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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/989/2024

ATAS/600/2024 du 05.08.2024 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/989/2024 ATAS/600/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 5 août 2024

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

 

recourant

contre

 

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré) a débuté une mission comme manœuvre le 31 mai 2023, prévue jusqu’au 31 août 2023 pour B______ (ci-après : l’employeur), sur un chantier situé à la rue C______ à Genève (mission auprès de D______) et il était assuré, à ce titre, contre les accidents auprès de la SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci-après : SUVA).

b. Le 10 juillet 2023, l’employeur a déclaré à la SUVA un accident survenu le 5 juin 2023, en ces termes : « il réceptionnait au palan pour ranger sur palette des blocs béton pleins depuis un patellage bois d’un niveau supérieur (environ 30 cm de hauteur par rapport à la dalle). Lors d’1 manipulation, il a loupé la marche et il a chuté tête en avant avec le bloc dans ses bras ; il est tombé sur les côtes. L’angle du bloc l’a tapé au niveau du cœur. Le choc l’a empêché de respirer et de parler. Il est parti dans le vestiaire car il n’y avait personne autour de lui. Là il s’est écroulé au sol entouré de personnes et il a perdu connaissance et il a fini à l’hôpital ».

c. Le GROUPE MUTUEL, assureur maladie perte de gain, a pris en charge le cas, l’assuré présentant un arrêt de travail total depuis le 5 juin 2023.

d. L’assuré a été licencié pour le 15 juillet 2023.

B. a. L’assuré a été hospitalisé au service des urgences, puis aux soins intensifs et au service de cardiologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) entre le 5 juin et le 13 juin 2023, puis transféré au centre hospitalier Annecy‑Genevois (site de Saint-Julien-en-Genevois).

Les HUG ont pratiqué plusieurs électroencéphalographies et le 5 juin 2023 un scanner cérébral, du massif facial et de la colonne cervicale, une sonographie du cœur, une coronoscopie et angioplastie, deux radiographies du thorax, puis le 7 juin 2023 une sonographie du cœur et le 8 juin 2023 une échocardiographie transthoracique.

b. Le 8 juin 2023, les HUG ont rendu un rapport, selon lequel il s’agissait d’un ouvrier sur un chantier, qui se plaint de douleurs thoraciques à ses collègues, qui s’écroule 30 secondes après, avec chute de sa hauteur et présente un arrêt cardiaque respiratoire (ci-après : ACR). La coronarographie montre une maladie monotronculaire avec occlusion IVA ostiale traitée par stent.

c. Le 12 juin 2023, les HUG ont rédigé une lettre de sortie des soins intensifs, en mentionnant un diagnostic principal d’arrêt cardio-respiratoire sur STEMI (infarctus avec sus décalage du segment ST).

d. Le 13 juin 2023, une lettre de transfert des soins aigus des HUG mentionne un diagnostic principal d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection diminuée (HFrEF) sur maladie coronarienne monotronculaire.

e. Le 19 juin 2023, la docteure E______, du site de Saint‑Julien‑en‑Genevois, a attesté d’un CRC sur rythme choquable sur infarctus antérieur.

f. Le 2 juillet 2023, le site de Saint-Julien-en-Genevois a attesté d’un séjour de l’assuré du 13 au 23 juin 2023. Celui-ci avait subi un effondrement et un arrêt cardiaque. Il avait été pris en charge par coronographie avec une thrombose de l’IVA proximale qui avait été dilatée avec implantation d’un stent. On constatait les séquelles d’un infarctus antérieur avec une fraction d’éjection autour de 45 à 50 %.

g. L’assuré a rempli un « questionnaire pour la déclaration SUVA », en décrivant l’accident comme suit : « je réceptionnais au palan pour ranger sur palette des blocs béton plein depuis un patellage bois d’un niveau supérieur ≈ 30 cm de hauteur par rapport à la dalle. Lors d’une manipulation, j’ai loupé la marche et j’ai chuté tête en avant avec le bloc dans mes bras, je suis tombé sur les côtes. L’angle du bloc m’a tapé au niveau du cœur. Le choc m’empêchait de respirer et de parler donc je suis parti au vestiaire car il n’y avait personne autour de moi. Là, je me suis écroulé au sol, entouré de personnes pour perdre connaissance et finir à l’hôpital ».

h. Le 12 juillet 2023, une lettre d’entrée du pôle cardiovasculaire du site de Saint‑Julien‑en‑Genevois mentionne que le 5 juin sur son lieu de travail, l’assuré présente une douleur thoracique puis un effondrement en AC avec massage cardiaque immédiat. Étaient constatées les séquelles d’un infarctus antérieur.

i. Le 20 juillet 2023, l’assuré a signalé à la SUVA des problèmes respiratoires (emphysème) et demandé si ceux-ci seraient admis comme maladie professionnelle.

j. Le 21 juillet 2023, la docteure F______, cardiologue à Annemasse, France, a mentionné un primo infarctus du myocarde sur occlusion IVA proximale le 5 juin 2023, avec ACR inaugural ainsi que la découverte d’un emphysème pulmonaire. En somme, il s’agissait d’une cardiopathie ischémique avec récupération d’une fonction systolique à 50 %, absence de valvulopathie, facteurs de risque CV maîtrisés actuellement.

k. Le 31 juillet 2023, le site de Saint-Julien-en-Genevois a établi un compte rendu de consultation externe, proposant une rééducation orthophonique suite à une paralysie de la corde vocale gauche (intubation du 5 juin 2023).

l. Le 3 août 2023, le médecin conseil du GROUPE MUTUEL a attesté de symptômes de fatigue.

m. Le 22 septembre 2023, l’assuré s’est présenté à la SUVA et a fait valoir que son incapacité de travail était due à un accident, au cours duquel son cœur avait été lésé et de multiples côtes blessées (note de la SUVA du 23 septembre 2023).

n. Le 18 octobre 2023, le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin-conseil de la SUVA, a estimé que les troubles consécutifs à l’accident ne donnaient pas droit à une incapacité de travail car il s’agissait d’un ACR sur un infarctus du myocarde. Il n’y avait aucune lésion externe objectivée malgré un massage cardiaque. Les troubles de santé respiratoire et l’infarctus du myocarde étaient dans un rapport de causalité possible, sans plus, avec l’accident.

o. Par décision du 25 octobre 2023, la SUVA s’est ralliée à l’appréciation du Dr G______ et a refusé le versement à l’assuré de prestations, au motif qu’il n’y avait aucun lien de causalité vraisemblable entre l’accident du 5 juin 2023 et les troubles respiratoires, l’ACR, l’infarctus du myocarde et l’incapacité de travail dès le 5 juin 2023.

p. Le 8 novembre 2023, l’assuré a fait opposition à la décision précitée, en faisant valoir qu’il avait « loupé » une marche et subi un traumatisme thoracique suite à sa chute à plat ventre, avec un impact sévère au thorax côté cœur. Il s’agissait d’un arrêt cardiorespiratoire traumatique. Avant sa chute, il avait seulement souffert d’un coup de chaleur et d’un essoufflement dû à la manipulation de charges lourdes.

Il a communiqué :

-     Une attestation de son épouse du 29 novembre 2023, selon laquelle il était évident que l’arrêt cardiaque de son mari, qui n’avait aucun antécédent de maladie du cœur, était lié à son travail.

-     Un certificat du pôle cardiovasculaire du site d’Annecy du 30 octobre 2023 (docteur H______), selon lequel on pouvait raisonnablement penser qu’il puisse y avoir une relation de cause à effet entre le traumatisme thoracique et l’infarctus, même si cette situation était rare et difficile à affirmer ou infirmer. Il ne présentait pas de lésions pariétales objectives spécifiques à cette chute. L’absence de lésion coronaire athéromateuse pouvait plaider dans ce sens.

-     Une attestation du 22 novembre 2023 de participation de l’assuré à des ateliers de gestion du stress dans le cadre des actions de prévention pour les maladies cardiovasculaires du Centre hospitalier Annecy-Genevois.

-     Une attestation du même jour d’une prise en charge psychologique de l’unité post-urgences psychiatriques du Centre hospitalier Annecy-Genevois.

q. Par décision du 15 février 2024, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré, en relevant qu’aucune lésion corporelle n’avait été objectivée au niveau de la face et des côtes de l’assuré. Les troubles d’ordre psychique invoqués par l’assuré n’étaient pas dans un rapport de causalité adéquate avec la chute.

C. a. Le 21 mars 2024, l’assuré a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales) à l’encontre de la décision précitée, en concluant à ce qu’un accident de travail soit reconnu. Il ne s’était rappelé le déroulement de l’accident qu’un mois après celui‑ci. Même si la lésion cardiaque suite à un accident était rare, elle était attestée en médecine. Il a communiqué une attestation du 4 décembre 2023 de son médecin traitant en France, le docteur I______, indiquant que celui-ci lui avait dit avoir chuté sur le côté gauche du thorax avant l’infarctus du myocarde et que le lien de causalité, bien que rare, pouvait être envisageable.

b. Le 27 mars 2024, la SUVA a conclu au rejet du recours.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti.

d. À la demande de la chambre de céans, le service de cardiologie des HUG (Professeur J______, responsable de service) a indiqué que l’infarctus du myocarde et l’arrêt cardiorespiratoire du recourant n’étaient pas de façon probable la conséquence de la chute de ce dernier. Il n’y avait pas d’argument en faveur d’un traumatisme accidentel. Les éléments au dossier parlaient en faveur d’une maladie. Il s’agissait très probablement d’un infarctus du myocarde sur occlusion de l’artère coronarienne principale.

e. Le 2 juillet 2024, l’intimée a maintenu ses conclusions.

f. Le 13 juillet 2024, le recourant a contesté le rapport du Prof. J______ et maintenu qu’il avait été victime d’un accident ayant entraîné un infarctus.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             Le litige porte sur la question de savoir si l’infarctus du myocarde dont a été victime le recourant est une conséquence d’un accident.

3.              

3.1 Aux termes de l'art. 6 LAA, l'assureur-accidents verse des prestations à l'assuré en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable; le caractère soudain de l'atteinte; le caractère involontaire de l'atteinte ; le facteur extérieur de l'atteinte ; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 142 V 219 consid. 4.31 ; 129 V 402 consid. 2.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.1).

3.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

4.              

4.1 En l’occurrence le recourant a été victime le 5 juin 2023 d’un arrêt cardio‑respiratoire sur infarctus du myocarde.

L’intimée s’est ralliée à l’avis de son médecin-conseil, le Dr G______ pour exclure tout lien de causalité entre les troubles cardiaques du recourant et un accident. Quant au recourant il estime que l’infarctus du myocarde est survenu à la suite d’une chute ayant entraîné un traumatisme thoracique.

Les explications du recourant ne sont toutefois étayées par aucun avis médical. En particulier, aucun traumatisme thoracique n’a été constaté lors de la prise en charge du recourant aux HUG puis par le site de Saint-Julien-en-Genevois. Au contraire, questionnés par la chambre de céans, les HUG ont exclu, au degré de la vraisemblance prépondérante, une cause accidentelle aux troubles cardiaques du recourant (rapport médical du Prof. J______ du 25 juin 2024). Enfin, l’attestation du 30 octobre 2023 du Dr H______ et celle du 4 décembre 2023 du Dr I______ émettent une simple hypothèse entre un traumatisme thoracique et un infarctus, sans expliquer de quelle manière cette hypothèse serait, en l’espèce, réalisée, en particulier en l’absence de tout traumatisme thoracique dont a été victime le recourant.

4.2 Au demeurant, l’existence d’un lien de causalité entre la chute alléguée du recourant le 5 juin 2023 et la symptomatologie cardiaque qui s’en est suivie, n’est pas prouvée au degré de la vraisemblance prépondérante, exigée en assurances sociales.

5.             Partant le recours ne peut qu’être rejeté.

Pour le surplus la procédure est gratuite


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le