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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1811/2023

ATAS/801/2023 du 20.10.2023 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1811/2023 ATAS/801/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 octobre 2023

Chambre 9

 

En la cause

A______
représenté par DEXTRA PROTECTION JURIDIQUE SA

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré) exerçait l’activité de conseiller scientifique à 50% pour la Cour des comptes depuis le 1er février 2022.

b. Le 2 novembre 2022, son employeur a résilié son contrat de travail pour le 31 janvier 2023, précisant qu’il était libéré de son obligation de travailler à compter du 1er janvier 2023.

B. a. L’assuré s’est inscrit à l’office régional de placement (ci-après : l’ORP), le 2 janvier 2023 pour un placement dès le 1er février 2023.

b. Par décision du 17 mars 2023, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) a prononcé une suspension du droit à l’indemnité de chômage de l’assuré d’une durée de neuf jours, au motif que durant la période ayant précédé son inscription, l’assuré n’avait effectué que neuf recherches d’emploi en janvier 2023. Aucune recherche n’avait été effectuée en novembre et en décembre 2022.

c. L’assuré s’est opposé à cette décision le 21 mars 2023, en alléguant que les chiffres étaient erronés puisqu’il avait fait six recherches en novembre et huit en décembre. Ces recherches avaient été effectuées et consignées dans job-room.ch et sa conseillère en placement avait confirmé les avoir reçues.

d. Par décision sur opposition du 5 mai 2023, l’OCE a maintenu la sanction. S’il était établi que l’assuré avait effectué six recherches en novembre 2022, huit en décembre 2022 et neuf en janvier 2023, celles-ci demeuraient insuffisantes.

C. a. L’assuré a recouru contre cette décision à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice par acte du 26 mai 2023, concluant à son annulation et à ce qu’il soit constaté qu’il a effectué le nombre de postulations qu’on pouvait raisonnablement exiger de lui en novembre et décembre 2022 et en janvier 2023.

Il ne manquait qu’une postulation pour atteindre le nombre requis de vingt-quatre. Durant le mois de novembre 2022, où il n’avait effectué que six recherches, il avait perdu son père. Il avait effectué des recherches d’emploi lors de discussions informelles, qui n’avaient pas été mentionnées sur le formulaire. En ne tenant pas compte de sa situation, la sanction était disproportionnée.

b. Le 16 juin 2023, l’OCE a conclu au rejet du recours. Les deux démarches informelles mentionnées au stade du recours ne pouvaient pas être prises en considération. Les discussions informelles n’étaient, quoi qu’il en soit, pas considérées comme des recherches d’emploi.

c. Par réplique du 20 juillet 2023, l’assuré a persisté. Le fait d’activer son réseau personnel était une démarche suffisante.

b. La chambre de céans a transmis cette écriture à l’OCE.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension de neuf jours du droit à l’indemnité de chômage du recourant.

2.1 Selon l'art. 30 al. 1 let. c LACI, le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce que l'on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable. Cette disposition doit être mise en relation avec l'art. 17 al. 1 LACI, aux termes duquel l'assuré qui fait valoir des prestations d'assurance doit entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter ou réduire le chômage (ATF 139 V 524 consid. 2.1.2). Il doit en particulier pouvoir apporter la preuve des efforts qu'il a fournis en vue de rechercher du travail (cf. art. 17 al. 1, 3ème phr., LACI). La suspension du droit à l'indemnité est destinée à poser une limite à l'obligation de l'assurance‑chômage d'allouer des prestations pour des dommages que l'assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l'assuré, d'une manière appropriée, du préjudice causé à l'assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; ATF 126 V 520 consid. 4).

Pour trancher le point de savoir si l'assuré a fait des efforts suffisants pour trouver un travail convenable, il faut tenir compte aussi bien de la quantité que de la qualité des démarches entreprises. Sur le plan quantitatif, la jurisprudence considère que dix à douze recherches d'emploi par mois sont en principe suffisantes (ATF 139 V 524 consid. 21 ; ATF 124 V 225 consid. 6). On ne peut cependant pas s'en tenir de manière schématique à une limite purement quantitative et il faut examiner la qualité des démarches de l'assuré au regard des circonstances concrètes, des recherches ciblées et bien présentées valant parfois mieux que des recherches nombreuses (arrêt du Tribunal fédéral 8C_708/2019 du 10 janvier 2020 consid. 3.2 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance‑chômage, 2014, n. 26 ad art. 17 LACI).

2.2 Sur le plan temporel, l'obligation de rechercher un emploi prend naissance avant le début du chômage. Il incombe, en particulier, à un assuré de s'efforcer déjà pendant le délai de congé de trouver un nouvel emploi et, de manière générale, durant toute la période qui précède l'inscription au chômage. Les efforts de recherches d'emploi doivent en outre s'intensifier à mesure que le chômage devient imminent (ATF 139 V 524 consid. 2.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_737/2017 du 8 janvier 2018 consid. 2.1 et les références citées). Il s'agit là d'une règle élémentaire de comportement de sorte qu'un assuré doit être sanctionné même s'il n'a pas été renseigné précisément sur les conséquences de son inaction (ATF 124 V 225 consid. 5b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_800/2008 du 8 avril 2009 consid. 2.1).

2.3 En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

2.4 En l'occurrence, il est établi que durant les trois mois de son délai de congé, le recourant devait effectuer huit recherches personnelles d’emploi par mois, au minimum. Or, durant le mois de novembre 2022, il n’en a effectué que six, de sorte que ses recherches apparaissent insuffisantes.

Le recourant soutient qu’il a effectué des recherches d’emploi lors de discussions informelles, lesquelles n’auraient pas été mentionnées dans le formulaire prévu à cet effet. Or, ainsi que l’a relevé l’intimé, l’activation du réseau ne remplit pas les exigences de l’art. 26 al. 1 LACI (Boris RUBIN, op. cit., n. 26 ad art. 17) et n’est donc pas assimilée à une recherche d’emploi (Boris RUBIN - La suspension du droit à l’indemnité de chômage in DTA 2017 p. 1). En effet, les recherches d’emploi impliquent une démarche concrète à l’égard d’un employeur potentiel, selon les méthodes de postulation ordinaires (arrêt du Tribunal fédéral C 6/2005 du 6 mars 2006).

C’est partant à juste titre que l’intimé a prononcé une sanction.

3.             Reste à déterminer si l'intimé a respecté le principe de proportionnalité en fixant à neuf jours la durée de la suspension du droit à l'indemnité.

3.1 Selon l'art. 30 al. 3 LACI, la durée de la suspension du droit à l'indemnité de chômage est proportionnelle à la gravité de la faute. En vertu de l'art. 45 al. 3 OACI, elle est d'un à quinze jours en cas de faute légère. En tant qu'autorité de surveillance, le secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) a adopté un barème (indicatif) à l'intention des organes d'exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour ces organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l'intéressé au regard de ses devoirs généraux d'assuré qui fait valoir son droit à des prestations (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_601/2012 du 26 février 2013 consid. 4.1, non publié in ATF 139 V 164 et les références). Elles pourront le cas échéant aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (cf. arrêts du Tribunal fédéral 8C_2/2012 du 14 juin 2012 consid. 3.2 ; 8C_64/2012 du 26 juin 2012 consid. 3.2).

3.2 Selon le barème du SECO, si les recherches d'emploi sont insuffisantes pendant un délai de congé d'un mois, le nombre de jours de suspension prévu est de trois à quatre jours ; il est de six à huit jours pour un délai de congé de deux mois et de neuf à douze jours pour un délai de congé de trois mois et plus (D79 du Bulletin LACI IC, état au 1er juillet 2023).

Selon Rubin, le barème officiel est trop schématique dans le cas des recherches insuffisantes ou inexistantes avant le chômage. Le nombre de mois durant lesquels l'assuré n'a pas effectué suffisamment de recherches d'emploi importe davantage que la durée totale de la période de dédite (RUBIN, op. cit. n. 11 ad art. 17 et n. 125 ad art. 30 LACI). Dans un arrêt 8C_708/2019 précité, le Tribunal fédéral a retenu que si le délai de congé était de trois mois ou plus et que sur l'ensemble de cette période, l'assuré n'avait pas fait des recherches d'emploi quantitativement et/ou qualitativement suffisantes, la sanction devait être comprise entre neuf et douze jours selon le barème du SECO. Cependant, si en dépit de recherches insuffisantes, il était établi que l'assuré avait régulièrement postulé pour des emplois au cours de la période précédant son chômage et qu'il avait en outre intensifié ses recherches à mesure que la période de chômage effective se rapprochait, l'autorité devait en tenir compte et diminuer le nombre de jours de suspension, le barème n'ayant à cet égard qu'un caractère indicatif. Ainsi, un assuré qui, au cours d'un délai de congé de trois mois, ne fournissait aucune recherche d'emploi durant le premier mois du délai de congé mais un nombre de recherches d'emploi suffisant durant les deux derniers mois du délai de congé pourrait se voir infliger une sanction inférieure à neuf jours (entre un et huit jours) afin de tenir compte des circonstances du cas d'espèce (consid. 6.2). 

3.3 Le juge des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration. Il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée. En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité a adoptée dans le cas concret, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 8C_708/2019 précité consid. 4.2 ; 8C_767/2017 du 31 octobre 2018 consid. 4.3).

3.4 Dans la décision entreprise, l'intimé a infligé une suspension de neuf jours du droit à l'indemnité du recourant, laquelle correspond au barème du SECO en présence d'une période déterminante de trois mois.

Il appert toutefois que les démarches entreprises durant les mois de décembre 2022 et janvier 2023 étaient suffisantes, ce qui n’est pas contesté. S’ajoute à cela qu’au cours de la période précédant son chômage, malgré la perte de son père en novembre 2022, le recourant a régulièrement postulé pour des emplois et a même intensifié ses recherches à mesure que la période de chômage effective se rapprochait. Conformément à la jurisprudence précitée, l’autorité intimée aurait dû tenir compte de ces éléments et diminuer le nombre de jours de suspension, le barème n'ayant à cet égard qu'un caractère indicatif. C’est le lieu de préciser que l’arrêt 8C_750/2021 du 20 mai 2022, cité par l’intimé, ne trouve pas application puisque, contrairement à la présente espèce, le recourant n’avait entrepris aucune recherche d’emploi durant le premier mois suivant la signification de la résiliation de son contrat de travail. Le Tribunal fédéral a certes rappelé dans cet arrêt que l’égalité de traitement entre les administrés était assurée par la prise en considération des circonstances du cas d'espèce au cours de la période considérée dans son ensemble. Or, c’est bien en tenant compte de l’ensemble de cette période de trois mois, durant laquelle l'assuré a régulièrement postulé pour des emplois et intensifié ses recherches, que la réduction de la sanction litigieuse apparait justifiée.

Ainsi, et dans la mesure où les recherches insuffisantes ne portent que sur une période d’un mois, il se justifie de réduire la sanction à trois jours, ce qui, selon le barème du SECO, correspond au minimum de la fourchette de trois à quatre jours prévue au ch. D79 du Bulletin LACI pour recherches d'emploi insuffisantes pendant un délai de congé d'un mois. Cette sanction tient compte du fait que le recourant n’a effectué que deux recherches insuffisantes au mois de novembre 2022, qu’il a perdu son père durant cette période et qu’il a amplifié ses efforts dans les mois qui ont suivi.

3.5 Partant, le recours sera partiellement admis et la décision réformée en ce sens que la sanction sera réduite de neuf à trois jours de suspension du droit à l'indemnité du recourant.

Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision sur opposition du 5 mai 2023 en ce sens que la durée de la suspension du droit à l’indemnité est réduite à trois jours.

4.        Alloue au recourant, à la charge de l’intimé, une indemnité CHF 1’500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le