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Décisions | Chambre civile

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C/13424/2022

ACJC/1574/2025 du 04.11.2025 sur JTPI/14928/2024 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13424/2022 ACJC/1574/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 4 NOVEMBRE 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Ile Maurice, appelant d'un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 novembre 2024, représenté par Me Peter SCHAUFELBERGER, avocat, place Benjamin-Constant 2, case postale 5624, 1002 Lausanne (VD),

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par
Me Jérôme JOTTERAND, avocat, Gros & Waltenspühl, rue Beauregard 9, 1204 Genève.

 


EN FAIT

A.           Par jugement du 26 novembre 2024, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal de première instance, après avoir déclaré irrecevables deux pièces déposées par les parties (ch. 1 et 2), a condamné A______ à verser 10'000 euros avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 21 avril 2021 à B______ (ch. 3), prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______ à concurrence de 10'800 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 21 avril 2021 (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 10'850 fr., compensés avec l’avance opérée et mis à la charge de B______ à raison de 870 fr., et à celle de A______ à raison de 9'980 fr. (ch. 5), condamné A______ à verser à B______ 8'000 fr. à titre de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

Il a considéré que la prétention en frais élevée par A______ n’était pas prouvée, que les parties n’avaient pas été liées par un contrat de société simple faute d’animus societatis (aucune mise en commun de biens, ressources ou activités), qu’en revanche elles s’étaient entendues pour collaborer (selon un accord pour lequel il n’existait pas de volontés concordantes des parties, de sorte qu’une interprétation selon le principe de la confiance s’imposait), qu’il était établi que les deux parties avaient été actives de juillet à octobre 2019, que le précité avait droit au partage de la commission fixe, qui semblait se rapporter à une activité entre juillet et octobre 2019, mais non à la commission variable liée au travail, ultérieur, de représentant des obligataires auquel A______ n'avait pas participé.

B.            Par acte du 13 janvier 2025, A______ a formé appel contre les chiffres 3 à 7 du dispositif de ce jugement. Il a conclu à l'annulation de ceux-ci, cela fait à ce que B______ soit condamné à lui verser 10'800 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 20 janvier 2021, 9'733 fr. 36 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mars 2021, et 112'458 fr. 59 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 22 avril 2021, et à ce que soit prononcée la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour nouvelle décision, sous suite de frais et dépens.

B______ a conclu à la confirmation du jugement, sous suite de frais et dépens.

Les parties ont répliqué et dupliqué, et encore déposé des déterminations, persistant dans leurs conclusions respectives.

Par avis du 22 juillet 2025, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.


 

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants :

a.    A______ et B______ (qui exerce en qualité de gérant de fortune indépendant, spécialisé dans le marché français) détiennent tous deux des obligations (nominal de 100 euros) émises par une entité de droit français, C______ SA, à raison pour le premier de 6'053 obligations, à raison de 219 obligations pour le second.

b.   Début juillet 2019, C______ SA a annoncé vouloir procéder à une négociation de sa dette obligataire, l'échéance de remboursement au pair des obligations étant alors prévue au 18 octobre 2020 (coupons de 3,2% pour les années 2014 à 2018, de 5% pour l'année 2019 et de 10% pour l'année 2020).

c.    En juillet 2019, selon les allégués de A______ non contestés par B______, ceux-ci se sont rencontrés; l'un et l'autre "ont alors pris contact […] avec D______", président directeur général de E______, banque d'affaires de droit français, active dans la restructuration de sociétés.

Le 8 juillet 2019, B______ a fait connaître sur un forum de discussion qu'il recherchait d'autres porteurs d'obligations de C______ SA aux fins de les rassembler. Cette démarche a abouti à la constitution d'un groupe des "Obligataires fédérés", comportant 30 obligataires.

d.   Le 11 septembre 2019, B______ s'est adressé à A______ par courriel en ces termes : "Mes idées à faire passer à D______: […] A priori, le regroupement de nos 14 membres, 13% de la souche, semble en mesure de contrôler l'AG. Comme grâce à notre action A______ et moi, une solution très avantageuse pour C______ SA devrait émerger, il nous semble juste de rémunérer notre travail. En fonction de ce qui vient d'être dit […] En parallèle, création d'une fiducie, où C______ SA apporte 3M d'euros cash plus un système à la ABO pour compléter si besoin, seuls ceux qui auront répondu à l'appel de C______ SA par communiqué de presse pourront prétendre à ce complément de prix. Sur les 3M d'euros seront pris tous les frais de l'opération, dont E______, les avocats et les nôtres… Nos honoraires avec la clé de répartition 2/3 pour A______ et 1/3 pour moi, une commission fixe de 15'000 euros + 5% de la souche n'ayant pas répondu à l'appel de C______ SA jusqu'à 80% et 3% 70% et 0% si plus de 30% de la souche se raccroche à la fiducie. Des commentaires?".

B______ qualifie ces propositions de "premier plan de sauvegarde financière".

e.    Par courriel du 12 septembre 2019, transféré à A______ le 16 septembre 2019, B______ a communiqué à D______ les remarques suivantes : "[…] je n'ai aucun état d'âme à être bien payé et bien sûr toi aussi […] Mon idée, vu le contexte, le temps passé etc…me concernant uniquement pour la partie mise en place donc sans compter si je devais jouer un rôle actif au sein de la fiducie dans l'exécution, j'aimerais obtenir entre 100K-150K et le double selon notre accord pour A______, la vie est chère en Suisse […]".

f.Par courriel du 22 septembre 2019, adressé à A______ et B______, sous l'intitulé : "Equitization/Fiducie", D______ a proposé à ceux-ci d'échanger "sur les éléments [...] envoyés".

Par courriel du 23 septembre 2019, adressé à D______ et A______, B______ s'est déterminé, relevant notamment : "Nous acceptons cette solution avec E______ uniquement si les membres de notre regroupement retrouvent 100% de leur créance. D'ailleurs, nous pensons qu'il serait normal que notre regroupement qui porte ces discussions et prendra l'engagement de voter favorablement en AGO, ait un petit plus […], dans ton schéma, je ne vois pas notre commission à A______ et à moi?".

g.    Par courriel du 30 septembre 2019, adressé à D______ et A______, B______ a relevé : "Nous avons discuté cette après-midi avec A______, voici nos remarques : […] Pour remettre sur le tapis notre commission, je comprends le principe, mais la réalité économique est que la valeur de ma créance en valeur absolue et la valeur de celle-ci par rapport à l'ensemble de ma fortune est infime. Vu le temps que je passe sur ce dossier, ce n'est sûrement pas la sauvegarde de ma créance qui me motive, ça va bien au-delà. Donc me concernant, je ne comprends pas la réaction de la conciliatrice […]".

h.   Dans le cadre d'une procédure de conciliation - décrite notamment dans le jugement prononcé le 10 février 2020 par le Tribunal de commerce de F______ (France) à l'égard de C______ SA -, un projet de plan de sauvegarde financière accélérée a été élaboré par cette société. Les titulaires d'obligations simples ont été consultés sur cette proposition lors d'une assemblée générale tenue le 7 octobre 2019, laquelle a recueilli un vote favorable à 74,7%. Selon la décision de justice précitée, il s'est agi d'une "proposition alternative, au choix de chacun des obligataires, à savoir le désintéressement via un mécanisme de fiducie permettant une "equitization (transformation en capital) des obligations dans le temps d'ici au 31 décembre 2022 […] avec une avance à hauteur de 15% de la créance obligataire versée en octobre 2020 (option 1) ou le remboursement immédiat et en numéraire de 30% de la créance obligataire (option 2) […]".

i. A______ allègue qu'à l'assemblée générale des porteurs d'obligations ordinaires de C______ SA, tenue le 7 octobre 2019 (à laquelle il assistait), a été présenté "le projet que les parties [avaient] développé avec leurs conseils et E______". B______ n'a pas contesté cet allégué.

Le procès-verbal de ladite assemblée comporte notamment les passages suivants : "S'agissant des frais, Monsieur D______ indique que la rémunération de E______ sera de […]. Monsieur […] demande si Monsieur B______ est également rémunéré. Monsieur D______ répond qu'en l'état de discussions, Monsieur B______, qui a notamment assuré un travail de coordination, sera rémunéré par la fiducie à hauteur de 20'000 euros au titre des frais fixes et de 5% des plus-values au-dessus de la moitié du remboursement.", et : "Monsieur A______ demande que dans la première option, il y ait une avance à hauteur de 15% […]", ce qui a été approuvé.

B______ allègue que lors de cette assemblée générale "et dans les jours suivants", il avait "senti que Monsieur A______ flanchait dans le soutien qu'il était censé apporter au plan de sauvetage convenu avec C______ SA et E______, raison pour laquelle il n'était plus d'accord avec la répartition d'une éventuelle commission, telle qu'évoquée initialement".

A______ le conteste, affirmant avoir continué à assister aux réunions de suivi, et participé à la rédaction du contrat de fiducie jusqu'en janvier 2020, et n'avoir pas eu à demander une autre rémunération que celle requise par B______, vu qu'ils étaient convenus "depuis le début, en cas de rémunération de la partager".

Par courriel du 9 octobre 2019, B______ s'est adressé aux "Obligataires fédérés" et à A______ en ces termes : "[…] La commission de conseil variable […] sera à partir de 50% de recouvrement de notre créance de 25% soit […] 300'000 euros, dont 5% des 25% pour me rémunérer à la fois pour tout ce que j'ai fait jusqu'à maintenant et le suivi à venir. […] Pour ma rémunération variable, pour que les choses soient très claires, au début je voulais que ce soit C______ SA qui le paie mais c'était impossible car assimilé à de l'achat de vote etc. Comme je ne voulais pas faire peser ma rémunération sur les obligataires en venant diminuer leur net, j'ai demandé que la décote passe de 11% à 20% ce qui a été validé, dans cette histoire vous devriez même être gagnants, au final en me payant vous gagnerez plus. Il faut bien comprendre le contexte, avec A______ on est allé chercher […], ensuite début septembre on a rencontré […]. Comme on connaît bien D______ depuis des années, il nous fait confiance, on lui apporte le poids de notre regroupement […]. Les paramètres, je me vois mal les renégocier maintenant, on peut discuter des garanties, des modalités. Par exemple, les paiements d'étape sont à définir […] sachant que fin octobre on va toucher 15%, grâce à A______ [prénom]".

j.Le 10 octobre 2019, sous l'intitulé "com[mission]", B______ et A______ ont échangé des courriels.

Le premier s'est exprimé ainsi : "Je reviens sur notre discussion de cette après-midi, sur la com […]. Lorsqu'on avait parlé de ça, 2/3 1/3, ça me paraissait cohérent dans l'idée que nous serions les 2 cités comme bénéficiaires […] Dans la situation actuelle, garder le même ratio n’est pas à mon avis satisfaisant pour moi et un ratio inverse, je ne trouve pas satisfaisant pour toi. 50-50 c'est pas mal mais ce qui me gêne c'est que je suis le seul exposé, et à prendre les coups, à devoir me défendre etc. Donc, compte tenu de tout ça, il me semble que 60% pour moi pour mon exposition et 40% pour toi serait plus "juste" si tant est qu'il y ait une justice…[…] En revanche, je suis favorable de raisonner net de frais, en tout cas des tiens […] Qu'en penses-tu? […] Mais maintenant, si tu trouves qu'après réflexion, malgré mes arguments, ça reste plus équilibré à 50-50 comme on a dit, je n'insisterai pas plus."

Le second a répondu en ces termes : "Je souhaite rappeler que lorsque je t'ai demandé cet été pourquoi tu participais aussi activement au dossier C______ SA, tu m'a répondu que cela était par pure satisfaction intellectuelle, sans intérêt financier et que tu allais arrêter de t'engager aussi activement. Aussi t'ai-je invité à participer aux discussions […]. Une fois le dossier de la fiducie E______ amorcé, tu as maintenu ton engagement et recherché mon aval pour obtenir une commission pour nous deux sur la base d'une répartition d'un tiers pour toi et deux tiers pour moi. Comme [la conciliatrice et des tiers] l'ont indiqué, il y a clairement conflit d'intérêts. Si l'idée du bénévolat devait être a posteriori finalement abandonnée, il faut que la commission envisagée soit en rapport avec le travail effectué et les frais engagés. Tu es libre de faire prendre ou non tes frais de déplacement […]. Pour ma part, je souhaite que mes frais de déplacements afférents à ce dossier soient pris en charge en totalité […]. Ensuite, concernant l'éventuelle commission nette de frais, il me paraît juste qu'elle soit également partagée entre nous. Même si elle ne correspond pas au montant que tu espérais, c'est mieux que rien et de toute façon très largement supérieur à un salaire suisse pour seulement une quinzaine de jours de bénévolat initial. Je te remercie de me confirmer ton plein accord par retour de courriel".

B______ s'est déterminé ainsi : "Donc tu souhaites rester à 50-50, je ne veux pas que ça crée des tensions entre nous, c'est le plus important pour moi. Ça ne change pas fondamentalement la donne, on ne parle pas de millions d'euros…Ok ça me va. Pour tes frais, il n'y a pas de débat, tant qu'ils sont en lien avec notre affaire […] les miens ce sera juste […] si je dois me défendre à moins que j'aie besoin de monter à Paris toutes les semaines pour animer la fiducie, on verra plus tard, tant que ça ne dépasse pas en gros 1000-2000 euros, je m'en fous".

k.   Le 31 janvier 2020, le plan de sauvegarde financière accélérée a été déposé au Tribunal de commerce de F______ (France). Aux termes du jugement précité de cette instance, la proposition comportait, s'agissant de l'option 1 susmentionnée, le "transfert des obligations à la fiducie […]; en qualité de constituants et bénéficiaires de la fiducie, les obligataires seront représentés par Monsieur B______ désigné par l'AUO en vue d'assurer le suivi des opérations et la coordination entre les différents intervenants; la rémunération du représentant des créanciers obligataires O1 sera effectuée par prélèvements sur les produits nets de cession des actions […]".

l. Au Tribunal, B______ a déclaré qu'il n'avait pas eu à intervenir pour une activité entre octobre 2019, lorsque l'accord de principe avait été obtenu, et février 2020, après l'adoption du plan par le Tribunal de commerce de F______ (France). Ultérieurement, et jusqu'au 31 décembre 2021 voire jusqu'en juin 2022, il avait assumé sa fonction de représentant des obligataires; A______ n'avait pas du tout participé à cela. B______ avait ressenti un changement d'attitude de A______, à compter du 5 octobre 2019, alors que celui-ci avait été actif de juillet à septembre 2019. Il avait entretenu moins de contacts avec lui, qui se montrait "plus froid et distant".

Interrogé par le Tribunal sur les échanges de messages du 10 octobre 2019, il a déclaré avoir songé "à un moment donné" que si A______ lui demandait une participation, ce ne serait pas justifié; il n'avait ensuite plus pensé à lui dire "qu'il fallait oublier cette question des 50/50". En mars 2020, lorsqu'il avait constaté que le précité n'avait pas adhéré à la fiducie, il s'était posé la question de savoir si A______ pensait encore à la discussion d'octobre 2019 sur la répartition de la rémunération.

Un ancien collaborateur de E______, entendu en qualité de témoin, a déclaré au Tribunal que B______ avait été actif durant la procédure de conciliation puis avait reçu une mission conformément à la convention de fiducie (dont l’idée était née durant la procédure de conciliation), qu’il avait régulièrement été en contact téléphonique avec le précité pendant la période concernée. B______ avait participé à plusieurs réunions de suivi. Le témoin avait connu A______, lequel avait participé à sa connaissance à la phase de conciliation, et adhéré en qualité d’obligataire à la fiducie. Il ignorait si le précité avait participé à la rédaction de la convention de fiducie, il savait qu’il avait participé à la négociation des termes utilisés dans la convention, comme tout obligataire. A______ n’était pas présent à toutes les réunions. Le témoin l’avait vu à une assemblée générale, il avait suivi toutes les discussions et avait connaissance de tous les termes de la convention (témoin G______).

Une ancienne collaboratrice d’un teneur de registres des sociétés cotées en bourse en France (I______), lequel était dépositaire des obligations de C______ SA dans le cadre de la fiducie, entendue en qualité de témoin, a déclaré au Tribunal que B______ l’avait beaucoup aidée dans le cadre de la récupération de pièces auprès de porteurs de titre, en sa qualité de représentant des obligataires. Elle n’avait pas été en contact avec A______, dont le nom lui était connu car figurant dans la liste des détenteurs d’obligations de C______ SA (témoin H______).

m. Il est admis que B______ a reçu 20'000 euros et 213'318, 67 euros.

n.   Le 20 janvier 2021, A______ a adressé à B______ un courrier, intitulé "facture 210120[B______]", pour requérir le virement sur un compte bancaire à son nom, "dans le cadre du dossier C______ SA", de 10'000 euros à titre de "commission de 50% sur versement de 20'000 euros".

o.    Le 1er mars 2021, il a adressé à B______ un courrier, intitulé "facture 210301[B______]", pour requérir le virement sur un compte bancaire à son nom, "des frais engagés dans le cadre du dossier C______ SA au cours de l'année 2019", de 8'841,51 euros, à titre de "frais engagés dans le cadre du dossier C______ SA (hors frais d'avocat) ».

p.   Sur relance de A______, B______ a, par courriel du 29 mars 2021, relevé : "La confiance est rompue entre nous, je ne souhaite plus entretenir de relation".

q.   Le 5 août 2021, A______ a fait notifier par l'Office cantonal des poursuites à B______ un commandement de payer poursuite n° 1______ portant sur 112'458 fr. 59 avec intérêts à 5% l'an dès le 22 avril 2021 (poste 1), 9'733 fr. 36 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mars 2021 (poste 2) et 10'800 fr. avec intérêts à 5% dès le 20 janvier 2021 (poste 3). Les titres de créances invoqués étaient respectivement "liquidation de la société simple formée entre messieurs B______ et A______ de juillet 2019 au 10 octobre 2019", "facture 210301[B______] du 1er mars 2021 et de EUR 8848.51 impayée" et "facture 210120[B______] du 20 janvier 2021 et de EUR 10'000 impayée".

r.    Le 16 janvier 2023, A______ a déposé au Tribunal une demande par laquelle il a conclu à ce que B______ soit condamné à lui verser 10'800 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 20 janvier 2021, 9'733 fr. 36 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mars 2021, et 112'458 fr. 59 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 22 avril 2021, et à ce que soit prononcée la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______, sous suite de frais et dépens.

Il n'a pas soumis de développements de droit pour étayer ses prétentions.

B______ a conclu au déboutement de A______ des fins de ses conclusions.

Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives. A______ a formé de nouveaux allégués (notamment 111 à 113, selon lesquels il avait continué à assister aux réunions de suivi et avait participé à la rédaction du contrat de fiducie jusqu’en janvier 2020 et à la validation du plan de sauvegarde par le Tribunal de F______, et avait avec son conseil fourni un travail important dans la relecture de la convention de fiducie, jusqu’à la fin du premier semestre 2020), offrant en preuve de certains de ceux-ci, outre des pièces (notamment en lien avec les allégués 111 et 112 : des courriels entre son avocat français et E______ les 13 et 14 février 2020 sur la convention de fiducie, et 113 : courriels des 18 et 23 mai 2020 échangés avec E______ sous l’intitulé « Obligataires C______ SA – équilibre des options ») et l’audition des parties ; il n’a pas davantage soumis de développements de droit. B______ a fait figurer la mention « admis » s’agissant des allégués 111 à 113 de A______, précisant dans son propre exposé des faits que l’activité de celui-ci se limitait à celle d’un obligataire veillant à la défense de ses propres intérêts et ne relevait pas de l’engagement en faveur de la communauté des obligataires.

Par courrier du 3 novembre 2023, A______ a renoncé à offrir la déclaration des parties en preuve de ses allégués.

Les parties ont déposé des plaidoiries écrites, persistant dans leurs conclusions respectives. A______ a notamment soutenu s’être lié par un contrat de société simple de droit suisse à B______, dont le but aurait été atteint le 21 avril 2021, et avoir convenu avec le précité un partage de rémunération par moitié.

Elles se sont encore déterminées, persistant dans leurs conclusions respectives.

Sur quoi, le Tribunal a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris est une décision finale de première instance
(art. 308 al. 1 let. a CPC), rendue dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions était supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

Déposé dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1,
131, 142 al. 1 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable, sous réserve de ce qui suivra.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs motivés qui sont formulés (art. 311 al. 1 CPC; ATF 142 III 413 consid. 2.2.4). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus
(ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_55/2017 du 16 juin 2017 consid. 5.2.3.2).

2. La maxime des débats et le principe de disposition sont applicables au présent litige (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 247 al. 1 CPC).

3. Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

4. Aux termes des chiffres 3 et 4 du dispositif du jugement, le Tribunal a condamné l'intimé à verser à l'appelant 10'000 euros avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 21 avril 2021, et prononcé la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer pour le montant correspondant au poste 3 de celui-ci, avec la date d'intérêts moratoires déjà citée. L’appelant ne développe pas le moindre grief ni quant à la monnaie dans laquelle la condamnation précitée a été prononcée ni quant à la date de départ des intérêts moratoires. Il reprend pourtant sur ce point, ses conclusions de première instance (versement de 10'800 fr. avec intérêts moratoires dès le 20 janvier 2021). Ce chef de l’appel, non motivé, n'est donc pas recevable, étant rappelé que, faute d’appel joint, la condamnation de l’intimé, telle que libellée au chiffre 3 du dispositif du jugement, est acquise.

Le premier juge a par ailleurs écarté les prétentions de l'appelant en paiement de frais, au motif que ceux-ci n'avaient pas été prouvés. L'appelant ne tente pas de critiquer cette motivation, se limitant à se référer aux pièces produites, que le Tribunal n'a pas considérées comme probantes. L'appel sur ce point est ainsi également irrecevable.

5. L'appelant reproche au Tribunal de ne pas avoir fait droit à sa prétention en versement de 112'458 fr. 59. Il se prévaut d’une violation des principes régissant l’interprétation des contrats.

5.1 Pour déterminer si un contrat a été conclu, quels en sont les cocontractants et quel en est le contenu, la volonté des parties est déterminante (art. 18 al. 1 et 19 al. 1 CO). Conformément aux principes généraux dégagés par la jurisprudence, il faut procéder à l'interprétation des manifestations de volonté des parties en deux phases, deux fondements légaux pouvant entrer en jeu, à savoir la réelle et commune intention des parties (art. 18 al. 1 CO), qui a pour fondement ce que les parties ont réellement voulu, et, subsidiairement, le principe de la confiance
(art. 1 al. 1 CO en relation avec l'art. 2 CC), qui a pour but la protection de la sécurité des transactions (sur ces principes généraux, cf. ATF 144 III 93
consid. 5.2.2 et 5.2.3; arrêt 4A_342/2023 du 5 juin 2024 consid. 5.1.1).

En premier lieu, le juge doit rechercher la réelle et commune intention des parties conformément à l'art. 18 al. 1 CO, c'est-à-dire leur volonté subjective, le cas échéant, empiriquement sur la base d'indices. Cette interprétation (dite subjective) relève du fait. Pour y procéder, peuvent et doivent être prises en considération toutes les déclarations et attitudes des parties, ainsi que les circonstances antérieures, concomitantes et postérieures à la conclusion du contrat, le comportement ultérieur des parties permettant d'établir quelles étaient à l'époque les conceptions des parties elles-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2).

En second lieu, subsidiairement, si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit rechercher leur volonté objective, selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3). Il doit déterminer le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune des parties pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (art. 1 al. 1 CO en relation avec
l'art. 2 al. 1 CC). Cette interprétation (dite objective) relève du droit. Ne peuvent et ne doivent être prises en considération que les déclarations et attitudes des parties et les circonstances qui ont précédé (antérieures) ou accompagné la manifestation de volonté (concomitantes), mais non pas les faits postérieurs
(ATF 144 III 93 consid. 5.2.3).

5.2 Le principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC) sont des principes fondamentaux de l'ordre juridique suisse
(art. 5 al. 3 Cst.). Ils s'appliquent aussi en procédure civile (ATF 132 I 249 consid. 5; 128 III 201 consid. 1c; 123 III 220 consid. 4d). Le principe de la bonne foi est désormais codifié pour la procédure civile à l'art. 52 CPC, de sorte que sa violation constitue depuis lors une violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Il s'adresse à tous les participants au procès, parties et juge. Il leur impose d'agir de bonne foi et, partant, de ne pas commettre d'abus de droit (ATF 132 I 249, ibidem). Constitue notamment un abus de droit l'attitude contradictoire d'une partie. Lorsqu'une partie adopte une certaine position, elle ne peut pas ensuite soutenir la position contraire, car cela revient à tromper l'attente fondée qu'elle a créée chez sa partie adverse; si elle le fait, c'est un venire contra factum proprium, qui constitue un abus de droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_590/2016 du 26 janvier 2017 consid. 2.1).

5.3 Chaque partie doit prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

5.4 En l'espèce, il convient d'emblée de relever que l'appelant, dans sa demande, n'a pas développé le fondement de sa prétention, désignée comme un "solde de commission". La seule pièce produite en annexe à la demande qui apporte un éclairage sur ce droit prétendu est le commandement de payer, poursuite n° 1______, du 5 août 2021, lequel fait mention pour le poste en question de la liquidation de la société simple ayant existé entre les parties de juillet 2019 au 10 octobre 2019.

A en croire la source d'obligation mentionnée dans le commandement de payer établi à la requête de l'appelant, cette dernière date a signifié la fin de la société simple que, selon lui, il avait formée avec l'intimé.

Par ailleurs, les pièces probantes relatives aux échanges entre les parties relativement au partage d'une commission entre eux sont le courriel du 11 septembre 2019 adressé par l'intimé à l'appelant (évoquant des montants et une clé de répartition un tiers en faveur du premier, deux tiers en faveur du second) et les courriels échangés entre les précités le 10 octobre 2019, dont résulte un accord sur une répartition de commission par moitié.

Dans ces circonstances, la thèse soutenue en fin de procédure de première instance, à savoir une société simple ayant pris fin le 21 avril 2021, relève du venire contra factum proprium. Par conséquent, l’appelant commet un abus de droit lorsqu’il persiste à soutenir en appel qu’il aurait été lié par un contrat de société simple, exprès ou tacite, avec l’intimé, après le 10 octobre 2019. Ses reproches liés à l’interprétation effectuée par le Tribunal pour exclure cette forme d’accord ne méritent donc pas davantage d’examen.

Quant à la période antérieure à cette date, il est sans pertinence de déterminer si les parties ont ou non été liées par un contrat de société simple (ce que le Tribunal a écarté), puisque l’appelant a obtenu gain de cause sur le chef de ses conclusions relatif à la commission fixe, que le premier juge a liée à cette période. Il n’y a donc pas lieu de s’arrêter aux développements de droit (portant sur les manifestations de volonté des parties et sur l’interprétation du contrat de société simple) de l’appelant à cet égard, dont celui-ci ne soutient pas qu’ils concerneraient la seule prétention encore litigieuse en appel,

Pour rejeter la prétention de l’appelant en lien avec la commission variable, le Tribunal a considéré que celle-ci était en lien avec le travail effectué en qualité de représentant des obligataires (soit postérieurement au 10 octobre 2019), ce que l’appelant n’avait pas été, ne s’étant plus impliqué en faveur de la fiducie.

L’appelant soutient qu’il aurait établi avoir fourni une prestation après le 10 octobre 2019. Ses seules références consistent dans ses propres allégués (111 à 113) qui n’ont pas été admis sans réserve par l’intimé, de sorte qu’il ne peut être retenu que le fait pertinent aurait été prouvé. En effet, alors qu’il n’avait consacré aucun allégué de sa demande à une activité qu’il aurait déployée après le 10 octobre 2019, il a allégué dans sa réplique, avoir assisté à des réunions de suivi, participé à la rédaction du contrat de fiducie jusqu’en janvier 2020 et à la validation du plan de sauvegarde par le Tribunal de F______, et avoir poursuivi des activités jusqu’à la fin du premier semestre 2020; contrairement à ce que soutient l’appelant, ces allégués n’ont pas été admis par l’intimé sans réserve, puisque ce dernier a précisé que l’activité de l’appelant ne différait alors pas de celle de tout obligataire (défendant ses propres intérêts et non ceux de la communauté). L’appelant, qui a renoncé à faire une déclaration au Tribunal, ne tente pour le surplus pas d’affirmer que les pièces qu’il avait produites à l’appui de ses allégués 111 à 113 établiraient sa thèse d’une activité non seulement en sa faveur mais en faveur de la fiducie. Pour sa part, l’intimé a prouvé, notamment par sa propre déclaration et les témoignages G______ et H______, que l’appelant n’était pas connu autrement que comme obligataire, établissant de la sorte sa contestation des allégués 111 à 113 de la réplique.

L’appelant a donc échoué à démontrer son droit.

Par conséquent, les chiffres 5 à 7 du dispositif du jugement seront confirmés.

6. L’appelant, qui succombe, supportera les frais de son appel (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 9'000 fr. (art. 17, 35 RTFMC), compensés avec l’avance opérée, acquise à l’Etat de Genève.

Il versera en outre à l’intimé 6'000 fr. à titre de dépens d’appel (art. 84, 85,
90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre les chiffres 5 à 7 du dispositif du jugement JTPI/14928/2024 rendu le 26 novembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13424/2022, et irrecevable pour le surplus.

Au fond :

Confirme les chiffres 5 à 7 du dispositif de ce jugement.

Déboute les parties de toute autre conclusion.

Sur les frais :

Arrête les frais d’appel à 9'000 fr., compensés avec l’avance opérée, acquise à l’Etat de Genève.

Les met à la charge de A______.

Condamne A______ à verser à B______ 6'000 fr. à titre de dépens d’appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.