Décisions | Assistance juridique
DAAJ/61/2025 du 14.05.2025 sur AJC/767/2025 ( AJC ) , RENVOYE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE AC/771/2022 DAAJ/61/2025 COUR DE JUSTICE Assistance judiciaire DÉCISION DU MERCREDI 14 MAI 2025 |
Statuant sur le recours déposé par :
Monsieur A______, domicilié ______ (France),
contre la décision du 17 février 2025 de la vice-présidence du Tribunal civil.
A. a. A______ (ci-après : le recourant) a requis l'assistance juridique le 10 mars 2022 pour assigner son ex-employeur B______ SA par-devant le Tribunal des prud'hommes.
Sur le formulaire de l'assistance juridique, il a indiqué être domicilié chez "C______/D______ (mère)", rue 1______ no. ______, [code postal] E______, France.
b. Par décision du 5 juillet 2022, la vice-présidence du Tribunal civil lui a octroyé l'assistance juridique pour ladite procédure (C/2______/2022) et Me F______, avocate à G______ [VD], a été désignée d'office.
c. Par jugement JTPH/127/2024 du Tribunal des prud'hommes du 16 mai 2024, le recourant a été débouté de toutes ses conclusions. Ce jugement fait mention de l'adresse de celui-ci à E______ et des coordonnées de son conseil à G______.
B. a. Par courrier recommandé du 28 octobre 2024 adressé au recourant à E______ ("Villa H______ c/o M. C______/D______, rue 1______ no. ______, [code postal] E______, France"), distribué le 9 novembre 2024 à 11h26 selon le "Track and Trace" de la Poste Suisse, le Greffe de l'assistance juridique (ci-après : GAJ) lui a demandé de lui fournir les éléments utiles pour le réexamen de sa situation financière, dans un délai imparti jusqu'au 20 décembre 2024.
Ce courrier précisait que sans réponse de sa part à l'échéance de ce délai, le GAJ considérerait que sa situation financière s'était améliorée et qu'il serait condamné à rembourser à l'Etat de Genève le montant total des frais en 18'558 fr.
b. Le recourant n'a pas donné suite à ce courrier.
C. Par décision du 17 février 2025, notifiée le 24 février 2025, la vice-présidence du Tribunal civil a condamné le recourant à rembourser la somme de 18'558 fr. à l'État de Genève, correspondant au montant de 17'348 fr. versé à son avocate à l'issue de la procédure pour l'activité déployée en sa faveur et aux frais de justice avancés par l'Assistance juridique à hauteur de 1'210 fr.
Il a été retenu que le courrier recommandé du 28 octobre 2024 avait été notifié au recourant en date du 9 novembre 2024 et, comme il n'avait pas déféré à l'injonction du GAJ en temps utile, il était présumé être en mesure de rembourser l'intégralité des prestations fournies par l'Etat de Genève.
D. a. Le recourant, agissant en personne, a formé recours contre cette décision auprès de la présidence de la Cour de justice, par acte expédié par courrier recommandé le 6 mars 2025 à La Poste (France). Celui-ci, réceptionné à Zurich le 9 mars 2025, a été distribué à l'Autorité de recours le 10 mars 2025.
Il conclut à l'annulation de la décision de remboursement du 17 février 2025 et à la transmission du questionnaire d'actualisation de sa situation à sa nouvelle adresse à I______ (France) afin de pouvoir y répondre dans les meilleurs délais.
Il produit des pièces nouvelles (n° 2 : sa nouvelle adresse à I______ au "no. ______ Rue 3______, [code postal] I______, France" depuis le 24 février 2024, selon un récapitulatif de sa démarche en ligne dressé par la J______ [Caisse d'allocations familiales française] et nos 3 et 4 : Direction générale des finances publiques en France, Impôt sur les revenus de 2022, dressé le 24 juillet 2023, et Impôt sur les revenus de 2023, dressé le 8 juillet 2024, faisant mention de l'adresse du recourant à E______, et confirmant qu'il n'est redevable d'aucun impôt sur les revenus).
b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.
1. 1.1 Les décisions de remboursement prises par la vice-présidence du Tribunal civil, rendues en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC, 11 et 19 al. 5 RAJ), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47).
Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC).
Conformément à l’art. 10 let. a de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (CLaH65), les autorités suisses peuvent notifier des actes judiciaires en France directement par voie postale. Le droit suisse s'applique pour déterminer le moment de la notification de l'acte transmis par voie postale (arrêt du Tribunal fédéral 2D_23/2016 du 30 juin 2016 consid. 6.1; DAAJ/68/2022 du 9 août 2022 consid. 1).
Selon l'art. 142 al. 1 CPC, les délais déclenchés par la communication ou la survenance d’un événement courent dès le lendemain de celles-ci.
Selon l'art. 143 al. 1 CPC, les actes doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai soit au tribunal soit à l’attention de ce dernier, à la poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse.
Hormis celui du Liechtenstein, les offices postaux étrangers ne sont pas assimilés à un bureau de poste suisse; pour que le délai soit sauvegardé en cas de dépôt auprès d'un office postal étranger, il faut que le pli contenant l'écriture arrive le dernier jour du délai au plus tard ou que la Poste Suisse en prenne possession avant l'expiration du délai (arrêts du Tribunal fédéral 5A_427/2018 du 2 juillet 2018 consid. 4.1; 4A_468/2013 du 21 octobre 2013 consid. 3.1). Lorsque le destinataire d'une décision est domicilié à l’étranger, l’indication des voies de droit doit mentionner que le mémoire de recours doit être remis, au plus tard le dernier jour du délai, à La Poste suisse ou auprès d’une représentation diplomatique ou consulaire suisse. A défaut, si le recourant n'avait pas connaissance de cette règle, l'acte déposé dans les délais à la poste étrangère est réputé remis en temps utile, une partie ne devant pas subir de préjudice du fait d'une notification irrégulière d'une décision (ATF 145 IV 259 consid. 1 = JdT 2019 IV 323; DAAJ/68/2022 du 9 août 2022 consid. 1 et la référence citée).
1.2 En l'espèce, le recourant a réceptionné la décision de la vice-présidence du Tribunal civil du 17 février 2025, expédiée par courrier recommandé, en date du lundi 24 février 2025, selon le "Track and Trace" de La Poste Suisse. Le délai de recours a, dès lors, commencé à courir le lendemain, le 25 février 2025, et a pris fin 10 jours plus tard, le 6 mars 2025 avant minuit. Le recourant a certes déposé son recours le 6 mars 2025, mais en France, et celui-ci n'est arrivé en Suisse que le 9 mars 2025.
Cela étant, la décision du 17 février 2025 n'indiquait pas, dans les voies de droit, que le recours devait être remis au plus tard le dernier jour du délai à La Poste Suisse ou auprès d’une représentation diplomatique ou consulaire suisse. Or, compte tenu de la domiciliation en France du recourant, cette mention aurait dû être présente. Ainsi, dans la mesure où le recourant comparaît en personne, il y a lieu d'admettre, conformément à la jurisprudence susmentionnée, que son recours, remis dans le délai de 10 jours à une poste étrangère, a été introduit en temps utile.
Le recours ayant pour le surplus été déposé auprès de l'autorité compétente dans la forme prescrite par la loi, il est recevable.
1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515, p. 453).
2. À teneur de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'une procédure de recours.
Par conséquent, les pièces nouvellement produites (nos 2 à 4) et les faits qu'elles contiennent ne seront pas pris en considération.
3. Le recourant fait valoir qu'il n'a pas reçu le courrier recommandé du GAJ du 24 [recte : 28] octobre 2024, parce qu'il avait entre-temps déménagé, le 28 février 2024, à I______, qu'il avait fait suivre son courrier durant six mois, jusqu'à fin août 2024, et qu'à son sens, ce courrier recommandé avait probablement été retourné à son expéditeur, en l'absence de destinataire à l'adresse indiquée à E______.
Quand bien même la décision entreprise avait retenu que ledit courrier du GAJ du 28 octobre 2024 avait été notifié le 9 novembre 2024, il explique que la personne qui l'hébergeait auparavant, D______/C______, n'avait pas qualité pour réceptionner ses courriers recommandés, qui devaient lui être directement notifiés.
3.1.1 Selon l'art. 138 CPC, les citations, les ordonnances et les décisions sont notifiées par envoi recommandé ou d'une autre manière contre accusé de réception (al. 1). L'acte est réputé notifié lorsqu'il a été remis au destinataire, à un de ses employés ou à une personne de seize ans au moins vivant dans le même ménage (al. 2, 1ère phr.).
La notification d'actes procéduraux doit se faire en principe à l'adresse de l'intéressé (art. 133 let. a CPC), soit au lieu de son domicile (art. 23 CC).
La preuve de la notification et de la date de son accomplissement incombe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2; 124 V 400 consid. 2a; arrêts du Tribunal fédéral 5D_62/2014 du 14 octobre 2014 consid. 3.1 et 9C_411/2008 du 17 septembre 2008 consid. 3).
Selon la jurisprudence relative aux envois postaux recommandés, il existe une présomption, selon laquelle la date de distribution a été correctement enregistrée, celle-ci pouvant être renversée si le destinataire établit au degré de la vraisemblance prépondérante une erreur dans la notification; il faut des indices concrets d'une erreur (ATF 142 IV 201 consid. 2.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_280/2021 du 25 mars 2022 consid. 4.1.3; 4A_250/2008 du 18 juin 2008 consid. 3.2.2).
3.1.2 En cas de changement d'adresse en cours de procédure, la partie ou son mandataire est tenue d'entreprendre toutes les démarches nécessaires pour s'assurer que le jugement lui parvienne (ATF 101 Ia 332 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_449/2023 du 2 mai 2024 consid. 4.2.3; 4A_280/2021 du 25 mars 2022 consid. 4.2 et 4.3.1). A défaut, le Tribunal peut continuer d'adresser le pli à la même adresse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_825/2022 du 7 mars 2023 consid. 4.3.1 et les références citées).
3.1.3 Lorsque la partie est représentée, les actes sont notifiés à son représentant (art. 137 CPC). Celui-ci est en principe le mieux à même de saisir la portée des communications judiciaires et de transmettre ensuite les informations nécessaires à son mandant (DAAJ/168/2019 du 27 décembre 2019 consid. 2.1 et la référence citée).
En cas de représentation par un avocat, l'adresse professionnelle de celui-ci constitue toujours un domicile de notification (ATF 144 IV 64 consid. 2.5; 143 III 28 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_512/2018 du 26 septembre 2018 consid. 3.4.1.1; DAAJ/168/2019 du 27 décembre 2019 consid. 2.1).
Si un représentant est régulièrement désigné pour la procédure, une notification directe à la partie représentée est exclue et une telle notification n'est en principe pas régulière. L'application de l'art. 137 CPC et la conséquence que la notification doit intervenir auprès du représentant supposent qu'au moment de l'envoi, la représentation existe et aussi qu'elle a été portée à la connaissance du tribunal (ATF 143 III 28 consid. 2.2.1 et les références citées; ATF 113 Ib 296 consid. 2; DAAJ/168/2019 du 27 décembre 2019 consid. 2.1).
Le courrier impartissant un délai au bénéficiaire de l'assistance juridique pour qu'il se détermine au sujet du réexamen de sa situation financière doit être adressé à son conseil nommé d'office, quand bien même celui-ci a déjà été rémunéré par l'Etat de Genève pour l'activité qu'il avait déployée en faveur dudit bénéficiaire de l'assistance juridique (DAAJ/168/2019 du 27 décembre 2019 consid. 2.1; DAAJ/5/2018 du 26 janvier 2018 consid. 3.1.2; DAAJ/68/2017 du 17 juillet 2017 consid. 2.2.2 et 2.3).
La décision condamnant ledit bénéficiaire au remboursement de l'assistance juridique doit également être notifiée à son conseil (DAAJ/168/2019 du 27 décembre 2019 consid. 2.1; DAAJ/5/2018 du 26 janvier 2018 consid. 3.1.2; DAAJ/68/2017 du 17 juillet 2017 consid. 2.2.2 et 2.3).
Le fait que le recourant agisse en personne en seconde instance n'infirme pas ce raisonnement (DAAJ/168/2019 du 27 décembre 2019 consid. 2; DAAJ/68/2017 du 17 juillet 2017 consid. 2.3).
3.2 En l'espèce, par courrier recommandé du 28 octobre 2024, le GAJ a imparti au recourant un délai jusqu'au 20 décembre 2024 pour qu'il lui communique les éléments utiles pour le réexamen de sa situation financière.
Ce courrier lui a valablement été notifié le 9 novembre 2024, soit en ses mains, soit en celles de sa mère à E______ (art. 138 al. 2, 1ère phr. CPC). En effet, puisqu'il n'a pas avisé le GAJ, contrairement à ses obligations, de son changement de domicile à I______ (ni, au demeurant le Tribunal des Prud'hommes pour le jugement à rendre, ni la Direction générale française des finances publiques, puisque son avis d'impôt dressé le 8 juillet 2024 mentionnait encore son adresse à E______), le GAJ était fondé, en application de la jurisprudence sus évoquée, à lui adresser son courrier recommandé du 28 octobre 2024 à E______. En tout état de cause, il a reçu ce courrier le 9 novembre 2024 selon le "Track and Trace" de La Poste Suisse, cette date de distribution étant présumée avoir été correctement enregistrée, ce d'autant plus que le recourant n'a apporté aucun indice concret d'une erreur.
Cependant, le recourant était représenté durant la procédure prud'homale par une avocate commise d'office, de sorte que le GAJ aurait également dû lui notifier son courrier du 28 octobre 2024, cela même si elle avait déjà été défrayée par l'Etat de Genève pour son activité déployée dans cette cause, selon les jurisprudences sus évoquées.
Par conséquent, en l'absence de notification du courrier du GAJ du 28 octobre 2024 au conseil du recourant, la vice-présidence du Tribunal civil ne pouvait tirer aucune conséquence juridique de l'absence de réaction du recourant et ne pouvait pas, par décision du 17 février 2025, le condamner au remboursement de la somme de 18'558 fr. De plus, cette décision aurait également dû être notifiée au conseil du recourant.
Ces notifications irrégulières entraînent l'annulation de la décision de la vice-présidence du Tribunal civil du 17 février 2025 et le renvoi de la cause à l'Autorité de première instance pour réexamen de la situation financière du recourant, en impartissant un délai à son conseil à cette fin, et nouvelle décision.
4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 17 février 2025 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/771/2022.
Au fond :
Annule la décision entreprise.
Renvoie la cause à la vice-présidence du Tribunal civil pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.
Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.
Indication des voies de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.