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Décisions | Chambre civile

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C/18365/2023

ACJC/1411/2025 du 09.10.2025 sur ORTPI/536/2025 ( OO ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ACTE DE RECOURS;SUSPENSION DE LA PROCÉDURE;DOMMAGE IRRÉPARABLE;DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ
Normes : CPC.125.leta; CPC.319.letb.ch2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18365/2023 ACJC/1411/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 9 OCTOBRE 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (Vaud), recourant contre une ordonnance rendue par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance du canton de Genève le 28 avril 2025,

et

Monsieur B______, domicilié ______ (Valais), intimé, représenté par Me Alain TRIPOD, avocat, rue François-Bellot 2, 1206 Genève.

 

 

 


EN FAIT

A. a. Par acte déposé le 11 septembre 2023 au Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), A______ a agi en libération de dette à l'encontre de B______.

b. Par réponse du 7 juin 2024, B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué les 31 octobre 2025 et 16 janvier 2025.

A cette occasion, B______ a, préalablement, sollicité la limitation de la procédure à la question de l'incessibilité des créances de C______ SA découlant du contrat de vente d'actions du 22 octobre 2020.

d. Lors de l'audience tenue le 11 avril 2025 par le Tribunal, A______ s'est opposé à la limitation de la procédure sollicitée par la partie adverse. Les parties ont, pour le surplus, persisté dans leurs conclusions respectives.

e. Par ordonnance ORTPI/536/2025 du 28 avril 2025, le Tribunal a limité la procédure à la question de l'incessibilité des créances de C______ SA découlant du contrat de vente d'actions du 22 octobre 2020, imparti aux parties un délai au 28 mai 2025 pour indiquer au Tribunal les allégués de leurs écritures pertinents pour statuer sur cette question et réservé la suite de la procédure.

B. a. Par acte expédié le 9 mai 2025 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______, représenté alors par son conseil, a recouru contre cette ordonnance, concluant, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce qu'elle soit annulée et à ce qu'il soit ordonné au Tribunal de trancher la cause sans limitation à ladite question.

b. Par réponse du 19 juin 2025, l'intimé a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet.

Il a produit des pièces nouvelles à l'appui de sa réponse (soit des extraits du Registre du commerce et des extraits de poursuites; pièces 5 à 9).

c. Par courrier du 23 juin 2025, le conseil de A______ a informé la Cour de ce qu'il avait cessé de représenter ce dernier et de ce que l'élection de domicile était révoquée.

d. Après l'échéance du délai de 10 jours pour répliquer, les parties ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 4 juillet 2025.

e. Par courriers adressés à la Cour les 14 et 31 juillet 2025, A______ a sollicité une prolongation de son délai pour répliquer, à laquelle il n'a pas été donnée suite, la cause ayant été gardée à juger préalablement.

EN DROIT

1. 1.1 La décision entreprise ayant été communiquée aux parties après le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel est régie par le nouveau droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC).

1.2 Le recours est recevable contre les décisions et ordonnances d'instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Par définition, les décisions visées à l'art. 319 let. b CPC ne sont ni finales, ni partielles, ni incidentes, ni provisionnelles. Il s'agit de décisions d'ordre procédural par lesquelles le tribunal détermine le déroulement formel et l'organisation matérielle de l'instance (Jeandin, CR-CPC, 2019, n. 11 ad art. 319 CPC; Freiburghaus/Afheldt, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2016, n. 11 ad art. 319 CPC).

Les ordonnances d'instruction se rapportent à la préparation et à la conduite des débats. Elles statuent en particulier sur l'opportunité et les modalités de l'administration des preuves, ne déploient ni autorité ni force de chose jugée et peuvent en conséquence être modifiées ou complétées en tout temps. Il en va ainsi notamment lorsque le tribunal émet des citations, renvoie la date d'une comparution, émet une ordonnance de preuve, fixe des délais, prolonge un délai fixé judiciairement, statue relativement à l'avance de frais ou à la fourniture de suretés, ordonne des échanges d'écritures ou des débats d'instruction, refuse de citer un témoin à comparaître ou administre les preuves (Jeandin, op. cit., n. 14 ad art. 319 CPC).

Dans le cadre de la conduite du procès, le tribunal peut, par mesure de simplification, limiter la procédure à des questions ou des conclusions déterminées (art. 1265 let. a CPC).

En l'espèce, l'ordonnance entreprise est une ordonnance d'instruction relevant de la conduite du procès au sens de l'art. 319 let. b CPC. Elle est susceptible de faire l'objet d'un recours conformément à l'art. 319 let. b CPC.

1.3 Déposé selon la forme prescrite (art. 130 et 131 CPC) et dans le délai de 10 jours prévu par la loi (art. 321 al. 2 CPC), le recours est recevable de ces points de vue.

1.4. La Cour n'est pas entrée en matière sur la prolongation du délai pour répliquer sollicitée par le recourant, celui-ci en ayant fait la requête après que la cause avait été gardée à juger par la Cour.

1.5 L'intimé a produit de nouvelles pièces à l'appui de son recours, qu'il considère comme étant recevables, aux motifs qu'elles concerneraient soit des faits notoires (extraits du Registre du commerce) soit un nouvel argument inattendu du recourant (extraits de poursuites, à mettre en lien avec l'allégation du recourant selon laquelle il ne ferait l'objet que d'une seule poursuite).

1.5.1 Dans le cadre d’un recours, les conclusions, allégations de fait et preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

1.5.2 In casu, la question de la recevabilité des pièces nouvelles produites par l'intimé peut rester indécise, celles-ci n'étant pas décisives pour l'issue du litige.

2. Les autres hypothèses visées par l'art. 319 let. b ch. 1 CPC n'étant pas réalisées, il convient de déterminer si l'ordonnance attaquée est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable à la recourante (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

2.1 La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2, in SJ 2012 I 73).

Constitue un "préjudice difficilement réparable" au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette dernière condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu : il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (parmi d'autres : ACJC/1686/2023 du 19 décembre 2023 consid. 2.1; JEANDIN, op. cit., n. 22 ad art. 319 CPC).

En d'autres termes, la notion de préjudice difficilement réparable doit être interprétée restrictivement, puisque la personne touchée disposera le moment venu de la faculté de remettre en cause la décision ou ordonnance en même temps que la décision au fond : il incombe au recourant d'établir que sa situation procédurale serait rendue notablement plus difficile et péjorée si la décision querellée était mise en œuvre. On retiendra l'existence d'un préjudice difficilement réparable lorsque ledit préjudice ne pourra plus être réparé par un jugement au fond favorable au recourant, ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d'affaires sont révélés ou qu'il y a atteinte à des droits absolus à l'instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée (JEANDIN, op. cit., n. 22 et 22a ad art. 319 CPC).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (SPÜHLER, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, n. 7 ad art. 319 CPC). De même, le seul fait que la partie ne puisse se plaindre d'une administration des preuves contraire à la loi qu'à l'occasion d'un recours sur le fond n'est pas suffisant pour retenir que la décision attaquée est susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable (COLOMBINI, Condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise relative à l'appel et au recours en matière civile, in JT 2013 III 131 ss, 155). Retenir le contraire équivaudrait à permettre à un plaideur de contester immédiatement toute ordonnance d'instruction pouvant avoir un effet sur le sort de la cause, ce que le législateur a justement voulu éviter (parmi plusieurs : ACJC/1315/2024 du 22 octobre 2024 consid. 2.1.1; ACJC/220/2023 du 13 février 2023 consid. 2.1; ACJC/1686/2023 du 19 décembre 2023 consid. 2.1).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision attaquée lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie : ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1).

Si la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, le recours est irrecevable et la partie doit attaquer la décision incidente avec la décision finale sur le fond (ACJC/1315/2024 du 22 octobre 2024 consid. 2.1.1 et la réf. cit.; ACJC/327/2012 du 9 mars 2012 consid. 2.4 et les réf. cit.; Message du Conseil fédéral relatif au CPC, FF 2006 6841, p. 6984, Oberhammer, in Kurzkommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung ZPO, 2010, n. 13 ad art. 319 CPC; Blickenstorfer, op. cit., n. 40 ad art. 319 CPC).

2.2 Le recourant fait valoir que l'ordonnance entreprise lui causerait un préjudice difficilement réparable au motif que, si le Tribunal parvenait à la conclusion que les créances étaient cessibles, la limitation de la procédure entraînerait une prolongation de celle-ci, avec pour conséquence que la poursuite faisant l'objet de la procédure (pour un montant de 1'560'000 fr.) continuerait à figurer sur son extrait de poursuites, le contraignant à reporter sa demande de naturalisation suisse et compromettant ses perspectives commerciales.

2.3 En l'occurrence, les arguments avancés par le recourant ne convainquent pas, étant rappelé que la Cour doit se montrer restrictive dans son examen des conditions de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC. En effet, il n'apparaît pas que la situation procédurale du recourant serait rendue notablement plus difficile et péjorée si la décision querellée était mise en œuvre. En lui-même, l'éventuel allongement de la durée de la procédure, de même que ses éventuelles conséquences, ne sont pas sources d'un préjudice difficilement réparable.

Le recourant n'établit ainsi pas qu'il risquerait de subir un préjudice difficilement réparable.

Il suit de là que le recourant ne se prévaut d'aucune circonstance particulière qui justifierait, à titre exceptionnel, d'ouvrir une voie de recours immédiate contre l'ordonnance de preuve querellée.

Par conséquent, le recours sera déclaré irrecevable.

3. Les frais judicaires du recours seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 41 RTFMC) et mis à la charge du recourant, qui succombe (art.  106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais fournie par celui-ci, qui demeure entièrement acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

Le recourant sera en outre condamné aux dépens de sa partie adverse, lesquels seront arrêtés à 1'000 fr., TVA et débours compris, au regard de l'activité déployée par le conseil de l'intimé (art. 105 al. 2 et 106 al. 1 CPC; art. 20, 23 al. 1, 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 25 al. 1 LTVA; art. 84, 85 al. 1, 87 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Déclare irrecevable le recours interjeté le 9 mai 2025 par A______ contre l'ordonnance ORTPI/536/2025 rendue le 28 avril 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18365/2023-9.

Arrête les frais judiciaires du recours à 1'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais fournie par celui-ci, qui demeure entièrement acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à payer à B______ la somme de 1'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Stéphanie MUSY, présidente; Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

La présente décision, qui ne constitue pas une décision finale, peut être portée, dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (art. 72 LTF), aux conditions de l'art. 93 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.