Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/570/2025 du 20.05.2025 ( AMENAG ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3947/2024-AMENAG ATA/570/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 20 mai 2025 3ème section |
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dans la cause
FONDATION A_____ recourante
représentée par Me François BELLANGER, avocat
contre
SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE intimés
A. a. La FONDATION A_____ (ci-après : la fondation) a en particulier pour but d’assurer la pérennité de l’activité du Théâtre B_____ (ci-après : le théâtre).
b. Les Services industriels de Genève (ci-après : SIG) sont un établissement de droit public genevois ayant pour but de fournir dans le canton l’eau, le gaz, l’électricité, de l’énergie thermique ainsi que de traiter les déchets.
c. Les SIG fournissent l’électricité au théâtre sur la base d’un tarif Profil Pro BT, double période et jusqu’à 10% Vitale Vert (ci-après : le tarif).
Le tarif est applicable à l’installation raccordée au réseau basse tension. Il nécessite un système de comptage avec enregistrement de la puissance et de la consommation en heures pleines (HP), soit principalement durant la journée, et en heures douces (HD), soit principalement durant la nuit.
Selon la fiche tarifaire des SIG intitulée « Électricité SIG 2024 » (ci-après : la fiche tarifaire), le prix total de l’utilisation du réseau comprend tout d’abord le prix des kilowatt-heures (kWh) consommés en HP et en HD, facturés en ct/kWh. S’y ajoute le prix de la puissance maximale (Pmax), consistant dans le prix mensuel de la puissance maximale annuelle de l’utilisation du réseau en francs suisses par kilowatt (CHF/kW), multiplié par la puissance maximale annuelle mesurée en HP au quart d’heure en kW.
Le prix de l’électricité s’élevait en 2024 à 7.9 ct/kWh en HP et à 4.75 ct/kWh en HD. Le prix mensuel de la puissance maximale annuelle de l’utilisation du réseau était fixé à 7.35 CHF/kW, soit 0.2416 CHF/kW par jour (7.35 CHF/kW × 365 jours ÷ 12 mois).
d. Jusqu’en juin 2024, la puissance maximale annuelle mesurée en HP dans la consommation de la fondation était de CHF 139.5 kW.
B. a. La facture des SIG du 2 septembre 2024 concernant la consommation de la fondation durant le mois d’août 2024 s’est élevée à CHF 9'936.35.
Le coût de l’utilisation du réseau était détaillé comme suit : pour les HP, 19'316.3 kWh × CHF 0.0790 = CHF 1'525.99 ; pour les HD, 11'480.6 kWh × CHF 0.0475 = CHF 545.33 ; pour la Pmax, 31 jours × 151.5 kW × CHF 0.2416 = CHF 1'134.88.
Les SIG ont en outre ajusté la facturation de la Pmax pour la période de janvier à juillet 2024 (213 jours) selon le calcul suivant : 213 jours × 12.0 kW × CHF 0.2416 = CHF 617.64.
b. La fondation a formé réclamation contre cette facture, contestant l’ajustement de la Pmax. La refacturation, dans une facture ultérieure, de montants ajustés rétroactivement pour les mois précédents selon la nouvelle puissance maximale mesurée durant le mois en cours, n’était pas conforme au droit.
c. Par courrier du 24 octobre 2024, les SIG ont répondu que l’application du tarif impliquait un nouveau calcul de la Pmax chaque mois « par année civile ». Jusqu’alors, la puissance maximale mesurée la plus élevée était celle du mois de septembre 2024, soit de 168.0 kW, dès lors applicable rétroactivement pour l’année en cours pour le calcul de la Pmax. Si la puissance maximale mesurée augmentait durant les prochains mois, elle deviendrait la nouvelle donnée de référence pour l’année en cours et serait appliquée rétroactivement, ainsi que pour les mois suivants.
Référence était faite à l’art. 8 al. 2 du règlement d’application des tarifs électricité des SIG du 29 juin 2023 (ci-après : RATE).
C. a. Par acte posté le 27 novembre 2024, la fondation a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur réclamation du 24 octobre 2024. Elle a conclu à son annulation et à celle des rubriques de la facture litigieuse concernant la Pmax ainsi que son ajustement pour la période précédente, subsidiairement au renvoi de la cause aux SIG pour l’établissement d’une nouvelle facture dans le sens des considérants, ainsi qu’au remboursement de tout montant perçu indûment au titre de Pmax.
L’acte entrepris ne se prononçait pas explicitement sur l’annulation ou le maintien de la facture litigieuse ni n’indiquait les voies de recours. Il avait toutefois les effets matériels d’une décision en tant qu’il confirmait cette dernière sur la base du droit public applicable.
Le RATE prévoyait expressément une facturation mensuelle, de sorte que chaque facture était rendue sur une base mensuelle, bien que les tarifs soient adoptés annuellement par les SIG. Ladite facture constituait ainsi une décision administrative, consacrant une mesure individuelle et concrète prise par les intimés sur la base du droit public cantonal, à savoir les prescriptions autonomes établies par cette même autorité. La facture était en outre contestable par la voie de la réclamation puis du recours devant la chambre. À l’issue des délais y relatifs, elle entrait en force et devenait définitive. La facture litigieuse violait ces principes, en particulier celui de la légalité, en modifiant, avec effet rétroactif, les décisions pourtant arrêtées définitivement pour les mois précédents.
Par ce procédé, les SIG avaient partiellement révoqué ces décisions, sans respecter les conditions légales et jurisprudentielles en la matière, soit l’existence d’un vice initial ou une évolution de la situation juridique.
Le RATE ne définissait pas précisément la notion de Pmax. On pouvait toutefois déduire du règlement qu’elle visait à faire payer au contributeur le prix de l’installation nécessaire à supporter un grand débit d’électricité durant une période donnée. Il résultait pourtant des art. 19bis et 19ter RATE que l’installation de l’infrastructure nécessaire à soutirer cette plus grande quantité d’énergie sur une période donnée faisait déjà l’objet de deux contributions de l’administré, concernant le raccordement et le branchement. La fluctuation à la hausse de la puissance maximale soutirée par l’administré ne représentait pas un quelconque coût supérieur pour la collectivité. La Pmax ne visait pas non plus à garantir l’entretien des installations électriques, ce coût faisant l’objet d’un émolument à part entière. Elle ne se justifiait dès lors pas sous l’angle du principe de la couverture des frais et de l’équivalence, en tant qu’elle concernait aussi bien son ajustement pour les mois de janvier à juillet 2024 que sa facturation pour le mois d’août 2024.
La délégation de compétence en faveur des SIG notamment pour adopter les tarifs dans le domaine de l’électricité prévue par l’art. 16 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève du 5 octobre 1973 (LSIG - L 2 35) était très large. Cela était admis par la jurisprudence à la condition que les principes constitutionnels pertinents, notamment ceux de couverture et d’équivalence, puissent être contrôlés. Or, un tel contrôle était impossible en l’espèce, dans la mesure où ni la loi ni les prescriptions autonomes ne définissaient la notion, le but et l’utilité de la Pmax. La délégation de compétence en faveur des SIG était donc insuffisamment précise pour permettre l’introduction de ce poste de facturation dans les prescriptions autonomes des intimés.
Au vu des modalités de calcul de la Pmax, un utilisateur soutirant une puissance maximale d’énergie élevée de manière stable était facturé sur la base de la valeur d’une telle puissance et ainsi de manière proportionnée à sa consommation effective. Au contraire, un utilisateur soutirant une puissance maximale d’énergie faible de manière instable, et atteignant une seule fois cette puissance, se verrait facturer le même montant au titre de Pmax, le cas échéant de manière rétroactive. La Pmax violait ainsi le principe de l’égalité de traitement, en faisant supporter une contribution causale du même montant à deux utilisateurs « en dépit de leur usage dans une mesure excessivement disparate ».
b. Dans leur réponse, les intimés ont conclu au rejet du recours.
Le calcul de la Pmax résultait du RATE ainsi que de la fiche tarifaire. Les SIG s’étaient rendus compte lors de l’établissement de la facture du mois d’août 2024 que la facturation des mois précédents comportait une erreur. La recourante avait payé une Pmax fondée sur une puissance maximale mesurée de 139.5 kW au lieu de 151.5 kW. Cette erreur ne leur était pas imputable puisque la nouvelle puissance maximale mesurée n’avait été connue que durant le mois d’août 2024 et résultait du comportement de la recourante sur sa consommation d’électricité. L’ajustement des mois précédents était imposé par la réglementation applicable.
Cet ajustement était en outre conforme à l’art. 52 al. 2 du règlement pour l’utilisation du réseau et la fourniture de l’énergie électrique des SIG du 27 août 1992 (RURFEE), qui permettait de rectifier les fautes et erreurs de facturation et de paiement dans le délai légal de prescription de cinq ans. Il respectait également l’égalité de traitement, puisque la formule prévue par le RATE se basait sur la puissance maximale mesurée durant l’année en cours et non sur celle d’un mois donné.
À Genève, les SIG étaient le gestionnaire de réseau compétent pour fixer les tarifs, au sens de de la loi sur l’approvisionnement en électricité du 23 mars 2007 (LApEl ; RS 734.7) et leurs tarifs respectaient le champ d’application de la législation fédérale. Les coûts pris en considération dans la fiche tarifaire ne comprenaient pas ceux d’établissement ou de construction d’un nouveau raccordement visés par les 19bis et 19ter RATE, mais ceux de l’utilisation du réseau tels que définis par la LApEl.
c. Dans sa réplique, la recourante a persisté dans ses conclusions.
Le RATE faisait certes référence à une puissance maximale mesurée en HP de l’année en cours, mais ne mentionnait pas qu’une telle valeur, plus élevée durant un mois, s’appliquerait rétroactivement aux mois précédents. L’art. 52 al. 2 RURFEE se référait seulement à des erreurs de facturation et ne constituait dès lors pas une base légale permettant un calcul rétroactif du prix de l’utilisation du réseau, contrairement par exemple à l’art. 10 al. 2 RURFEE.
Le mode de facturation rétroactif de la Pmax violait le principe de confiance, de sécurité du droit, d’égalité de traitement et de la légalité.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 57 al. 2 RURFEE).
2. La recourante remet en cause, dans la facture litigieuse, la légalité de l’ajustement de la Pmax pour les mois de janvier à juillet 2024, qu’elle considère comme une révocation partielle des facturations précédentes, violant les règles applicables en la matière.
2.1 L’art. 1 1ère phrase LSIG énonce que les SIG sont un établissement de droit public genevois fondé sur l’art. 168 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst GE A 2 00), ayant pour but de fournir dans le canton de Genève l’eau, le gaz, l’électricité, de l’énergie thermique, ainsi que de traiter des déchets.
Aux termes de l’art. 16 let. a ch. 1 LSIG, le conseil d’administration a la compétence d’adopter des prescriptions autonomes y compris les tarifs, dans la limite du but défini à l’art. 1, notamment dans le domaine de l'utilisation du réseau, les droits de raccordement et la fourniture de l'électricité, du gaz naturel et de l'eau potable.
2.2 Selon l’art. 2 RATE, la maintenance, l’entretien, l’exploitation, le renouvellement et le renforcement du réseau sont financés au travers du tarif de l’utilisation du réseau et de la participation de raccordement perçue pour les nouvelles installations (ch. 1 al. 2). La structure tarifaire pour les tarifs Profil Pro BT et MT pour l’utilisation du réseau se compose d’un prix de puissance (CHF/kW) et d’un prix de travail (ct/kWh) en HP et, en HD, d’un prix de travail (ct/kWh) uniquement (ch. 3 al. 1).
Aux termes de l’art. 4 ch. 3 al. 2 RATE, les tarifs de puissance relatifs à l’utilisation du réseau des Profils Pro sont appliqués mensuellement au prorata du nombre de jours effectifs du mois facturé. Le prix de la puissance figurant sur la facture se rapporte à une base journalière, selon le prix de la puissance des grilles tarifaires × 12 (mois) ÷ 365 (jours). Ce dernier est multiplié par le nombre de jours du mois en question.
Selon l’art. 8 ch. 1 RATE, les tarifs du Profil Pro BT sont attribués par installation raccordée en basse tension sur demande de l'usager en cas de consommation annuelle déterminée à l’aide du dernier relevé, dépassant 30'000 kWh par an.
L’art. 8 ch. 2 RATE définit le prix de la puissance maximale comme le montant facturé dans le cadre de l’utilisation du réseau égal au prix de la puissance multiplié par la puissance maximale enregistrée en HP (période de quinze minutes) pour les tarifs Profil Pro BT. La puissance maximale prise en compte est celle de l’année en cours (ch. 2).
L’art. 8 ch. 3 al. 2 RATE précise que le relevé des données de consommation ainsi que la facturation sont mensuels.
2.3 L’art. 52 RURFEE prévoit que le prix de l’énergie fournie et/ou de l’utilisation du réseau ainsi que les taxes et redevances tarifaires sont facturés à intervalles périodiques déterminés par les SIG, soit directement à l’usager, soit, pour lui, au fournisseur tiers qui agit au nom et pour le compte de l’usager. Dans tous les cas, l’usager reste seul titulaire du rapport d’usage à l’égard des SIG quant à l’utilisation du réseau et seul débiteur des montants dus à cet effet (al. 1). Les fautes et erreurs de facturation et de paiement peuvent être rectifiées par les SIG dans le délai légal de prescription de cinq ans (al. 2).
2.4 L'autorité compétente pour adopter une décision l’est également, en vertu du parallélisme des formes, pour la révoquer, sauf règle légale expresse contraire. La révocation d’une décision peut intervenir d’office, de la propre initiative de l’autorité, ou à la suite d’une demande de reconsidération sur laquelle l’autorité sera entrée en matière, de son plein gré ou en raison de la présence d’un motif de reconsidération obligatoire (ATA/659/2023 du 20 juin 2023 consid. 4.1).
Au moment de rendre sa décision, l'autorité détermine la situation de fait et y applique les dispositions légales en vigueur. Lorsque, par la suite, cette décision, qui est entrée en force, se révèle affectée d'une irrégularité initiale ou subséquente à son prononcé, que cette irrégularité soit de fait ou de droit, l'autorité a la possibilité de révoquer sa décision, dans la mesure où l'intérêt à une correcte application du droit objectif l'emporte sur l'intérêt de la sécurité du droit, respectivement à la protection de la confiance (ATF 139 II 185 consid. 10.2.3 ; 137 I 69 consid. 2.3).
2.5 En l’espèce, dans le cadre de la fixation du prix de l’utilisation du réseau selon le tarif, applicable au Profil Pro BT choisi par la recourante, le principe de la facturation de la Pmax en sus du travail, soit des kWh consommés, est prévu à l’art. 2 ch. 3 al. 1 RATE. Ses modalités sont quant à elles définies aux art. 4 ch. 3 al. 2 et 8 ch. 2 RATE ainsi que dans la fiche tarifaire. La Pmax consiste ainsi dans le prix mensuel de la puissance maximale annuelle de l’utilisation du réseau en CHF/kW – soit le prix de la puissance des grilles tarifaires multiplié par douze, divisé par 365 et multiplié par le nombre de jours effectifs du mois en cours – multiplié par la puissance maximale enregistrée en HP au quart d’heure en kW. Or, l’art. 8 ch. 2 RATE précise que la puissance maximale enregistrée prise en compte est celle de l’année en cours et la fiche tarifaire qu’il s’agit de la puissance maximale annuelle. Il en résulte que la Pmax, bien que faisant l’objet d’une facturation mensuelle comme les autres postes concernant le prix de l’utilisation du réseau, ne peut être connue de manière définitive qu’à la fin de l’année, lorsque la puissance maximale enregistrée en HP aura pu être déterminée.
S’il s’avère que la Pmax n’a pas pu être intégralement facturée à la fin l’année car la valeur de la puissance maximale mesurée appliquée durant un ou plusieurs mois était inférieure à celle enregistrée ultérieurement, aucune prescription n’exclut que la facturation puisse être complétée par la suite. Le seul délai prévu à cet égard est celui, de prescription, de cinq ans fixé par l’art. 52 al. 2 RURFEE.
Les règlements des SIG ne définissant pas de quelle manière les intimés doivent procéder pour facturer l’arriéré de Pmax, ils peuvent procéder comme ils l’entendent dans le délai précité. Or, la méthode utilisée en l’espèce, soit l’ajustement immédiat des Pmax afférents aux mois précédents dès lors que la puissance maximale mesurée durant le mois en cours est supérieure à celle de la période antérieure de la même année, apparaît dans l’intérêt de l’usager. Celui-ci connaît ainsi au plus tôt le montant du complément de la Pmax due et n’est pas obligé d’attendre la fin de l’année.
Le libellé de l’art. 8 ch. 2 RATE ainsi que celui de la fiche tarifaire ne laissent pas de place au doute sur le fait que la Pmax définitive doit être calculée sur une base annuelle, de sorte que le consommateur doit s’attendre, jusqu’à la fin de l’année, à ce qu’il soit possiblement facturé à ce titre de manière complémentaire en rapport avec les mois précédents. Contrairement à l’opinion de la recourante, un tel complément de facturation ne viole donc ni le principe de confiance, ni la sécurité du droit.
La recourante considère également à tort l’ajustement de la Pmax pour les mois de janvier à juillet 2024 comme la révocation partielle des factures relatives à chacune de ces périodes mensuelles. Ces factures ne sont en effet pas modifiées sur la base du constat qu’elles étaient entachées d'une irrégularité initiale ou subséquente à leur prononcé de fait ou de droit. Elles demeurent au contraire intégralement en vigueur et en force. L’ajustement de la Pmax n’y apporte pas de modification, mais permet de compléter la facturation annuelle de la recourante en tenant compte de la puissance maximale enregistrée en HP durant le mois en cours si elle est plus élevée que celle utilisée jusqu’alors.
L’ajustement de la Pmax pour la période précitée ne viole ainsi ni le principe de la légalité, ni les règles régissant la révocation d’une décision administrative en force.
3. La recourante considère au surplus que la Pmax, en tant que telle, est contraire au droit, dans la mesure où elle ne se justifie pas sous l’angle du principe de la couverture des frais et de l’équivalence, que les intimés ne disposaient pas d’une délégation de compétence suffisante pour instituer sa facturation, et qu’elle engendre pour la recourante une inégalité de traitement avec un consommateur soutirant sur la durée une puissance maximale d’énergie.
3.1 La LApEl a pour objectif de créer les conditions propres à assurer un approvisionnement en électricité sûr ainsi qu’un marché de l’électricité axé sur la concurrence (art. 1 al. 1 LApEl).
L’art. 5 al. 1 1ère phrase LApEl prévoit que les cantons désignent les zones de desserte des gestionnaires de réseau opérant sur leur territoire.
Aux termes de l’art. 6 LApEl, les gestionnaires d’un réseau de distribution prennent les mesures requises pour pouvoir fournir en tout temps aux consommateurs captifs et aux autres consommateurs finaux de leur zone de desserte qui ne font pas usage de leur droit d’accès au réseau la quantité d’électricité qu’ils désirent au niveau de qualité requis et à des tarifs équitables (al. 1). Sont considérés comme consommateurs captifs au sens du présent article les ménages et les autres consommateurs finaux qui consomment annuellement moins de 100 MWh par site de consommation (al. 2). Les gestionnaires d’un réseau de distribution fixent dans leur zone de desserte un tarif uniforme pour les consommateurs captifs raccordés au même niveau de tension et présentant les mêmes caractéristiques de consommation. Les tarifs sont valables pour un an au moins et font l’objet d’une publication présentant séparément l’utilisation du réseau, la fourniture d’énergie, les redevances et les prestations fournies à des collectivités publiques (al. 3). La composante du tarif correspondant à l’utilisation du réseau est calculée conformément aux art. 14 à 15a (al. 4 1ère phrase).
Selon l’art. 14 LApEl, la rémunération pour l’utilisation du réseau ne doit pas dépasser la somme des coûts imputables et des redevances et prestations fournies à des collectivités publiques (al. 1). La rémunération pour l’utilisation du réseau doit être versée par les consommateurs finaux par point de prélèvement (al. 2). Les tarifs d’utilisation du réseau doivent : (a) présenter des structures simples et refléter les coûts occasionnés par les consommateurs finaux ; (b) être fixés indépendamment de la distance entre le point d’injection et le point de prélèvement ; (c) se baser sur le profil de soutirage et être uniformes par niveau de tension et par catégorie de clients pour le réseau d’un même gestionnaire ; (e) tenir compte d’une infrastructure de réseau et d’une utilisation de l’électricité efficaces (al. 3).
Aux termes de l’art. 15 LApEl, les coûts de réseau imputables englobent les coûts d’exploitation et les coûts de capital d’un réseau sûr, performant et efficace ainsi que, à titre exceptionnel, les coûts de mesures novatrices pour des réseaux intelligents dans la mesure où ils présentent les fonctionnalités déterminées par le Conseil fédéral. Ils comprennent un bénéfice d’exploitation approprié (al. 1). On entend par coûts d’exploitation les coûts des prestations directement liées à l’exploitation des réseaux. En font notamment partie : (a) les coûts des services‑système et les coûts liés à la réserve d’énergie ; (b) les coûts de l’entretien des réseaux ; (c) les indemnités accordées pour l’octroi de droits et de servitudes en lien avec l’exploitation du réseau (al. 2). Les coûts de capital doivent être déterminés sur la base des coûts initiaux d’achat ou de construction des installations existantes. Sont seuls imputables en tant que coûts de capital : (a) les amortissements comptables ; (b) les intérêts calculés sur les valeurs patrimoniales nécessaires à l’exploitation des réseaux (al. 3).
L’art. 4 al. 1 de l’ordonnance sur l’approvisionnement en électricité (OApEl) prévoit que le gestionnaire du réseau de distribution fixe les tarifs de l’approvisionnement de base par année civile (année tarifaire).
3.2 Selon l’art. 21 al. 1 LApEl, le Conseil fédéral institue une commission de l’électricité (ElCom) formée de cinq à sept membres ; il en désigne le président et le vice-président. Les membres doivent être des experts indépendants. Ils ne peuvent ni appartenir à des organes de personnes morales actives dans le secteur de la production ou du commerce d’électricité, ni être sous contrat de prestations avec de telles personnes morales. L’ElCom n’est soumise à aucune directive du Conseil fédéral ou du département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication lorsqu’elle prend des décisions. Elle est indépendante des autorités administratives et dispose de son propre secrétariat (al. 2).
Aux termes de l’art. 22 al. 1 LApEl, l’ElCom surveille le respect des dispositions de la LApEl, prend les mesures et rend les décisions nécessaires à son exécution et à celle des dispositions d’exécution.
L’art. 22 al. 2 let b LApEl, dans sa teneur applicable jusqu’au 31 décembre 2025, précise que, en cas de litige ou d’office, l’ElCom vérifie les tarifs et la rémunération pour l’utilisation du réseau ainsi que les tarifs de l’électricité ; les redevances et les prestations fournies à des collectivités publiques sont réservées ; elle peut ordonner une réduction ou interdire une augmentation.
Le législateur a accordé à l’ElCom un pouvoir d’examen très large. Elle est ainsi compétente dans tous les domaines dans lesquels la compétence d’une autre autorité n’a pas été expressément réservée. Il incombe ainsi à l’ElCom d’examiner les tarifs d’utilisation du réseau exhaustivement et d’office (arrêt du TAF 2013/14 consid. 4.2.4).
3.3 Pour financer les activités que la Constitution ou la loi le chargent d'exercer, l'État perçoit des contributions publiques, venant s'ajouter à d'autres ressources que sont notamment les revenus générés par ses propres biens, le produit des sanctions pécuniaires et l'emprunt. Les contributions publiques sont des prestations en argent prélevées par des collectivités publiques et acquittées par les administrés sur la base du droit public. Elles sont subdivisées traditionnellement en impôts, en contributions causales et en taxes d'orientation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_768/2015 du 17 mars 2017 consid. 4.1 ; 2C_483/2015 du 22 mars 2016 consid. 4.1).
Les contributions publiques de nature causale sont des contre-prestations en argent que des justiciables doivent verser à des collectivités publiques pour des prestations particulières que celles-ci leur fournissent ou pour des avantages déterminés qu'elles leur octroient (ATF 138 II 70 consid. 6.1).
Le principe de la légalité en droit fiscal, érigé en droit constitutionnel indépendant à l'art. 127 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et qui s'applique à toutes les contributions publiques, tant fédérales que cantonales ou communales, y compris aux contributions de nature causale, prévoit que les principes généraux régissant le régime fiscal, notamment la qualité de contribuable, l'objet de l'impôt et son mode de calcul, doivent être définis par la loi au sens formel. Il importe en effet que l'autorité exécutive ne dispose pas d'une marge de manœuvre excessive et que les citoyens puissent cerner les contours de la contribution qui pourra être prélevée sur cette base (ATF 144 II 454 consid. 3.4 ; 143 I 227 consid. 4.2).
La jurisprudence a cependant assoupli cette exigence en ce qui concerne le mode de calcul de certaines de ces contributions. La compétence d'en fixer le montant peut ainsi être déléguée à l'exécutif lorsqu'il s'agit d'une contribution dont la quotité est limitée par des principes constitutionnels contrôlables, tels que ceux de la couverture des frais et de l'équivalence (ATF 143 I 227 consid. 4.2).
3.4 Selon le principe de la couverture des frais, le produit global des contributions causales ne doit pas dépasser, ou seulement de très peu, l'ensemble des coûts engendrés par la subdivision concernée de l'administration (ATF 135 I 130 consid. 2).
Le principe de l'équivalence veut que le montant de la contribution causale exigée d'une personne déterminée se trouve en adéquation avec la valeur objective de la prestation fournie qu'elle rétribue. Il doit y avoir un rapport raisonnable entre le montant concrètement demandé et la valeur objective de la prestation administrative (ATF 143 I 227 consid. 4.2.2).
3.5 Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 142 I 195 consid. 6.1 et les références).
3.6 En l’espèce, les intimés, établissement de droit public chargé de fournir notamment l’électricité sur tout le territoire du canton de Genève, sont un gestionnaire de réseau au sens des art. 5 al. 1 et 6 LApEl.
Ils ont en conséquence la compétence de fixer les tarif d’utilisation du réseau non seulement sur la base de l’art. 16 let. a ch. 1 LSIG, insuffisamment précis selon la recourante, mais également et surtout sur la base du droit fédéral, soit des art. 6 al. 3 LApEl et 4 al. 1 OApEl. Or, la LApEl, principalement à ses art. 6 et 14 à 15a, encadre de manière précise la fixation des tarifs. Elle en définit les destinataires, soit les consommateurs captifs et finaux, la durée, l’objet, les modalités de publication, la structure, les limites, l’uniformité, le fondement sur le profil de soutirage, ainsi que la composante, soit la somme des redevances et prestations fournies à des collectivités publiques et des coûts imputables. Ceux-ci comportent principalement les coûts d’exploitation et de capital du réseau, et comprennent un bénéfice d’exploitation approprié.
La marge de manœuvre des intimés pour fixer les tarifs d’utilisation du réseau électrique est ainsi délimitée par le droit fédéral et ne peut pas être qualifiée d’excessive. La compétence des intimés pour instituer la Pmax comme composante du prix d’utilisation du réseau, notamment pour les Profils Pro BT, repose ainsi sur une base légale formelle suffisante. Cela est d’autant plus vrai qu’au vu des dispositions susrésumées, le tarif, qui doit se fonder sur le profil de soutirage ainsi que les coûts imputables du réseau tels que définis par le droit fédéral, est gouverné par le principe de couverture des frais et de l’équivalence. Son mode de calcul, cadré par le droit fédéral dans une mesure importante, aurait dès lors pu être totalement délégué aux intimés sans atteinte au principe de la légalité.
3.7 Le contrôle du respect de la conformité au droit du tarif appartient pour le surplus à l’ElCom, qui peut être saisie en cas de litige. Elle est en effet l’autorité, indépendante composée d’experts, chargée de surveiller le respect de la LApEl ainsi que de prendre les mesures et rendre les décisions nécessaires à cet effet. Elle dispose d’un très large pouvoir d’examen, comprenant celui des tarifs d’utilisation du réseau électrique. Faute de base légale spécifique, ce point ne ressortit pas à une autre autorité, fédérale ou cantonale. La chambre n’est donc pas compétente pour vérifier la conformité de la Pmax au droit, soit principalement aux art. 6 et 14 à 15a LApEl. Elle ne peut ainsi pas examiner en particulier si, comme invoqué par la recourante, la Pmax entraînerait une facturation à double du prix du raccordement et du branchement à l’installation nécessaire à supporter une grande consommation.
Pour le même motif, la chambre n’a pas la compétence d’examiner si la PMax respecte le principe de l’égalité de traitement, ce d’autant plus que l’examen de la constitutionnalité des lois fédérales, lesquelles comportent les principes de la fixation du tarif comme vu précédemment, est exclu par l’art. 190 Cst.
Il sera néanmoins relevé à titre superfétatoire que la comparaison mise en exergue par la recourante ne révèle aucune inégalité de traitement. Un consommateur soutirant du réseau une puissance maximale élevée épisodiquement, voire à une seule reprise, se verra certes facturer le même montant au titre de Pmax que le consommateur soutirant une puissance maximale élevée sur la durée. Mais ce dernier paiera un prix de travail, soit des kWh consommés, bien plus importants. Or la PMax, comme l’illustre la facture litigieuse dont il ressort qu’elle s’élève à CHF 1'134.99 sur un montant total de CHF 9'936.35, représente un poste accessoire de la facturation globale. Ainsi, les deux types de consommateurs cités par la recourante, qui soutirent de l’électricité au réseau dans une mesure différente, ne contribueront pas de manière identique à son financement compte tenu du prix total qui leur sera facturé. En d’autres termes, la question de l’égalité de traitement ne peut pas être examinée à l’aune d’un seul poste de facturation, ce d’autant plus qu’il ne s’agit pas du poste principal institué par le tarif.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
4. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 27 novembre 2024 par la FONDATION A_____ contre la décision des Services industriels de Genève du 24 octobre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de la FONDATION A_____ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me François BELLANGER, avocat de la recourante, ainsi qu'aux Services industriels de Genève.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière-juriste :
M. MICHEL
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| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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