cette hypothèse peut être considérée comme réalisée lorsqu’il s’est adressé à un office régional de placement (ORP) et prouve que ses recherches d’emploi sont suffisantes qualitativement et quantitativement ; (ii) lorsqu’il touche des allocations de chômage ; (iii) s’il est établi que sans la présence continue de l’intéressé à ses côtés, l’autre conjoint devrait être placé dans un home ou un établissement hospitalier ; (iv) si l’intéressé a atteint sa 60e année.

3.6.2 Un revenu hypothétique du conjoint (non-invalide) d'un requérant de prestations complémentaires (PC) doit en principe également être pris en considération au titre de dessaisissement de revenu imputable dans le calcul des prestations complémentaires. Il faut cependant octroyer au conjoint selon la jurisprudence un délai de transition réaliste pour la prise exigible d'une activité lucrative ou l'augmentation du taux d'activité aussi bien lorsque des prestations sont en cours que dans le cadre d'une première demande de PC. Ce principe ne vaut pas lorsqu'au vu de l'obtention prévisible des PC par l'un des conjoints, en raison par exemple de l'accession à l'âge de la retraite AVS et de la cessation de l'activité lucrative, l'autre conjoint a disposé de suffisamment de temps pour une intégration professionnelle (ATF 142 V 12).

3.7 Le Tribunal fédéral s’est prononcé sur la valeur probante d’un rapport établi par le médecin traitant de l’épouse d’un bénéficiaire de prestations complémentaires et produit par celui-ci à l’appui de son opposition à une décision par laquelle des prestations avaient été calculées compte tenu d’un revenu hypothétique. Il a jugé que dans le cas particulier, ce rapport médical contenait tous les renseignements nécessaires pour se prononcer au sujet de la capacité de travail de l’intéressée. En effet, ce document indiquait les différentes affections, en particulier celles qui avaient une incidence sur la capacité de travail, et précisait la durée de travail exigible. En outre, il contenait un pronostic sur l’évolution des affections, ainsi que les facteurs personnels susceptibles d’influencer les possibilités de l’intéressée de retrouver un emploi (arrêt du Tribunal fédéral 8C 68/2007 du 14 mars 2008 consid. 5.2.4).

3.8 Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

4.              

4.1 La recourante conteste le gain hypothétique retenu pour son époux, au motif que sans la présence continue de ce dernier à ses côtés, elle devrait être placée dans un home ou un établissement hospitalier.

4.2 Il ressort du dossier qu’elle souffre sur le plan somatique d’une polyarthrite rhumatoïde, de diabète, de cholestérol et de problèmes de tension. En revanche, aucun élément médical au dossier n’atteste qu'à défaut d'accompagnement permanente de son époux, la recourante devrait être placée dans un home. Le Dr C______ a certes posé les diagnostics de phobie sociale, d’anxiété généralisée et de difficultés liées à l’environnement social et a exposé que la présence de l’époux de la recourante apportait à celle-ci un étayage psychique la protégeant de la décompensation. Ce constat n’est cependant pas suffisant pour considérer qu’est rempli le critère du besoin d’une personne en permanence pour éviter le placement en home.

L’époux de la recourante ne serait en tous les cas pas totalement empêché d’aider son épouse à se lever le matin et à l’accompagner chez le médecin, à faire le ménage et les courses s’il devait exercer une activité salariée plutôt qu’en tant qu’indépendant, moyennant une modification de l’organisation du quotidien et si nécessaire en sollicitant une aide pour le ménage ou l’accompagnement aux visites médicales.

5.              

5.1 La recourante conteste également le gain hypothétique retenu pour son époux en soutenant que ce dernier ne peut pas retrouver une activité lucrative salariée et doit se contenter de son activité de chauffeur indépendant. Ayant par le passé épuisé son droit au chômage sans retrouver d’emploi, l’époux de la recourante avait dû être soutenu par l’Hospice général, puis, était devenu chauffeur indépendant. En outre, l’époux de la recourante souffrirait de diverses pathologies qui réduiraient sa capacité de travail.

5.2 En l’occurrence, l’intimé a indiqué à la recourante que son époux disposait d’un an pour retrouver une activité salariée en lieu et place de son activité d’indépendant ne lui rapportant qu’un maigre revenu, à défaut de quoi, un gain hypothétique serait pris en compte.

Malgré cet avertissement, le conjoint de la recourante n’a pas indiqué avoir fait des recherches d’emploi durant l’année accordée par l’intimé, ni ne s’est adressé à un office régional de placement. Le fait qu’il ait par le passé connu une longue période de chômage puis qu’il ait été assisté par l’Hospice général ne saurait suffire à considérer qu’il lui était impossible de trouver un emploi de chauffeur salarié mieux rémunéré et proposant des heures souples notamment de nuit. Il a su démontrer ses capacités à travailler et à se former, en particulier en passant son examen pour devenir chauffeur indépendant.

Faute pour le conjoint de la recourante d’avoir démontré qu’il avait réellement tenté de mettre en valeur l’expérience acquise ces dernières années en tant que chauffeur et donc qu’il aurait fait les démarches que l’on pouvait attendre de lui pour changer d’emploi ou pour compléter son salaire d’indépendant, l’on ne peut pas considérer comme établi qu’il lui est impossible de retrouver un emploi salarié éventuellement de nuit.

6.              

6.1 Quant à la question de savoir si l’époux de la recourante souffre de pathologies réduisant sa capacité de travail, l’on rappellera qu’en ce qui concerne le critère ayant trait à l'état de santé d’un assuré, les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires ne disposent pas des connaissances spécialisées pour évaluer l'invalidité d'une personne. C'est notamment pour ce motif qu'ils sont liés par les évaluations de l'invalidité effectuées par les organes de l'assurance-invalidité lorsqu'ils fixent le revenu exigible des assurés partiellement invalides au sens de l'art. 14a de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (OPC-AVS/AI - RS 831.301) (ATF 117 V 202 consid. 2b). Il n'en demeure pas moins que cette jurisprudence sur la force obligatoire de l'évaluation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité ne s'applique qu'à la condition que ceux-ci aient eu à se prononcer sur le cas et que l'intéressé ait été qualifié de personne partiellement invalide par une décision entrée en force mais même dans ce cas, les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires doivent se prononcer de manière autonome sur l'état de santé de l'intéressé lorsqu'est invoquée une modification intervenue depuis l'entrée en force du prononcé de l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_68/2007 du 14 mars 2008 consid. 5.3). La jurisprudence a toutefois précisé que l'obligation de diminuer le dommage impose à un assuré de mettre en valeur sa capacité de travail résiduelle quand bien même une procédure est pendante contre le prononcé de l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 43/05 du 25 octobre 2006 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2008 du 8 juin 2009 consid. 5.4).

L'impossibilité (totale ou partielle) de mettre à profit la capacité de travail résiduelle ne peut être admise que si elle est établie avec une vraisemblance prépondérante (arrêt 9C_134/2021 du 9 juin 2021 consid. 4.1 avec renvois).

6.2 En l’occurrence, les pièces médicales au dossier n’ayant pas été jugées suffisantes pour déterminer s’il était possible au conjoint de la recourante de mettre davantage à profit sa capacité de travail, étant rappelé qu’il ne contestait pas pouvoir travailler en tant que chauffeur de taxi indépendant la nuit, la chambre de céans a interrogé le médecin traitant de l’époux de la recourante. Ce dernier a décrit les diagnostics retenus, soit obésité sévère, HTA et dyslipidémie, et a affirmé que ceux-ci n’étaient pas incapacitants. Selon ce médecin, le patient exerçait une activité professionnelle à 100% et cela lui convenait. Si ce médecin a, par la suite à la demande de la recourante, légèrement nuancé son propos en indiquant que les affections de son patient pouvaient affecter sa capacité à exercer son activité professionnelle de manière optimale en tant que chauffeur de taxi indépendant, il n’apparaît pas que le conjoint de la recourante est incapable de travailler.

Eu égard à ce qui précède et compte tenu de l’obligation pour les bénéficiaires de prestations sociales de réduire leur dommage, la décision par laquelle l’intimé a pris en compte un revenu hypothétique de salarié pour l’époux après lui avoir accordé un an pour changer de profession n’est pas critiquable.

7.             Pour ces motifs, le recours doit être rejeté.

La procédure est gratuite.


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le