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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3875/2023

ATAS/616/2024 du 08.08.2024 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3875/2023 ATAS/616/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 août 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

recourant

contre

SWICA ASSURANCES SA

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1969, travaille à son compte, en tant que physiothérapeute.

b. À ce titre, il est assuré contre les accidents – professionnels ou non – auprès de SWICA ASSURANCES SA (ci-après : SWICA).

B. a. Le 31 août 2021, alors qu’il était chez lui, l’assuré a chuté d’une échelle, d’une hauteur de quatre mètres environ, sur le dos. Dans sa chute, sa cheville gauche a heurté une palissade en bois. Après le choc, l’assuré a eu deux à trois secondes d’absence.

b. Selon la déclaration d’accident-bagatelle du 29 septembre 2021, l’assuré a souffert de contusions à la colonne lombaire et au dos, ainsi que d’une fracture à la cheville gauche.

c. Les 8 et 9 mai 2023, il a été demandé à SWICA de prendre en charge une cure de hernie de la ligne blanche (i.e. épigastrique) sus-ombilicale avec pose de filet rétropéritonéal, prévue le 9 mai 2023.

d. L’assurance-accidents a recueilli divers documents, dont il ressort ce qui suit :

-          En raison de douleurs postérieures en regard de D9 durant trois mois, avec perte d’appétit sans altération franche de l’état général, un scanner thoraco-abdomino-pelvien a été effectué le 18 mars 2022.

En première lecture des images, le radiologue n’a pas étudié le plan pariétal abdominal.

En revanche, lors d’une nouvelle interprétation des images du scanner, le radiologue a identifié une discrète discontinuité du plan fibreux de la ligne blanche, immédiatement à droite de la ligne médiane, 5 mm au-dessus de l’ombilic. Le hiatus était mesuré à 6 mm. Une extrusion d’une petite herniation de graisse épiploïque, de 25 mm (dans les trois axes) a été constatée. Les conclusions prises suite à cette nouvelle interprétation étaient les suivantes : status thoraco-abdomino-pelvien calme, sans évidence de pathologie évolutive en rapport avec la perte d’appétit mentionnée, absence de lésion significative identifiée en rapport avec les douleurs mentionnées et hernie graisseuse de la ligne blanche, par un hiatus de 6 mm (cf. comptes rendus du scanner du 18 mars 2022 établis les 9 et 12 mai 2022).

-          Une échographie de la paroi abdominale réalisée le 18 avril 2023 a notamment montré, à hauteur de l’ombilic, un défect pariétal, avec un collet herniaire de 10 mm, livrant passage à un sac herniaire à contenu graisseux, sans élément digestif inclus. Au sein de ce sac herniaire, une image en grelot, évoquant une invagination graisseuse, était observée.

-          Le 9 mai 2023, la docteure B______, spécialiste FMH en chirurgie, en particulier en chirurgie générale et digestive, a procédé à une cure de hernie de la ligne blanche paramédiane sus-ombilicale, laparotomie avec mise en place d’un filet propéritonéal.

-          Par courriels du 11 mai 2023, SWICA a refusé la prise en charge de la cure de hernie précitée.

-          Par courriel du 15 mai 2023, le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie et médecin-conseil de SWICA, a émis l’avis qu’une chute sur le dos du haut d’une échelle n’était pas susceptible d’avoir provoqué la hernie de la ligne blanche découverte sept mois plus tard.

-          Dans un rapport du 6 juin 2023, le docteur D______, médecin généraliste à E______ (France), médecin traitant de l’assuré, a expliqué le déroulement des faits : l’assuré l’avait consulté une première fois le 13 septembre 2021, suite à sa chute ; en raison de la persistance de douleurs avec irradiation sur la paroi abdominale antérieure, il l’avait à nouveau consulté le 16 mars 2022 et un scanner thoraco-abdomino-pelvien avait été réalisé le 18 mars 2022, sans montrer de lésion abdominale ; l’assuré l’avait à nouveau consulté le 13 avril 2023 pour une hernie de la ligne blanche, confirmée par une échographie réalisée le 18 avril 2023 ; après avis spécialisé chirurgical, la hernie avait finalement été retrouvée sur les images du scanner du 18 mars 2022 déjà ; le radiologue avait alors modifié son compte-rendu le 9 mai 2023 pour y mentionner la hernie graisseuse déjà existante le 18 mars 2022.

-          Le Dr C______, après avoir examiné ces documents, a maintenu que la hernie de la paroi abdominale n’avait aucun lien de causalité avec l’événement du 31 août 2021.

e. Par décision du 20 juillet 2023, SWICA a refusé de prendre en charge le traitement de la hernie de la paroi abdominale, estimant que cela incombait à l’assureur-maladie de l’assuré, auquel une copie de la décision était adressée.

f. Le 8 septembre 2023, l’assuré s’est opposé à cette décision en critiquant la position du Dr C______.

g. Le 13 septembre 2023, l’assuré a complété son opposition en expliquant que pour la Dre B______, la déchirure des abdominaux et la hernie étaient bien consécutives à son accident.

À l’appui de sa position, il produisait, notamment :

-          le compte-rendu d’une radiographie effectuée le 17 septembre 2021, dont la partie lisible mentionne « un ossicule en regard de la pointe de la malléole latérale [illisible] séquelle de fracture-arrachement » ;

-          le compte-rendu du 18 mars 2022 d’un scanner thoraco-abdomino-pelvien réalisé le même jour, dans lequel la hernie n’est pas évoquée ;

-          un certificat du Dr D______ du 31 juillet 2023, dont il ressort que l’assuré a souffert de douleurs thoraciques moyennes et périombilicales concomitantes identiques aux douleurs retrouvées suite à la chute constatée en consultation le 13 septembre 2021 ;

-          un courrier de la Dre B______ du 11 septembre 2023, rappelant le déroulement des faits et demandant à l’assurance-accidents de bien vouloir reconsidérer sa position, « dans ce contexte particulier de retard de diagnostic dû à l’absence d’étude du plan pariétal et mention de la hernie de la ligne blanche existante dès 2022, associées à des douleurs pariétales sus-ombilicales irradiantes objectivée[s] et décrites par son médecin traitant dès le 13.9.2021 ».

h. SWICA a soumis les nouvelles pièces à son médecin-conseil, lequel a persisté dans ses conclusions.

i. Par décision du 24 octobre 2023, SWICA a confirmé son refus de prendre en charge la cure de hernie, en relevant notamment que le scanner thoraco-abdomino-pelvien avait été effectué sept mois après l’accident et l’échographie de la paroi abdominale vingt mois après l’accident, que ni la Dre B______, ni le Dr D______ n’affirmaient que la hernie graisseuse était en relation de causalité avec l’accident du 31 août 2021 et que l’assureur-maladie ne s’était pas opposé à sa décision.

C. a. Le 22 novembre 2023, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans.

b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 19 décembre 2023, a conclu au rejet du recours. Elle considère que la preuve que le traitement de la hernie de la paroi abdominale est en relation de causalité naturelle avec l’accident du 31 août 2021 n’a pas été apportée.

c. Dans sa réplique du 24 janvier 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il relève que le médecin-conseil de l’intimée s’est basé sur le premier compte-rendu du scanner et non sur le second, qui l’a remplacé.

Il argue que certaines études scientifiques ont établi l’existence d’un lien de causalité entre une chute et une lésion abdominale. Il fait remarquer qu’une hernie de la paroi abdominale est souvent asymptomatique et que le scanner est le seul moyen de poser un diagnostic.

Il ajoute qu’il n’a jamais été soigné auparavant pour une telle pathologie qui, de manière spontanée, apparaît chez les enfants, les femmes enceintes et les personnes en surpoids, ce qui n’est pas son cas.

À l’appui de sa position, le recourant produit notamment plusieurs articles scientifiques sur les hernies traumatiques de la paroi abdominale, ainsi qu’un certificat du Dr D______ du 21 novembre 2023, dans lequel ce médecin retrace le déroulement des faits et les différentes investigations effectuées.

d. Le 6 février 2024, l’intimée a persisté dans ses conclusions.

Elle soutient que son médecin-conseil a pris connaissance de toutes les pièces, y compris le second compte-rendu relatif au scanner.

Elle note que, selon les études scientifiques produites par le recourant, les hernies traumatiques de la paroi abdominale sont relativement rares.

Elle fait remarquer que l’argument selon lequel l’assuré n’a jamais été soigné pour une hernie de la paroi abdominale auparavant relève d’un raisonnement « post hoc propter hoc » qui ne suffit pas à établir un lien de causalité.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 A teneur de l’art. 58 al. 2 loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), si l’assuré ou une autre partie sont domiciliés à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse ; si aucun de ces domiciles ne peut être déterminé, le tribunal des assurances compétent est celui du canton où l’organe d’exécution a son siège.

Par ailleurs, conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 LPGA relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

1.2 En l’espèce, selon le registre de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l’OCPM), le recourant est domicilié à Cruseilles, en Haute-Savoie, avec une adresse professionnelle à Genève.

La Cour de céans est donc compétente ratione loci et materiae.

2.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’assurance intimée de prendre en charge l’intervention chirurgicale du 9 mai 2023, singulièrement sur l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’accident du 31 août 2021 et la hernie de la paroi abdominale.

4.             Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ; ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 ; 129 V 402 consid. 2.1).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 148 V 138 consid. 5.1.1). Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 et 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

5.              

5.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

5.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

5.2.1 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Etant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références; ATF 142 V 58 consid. 5.1 et les références; ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

5.2.2 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012
consid. 4.1 et les références).

5.2.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6.              

6.1 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales (art. 43 LPGA), l'administration est tenue de prendre d'office les mesures d'instruction nécessaires et de recueillir les renseignements dont elle a besoin. En particulier, elle doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a).

6.2 Dans la procédure en matière d'assurance sociale, régie par le principe inquisitoire, les parties ne supportent pas le fardeau de la preuve au sens de l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). L'obligation des parties d'apporter la preuve des faits qu'elles allèguent signifie seulement qu'à défaut, elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuve. Cette règle de preuve ne s'applique toutefois que lorsqu'il est impossible, en se fondant sur l'appréciation des preuves conformément au principe inquisitoire, d'établir un état de fait qui apparaisse au moins vraisemblablement correspondre à la réalité (ATF 117 V 264 consid. 3b et la référence; arrêts du Tribunal fédéral des assurances U 379/2006 du 19 octobre 2006, consid. 2 et U 328/02 du 9 décembre 2003 consid. 3.1).

Alors qu'il appartient à l’assuré de prouver l’existence ab initio d’un lien de causalité, c'est à l'assurance-accidents qu'incombe le fardeau de la preuve d'une prétendue disparition de la causalité en raison de l'atteinte du statu quo sine vel ante (RAMA 1994 n° U 206 p. 326, cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 8C_101/2008 du 6 août 2008 consid. 2.2).

7.              

7.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

7.2 Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

8.              

8.1 En l’espèce, le recourant a fait une chute le 30 août 2021.

Dès le 18 mars 2022, une hernie graisseuse est constatée sur l’imagerie pratiquée. Cette hernie nécessitera, le 9 mai 2023, une intervention chirurgicale, que l’assurance intimée a refusé de prendre en charge, au vu, selon elle, de l’absence de lien de causalité naturelle entre l’accident et la hernie.

De son côté, le recourant considère, en se référant notamment à l’appréciation de son chirurgien et à des études scientifiques, que la hernie de la paroi abdominale est consécutive à sa chute du 30 août 2021.

8.2 En premier lieu, force est de constater qu’aucune des pièces du dossier ne comporte une anamnèse détaillée. En effet, aucune pièce n’évoque les circonstances exactes de l’accident, le mécanisme lésionnel ou encore les atteintes causées par la chute litigieuse.

Ensuite, s’agissant des pièces médicales produites, on peut douter que le Dr D______ et le Dr C______ disposent de la bonne spécialité pour se prononcer sur l’existence d’un lien de causalité naturelle entre une chute de quatre mètres et une hernie de la paroi abdominale comme celle dont a souffert le recourant. En effet, le premier est généraliste, le second spécialisé en chirurgie orthopédique et traumatologie. Or, la qualification du médecin joue un rôle déterminant dans l'appréciation de documents médicaux. L'administration et le juge appelés à se déterminer en matière d'assurances sociales doivent pouvoir se fonder sur les connaissances spéciales de l'auteur d'un certificat médical servant de base à leurs réflexions (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_826/2009 du 20 juillet 2010 consid. 4.2 portant sur les rapports des services médicaux régionaux au sens de l'art. 49 al. 2 RAI). Compte tenu de la nature de l’atteinte et des études produites par le recourant, la Cour de céans est d’avis qu’un spécialiste en chirurgie viscérale serait plus à même de se prononcer sur la question du lien de causalité naturelle.

En troisième lieu, ni le médecin-conseil de l’intimée, ni les médecins consultés par le recourant n’ont motivé leur position quant à l’absence – respectivement l’existence – d’un lien de causalité naturelle entre la chute et la hernie. En effet, le Dr C______ s’est contenté d’affirmer péremptoirement que « cette chute n’est pas susceptible d’avoir provoqué une hernie de la paroi abdominale », sans motiver aucunement sa position. Or, des explications circonstanciées seraient d’autant plus nécessaires que le recourant a produit plusieurs études dont il ressort que les chutes de hauteur font partie des mécanismes les plus courants conduisant à une hernie de la paroi abdominale, d’une part, et que, selon la jurisprudence, les chutes d'une hauteur comprise entre deux et environ quatre mètres font partie des accidents de gravité moyenne stricto sensu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_496/2014 du 21 novembre 2014 consid. 4.2.3), d’autre part. Il ne s’agissait donc pas d’une chute banale ou insignifiante. Quant aux médecins traitants, ils ont appréhendé la question du lien de causalité entre l’accident du 30 août 2021 et la hernie de la paroi abdominale, selon le raisonnement « post hoc, ergo propter hoc », non pertinent en matière d’assurance-accidents.

8.3 En réalité, comme cela ressort de ce qui précède, l’intimée a pris sa décision sur la base d’un dossier insuffisamment instruit et il n’est en l’état pas possible pour la Cour de céans de se faire une idée du déroulement exact de la chute et de ses suites et, partant, de se forger une opinion sur les conclusions des différents médecins. En particulier, il n’est pas possible de se prononcer sur le bien-fondé de la décision sur opposition querellée en se fiant aux rapports médicaux figurant au dossier.

Dans la mesure où seul le médecin-conseil de l’intimée s’est prononcé, un renvoi pour instruction complémentaire s’impose afin de respecter le principe du double degré de juridiction. Au cours de cette instruction, il appartiendra à SWICA de procéder à une anamnèse en bonne et due forme avant de solliciter l’avis d’un expert en chirurgie viscérale.

9.             Le recours est donc partiellement admis et la décision sur opposition du 24 octobre 2023 annulée. La cause est renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

Quand bien même le recourant obtient partiellement gain de cause, il n'est pas représenté, de sorte qu'aucune indemnité ne lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement et annule la décision sur opposition du 24 octobre 2023.

3.        Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le