Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/966/2024 du 03.12.2024 ( AI ) , ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/173/2024 ATAS/966/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 3 décembre 2024 Chambre 15 |
En la cause
A______ représentée par Me Guillaume ETIER, avocat
| recourante |
contre
OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1978, est atteinte de schizophrénie paranoïde et d’anxiété généralisée.
b. Lorsque ses parents se sont séparés, l’assurée avait 17 ans. La mère étant partie de la ferme où vivait la famille, l’assurée et son frère aîné (de 18 mois) y sont restés dans un premier temps avec leur père. Ce dernier n’ayant cependant pas supporté la séparation et ayant connu des problèmes personnels (menaces de suicide, problèmes d’alcool) et financiers (agriculteur, il vivait principalement jusqu’à ce stade grâce au revenu de son épouse, chauffeuse de taxi), il a rapidement vendu la ferme. L’assurée, âgée d’à peine 18 ans, et son frère aîné se sont alors retrouvés à vivre seuls dans un appartement loué par leur mère. Dans ce contexte familial difficile et instable, l’assurée a suivi un apprentissage de fleuriste, entre 1995 et 1998. À l’instar de sa scolarité qu’elle avait suivie avec peine, l’assurée rencontra des difficultés durant son apprentissage pour acquérir les notions théoriques. Elle a néanmoins obtenu son certificat fédéral de capacité à 19 ans (expertise de la docteure B______, psychiatre, du 20 novembre 2011).
c. L’assurée a ensuite commencé à travailler en tant que fleuriste pour un employeur ayant une boutique à la gare de Genève. L’environnement ne lui convenant pas (beaucoup de dealers, de toxicomanes et de délinquants), elle a demandé à changer de boutique, l’employeur en ayant également une au centre-ville. Le travail était cependant stressant pour l’assurée qui a donné son congé après deux ans. À la suite d’un séjour de trois mois à Berlin, l’assurée est revenue en Suisse et y a occupé plusieurs postes de fleuriste (Zermatt, Gstaad). Toujours très isolée, l’assurée a quitté son dernier emploi après quelques mois et s’est rendue en Australie pour quelques mois. À son retour, elle a travaillé à nouveau comme fleuriste, puis comme serveuse à Lausanne (parce qu’elle avait perdu son emploi et ne voulait pas être au chômage). Particulièrement stressée et toujours plus isolée, l’assurée a commencé à avoir des délires de persécution. À cette époque, l’assurée a été droguée et violée. Vivant alors dans un foyer de jeunes filles, la responsable s’était inquiétée de ne pas la voir rentrer comme à son habitude et avait appelé le frère de l’assurée. Ce dernier est alors venu chercher sa sœur et l’a emmenée à l’hôpital. L’assurée en est ressortie toujours délirante, de sorte que sa famille était très inquiète pour sa santé mentale. L’assurée a finalement été hospitalisée en milieu psychiatrique durant un mois. Le diagnostic de schizophrénie paranoïde et de dépression a pu être posé (expertise de la Dre B______ du 20 novembre 2011).
d. Après diverses hospitalisations en raison de décompensations aigües de crises de schizophrénie (en particulier en 2003, en 2005 et en 2006), l’assurée a occupé, dès 2006, un emploi de fleuriste à un taux de 80% dans une petite entreprise avec cadre structurant de type familial, son état de santé ne lui permettant pas de travailler à 100%.
e. Intéressée par le domaine social, l’assurée avait débuté en parallèle, à titre bénévole, une activité auprès d’enfants handicapés.
f. Début 2009, l’assurée a également adressé une première offre spontanée pour un stage d’assistante éducatrice, laquelle n’a pas été retenue. S’en sont suivis diverses postulations pour des stages en EMS, aux EPI, qui n’ont pas été retenues.
g. Entre le 10 février et le 5 mars 2009, l’assurée a fait une décompensation psychotique et a été hospitalisée en milieu psychiatrique.
h. En mai 2009, le docteur C______, psychiatre traitant de l’assurée, a adressé à l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) un formulaire de détection précoce concernant sa patiente. Il indiquait que le taux de travail de sa patiente n’était pas adapté à son état de santé et que cette dernière était en incapacité de travail totale dès février 2009.
i. Dans le cadre de l’examen du dossier par l’OAI, il avait été relevé que le médecin préconisait soit la réduction du temps de travail inadapté à l’état de santé de sa patiente, soit une réorientation professionnelle dans une activité avec moins de contacts avec les gens. L’assurée avait fait un stage dans le « milieu du handicap » qui l’avait beaucoup intéressée.
j. En juillet 2009, l’assurée a sollicité des mesures de l’OAI avec l’aide de son médecin en indiquant vouloir une réorientation professionnelle, son emploi de fleuriste n’étant pas adapté à sa santé. Son poste de travail avait déjà été adapté au vu de son état de santé (aménagement et adaptation des procédures et de la place de travail), mais cela ne convenait pas. Son psychiatre attestait d’une incapacité de travail toujours complète dans son poste de fleuriste en exposant que la charge de travail de sa patiente avait augmenté en 2009 en raison du développement de l’entreprise et de l’augmentation des employés (préalablement petite entreprise familiale) et que le stress professionnel était un déclencheur de ses crises psychotiques.
k. L’expertise psychiatrique ordonnée par l’OAI et réalisée par la Dre B______ a conclu que l’atteinte à la santé de l’assurée entrainait une incapacité de travail de 50%. L’experte a relevé que l’assurée présentait, depuis le début de sa pathologie, une évolution extrêmement favorable quant à l’acceptation, la compliance et la compréhension de sa pathologie. Ce qui lui permettait alors de pouvoir gérer au mieux avec l’aide de son psychiatre traitant sa maladie. Elle avait mis en place un certain nombre de conditions qui lui permettaient de stabiliser au mieux son environnement (gestion de son activité professionnelle, suivi médical très investi, adaptation rapide du traitement médicamenteux), ce qui lui permettait d’éviter de décompenser sa maladie qui était très dépendante des facteurs de stress environnementaux. En faisant cela, l’assurée mettait toutes les chances de son côté, afin de vivre au mieux avec une pathologie grave et très invalidante sur le plan professionnel et social.
l. À l’issue de l’instruction, l’assurée a été mise au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité, par décision du 11 juillet 2012. L’OAI a reconnu que la capacité de travail de l’assurée était considérablement restreinte et lui a octroyé une demi-rente, dès le 1er septembre 2011 (un an après le début de l’incapacité de travail), en se fondant sur un degré d’invalidité de 50%, sans établir de calcul du degré d’invalidité, vu que la perte de capacité de travail équivalait à la perte de salaire dans le même emploi. En revanche, l’OAI a refusé les mesures de réorientation professionnelle que l’assurée sollicitait, tout en ajoutant cependant que des mesures de réadaptation pouvaient en tout temps être mises en place si elles étaient indiquées.
m. Malgré le refus de mesures de réorientation professionnelle, l’assurée a gardé sa volonté de travailler dans le domaine social, plus adapté à son état de santé et à son choix professionnel. Dès 2012, l’assurée a ainsi travaillé à titre bénévole deux heures par mois dans le réseau « entraide entendeur de voix ».
n. L’assurée a persévéré à se réinsérer dans un travail social et a débuté une formation de paire praticienne en santé mentale à la haute école de travail social et de la santé à Lausanne, à côté de son emploi, en 2020. Elle a obtenu un premier certificat en septembre 2020, puis un supplément au certificat et son diplôme en août 2022.
o. En juin 2022, l’assurée a signé un contrat de travail de paire praticienne en santé mentale avec D______, à 50% dès le mois de septembre 2022, pour un revenu de CHF 2'931.55 brut par mois, versé 13 fois l’an, soit CHF 38'110.15 par an, et a démissionné de son emploi de fleuriste.
B. a. En 2022, l’assurée en a informé l’OAI et a transmis à cet office son contrat de travail avec D______. Elle a ajouté qu’elle souffrait des genoux et du dos en travaillant en tant que fleuriste et avait réussi à poursuivre sa formation en emploi au détriment de sa santé psychique pour pouvoir finalement exercer un emploi adapté à sa capacité de travail de 50%.
b. Le 25 janvier 2023, l’employeur de l’assurée a augmenté le salaire mensuel à CHF 3'001.90 bruts par mois, ce qui représente CHF 39'024.70 par an.
c. L’OAI a été amené à déterminer si l’état de santé de l’assurée avait connu une amélioration notable dans le cadre de la première procédure de révision initiée à la demande de l’assurée.
d. Le médecin du SMR, se fondant sur l’avis des médecins traitants de l’assurée, a conclu, par avis du 7 mars 2023, qu’il n’y avait pas d’amélioration de l’état de santé qui restait fragile. Sa capacité de travail demeurait de 50% dans l’activité de paire praticienne. Le médecin du SMR a en outre considéré que la capacité de travail dans l’activité de fleuriste était nulle à cause des ports de charges dès le 1er septembre 2022. En revanche, la nouvelle activité de l’assurée était adaptée à sa santé (Dr E______, rapport du 7 mars 2023).
e. Il ressort de son compte individuel (ci-après : CI) qu’elle a perçu les revenus bruts suivants :
2011 (12 mois) : CHF 45'276.-
2012 (12 mois) : CHF 38'312.-
2013 (10 mois) : CHF 25'468.-
2014 (12 mois) : CHF 31'100.-
2015 (12 mois) : CHF 29'296.-
2016 (12 mois) : CHF 27'600.-
2017 (12 mois) : CHF 27'600.-
2018 (12 mois) : CHF 28'800.-
2019 (12 mois) : CHF 30'000.-
2020 (12 mois) : CHF 29'395.-
2021 (12 mois) : CHF 30'260.-
2022 (4 mois à la Fondation D______) : CHF 12'703.-
f. L’OAI a déterminé le degré d’invalidité, le 17 juillet 2023, comme suit, en partant du salaire effectivement réalisé en 2010 pour un 100% (soit [CHF 3'623.- x100/80 x 13] = CHF 58'874.- /indice de l’année 2010, soit 100.00, multiplié par l’indice de l’année 2022, soit 111.5 = CHF 65'645.-) :
Comparaison des revenus effectifs sans indexation |
|
« Degré d’invalidité (sic) » | CHF 65'645.00 |
Salaire avec invalidité | CHF 38'110.00 |
Perte de gain | CHF 27'535.00 |
Degré d’invalidité | 41.95% |
g. Selon une information demandée par l’OAI à l’employeur ayant employé l’assurée entre 2013 et 2015 (F______), un fleuriste gagnait en général un salaire mensuel brut de CHF 4'500.- (100%) et ne percevait pas de 13ème salaire (CHF 54'000.-).
h. Le 13 octobre 2023, l’OAI a établi une nouvelle détermination du degré d’invalidité comme suit :
Comparaison des revenus effectifs sans indexation |
|
« Degré d’invalidité (sic) » | CHF 59'116.00 |
Salaire avec invalidité | CHF 38'110.00 |
Perte de gain | CHF 21'006.00 |
Degré d’invalidité | 35.53% |
i. Le 16 octobre 2023, l’OAI a adressé un projet de décision à l’assurée pour l’informer qu’il entendait supprimer sa demi-rente.
j. Après opposition de l’assurée, l’OAI a maintenu sa décision le 29 novembre 2023.
C. a. Par acte du 15 janvier 2024, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre des assurances sociales) d’un recours contre cette décision en concluant à son annulation et à titre préalable à la restitution de l’effet suspensif.
b. L’OAI s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif et a produit son dossier.
c. Par arrêt incident du 9 février 2024 (ATAS/85/2024), la chambre de céans a partiellement restitué l’effet suspensif.
d. Sur le fond, l’OAI a conclu au rejet du recours.
e. Des pièces ont été produites à la demande de la chambre de céans.
f. À l’issue de l’instruction, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
2. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de révision du 29 novembre 2023, par laquelle l’intimé a supprimé la demi-rente de l’assurée dès le 1er janvier 2023, singulièrement sur le salaire à prendre en considération pour évaluer l’invalidité.
Il est incontesté en revanche que l’état de santé de la recourante n’a pas connu d’amélioration depuis la décision d’octroi d’une demi-rente.
3.
3.1 La recourante fait tout d’abord grief à l’intimé d’avoir appliqué les dispositions finales de la modification du 18 mars 2011 qui ne seraient pas applicables à son cas.
Il sera relevé que l’intimé, dans sa réponse, s’est également référé à l’art. 17 LPGA pour justifier la révision opérée au vu du changement de profession de la recourante.
3.2 Les dispositions finales de la modification du 18 mars 2011 (6e révision de l’AI, premier volet) RO 2011 5659 ; FF 2010 1647 concernent le réexamen des rentes octroyées en raison d’un syndrome sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique.
Elles ne s’appliquent donc pas aux pathologies pour lesquelles un diagnostic peut être posé clairement à l’aide d’examens cliniques et psychiatriques, comme les dépressions, la schizophrénie, les troubles compulsifs, les troubles du comportement alimentaire, les troubles anxieux et les troubles de la personnalité, qui ne font pas partie des syndromes sans pathogenèse ni étiologie claires. Les rentes octroyées à ce titre ne doivent donc pas être réexaminées en vertu des dispositions finales (ATF 139 V 547 consid. 7.1.4), selon la Circulaire sur les dispositions finales de la modification de la LAI du 18 mars 2011 (CDF).
Si les dispositions finales ne s’appliquent pas, l’art. 17 LPGA règle les cas de révision de la rente d’invalidité et d’autres prestations durables et prévoit que la rente d’invalidité est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée, lorsque le taux d’invalidité de l’assuré :
a. subit une modification d’au moins 5 points de pourcentage, ou
b. atteint 100%.
De même, toute prestation durable accordée en vertu d’une décision entrée en force est, d’office ou sur demande, augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée si les circonstances dont dépendait son octroi changent notablement.
3.3 Eu égard à ce qui précède, les dispositions finales de la modification du 18 mars 2011 ne sont pas applicables au cas d’espèce au vu de la schizophrénie diagnostiquée.
Il reste cependant à vérifier si les conditions d’une révision sont remplies et pour cela déterminer si le taux d’invalidité doit être considéré comme réduit du fait du nouvel emploi et du nouveau salaire de la recourante.
4. La recourante conteste la prise en compte de son ancien salaire de fleuriste à titre de salaire sans invalidité.
4.1 Le Tribunal fédéral a rappelé dans son arrêt 9C_271/2022 du 28 novembre 2022 qu'en ce qui concerne le revenu sans invalidité, est déterminant le salaire qu'aurait effectivement réalisé l'assuré sans atteinte à la santé, selon le degré de la vraisemblance prépondérante. En règle générale, on se fonde sur le dernier salaire réalisé avant l'atteinte à la santé, compte tenu de l'évolution des circonstances à l'époque où est né le droit à la rente. Au regard des capacités professionnelles de l'assuré et des circonstances personnelles le concernant, on prend en considération ses chances réelles d'avancement compromises par le handicap, en posant la présomption qu'il aurait continué d'exercer son activité sans la survenance de son invalidité. Des exceptions ne sauraient être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2; arrêt 9C_708/2017 cité consid. 8.1).
Le revenu que pourrait réaliser l'assuré sans invalidité est en principe établi sans prendre en considération les possibilités théoriques de développement professionnel (lié en particulier à un complément de formation) ou d'avancement, à moins que des indices concrets rendent très vraisemblable qu'elles se seraient réalisées. Cela pourra être le cas lorsque l'employeur a laissé entrevoir une telle perspective d'avancement ou a donné des assurances en ce sens. En revanche, de simples déclarations d'intention de l'assuré ne suffisent pas ; l'intention de progresser sur le plan professionnel doit s'être manifestée par des étapes concrètes, telles que la fréquentation d'un cours, le début d'études ou la passation d'examens (arrêt 8C_45/2022 du 3 août 2022 consid. 3.2 et les références).
Dans la procédure de révision, à la différence de la procédure initiale à l'issue de laquelle le droit à la rente est déterminé pour la première fois, le parcours professionnel effectivement suivi entre-temps par la personne assurée est connu. Celui-ci permet éventuellement - à la différence toujours de l'octroi initial de la rente - de faire des déductions (supplémentaires) quant à l'évolution professionnelle et salariale hypothétique sans atteinte à la santé. Pour examiner alors ce que la personne assurée aurait atteint sur le plan professionnel et salarial sans atteinte à la santé ou de quelle manière son salaire se serait développé, il faut tenir compte de l'ensemble des circonstances survenues jusqu'au moment de la révision (arrêt 9C_708/2017 cité consid. 8.2 et les références).
4.2 Le point de savoir quelle activité professionnelle la personne assurée exercerait sans atteinte à la santé, qui repose sur l'examen du déroulement hypothétique des événements, est une question de fait, même si des conséquences tirées de l'expérience générale de la vie sont également prises en considération (arrêt 9C_615/2010 du 30 septembre 2010 consid. 1.2 et les références ; cf. aussi ATF 133 V 477 consid. 6.1 p. 485).
4.3 Le point de savoir si le salaire réel aurait augmenté grâce à un développement des capacités professionnelles individuelles, notamment un changement de profession, doit être établi au degré de la vraisemblance prépondérante (arrêts 8C_380/2012 du 2 mai 2013 consid. 2 ; U 87/05 du 13 septembre 2005 consid. 2, in : RAMA 2006 n° U 568 p. 67).
4.4 En l’espèce, les pièces au dossier montrent que la recourante s’est intéressée au domaine du social et de la santé très tôt et a cherché à travailler dans ce domaine dès 2009, soit avant l’octroi de sa demi-rente. Elle a poursuivi ses efforts après l’octroi de sa demi-rente pour pouvoir changer de profession (cf. notamment la lettre de candidature du 9 octobre 2015 pour un poste d’assistante socio-éducative en EMS et la réponse du 5 octobre 2015 à une autre candidature à un poste au sein d’un EMS). Elle a, dans cet objectif, suivi une formation de deux ans en tant que paire praticienne qu’elle a achevée avec succès en 2022.
Les recherches datant d’avant même le droit à la rente et la formation de paire praticienne suivie et achevée par la suite rendent particulièrement vraisemblable le fait que sans son atteinte à la santé, la recourante aurait cherché un emploi dans le domaine social et de la santé. Lors de sa demande de prestation initiale, la recourante avait certes 31 ans, une formation professionnelle et un emploi de fleuriste, mais il ressort de l’anamnèse faite par l’experte de l’OAI (lors de la demande de prestations) que la recourante a fait un apprentissage de fleuriste dans un contexte personnel et familial difficile. La recourante s’est en effet retrouvée à vivre seule avec son frère, sans sa mère ni son père, alors qu’elle n’avait que 18 ans. Elle a eu un début de vie d’adulte difficile et a en outre eu ses premières hallucinations auditives et visuelles en 2003, alors qu’elle n’avait que 24 ans, ce qui l’a conduite à être hospitalisée à réitérées reprises alors qu’elle était jeune et aurait pu, sans sa maladie, choisir une profession de son choix comme d’autres jeunes de son âge. Le diagnostic de schizophrénie paranoïde et de dépressions post-schizophréniques a pu être posé en 2003. La recourante a, à nouveau, été hospitalisée pour des décompensations en 2006 et en 2009. Comme elle le soutient, il est établi au degré de la vraisemblable prépondérante que le choix d’une formation de fleuriste et d’un emploi dans ce domaine ont pu être dictés par les circonstances de l’époque et en particulier par les limitations dues à l’atteinte à la santé, même avant que le diagnostic n’ait été définitivement posé. Le caractère inadapté de l’emploi de fleuriste, en particulier le stress lié au contact avec les clients, a été invoqué par la recourante qui sollicitait initialement des mesures de réorientation professionnelle de l’OAI et non une rente et par son médecin qui évoquait comme piste tant la réduction de l’horaire de travail qu’une réadaptation dans un autre domaine. Dans le cadre de l’instruction de la demande de mesure de réadaptation, la recourante avait d’ailleurs déjà mentionné son souhait et ses recherches de stages dans le domaine social, et à terme un emploi dans ce domaine plus adapté à son état de santé que l’emploi de fleuriste. Après le diagnostic invalidant posé, il a fallu à la recourante plusieurs années pour parvenir à accepter sa maladie et le traitement y relatif. L’on constate que malgré cela, la recourante a manifesté sa volonté et sa détermination à s’orienter vers un travail social, y compris après le prononcé de la décision de l’intimée lui octroyant une rente sans mesure de réadaptation, poursuivant seule malgré sa maladie et ses traitements un stage et une formation de paire praticienne qu’elle a terminée en 2022.
Dans ces circonstances particulières, il apparaît au degré de la vraisemblance prépondérante que si elle n’avait pas souffert de schizophrénie, la recourante se serait orientée vers une formation initiale et un emploi dans le domaine social et de la santé comme elle le soutient et l’a réalisé.
Il faut ajouter que le médecin du SMR a affirmé que la recourante ne disposait plus de la moindre capacité de travail en tant que fleuriste. Ainsi, si la recourante n’avait pas d’elle-même suivi une formation très spécifique de paire praticienne en santé mentale et trouvé un emploi de 20 heures par semaine grâce à son diplôme, formation et emploi que seule une personne ayant souffert de trouble mental peut faire, elle aurait été potentiellement légitimée à revendiquer une rente d’invalidité entière.
Il convient donc d’admettre que le salaire sans invalidité à prendre en considération dans le cadre de la procédure de révision aurait dû être celui de paire praticienne à plein temps et non pas celui de fleuriste.
Dans la mesure où la capacité de travail de la recourante dans ce domaine est de 50%, son taux d’invalidité demeure de 50%.
5. Pour ces motifs, le recours est admis et la décision attaquée annulée.
Au vu du sort du litige, la recourante a droit à une indemnité de procédure qui sera fixée à CHF 2'500.- à charge de l’intimé, lequel sera également condamné au frais de la procédure.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet.
3. Annule la décision du 29 novembre 2023.
4. Alloue à la recourante une indemnité de procédure à la charge de l’intimé de CHF 2'500.-.
5. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Marine WYSSENBACH |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le