Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/865/2024 du 07.11.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/2173/2023 ATAS/865/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 7 novembre 2024 Chambre 5 |
En la cause
A______ représenté par Monsieur François CARNAT, curateur
| recourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en ______ 1966, a déposé une demande de prestations invalidité qui a été reçue par l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI) en date du 30 octobre 2020.
b. Il a exposé souffrir de troubles psychiques et somatiques, depuis le 2 juillet 2011, et être en incapacité de travail, à 100%, pour une durée indéterminée, depuis le 24 mars 2020. L’assuré percevait des prestations de l’Hospice général et était suivi par la docteure A______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.
c. La Dre A______ a complété un rapport médical pour l’OAI en date du 29 décembre 2020, indiquant que l’assuré souffrait d’un trouble dépressif chronique (F33), ainsi que d’une dépendance à l’alcool (F10). Sur le plan purement psychiatrique, elle mentionnait une consommation d’alcool journalière, des troubles de concentration, de la fatigue, des insomnies ainsi que de l’anhédonie. Elle mentionnait encore un trouble de la personnalité passive dépendante. Selon le médecin traitant, la capacité de travail était de 0% et ses limitations fonctionnelles étaient : la dépression, une poursuite pénale et des difficultés pour se réinsérer dans le monde du travail.
d. Dans un rapport médical postérieur, daté du 7 décembre 2021, la Dre A______ a mentionné que, dans l’état actuel, son patient ne pouvait toujours pas travailler, malgré sa motivation, et venait de subir une condamnation pénale ; les diagnostics étaient inchangés. Une réadaptation professionnelle pouvait être possible, selon évaluation.
e. Par avis médical du 5 janvier 2023, le service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI a recommandé qu’une expertise psychiatrique soit effectuée.
f. L’OAI a mandaté le docteur C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, qui a rendu son rapport d’expertise en date du 23 mars 2023. En substance, l’expert a considéré qu’il n’y avait pas de diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail, si ce n’était des troubles dépressifs légers. Il a toutefois mentionné qu’un sevrage n’avait pas pu être obtenu pour l’alcool, ce qui impliquait que ce trouble était incapacitant pour tout emploi nécessitant une conduite professionnelle, mais il n’était pas incapacitant dans une activité adaptée. En dehors de ce point, il n’y avait pas de limitations fonctionnelles. L’assuré était considéré comme authentique, n’exagérant pas ses plaintes physiques, ni sa journée-type ; la seule incohérence concernait la demande de rente invalidité, pour des raisons psychiatriques, alors que l’expert ne notait pas de limitations fonctionnelles significatives, d’un point de vue psychiatrique. L’absence d’un traitement antidépresseur ou d’hospitalisation psychiatrique et le rythme d’un suivi psychiatrique mensuel et pas hebdomadaire plaidaient également, indirectement, contre un trouble incapacitant et contre une décompensation du trouble de la personnalité, ainsi que contre des limitations fonctionnelles significatives. Le psychiatre notait, toutefois, une discordance entre une capacité de travail nulle dans tout emploi, selon la psychiatre traitante, et la journée-type décrite par un assuré, qui gérait sans difficulté son quotidien, en dehors de l’administratif complexe, s’occupait de son ménage, des courses, de l’administratif léger, passait de bons moments avec des amis et quelques connaissances, sans isolement social, conduisait même sa voiture, malgré les abus éthyliques, avec des activités plaisantes et variées dans le quotidien. Au final, l’expert considérait que la capacité de travail dans une activité adaptée était de 100%, étant précisé qu’elle était de 0%, depuis mars 2020, pour la conduite professionnelle et dans la restauration, au vu de la dépendance éthylique.
g. Le SMR a commenté les conclusions de l’expertise, dans son rapport médical du 3 avril 2023, estimant que le rapport d’expertise était convaincant et qu’il n’y avait aucune raison de s’en écarter. La capacité de travail de l’assuré était pleine dans une activité adaptée, depuis mars 2020, et nulle dans l’activité habituelle de conduite professionnelle, en lien avec une situation non stabilisée sur le plan de la dépendance éthylique.
h. Suite à une comparaison des revenus, le degré d’invalidité a été estimé, selon note du 12 avril 2023, à 0% dès lors qu’il n’y avait pas de perte de gain.
B. a. Par projet de décision du 25 avril 2023, l’OAI a refusé toute prestation invalidité à l’assuré, en se fondant sur un degré d’invalidité de 0%, dès lors qu’il n’y avait aucune perte de revenu.
b. Par courrier du 25 avril 2023, l’assuré a contesté le projet de décision, mentionnant notamment qu’il était déconcentré lorsqu’il se présentait à des entretiens d’embauche, qu’il avait du mal à faire face à ses obligations financières et administratives, ainsi qu’à ses paiements, envisageant une mise sous curatelle et demandant s’il pouvait communiquer d’autres pièces avant qu’une décision définitive ne soit prise. Il demandait qu’un délai au 6 juin 2023 lui soit accordé, de manière qu’il puisse se faire accompagner par son médecin traitant, la Dre A______.
c. Par courrier du 25 mai 2023, l’OAI a informé l’assuré que le délai de 30 jours qui lui était accordé pour faire part de ses observations ne pouvait pas être prolongé et l’a informé de sa possibilité de faire recours contre la décision finale.
d. Par décision du 30 mai 2023, l’OAI a confirmé la teneur du projet du 25 avril 2023, soit le refus de toute prestation invalidité.
C. a. Par acte posté en date du 29 juin 2023, l’assuré a recouru contre la décision du 30 mai 2023 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Se fondant sur le rapport d’expertise, le recourant a rappelé que ce dernier mentionnait la présence de plusieurs troubles affectant son comportement et sa vie sociale et professionnelle, dans la durée. Il ajoutait qu’il n’était pas capable de faire face seul à des aspects élémentaires de sa vie, notamment sur les plans administratif et financier et qu’il avait besoin de l’aide de son frère. Afin de formaliser cet aspect, il envisageait de demander d’être placé sous sa curatelle. Il se considérait dans un état psychologique et mental diminué, en raison de l’aide administrative dont il avait besoin, du fait qu’il devait souvent noter les marches à suivre, sinon il ne s’en souvenait pas bien, qu’il était sujet à des crises de panique depuis son incarcération en 2018 et 2019, qu’il n’était pas parvenu à terminer les tests qu’il avait dû passer dans le cadre de l’expertise et enfin, qu’il n’arrivait pas à faire face à un entretien d’embauche car il perdait ses moyens, était déconcentré et l’entretien se passait mal. Selon son frère, qui le connaissait bien et qui n’était pas médecin, il était sujet à des troubles avérés du comportement qui l’empêchaient de mener une vie normale sur les plans personnel et professionnel. Enfin, il ne prétendait pas à la reconnaissance d’une invalidité à 100%, mais au moins partiellement, à 20% ou 40%, le tout assorti d’une aide à la reconversion et au reclassement professionnel. Était joint à son recours un courrier daté du 28 juin 2023, rédigé par son médecin traitant, le docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, qui mentionnait avoir repris, depuis peu, le suivi psychiatrique du recourant et avoir pris connaissance de l’expertise du Dr C______. Selon le médecin traitant, le recourant souffrait d’un trouble de la personnalité émotionnellement labile, type borderline, anxieuse et dépendante, présent depuis son enfance, qui expliquait le parcours professionnel et personnel chaotique. Les multiples emplois, à l’exception d’une longue période, d’un peu moins de dix ans, en qualité de régulateur dans les ambulances, montraient qu’il souffrait d’une hyper-sensibilité interpersonnelle qui était caractéristique du trouble limite et qui, dans 80% des cas, aboutissait à des addictions. Le Dr D______ avait observé que son patient était toujours abstinent à la cocaïne et qu’il ne consommait pratiquement plus d’alcool ; de plus, sa thymie s’était bien améliorée. En revanche, il restait un fond anxieux qui nécessitait la mise en route d’une mesure de protection pour la gestion de ses affaires. Le médecin traitant ne partageait pas le point de vue de l’expert C______ et considérait que la multiplicité des troubles de la personnalité et de leurs impacts avérés sur le parcours professionnel et personnel entraînait une incapacité de travail significative et que le choix d’une profession future en serait aussi impacté. Il mentionnait, enfin, que le recourant souhaitait retrouver un emploi et travailler à 100% dans le marché primaire, ce que le médecin jugeait peu réaliste en tenant compte de son handicap actuel ; en revanche, une capacité de travail diminuée, mais non nulle, devait pouvoir être obtenue, au vu de l’engagement et de la volonté de son patient de se rétablir.
b. L’OAI a répondu en date du 19 juillet 2023, considérant que l’expertise réalisée par le Dr C______ remplissait toutes les conditions pour se voir reconnaître une pleine valeur probante. L’examen des indicateurs, à l’aune de la nouvelle jurisprudence, permettait de confirmer l’absence de comorbidité psychiatrique ayant une influence sur la capacité de travail, telle que retenue par l’expert, qui n’objectivait aucune atteinte psychiatrique invalidante. L’analyse de la vie quotidienne montrait que le recourant disposait de ressources personnelles préservées, qu’il voyait des amis quasi tous les jours, lisait des articles, écoutait de la musique, regardait des vidéos et des reportages, se promenait souvent dans la nature, faisait parfois du vélo, utilisait les transports publics, faisait des voyages, s’occupait de son ménage, de ses courses etc. ce qui permettait d’aboutir à la conclusion qu’il gérait son quotidien sans limitation, en dehors de l’administratif complexe. S’y ajoutait l’absence d’un traitement antidépresseur, sans hospitalisation psychiatrique, avec un suivi psychiatrique mensuel qui plaidait également contre un trouble incapacitant. Le rapport médical du Dr D______ avait été soumis au SMR qui, dans un rapport daté du 11 juillet 2023, considérait que ledit rapport n’apportait aucun élément médical objectif nouveau. Le SMR mentionnait, notamment, la présence d’avantages secondaires pour le recourant, tel que cela ressortait de l’expertise ; l’assuré avait été considéré comme authentique par l’expert, notamment en raison de la reconnaissance de ces avantages, par rapport aux difficultés à retrouver un emploi dans un contexte juridique particulièrement difficile et un risque de retour en prison imminent. De plus, il existait une démotivation après une longue pause professionnelle, dans un contexte de déconditionnement, de dettes qu’il ne pourrait pas rembourser, et de besoin de temps pour récupérer après les abus éthyliques. En se fondant sur le rapport d’expertise et sur l’analyse de son SMR, l’OAI persistait dans sa décision et concluait au rejet du recours.
c. Par réplique du 19 août 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions et informé la chambre de céans qu’une procédure avait été ouverte auprès du tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE) en vue de la mise en place d’une curatelle. Il joignait un nouveau rapport médical du Dr D______, daté du 4 août 2023. Le médecin mentionnait qu’après avoir repris le suivi du recourant, ce dernier avait consommé de l’alcool à quelques reprises ; il avait pu observer des changements au niveau de la thymie et de ses relations interpersonnelles avec des proches. Il estimait que le recourant souffrait de troubles de la personnalité et d’addictions et que lors de son passage en prison, il avait été, à une reprise, dans un état de dissociation, avec passage à l’acte sur un codétenu, ce qui confirmait ses difficultés à faire face à un trop-plein d’émotions, comme cela était bien décrit dans la littérature sur les troubles de la personnalité émotionnellement labile, type borderline. Compte tenu de ces éléments, le médecin traitant estimait que le recourant ne disposait pas d’une capacité résiduelle de travail de plus de 50%.
d. Par courrier du 7 novembre 2023, le recourant a fait parvenir à la chambre de céans une ordonnance rendue par le TPAE, en date du 13 octobre 2023, instituant une curatelle de représentation et de gestion du recourant avec désignation de son frère dans la fonction de curateur. Ce dernier, signataire du courrier, considérait que la mise sous curatelle du recourant renforçait, de manière patente, la véracité des carences dont il souffrait et qui justifiaient l’octroi de prestations invalidité.
e. Par courrier du 27 mars 2024, la chambre de céans a informé les parties qu’elle avait l’intention de confier une mission d’expertise au docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, en joignant au courrier le projet de mission d’expertise.
f. Par courrier du 18 avril 2024, les parties ont indiqué qu’elles n’avaient pas de motifs de récusation à faire valoir. L’OAI a demandé un ajout au projet de mission d’expertise et le recourant a récapitulé son parcours de vie dans son courrier.
g. Par ordonnance du 3 mai 2024, la chambre de céans a mandaté le Dr E______ pour effectuer une expertise psychiatrique du recourant.
h. L’expert psychiatre a rendu son rapport d’expertise daté du 21 août 2024. Il a retenu les diagnostics de : troubles mixtes de la personnalité (F60.30), avec traits impulsifs, dépendants et probablement dyssociaux, de gravité clinique moyenne à sévère, présents au plus tard depuis le début de l’âge adulte ; de trouble anxieux et dépressif mixte (F41.2), de gravité clinique légère, présent selon l’anamnèse depuis 2019, et d’utilisation de substances nocives pour la santé (alcool, cocaïne) (F19.1), actuellement en rémission au moins partielle, présente depuis le début de l’âge adulte, avec la possibilité qu’à certains moments, l’abus de substances ait atteint le stade de la dépendance.
Les limitations fonctionnelles étaient largement décrites, à savoir de l’impulsivité, de l’immaturité affective et de la difficulté à gérer les émotions et les conflits, ce qui compliquait singulièrement les relations interpersonnelles de l’expertisé, sur le plan personnel aussi bien que professionnel. Ces limitations étaient aggravées par la présence de traits dépendants et dyssociaux, l’expertisé ne supportant généralement pas sa dépendance et sur-réagissant contre toute forme d’autorité, ce que montrait le parcours professionnel de l’assuré, fait de nombreux emplois se concluant par une rupture sur conflit, suivis d’autant de nouveaux départs dans une autre direction. Ce schéma de contexte nouveau/conflit/rupture se remettait en place à chaque fois. Le trouble de la personnalité n’empêchait pas l’expertisé de travailler, mais il constituait un obstacle majeur à sa stabilité professionnelle. L’expert considérait que, si la consommation de toxiques restait modérée, une activité professionnelle partielle était envisageable à un taux estimé à 50%. En revanche, en cas de travail à plein temps, on pouvait prévoir une augmentation du stress émotionnel/relationnel et un risque de dérapage de la consommation de substances, avec des répercussions délétères sur la capacité de travail.
En résumé, l’expert psychiatre estimait que le cumul d’un trouble de la personnalité relativement sévère, avec la reprise prévisible d’une certaine consommation d’alcool et/ou de cocaïne, justifiait une incapacité de travail de 50% car les atteinte sous-jacentes étaient durables et l’incapacité de travail l’était aussi, probablement depuis décembre 2020, date du premier rapport médical de la Dre A______.
i. Par courrier du 10 octobre 2024, l’OAI, se fondant sur l’avis médical de son SMR du 8 octobre 2024, a considéré que l’expertise ne pouvait se voir reconnaître une pleine valeur probante et devait être écartée car on ne voyait pas pour quels motifs le recourant ne pouvait pas assumer une activité professionnelle, alors qu’il n’existait pas de limitation uniforme dans les actes de sa vie quotidienne, qui montrait que l’assuré disposait de ressources personnelles préservées. Partant, l’OAI persistait dans ses conclusions.
j. Par courrier du 21 octobre 2024, le recourant a considéré que l’expertise avait été bien conduite et que les conclusions lui semblaient adéquates avec la recommandation d’un taux d’activité oscillant entre 40% et 60%, dans un contexte adéquat et avec un bon accompagnement.
k. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
l. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de refus de prestations invalidité de l’OAI du 30 mai 2023.
3. À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.
3.1 Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).
En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).
En l’occurrence, la décision querellée se fonde sur un complexe de fait antérieur au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.
Étant précisé que si un droit à la rente a pris naissance jusqu’au 31 décembre 2021, un éventuel passage au nouveau système de rentes linéaires s'effectue, selon l'âge du bénéficiaire de rente, conformément aux let. b et c des dispositions transitoires de la LAI relatives à la modification du 19 juin 2020, mais que selon la let. c, pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente a pris naissance avant l'entrée en vigueur de cette modification et qui, à l'entrée en vigueur de la modification, avaient au moins 55 ans, l’ancien droit reste applicable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_561/2022 du 4 août 2023 consid. 3.1 et la référence), ce qui est le cas du recourant qui a atteint l’âge de 55 ans en avril 2021, soit avant le 1er janvier 2022.
3.2 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).
En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.
Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).
3.3 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).
La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).
Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).
Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).
4. Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).
Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).
Ces indicateurs sont classés comme suit :
I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »
Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).
A. Axe « atteinte à la santé »
1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic
Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).
L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).
2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers
Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. À l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).
3. Comorbidités
La présence de comorbidités ou troubles concomitants est un indicateur à prendre en considération en relation avec le degré de gravité fonctionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3 et la référence). On ne saurait toutefois inférer la réalisation concrète de l'indicateur « comorbidité » et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et la référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).
Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).
B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)
Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation ; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Étant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).
Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).
C. Axe « contexte social »
Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).
Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches […]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).
II. Catégorie « cohérence »
Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4). À ce titre, il convient notamment d’examiner si les limitations fonctionnelles se manifestent de la même manière dans la vie professionnelle et dans la vie privée, de comparer les niveaux d’activité sociale avant et après l’atteinte à la santé ou d’analyser la mesure dans laquelle les traitements et les mesures de réadaptation sont mis à profit ou négligés. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3).
A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie
Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).
B. Poids de la souffrance, révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation
L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).
La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).
5.
5.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).
5.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.
5.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).
5.4 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).
5.5 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201] ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
5.6 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
6.
6.1 Dans un arrêt de principe du 2 décembre 2019 (ATF 145 V 361), le Tribunal fédéral, à la lumière de l'ATF 141 V 281, a notamment posé une délimitation, entre l'examen (libre), par les autorités chargées de l'application du droit, de l'admission d'une incapacité de travail par l'expert psychiatre, d'une part, et une appréciation juridique parallèle inadmissible, d'autre part.
Selon le Tribunal fédéral, dans tous les cas, l’administration et, en cas de recours, le juge, doivent examiner si et dans quelle mesure les experts ont suffisamment et de manière compréhensible étayé leur évaluation de l'incapacité de travail, en tenant compte des indicateurs pertinents (questions de preuve). À cette fin, les experts doivent établir un lien avec la partie précédente de l'expertise médico-psychiatrique (avec extraits du dossier, anamnèse, constatations, diagnostics, etc.), c'est-à-dire qu'ils doivent se référer en détails aux résultats médico-psychiatriques des examens et explorations cliniques menés dans les règles de l’art qui relèvent de leur compétence. Le médecin doit donc exposer de manière détaillée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les éléments constatés sont susceptibles de restreindre la capacité fonctionnelle et les ressources psychiques en termes qualitatifs, quantitatifs et temporels (ATF 143 V 418 consid. 6). À titre d’exemple, dans le cadre de troubles dépressifs récurrents de degrés légers à modérés qui sont souvent au premier plan dans l’examen de l’invalidité au sens de l’AI, cela signifie qu’il ne suffit pas que l'expert psychiatre déduise directement de l'épisode dépressif diagnostiqué une incapacité de travail, quel qu'en soit le degré ; il doit bien plutôt démontrer si et dans quelle mesure les constatations qu'il a faites (tristesse, désespoir, manque de dynamisme, fatigue, troubles de la concentration et de l'attention, diminution de la capacité d'adaptation, etc.), limitent la capacité de travail, en tenant compte - à des fins de comparaison, de contrôle et de plausibilité - des autres activités personnelles, familiales et sociales de la personne requérant une rente. Si les experts s'acquittent de cette tâche de manière convaincante, en tenant compte des éléments de preuve établis par l'ATF 141 V 281, l'évaluation des répercussions de l’atteinte psychique sera également valable du point de vue des organes chargés de l’application du droit, que ce soit l’administration ou le juge. À défaut, il se justifie, juridiquement, de s'en écarter (ATF 145 V 361 consid. 4.3 et la référence).
6.2 En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références). Du point de vue juridique, il est même nécessaire de s’écarter de l’appréciation médicale de la capacité de travail si l’évaluation n’est pas suffisamment motivée et compréhensible au vu des indicateurs pertinents, ou n’est pas convaincante du point de vue des éléments de preuve instaurés par l’ATF 141 V 281. S’écarter de l’évaluation médicale est alors admissible, du point de vue juridique, sans que d’autres investigations médicales ne soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2). Toutefois, lorsque l’administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise évalue la capacité de travail en fonction des critères de médecine des assurances établis dans l'ATF 141 V 281 et qu’il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1), il a force probante et ses conclusions sur la capacité de travail doivent être suivies par les organes d'application de la loi. Une appréciation juridique parallèle libre en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (cf. ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_213/2020 du 19 mai 2020 consid. 4.3 et les références).
En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l’état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d’un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l’existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).
7.
7.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).
7.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
8. En l’espèce, le recourant soutient qu’en raison de ses troubles psychiques, il ne dispose que d’une capacité de travail de 40% à 60% dans une activité adaptée et se fonde sur les conclusions de l’expertise judiciaire.
L’intimé, en revanche, estime que le recourant dispose d’une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée et rejette les conclusions de l’expertise judiciaire.
8.1 Il sied de rappeler que la chambre de céans a décidé de mandater un expert psychiatre car les appréciations de l’expert C______, mandaté par l’intimé, selon lesquelles l'addiction du recourant à l’alcool ne limitait que les activités dans la restauration et la conduite d’un véhicule dans le cadre professionnel, paraissaient incomplètes, dès lors qu’on imaginait mal que les effets d’une telle addiction n’impactent pas son employabilité dans d’autres activités professionnelles. Partant, les conclusions du Dr C______, selon lesquelles la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée était évaluée à 100%, ne pouvaient pas être suivies.
S’agissant de la valeur probante du rapport d’expertise du Dr E______, il correspond en tous points aux exigences en la matière. Il a été établi en parfaite connaissance du dossier médical, dont la lecture a été complétée par un entretien téléphonique avec le Dr D______, psychiatre traitant de l’expertisé, ainsi qu’avec son frère, qui est également son curateur.
Il contient, en outre, une anamnèse personnelle, familiale et professionnelle détaillée et l’expert a rapporté ses observations cliniques de manière précise, à la suite de deux entretiens approfondis avec l’expertisé, d’une durée totale de 2h40.
Les plaintes de l’expertisé sont décrites, en rapport avec les fonctions cognitives, l’humeur, l’anxiété et la dissociation, les fonctions végétatives et autres symptômes d’allure somatoforme ainsi que la consommation de substances (alcool et cocaïne).
Les diagnostics psychiatriques sont soigneusement décrits, de même que les répercussions fonctionnelles au regard de chacun des diagnostics.
Le Dr E______ a également exposé les raisons pour lesquelles il se distance de l’appréciation de la capacité de travail retenue par le Dr C______, tout en soulignant que les deux médecins sont parvenus à des conclusions identiques sur le plan diagnostic.
À cet égard, l’expert E______ procède à une estimation de la capacité de travail, en intégrant le fait qu’une activité professionnelle à plein temps sera probablement accompagnée d’une consommation de substances, qui impactera le trouble de la personnalité et la capacité de travail dans toute activité.
L’expert C______, quant à lui, considère que les limitations fonctionnelles liées à la prise de toxiques ne concernent que certaines activités professionnelles, notamment la conduite professionnelle et la restauration, mais n’ont pas d’incidence sur d’autres activités.
Comme cela a été rappelé supra, le raisonnement du Dr C______ avait déjà été mis en doute par la chambre de céans, ce qui l’avait conduite à mandater le Dr E______.
Ce dernier explique, sous chiffre 10.1 de l’expertise, qu’il considère probable la reprise de la consommation de substances toxiques en cas de reprise d’activité professionnelle, ce qui aura pour effet d’éroder les performances professionnelles par ses effets négatifs sur les fonctions cognitives (mémoire et concentration), sur l’endurance et sur la motivation au travail. Le Dr E______ confirme les doutes de la chambre de céans, en considérant que la prise de substances toxiques n’interfère pas seulement avec la conduite professionnelle de véhicules, mais impacte toutes les activités professionnelles, comme cela s’est vu dans le passé, en se traduisant, à plusieurs reprises, par un absentéisme au travail menant à un conflit avec l’employeur et à la fin de l’emploi (expertise, p. 12). Plus précisément, il estime que le cumul d’un trouble de la personnalité relativement sévère avec la reprise prévisible d’une certaine consommation d’alcool et/ou de cocaïne justifie une incapacité de travail de 50%. En effet, en cas de travail à plein temps, l’expert estime que l’on peut prévoir une augmentation du stress émotionnel/relationnel de l’assuré et un risque de dérapage de la consommation de substances, avec des répercussions délétères sur la capacité de travail.
Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans se rallie aux conclusions de l’expert E______.
8.2 Les griefs de l’OAI, qui reprend l’avis médical de son SMR, se fondent principalement sur le fait que le trouble de la personnalité est actuellement stabilisé, de même que l’assuré, qui a été capable de « rebondir » après son incarcération, est indépendant dans le cadre de sa vie quotidienne et n’est pas isolé socialement.
Les reproches du SMR à l’encontre du rapport d’expertise judiciaire tombent à faux, car ils n’intègrent pas les observations du Dr E______ selon lesquelles l’immaturité affective et les difficultés de l’assuré à gérer les émotions et les conflits, compliquent singulièrement les relations interpersonnelles de ce dernier, sur le plan personnel aussi bien que professionnel. Ledit trouble est aggravé par la présence des traits dépendant et dyssociaux qui le poussent à s’affranchir des règles sociales, ce qui attise les conflits (expertise, p. 12).
Or, le parcours professionnel de l’assuré démontre objectivement les difficultés susmentionnées, qui se traduisent par un absentéisme au travail, menant à un conflit avec l’employeur et à la fin de l’emploi.
L’anamnèse professionnelle figurant dans le rapport du Dr E______, dont la réalité n’est pas contestée par l’intimé, montre le parcours chaotique de l’assuré qui a été surveillant de sécurité pendant 2-3 ans, puis employé postal, puis téléphoniste pour une entreprise d’ambulance pendant 3-4 ans, puis chauffeur privé, puis agent d’assurances pendant 5 ans, puis contrôleur au CFF pendant 18 mois puis chauffeur spécialisé pendant 5-6 ans et enfin chauffeur de taxi indépendant jusqu’en 2018, lorsqu’il a été arrêté pour trafic de drogue.
Sur le plan personnel, il sied de rappeler que l’assuré a eu deux enfants d’un premier mariage qui s’est terminé par un divorce, après une dizaine d’années, puis a épousé, en 2010, une femme plus jeune que lui, qui s’est suicidée en 2011 alors qu’elle était enceinte de sept mois. À ce drame, s’est ajouté le fait que c’est l’assuré qui a retrouvé son épouse, pendue à son domicile.
Condamné à une peine privative de liberté de plus de cinq ans, l’assuré a dû changer à deux reprises d’établissement pénitentiaire, suite à des bagarres avec des co-détenus, ce qui confirme l’absence de respect des règles sociales suite à des passages à l’acte agressif en cas de contrariété ainsi qu’à des traits impulsifs et dépendants (expertise, p. 11). L’expert souligne le caractère immature du comportement social de l’expertisé, malgré un degré d’intelligence vif, ledit comportement étant en partie lié aux troubles de la personnalité (expertise, p. 17, ch. 10.5).
Le pronostic posé par l’expert (expertise p. 12 et 13) est relativement sombre, ce dernier estimant que, sur le plan médical, le trouble de la personnalité connu pour être bien ancré est difficilement accessible au traitement. Par ailleurs, il juge que le risque de rechute de la consommation de substances est élevé, raison pour laquelle il estime qu’un taux d’activité réduit peut limiter le risque de rechute grave. Il ajoute s’attendre à ce que l’expertisé s’appuie sur ses propres ressources et l’apport de la psychothérapie et qu’il agisse de son mieux pour limiter les débordements émotionnels susceptibles de conduire à des conflits et des ruptures.
En conclusion, la chambre de céans ne voit pas d’élément objectivement vérifiable, de nature clinique ou diagnostique, qui aurait été ignoré dans le cadre de l’expertise et qui serait suffisamment pertinent pour remettre en cause le bien-fondé des conclusions de l’expert E______.
En dépit des appréciations divergentes du SMR de l’intimé, il n’existe pas de motif impératif pouvant justifier de s’écarter des conclusions de l’expertise médicale judiciaire.
Partant, la chambre de céans considère que le rapport d’expertise doit se voir reconnaître une pleine valeur probante et fait siennes les conclusions de l’expert selon lesquelles le recourant dispose d’une capacité de travail dans une activité adaptée de 50%, depuis le mois de décembre 2020.
Cette date correspond au rapport médical de la Dre A______ du 29 décembre 2020 évoquant l’existence d’un trouble dépressif chronique et d’une dépendance à l’alcool ; il faut préciser que, selon l’expert, la nature du traitement pratiqué par la Dre A______ fait penser que les troubles n’atteignaient pas un degré de sévérité justifiant une incapacité de travail totale et durable, ce qui est confirmé par le rapport médical postérieur du 20 mai 2021, dans lequel la Dre A______ a considéré que l’assuré était capable d’exercer, à temps partiel, une activité professionnelle adaptée à son état de santé.
Étant précisé que pour fixer la date de début du droit à la rente, il faut déterminer à quelle date s’est achevée la période de carence d’une année prévu à l’art. 28 al.1 let. b LAI, soit la date à laquelle le recourant a présenté une incapacité de travail moyenne de 40% pendant une année. Dans le cas d’espèce, cette période commence à courir dès le mois de décembre 2020.
8.3 En ce qui concerne la détermination du revenu avec et sans invalidité, il y a lieu de se fonder sur le tableau de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci‑après : ESS) TA1_tirage_skill_level, pour un homme, dès lors que, selon l’extrait du compte individuel de la caisse AVS, la dernière mention d’un salaire date de l’année 2019, par CHF 30'183.-. Attendu que le salaire avant et après invalidité est fondé sur le même tableau ESS, le taux d’invalidité se confond avec la capacité de travail de 50%, ouvrant le droit à une demi-rente dès l’échéance du délai d’attente d’un an de l’art. 28 al.1 let. b LAI.
À partir du 1er janvier 2022, suite à la modification de l’art. 26bis al. 3 RAI (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023), si, du fait de l’invalidité, les capacités fonctionnelles de l’assuré au sens de l’art. 49 al. 1bis RAI, ne lui permettent de travailler qu’à un taux d’occupation de 50% ou moins, une déduction de 10% pour le travail à temps partiel est automatiquement opérée sur la valeur statistique, ce qui correspond, dès le 1er janvier 2022, à un taux d’invalidité de 55%, maintenant le droit à une demi-rente.
Le 1er janvier 2024, la modification de l’art. 26bis al. 3 RAI du 18 octobre 2023 (RO 2023 635) est entrée en vigueur.
Selon sa nouvelle teneur, l’art. 26bis al. 3 RAI prévoit désormais qu’une déduction de 10% est opérée sur la valeur statistique visée à l’al. 2. Si, du fait de l’invalidité, l’assuré ne peut travailler qu’avec une capacité fonctionnelle au sens de l’art. 49, al. 1bis, de 50% ou moins, une déduction de 20% est opérée. Aucune déduction supplémentaire n’est possible.
Ainsi, dès le 1er janvier 2024, le taux d’abattement de 10% doit être porté à 20%, ce qui aboutit à un taux d’invalidité de 60%, ouvrant le droit à un trois quarts de rente.
Étant précisé que la jurisprudence résultant de l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_823/2023 du 8 juillet 2024 - selon laquelle les taux d’abattement automatiques de 10% puis de 20% n’empêchent pas de retenir un taux d’abattement supérieur - ne trouve pas application dans le cas d’espèce dès lors qu’aucun critère ne justifiait d’appliquer un abattement, avant l’entrée en vigueur, respectivement le 1er janvier 2022, puis le 1er janvier 2024, des modifications de l’art. 26bis al. 3 RAI.
9.
9.1 Compte tenu de ces éléments, la décision sera annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.
9.2 S’agissant des frais d’expertise, pour mettre les frais à sa charge, il faut que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_580/2019 du 6 avril 2020 consid. 5.1).
En l’occurrence, l’intimé a diligenté une expertise dont les appréciations divergent de celles de l’expert judiciaire désigné par la chambre de céans ; néanmoins, cela ne justifie pas de mettre les frais d’expertise à sa charge, dès lors que l’intimé a respecté le principe inquisitoire dans le cadre de son instruction.
9.3 Le recourant qui obtient gain de cause est représenté par son frère, qui est son curateur mais qui n'est pas un mandataire professionnellement qualifié. Il n'a pas allégué ou démontré avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires et n'a pas droit à des dépens.
9.4 Étant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet.
3. Annule la décision du 30 mai 2023 et renvoie la cause à l’intimé, pour nouvelle décision au sens des considérants.
4. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
5. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Véronique SERAIN |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le