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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1777/2025

ATA/833/2025 du 05.08.2025 ( MARPU ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1777/2025-MARPU ATA/833/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 août 2025

 

dans la cause

 

A______ recourante
agissant par B______ et C______

contre

COMMUNE D'ONEX

D______ intimées



EN FAIT

A. Par décision du 17 mai 2025, la commune d’Onex a informé l’entreprise individuelle A______, soumissionnaire, de ce qu’elle avait attribué le marché public « entretien et nettoyage des toitures des bâtiments communaux », procédure menée sur invitation, à D______ pour le montant de CHF 113'275.-. L’offre de cette dernière avait, après évaluation et contrôle arithmétique, été jugée économiquement la plus avantageuse.

B. a. Par acte expédié le 21 mai 2025, A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice.

Elle avait appris que l’adjudicataire avait son siège à E______, en France. Elle s’étonnait qu’aucune préférence n’ait été donnée à elle-même, alors qu’elle était implantée dans la commune depuis 17 ans. Elle aurait « accueilli favorablement l’opportunité d’un échange autour des modalités de [son] offre ». Enfin, elle estimait les prix proposés par l’adjudicataire particulièrement bas et s’interrogeait sur la compatibilité des prestations offertes avec les normes de sécurité et techniques.

b. La commune a conclu au rejet du recours.

Elle attachait une grande attention aux entreprises implantées sur son territoire. Elle avait ainsi, notamment, invité des entreprises sises sur son territoire à soumissionner, mais n’avait reçu que trois offres, dont seules deux remplissaient les critères de recevabilité. D______ avait soumis une offre nettement plus avantageuse. Elle avait, ainsi, sollicité de celle-ci des explications sur le respect des exigences techniques, qualitatives et sécuritaires. Les explications reçues avaient été jugées suffisantes, confirmant la faisabilité de l’offre. La commune avait estimé, préalablement, le marché à CHF 165'000.-. L’offre retenue s’inscrivait ainsi dans une fourchette cohérente par rapport à sa propre estimation. Le cahier des charges lié à l’appel d’offre imposait des standards stricts en matière de sécurité. L’adjudicataire avait fourni l’ensemble des documents requis à cet égard, attestant de sa capacité à respecter l’ensemble des obligations prévues.

L’offre de la recourante s’était située à un montant sensiblement supérieur au regard du prix du marché, de sorte qu’elle avait sollicité de celle-ci des explications.

c. D______ ne s’est pas déterminée dans le délai imparti.

d. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante soutient que l’autorité adjudicatrice aurait dû donner la préférence à son offre, dès lors qu’elle est domiciliée sur son territoire.

2.1 L'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), auquel le marché public litigieux est soumis, a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP) ainsi que d’assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci, assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

2.2 Il ressort des dispositions précitées que l’autorité adjudicatrice aurait contrevenu à celles-ci si, comme le souhaiterait la recourante, elle avait favorisé les soumissionnaires dont le siège se trouve sur sa commune. Elle ne pouvait ainsi, sauf à violer le principe de l’égalité de traitement entre soumissionnaires et son devoir d’impartialité, évaluer l’offre soumise par la recourante selon d’autres critères que ceux figurant dans son appel d’offres et le cahier des charges, dont il n’est pas contesté qu’elle les a appliqués de la même manière aux deux soumissionnaires.

Mal fondé, le grief sera rejeté.

3.             Dans son second grief, le recourante fait valoir que le prix proposé par l’adjudicataire, trop bas, ne permettrait pas de respecter les normes de sécurité et techniques applicables.

3.1 En présence d'une offre qui serait anormalement basse, l'autorité adjudicatrice a l'obligation, selon l'art. 41 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01), de demander des renseignements complémentaires au soumissionnaire concerné (arrêt du Tribunal fédéral 2D_44/2009 du 30 novembre 2009 consid. 4). C'est seulement si le soumissionnaire n'a pas justifié les prix d'une telle offre, conformément à l'art. 41 RMP, que son offre doit être écartée d'office et qu'elle ne participe pas à la phase d'évaluation des offres (art. 42 al. 1 let. e RMP ; ATA/1298/2023 du 5 décembre 2023 consid. 3.5).

3.2 Si le prix proposé apparaît trop bas, en particulier parce qu'il s'écarte de plus de 30% du prix « juste » déterminé à l'avance par le pouvoir adjudicateur, le soumissionnaire doit être interpellé pour s'expliquer et justifier le prix avantageux qu'il offre ; dans l'hypothèse où les renseignements obtenus de sa part ne sont pas convaincants et laissent apparaître un risque d'insolvabilité, son offre sera écartée. L'élément essentiel pour fonder la décision est la capacité du soumissionnaire à exécuter l'offre dans le respect de l'appel d'offres et des exigences légales, et non pas la couverture de ses frais (ATA/871/2023 du 22 août 2023 consid. 3.5 et les références citées).

3.3 Conformément à la jurisprudence, les soumissionnaires sont en principe libres de calculer les prix de leurs offres. Une offre comportant un prix anormalement bas, le cas échéant même s'il est inférieur au prix de revient, ne constitue dès lors généralement pas un procédé inadmissible en soi, pour autant que le soumissionnaire remplisse les critères d'aptitude et les conditions légales réglementant l'accès à la procédure, ce que l'autorité adjudicatrice peut vérifier en requérant des précisions en cas de doute à ce sujet (ATF 143 II 425 consid. 5.2 ; 143 II 553 consid. 7.1 ; 141 II 353 consid. 8.3.2). S'il apparaît, sur la base de ces précisions, que l'offre présente des défauts quant à la capacité du soumissionnaire à exécuter le marché public ou remplir les conditions légales fixées, elle est exclue ou moins bien notée en raison de ces défauts, mais non en raison du prix anormalement bas (ATF 143 II 553 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_46/2020 du 8 mars 2021 consid. 3.2.2).

3.4 La jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6). La chambre administrative ne sanctionne que l'abus ou l'excès de celui-ci (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2).

3.5 En l’espèce, le prix proposé par l’adjudicataire, de CHF 113'273.-, se situe 31.35% en-dessous de celui estimé par la commune. Il va donc légèrement au-delà de l’écart de 30% qui constitue un indice permettant de douter de la faisabilité du marché public selon les critères attendus. Le pouvoir adjudicateur a ainsi, à juste titre, interpellé la soumissionnaire pour obtenir des explications, en particulier relatives au respect des exigences techniques, qualitatives et sécuritaires qu’il avait posées. Il a estimé les explications reçues suffisantes et convaincantes, confirmant la faisabilité de la proposition. Le pouvoir adjudicateur a également retenu, sans être contredit sur ce point, que l’entreprise adjudicataire avait produit l’ensemble des documents requis attestant de sa capacité à respecter les exigences imposées.

Au vu de ces éléments, l’autorité intimée pouvait, sans violer la loi ni abuser de son pouvoir d’appréciation, retenir que l’offre soumise par D______ était faisable au prix proposé, selon les exigences de qualité, de sécurité et techniques imposées, et lui attribuer le marché litigieux.

Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la commune plaidant en personne et l’adjudicataire ne s’étant pas déterminée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 mai 2025 par A______ contre la décision de la commune d’Onex du 17 mai 2025 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à la commune d'Onex, à D______ ainsi qu’à la commission de la concurrence.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, Philippe KNUPFER, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :