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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3326/2020

ATAS/200/2022 du 03.03.2022 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3326/2020 ATAS/200/2022

 

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 3 mars 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Razi ABDERRAHIM

 

recourant

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimé

 


 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en ______ 1995, a souffert, dès son jeune âge, de la maladie de Von Willebrand, soit une coagulopathie congénitale, et d’un trouble important d’apprentissage de la lecture et de l’orthographe, qualifié de dyslexie et dysorthographie.

b. Par décision du 19 avril 2002, l’office de l’assurance invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) a admis l’octroi des prestations invalidité correspondant à ses troubles. La décision est entrée en force.

c. En 2016, l’assuré a bénéficié d’une formation de coiffeur, interrompue avant l’obtention du certificat fédéral de capacité, en raison d’une incapacité de travail, depuis le mois d’octobre 2018, pour des troubles psychiatriques.

d. Dans l’intervalle, le 9 mai 2016, le docteur B______, psychiatre et psychothérapeute, à la demande du médecin-conseil de l’assurance C______, a rendu un rapport médical concernant l’assuré, posant les diagnostics de trouble anxieux et dépressif mixte (F41.2) ; de troubles de l’attention avec hyperactivité (TDAH) (F90.0) et de dépendance au cannabis (F12.24).

e. Devenu majeur, l’assuré a présenté une demande de prestations invalidité auprès de l’OAI en date du 25 juin 2019. Il exposait souffrir, depuis l’année 2013 environ, de problèmes d’angoisse, de polytoxicomanie, d’hyperactivité, d’état dépressif avec envie de se donner la mort et mentionnait un tentamen. Il indiquait être suivi par le docteur D______, généraliste, et par le docteur E______, psychiatre, pour hyperactivité, angoisse, dépression et polytoxicomanie.

f. À la demande de l’OAI, le Dr D______ a adressé un rapport médical du 16 août 2019, dans lequel il indiquait comme date de début de la longue maladie l’année 2018 et considérait que la capacité de travail exigible, dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée était de 0 %. Le médecin traitant exposait avoir rencontré quatre fois l’assuré depuis le début de l’année 2019 et posait le diagnostic de toxicomanie multiple active, d’éthylisme, de TDAH avec impulsivité, tout en remarquant une persistance des intoxications de manière quotidienne et considérant que l’assuré souffrait de dépendances multiples à la cocaïne, à l’héroïne et à l’alcool. Il notait une péjoration nette depuis le mois d’octobre 2018 et considérait que le pronostic sur la capacité de travail du patient était mauvais. La limitation fonctionnelle était une incapacité de se concentrer, même sur une tâche simple. Il considérait que le potentiel de réadaptation de l’assuré était très mauvais actuellement, en raison de l’échec du sevrage, de la consommation de stupéfiants et d’alcool, ainsi que d’un séjour en détention

g. Interpellé par l’OAI, le Dr E______ a confirmé, par courrier du 30 juillet 2019, que l’assuré souffrait d’un syndrome d’hyperactivité, avec troubles de l’attention, à prédominance impulsive (F 90.0) ; d’un trouble dépressif récurrent, d’intensité moyenne (F33.1) ; d’un syndrome de dépendance à l’alcool (F10.2) ; d’un syndrome de dépendance au cannabis (F12.2) ; d’un syndrome de dépendance aux benzodiazépines (F13.2) et d’un syndrome de dépendance à la cocaïne (F14.2). Le médecin traitant ajoutait que l’assuré présentait peu de ressources ; il était aidé par sa mère et assisté par l’hospice général et avait interrompu son suivi psychothérapeutique. D’un point de vue strictement psychiatrique, les atteintes à la santé qui avaient un impact sur sa capacité de travail étaient : le syndrome d’hyperactivité avec troubles de l’attention à prédominance impulsive et le trouble dépressif récurrent, d’intensité moyenne. L’évolution de l’état de santé était considérée comme globalement stationnaire, depuis la fin du mois de mai 2019. Un rapport de séjour à la clinique de Belmont, établissement spécialisé en traitement des addictions et des troubles alimentaires, daté du 25 juillet 2019, était joint au courrier du Dr E______.

h. En réponse à la demande de l’OAI, le docteur F______, psychiatre et psychothérapeute à l’institut clinique de neurosciences, a adressé à l’office un courrier du 27 février 2020, par lequel il confirmait un syndrome de déficit de l’attention avec hyperactivité (F90.0) ; une personnalité émotionnellement labile de type impulsif (F 60.3) ; des troubles mentaux et du comportement respectivement liés à la consommation d’alcool (F10.24), à la consommation de cannabis (F12.24) et à la consommation de cocaïne (F14.20). Le médecin traitant considérait que l’observance thérapeutique du patient à l’heure actuelle était satisfaisante, mais si le patient n’était pas bien encadré, cette observance pouvait rester très fragile. Il indiquait que les difficultés cognitives de l’assuré étaient liées à son TDAH, la consommation de drogue n’ayant pas créé de troubles mentaux importants et durables. En revanche, la consommation de cannabis péjorait sa mémoire de travail, dont dépendait l’efficacité de son rendement professionnel. Le psychiatre remarquait encore que, même si la consommation des toxiques représentait un problème au premier plan actuellement, le problème psychiatrique principal était sa comorbidité psychiatrique, soit le syndrome de déficit de l’attention avec hyperactivité et la personnalité émotionnellement labile de type impulsif.

i. Par avis médical daté du 11 mai 2020, le docteur G______ du service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI, a récapitulé les rapports médicaux déposés à l’appui de la demande de prestations invalidité et a considéré que, dès lors que les médecins traitants ne se positionnaient pas précisément sur la question de la capacité de travail, dans l’économie de marché, le SMR n’était pas en mesure de se prononcer et considérait qu’une expertise psychiatrique était incontournable, avec examen neuropsychologique, test de Q.I. et tests de validation des symptômes. Il était encore mentionné qu’il appartenait à l’expert d’effectuer une évaluation des atteintes psychiatriques et notamment de la polytoxicomanie, fondée sur les indicateurs standards et orientée sur les ressources, afin de se prononcer sur l’influence de celles-ci sur la capacité de travail de l’assuré dans l’économie libre et sur sa capacité à se former. L’expert devait aussi se prononcer sur l’exigibilité du traitement, en spécifiant les options thérapeutiques, la durée du traitement jusqu’à l’obtention de résultats positifs et le degré de succès prévisible (taux d’activité envisageable dans une activité lucrative).

j. Dans le cadre d’une procédure pendante devant une autre juridiction, une expertise médicale judiciaire a été effectuée par le docteur H______, psychiatre et psychothérapeute au centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML). Le Dr H______ a rendu un rapport d’expertise du 25 mai 2020, dans lequel il a notamment remarqué que, compte tenu du trouble de l’attention dont souffrait l’expertisé et de sa dépendance chronique en cannabis, il était délicat de faire la part des choses en ce qui concernait la symptomatologie anxieuse décrite par l’expertisé, évocatrice d’un trouble anxieux généralisé, d’une phobie sociale, ou même d’un trouble de la personnalité anxieuse. En effet, les symptômes anxieux pouvaient être directement liés à la prise de cannabis, le seul moyen d’affiner le diagnostic étant que l’expertisé soit réévalué dans un contexte de sevrage de cannabis, dans le but de vérifier comment évoluait la symptomatologie anxieuse, après quelques jours ou semaines, après un arrêt de la consommation de cannabis (rapport du Dr H______, p. 13).

k. Conformément aux recommandations du SMR, l’OAI a confié, le 27 mai 2020, un mandat d’expertise au docteur I______, psychiatre et psychothérapeute.

l. L’expert a rendu son rapport d’expertise en date du 20 juillet 2020. Selon le Dr I______, il n’existait chez l’assuré aucun diagnostic ayant une répercussion sur la capacité de travail. L’expert posait les diagnostics, sans répercussion sur la capacité de travail, de trouble dépressif récurrent léger depuis janvier 2016 (F33.0) ; de trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et anxieuse, actuellement non décompensé (F61) ; de dépendance primaire à plusieurs substances (benzodiazépines en utilisation continue, alcool, cocaïne, amphétamines et cannabis), depuis le début de l’adolescence et de l’âge adulte, selon les différentes substances (F19.2) et enfin, de trouble de l’attention avéré avec hyperactivité (F90) depuis l’enfance, notant toutefois que ce trouble n’avait pas empêché l’assuré de gérer son quotidien adéquatement. L’expert concluait qu’actuellement les ressources de l’assuré étaient bonnes, car il arrivait à gérer son quotidien, sans difficulté psychiatrique, selon la journée-type qui était décrite. L’évolution des troubles était globalement stationnaire, depuis janvier 2016 jusqu’à présent, sans traitement antidépresseur efficace et sans sevrage réussi alors que le trouble de la personnalité n’était pas décompensé. Il ajoutait que le traitement proposé à l’heure actuelle était peu adéquat et suggérait un suivi psychiatrique hebdomadaire, abordant l’exigibilité d’un sevrage, un traitement antidépresseur permettant d’accélérer le processus de guérison et un traitement pour le TDAH, qui pourrait aussi améliorer la situation, après l’obtention d’un sevrage. L’expert considérait que l’assuré pouvait assumer son activité exercée en dernier lieu à 100 %, sans baisse de rendement, car les limitations fonctionnelles n’étaient pas significatives. L’expertisé pouvait également exercer, à 100 %, sans baisse de rendement, une activité adaptée, depuis janvier 2016 jusqu’à présent. L’activité adaptée était décrite comme devant avoir une hiérarchie simple, sans relations sociales complexes, dans une activité légère intellectuellement. Les troubles psychiatriques n’étaient pas de nature à modifier la performance de l’assuré et l’expert terminait en remarquant que la capacité de travail pouvait descendre à zéro, en cas d’évolution négative vers un épisode dépressif sévère, probable en cas d’absence de soutien pour une réadaptation professionnelle. Une telle réadaptation, ainsi qu’une aide à la réinsertion professionnelle, après la réalisation d’un bilan de compétences et la mise en place d’un suivi psychiatrique hebdomadaire, avec sevrage, pour diminuer le déconditionnement, était recommandée par l’expert I______.

m. Le SMR a rendu un rapport final en date du 30 juillet 2020. Le docteur K______ s’est fondé sur le résultat de l’expertise du Dr I______ et a conclu à une capacité de travail de 100 % dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée. Aucune recommandation n’a été faite en matière de réadaptation ou de réinsertion professionnelle.

B. a. Par projet de décision du 3 août 2020, l’OAI a informé l’assuré que sa demande de prestations invalidité était rejetée, en se fondant sur les éléments médicaux et professionnels recueillis et sur le préavis du SMR.

b. Par courrier du 31 août 2020, l’assuré a demandé une reconsidération de la décision, relevant notamment que sa vie était une souffrance permanente, qu’il devait lutter chaque jour pour faire la moindre tâche simple, qu’il se sentait incapable de travailler, bien que motivé par la perspective d’un travail et qu’il avait de grosses difficultés de concentration.

c. Par décision du 7 septembre 2020, l’OAI a confirmé son projet du 3 août 2020 et a rejeté la demande de prestations invalidité de l’assuré, notamment au motif que les éléments fournis par l’assuré, dans le cadre de son audition après réception du projet de décision, ne permettaient pas de modifier la précédente appréciation.

C. a. Par acte posté le 19 octobre 2020, le mandataire de l’assuré a interjeté recours contre la décision de l’OAI du 7 septembre 2020. Il a conclu, préalablement, à ce que la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) ordonne une expertise médicale judiciaire, afin de constater l’état du recourant sur le plan psychiatrique, ainsi que sa dépendance aux substances toxiques et les effets sur la santé du patient et sur sa capacité de travail. Principalement, le mandataire a conclu à l’annulation de la décision querellée et à ce qu’il soit dit que le recourant devait être mis au bénéfice d’une rente invalidité, le tout sous suite de frais et dépens.

b. Par réponse du 17 novembre 2020, l’OAI a considéré qu’après instruction du dossier et en se fondant notamment sur l’appréciation de l’expert I______, il ne ressortait aucun grief permettant de remettre en cause les conclusions de l’expertise et du rapport final du SMR. S’agissant d’une expertise judiciaire psychiatrique, l’OAI l’a considérée inutile dès lors que l’instruction du dossier permettait de statuer en pleine connaissance de cause sur l’état de santé et la capacité de travail du recourant.

c. Par réplique du 15 février 2021, le mandataire du recourant a considéré que les documents médicaux versés par l’intimé à la procédure et notamment l’expertise du 20 juillet 2020, contenaient des contradictions et que l’on ne comprenait pas comment l’expert avait pu conclure à une capacité de travail de 100 % tout en diagnostiquant un trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et anxieux, un trouble dépressif récurrent avec dépendance à plusieurs substances ainsi qu’un trouble de la personnalité mixant l’hyperactivité avec des troubles de l’attention, depuis janvier 2016. Le recourant persistait dans ses conclusions et joignait, en annexe, une attestation médicale du Dr D______ datant du 12 janvier 2021, ainsi que le résultat de prélèvements effectués du mois de janvier 2020 au mois de novembre 2020, par la fondation J______, pour le dépistage de la consommation de stupéfiants.

d. Par duplique du 2 mars 2021, l’OAI a transmis un rapport de son SMR qui avait examiné la réplique du recourant ainsi que les nouveaux documents qui avaient été communiqués. Il concluait que les dosages auxquels se référait la fondation J______ n’apportaient aucun élément médical nouveau, la consommation de cannabis étant déjà connue. Le rapport du Dr D______ n’amenait pas non plus de nouvel élément médical objectif, tous les diagnostics psychiatriques cités par le médecin traitant étant connus du SMR et ayant déjà été pris en compte par le Dr I______ dans son expertise.

e. Par courrier du 16 mars 2021, le Dr F______ a informé l’OAI que le recourant évoluait de manière fluctuante, avec le traitement instauré, comprenant notamment des humeurs normales, puis des creux dépressifs très marqués. Son TDAH n’avait pas encore pu être traité sur le plan pharmacologique, en raison de la consommation de cannabis et de l’apparition d’effets secondaires accrus par la plupart des médicaments qui avait été essayés. Néanmoins, le médecin traitant considérait que le recourant pouvait intégrer une activité occupationnelle, avant d’entamer un projet de réinsertion professionnelle, en attendant la diminution qu’il devrait avoir de sa consommation de cannabis, jusqu’à atteindre un état d’abstinence. Le traitement actuel était du Cipralex 20 mg par jour, du Seroquel 75 mg par jour et de l’Anxiolit à raison de deux comprimés de 15 mg par jour. Dans un second courrier du 1er avril 2021, le Dr F______ a encore souligné qu’actuellement le recourant vivait une recrudescence de sa pathologie psychiatrique, avec des creux dépressifs marqués qui l’avaient amené à développer des états mélancoliformes, avec des tendances suicidaires qui mettaient en échec le moindre projet socioprofessionnel ou thérapeutique. Selon le médecin traitant, un projet professionnel était trop prématuré ; il soutenait le patient pour une demande de rente AI, à plein temps, qui lui permettrait d’atteindre la stabilité psychosociale nécessaire, afin de pouvoir envisager des objectifs plus ambitieux, à moyen ou à long terme.

f. Par courrier du 29 avril 2021, le mandataire de l’assuré a persisté dans ses conclusions et s’est notamment fondé sur les deux courriers du Dr F______, pour rappeler la dépendance objective du recourant aux substances psychotropes, ainsi que son état mélancoliforme et ses tendances suicidaires.

g. Par courrier du 25 novembre 2021, la chambre de céans a informé les parties qu’elle considérait qu’une expertise psychiatrique judiciaire devait être ordonnée et qu’il était envisagé de la confier au docteur L______, psychiatre et psychothérapeute. Les parties ont déclaré qu’elles n’avaient aucun motif de récusation à faire valoir à l’encontre de l’expert proposé, l’OAI ajoutant qu’il ne voyait pas la nécessité d’une expertise judiciaire.

h. Le projet de mission d’expertise a été soumis aux parties. Dans le délai octroyé, seul l’intimé a proposé une adjonction dans la mission d’expertise ; ladite adjonction a été effectuée.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021, est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA).

4.        Dès le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF
132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

6.        Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’OAI du 16 septembre 2020, refusant d’accorder des prestations invalidité au recourant.

7.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

8.         

8.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

8.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

8.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

8.4 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

9.        Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. À l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).

3. Comorbidités

La présence de comorbidités ou troubles concomitants est un indicateur à prendre en considération en relation avec le degré de gravité fonctionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3 et la référence). On ne saurait toutefois inférer la réalisation concrète de l'indicateur « comorbidité » et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et le référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation ; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Étant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches [ ]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4). À ce titre, il convient notamment d’examiner si les limitations fonctionnelles se manifestent de la même manière dans la vie professionnelle et dans la vie privée, de comparer les niveaux d’activité sociale avant et après l’atteinte à la santé ou d’analyser la mesure dans laquelle les traitements et les mesures de réadaptation sont mis à profit ou négligés. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

10.     

10.1 Selon la jurisprudence applicable jusqu’ici, un syndrome de dépendance primaire à des substances psychotropes (dont l’alcool) ne pouvait conduire à une invalidité au sens de la loi que s’il engendrait une maladie ou occasionnait un accident ou s’il résultait lui-même d’une atteinte à la santé physique ou psychique ayant valeur de maladie. Cette jurisprudence reposait sur la prémisse que la personne souffrant de dépendance avait provoqué elle-même fautivement cet état et qu'elle aurait pu, en faisant preuve de diligence, se rendre compte suffisamment tôt des conséquences néfastes de son addiction et effectuer un sevrage ou à tout le moins entreprendre une thérapie (cf. notamment ATF 124 V 265 consid. 3c).

Dans un arrêt du 11 juillet 2019 (ATF 145 V 215), le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que sa pratique en matière de syndrome de dépendance ne peut plus être maintenue. D’un point de vue médical, les syndromes de dépendance et les troubles liés à la consommation de substances diagnostiqués lege artis par un spécialiste doivent également être considérés comme des atteintes (psychiques) à la santé significatives au sens du droit de l’assurance invalidité (consid. 5.3.3 et 6).

10.2 Le caractère primaire ou secondaire d’un trouble de la dépendance n’est plus décisif pour en nier d’emblée toute pertinence sous l’angle du droit de l’assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.1.1). Par conséquent, il s’agit, comme pour tous les autres troubles psychiques, de déterminer selon une grille d’évaluation normative et structurée (à cet égard, ATF 141 V 281) si, et le cas échéant, dans quelle mesure un syndrome de dépendance diagnostiqué par un spécialiste influence dans le cas concret la capacité de travail de l’assuré. La gravité de la dépendance dans un cas particulier peut et doit être prise en compte dans la procédure de preuve structurée (ATF 145 V 215 consid. 6.3). Ceci est d'autant plus important que dans le cas des troubles de la dépendance – comme dans celui d'autres troubles psychiques – il y a souvent un mélange de troubles ayant valeur de maladie ainsi que de facteurs psychosociaux et socio-culturels. L’obligation de diminuer le dommage (art. 7 LAI) s'applique également en cas de syndrome de dépendance, de sorte que l’assuré peut être tenu de participer activement à un traitement médical raisonnablement exigible (art. 7 al. 2 let. d LAI). S’il ne respecte pas son obligation de diminuer le dommage, mais qu’il maintient délibérément son état pathologique, l’art. 7b al. 1 LAI en liaison avec l'art. 21 al. 4 LPGA permet le refus ou la réduction des prestations (consid 5.3.1).

11.    Selon la jurisprudence rendue jusque-là à propos des dépressions légères à moyennes, les maladies en question n'étaient considérées comme invalidantes que lorsqu'on pouvait apporter la preuve qu'elles étaient « résistantes à la thérapie » (ATF 140 V 193 consid 3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_841/2016 du 8 février 2017 consid. 3.1 et 9C_13/2016 du 14 avril 2016 consid. 4.2).

Dans l'ATF 143 V 409 consid. 4.2, le Tribunal fédéral a rappelé que le fait qu'une atteinte à la santé psychique puisse être influencée par un traitement ne suffit pas, à lui seul, pour nier le caractère invalidant de celle-ci ; la question déterminante est en effet celle de savoir si la limitation établie médicalement empêche, d'un point de vue objectif, la personne assurée d'effectuer une prestation de travail. À cet égard, toutes les affections psychiques doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée au sens de l'ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Ainsi, le caractère invalidant des atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2018 du 24 avril 2018 consid. 5.2).

Dans les cas où, au vu du dossier, il est vraisemblable qu'il n'y a qu'un léger trouble dépressif, qui ne peut déjà être considéré comme chronifié et qui n'est pas non plus associé à des comorbidités, aucune procédure de preuve structurée n'est généralement requise (arrêt du Tribunal fédéral 9C_14/2018 du 12 mars 2018 consid 2.1).

12.    Des traits de personnalité signifient que les symptômes constatés ne sont pas suffisants pour retenir l’existence d’un trouble spécifique de la personnalité. Ils n'ont, en principe, pas valeur de maladie psychiatrique et ne peuvent, en principe, fonder une incapacité de travail en droit des assurances au sens des art. 4 al. 1 LAI et 8 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 5.3 et les références).

13.     

13.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

13.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

13.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

13.4 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

13.5 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201] ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

13.6 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

13.7 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

14.     

14.1 En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels ; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine).

14.2 En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références). Du point de vue juridique, il est même nécessaire de s’écarter de l’appréciation médicale de la capacité de travail si l’évaluation n’est pas suffisamment motivée et compréhensible au vu des indicateurs pertinents, ou n’est pas convaincante du point de vue des éléments de preuve instaurés par l’ATF 141 V 281. S’écarter de l’évaluation médicale est alors admissible, du point de vue juridique, sans que d’autres investigations médicales ne soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2). Toutefois, lorsque l’administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise évalue la capacité de travail en fonction des critères de médecine des assurances établis dans l'ATF 141 V 281 et qu’il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1), il a force probante et ses conclusions sur la capacité de travail doivent être suivies par les organes d'application de la loi. Une appréciation juridique parallèle libre en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (cf. ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_213/2020 du 19 mai 2020 consid. 4.3 et les références).

En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l’état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d’un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l’existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).

15.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

16.     

16.1 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).

16.2 Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

17.    En l’espèce, les appréciations des médecins traitants de l’assuré concernant sa capacité de travail s’opposent aux appréciations de l’expert désigné par l’intimé ainsi qu'à celles du SMR.

Le Dr F______ considère qu’il existe des creux dépressifs ayant développé des états mélancoliformes avec des tendances suicidaires et que le projet professionnel est trop prématuré.

De son côté, le Dr I______ ne fait pas les mêmes constatations. Il n’évoque pas un état mélancoliforme et considère qu’il existe des idées noires passives sans désir de passage à l’acte. S’agissant d’un projet professionnel, les conclusions de l’expert paraissent ambigües dès lors qu’il estime, d’une part, qu’il n’existe aucune incapacité de travail, ni pour l’activité habituelle (alors que le parcours de l’expertisé montre qu’il n’existe pas d’activité habituelle) ni pour l’activité adaptée et ceci sans perte de rendement et que, d’autre part, l’expert conclut que ladite capacité de travail pourrait devenir nulle, en cas d’absence de soutien pour une réadaptation professionnelle, ce qui semble indiquer que l’état de santé de l’expertisé n’est pas stabilisé, ce qui rend, en principe, difficile d’estimer sa capacité de travail et son rendement.

L’expert ne semble pas considérer que la condition d’obtenir un sevrage de l’expertisé est indispensable à la récupération d’une capacité de travail lui permettant d’entreprendre une activité professionnelle tout en exposant, pourtant, qu’un sevrage est exigible pour diminuer le déconditionnement (rapport Dr I______, p. 52).

Alors qu’il retient un diagnostic de trouble dépressif léger ou en rémission, il note que l’absence d’un traitement et d’un suivi psychiatrique hebdomadaire plaident contre l’existence d’un trouble dépressif sévère, mais sans envisager ou écarter la possibilité d’un trouble dépressif moyen. À cet égard, il mentionne notamment l’absence d’hospitalisation psychiatrique à long terme pour écarter la probabilité d’un syndrome dépressif sévère alors même qu’il est noté (rapport Dr I______, p. 15) qu’une hospitalisation en milieu psychiatrique de l’expertisé avait été nécessaire en raison des difficultés psychosociales et des dépendances de l’expertisé. Ensuite, l’expert considère que les limitations fonctionnelles ne sont pas objectivables et pas significatives alors qu’il semble, au contraire, que des limitations fonctionnelles résultent clairement du trouble de l’attention et des problèmes de concentration de l’expertisé, sans même tenir compte de la problématique de la dépendance.

Enfin, les conclusions selon lesquelles l’expertisé possède de bonnes ressources au vu de la description d’une journée-type semblent s’opposer à son incapacité, démontrée au fil du temps, de poursuivre et de terminer une formation scolaire ou professionnelle et ceci déjà au niveau du cycle d’orientation.

Selon le Tribunal fédéral, il est nécessaire d’établir dans quelle mesure un syndrome de dépendance diagnostiqué par un spécialiste influence dans le cas concret la capacité de travail de l’assuré. Ceci est d'autant plus important que, dans le cas des troubles de la dépendance – comme dans celui d'autres troubles psychiques – il y a souvent un mélange de troubles ayant valeur de maladie ainsi que de facteurs psychosociaux et socio-culturels.

Compte tenu de l’ensemble des éléments mentionnés supra, la chambre de céans considère que certains aspects médicaux doivent être clarifiés, notamment en ce qui concerne les liens entre la dépendance dont souffre l’expertisé et ses troubles psychiques.

Selon le principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge doit établir d'office les faits déterminants pour la solution du litige, avec la collaboration des parties, administrer les preuves nécessaires et les apprécier librement (art. 61 let. c LPGA ; cf. ATF 125 V 193 consid. 2) et doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire.

Eu égard aux griefs invoqués par le mandataire du recourant, aux indices résultant du dossier, notamment les appréciations des Drs D______ et F______ datant de 2021, ainsi qu’au vu des éléments cités supra, qui apparaissent comme des contradictions au niveau de l’expertise du Dr I______, la chambre de céans considère qu'une instruction est nécessaire et qu’elle doit mettre en œuvre une expertise (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4), étant rappelé que les coûts de l'expertise peuvent être mis à la charge de l'assureur social (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

I. Ordonne une expertise psychiatrique de Monsieur A______.

Commet à ces fins le docteur L______, psychiatre et psychothérapeute FMH, ______ [GE]. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A.    Prendre connaissance du dossier de la cause.

B.     Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, en particulier les docteurs D______, B______, E______ et F______.

C.     Examiner et entendre la personne expertisée et si nécessaire, ordonner d’autres examens.

D.    Charge l’expert d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :

1.      Anamnèse détaillée avec la description d’une journée-type

2.      Plaintes de la personne expertisée

3.      Status clinique et constatations objectives

4.      Diagnostics selon un système de classification reconnu

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse).

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.1 Dates d'apparition

4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4 L'état de santé de la personne expertisée s'est-il amélioré/détérioré depuis le mois de janvier 2016 ?

4.5     Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée).

4.6     Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

4.7     Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

4.8     L’expertisé souffre-t-il de dépendance (médicaments, alcool, stupéfiants) ?

4.9     Si oui, depuis quand ?

4.10 Quel est l’impact éventuel de sa dépendance sur sa capacité de travail ?

4.11 Quel est le lien entre sa dépendance et ses troubles psychiques (comorbidité) notamment en lien avec le rapport d’expertise du docteur Tony H______ (p. 23) ?

4.12 Un sevrage est-il indispensable avant de pouvoir traiter ses affections psychiatriques?

4.13 Cas échéant, existe-t-il des éléments, notamment au niveau de ses affections psychiatriques, qui empêchent objectivement l’expertisé de commencer un sevrage ?

5. Limitations fonctionnelles

5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic y compris avec le problème de dépendance.

5.1.1 Dates d'apparition

5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?

6. Cohérence

6.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?

6.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

6.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autre termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?

6.4 Quels sont les niveaux d’activité sociale et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

6.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?

7. Personnalité

7.1 Est-ce que la personne expertisée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence et si oui, lequel ? Quel code ?

7.2 Est-ce que la personne expertisée présente des traits de la personnalité pathologiques et, si oui, lesquels ?

7.3 Le cas échéant, quelle est l'influence de ce trouble de personnalité ou de ces traits de personnalité pathologiques sur les limitations éventuelles et sur l'évolution des troubles de la personne expertisée ?

7.4 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?

8. Ressources

8.1 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur le plan somatique ?

8.2 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur les plans :

a) psychique

b) mental

c) social et familial. En particulier, la personne expertisée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?


 

9. Capacité de travail

9.1 Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour chaque diagnostic, indiquer son taux pour chaque diagnostic et détailler l’évolution de ce taux pour chaque diagnostic.

9.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?

9.2.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.2.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite/ nulle ?

9.3 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ? 

9.3.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.3.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? À quel taux ? Depuis quelle date ?

9.3.3 Dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

9.4 Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis janvier 2016 ?

9.5 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

9.6 Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?

9.7 Est-il nécessaire, voire indispensable, de mettre en place un plan de réinsertion professionnelle de l’expertisé, pour faciliter la reprise d’une activité lucrative ?

10. Traitement

10.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

10.2 Effectuer un dosage sanguin des traitements psychotropes que prend l’assuré, afin d’évaluer la compliance. Si l’expert l’estime nécessaire, effectuer, dans la mesure du possible, des dosages urinaires et/ou sanguin des substances psychoactives, pour lesquelles l’assuré présente une dépendance.

10.3 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?

10.4 En cas de refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie, cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de la personne expertisée à reconnaître sa maladie ?

10.5 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

11. Appréciation d'avis médicaux du dossier

11.1 Êtes-vous d'accord avec l'avis du Dr D______ du 16 août 2019 et son appréciation du 12 janvier 2021 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l'estimation d'une capacité de travail nulle ? Si non, pourquoi ?

11.2 Êtes-vous d’accord avec le rapport d’expertise du docteur Cristian I______ du 20 juillet 2020 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l’estimation d’une capacité de travail de 100 % dans toute activité ? Si non, pourquoi ? Partagez-vous, notamment, ses conclusions sur la nécessité d’accompagner l’expertisé dans une réinsertion professionnelle, les effets du déconditionnement et le risque d’aggravation vers une dépression sévère ?

11.3 Êtes-vous d’accord avec le rapport final du SMR du 30 juillet 2020 et son rapport complémentaire du 1er mars 2021 ? Si non, pourquoi ?

11.4 Êtes-vous d'accord avec l'avis du Dr F______ du 27 février 2020 et ses appréciations successives du 16 mars et du 1er avril 2021 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l'estimation d'une capacité de travail nulle ? Si non, pourquoi ? Le projet exposé dans son courrier du 1er avril 2021, comprenant l’octroi d’une rente afin d’obtenir la stabilité psychosociale nécessaire vous parait-il opportun ? Un projet professionnel est-il prématuré au stade actuel ?

11.5 Comment interprétez-vous le résultat des prélèvements effectués par la fondation J______ montrant la consommation de cannabis de l’expertisé pendant l’année 2020 ?

12. Quel est le pronostic ?

13. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

14. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

II. Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, son rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.

III. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

La greffière

 

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties le ______