Décisions | Chambre civile
ACJC/706/2024 du 31.05.2024 sur JTPI/10308/2022 ( OO )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/1740/2018 ACJC/706/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU VENDREDI 31 MAI 2024 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 5 septembre 2022, représenté par Me Nicolas GENOUD, avocat, Budin & Associés, rue De-Candolle 17, case postale 166, 1211 Genève 12,
et
Monsieur B______, domicilié ______, Grande-Bretagne, intimé, représenté par
Me Nicolas BEGUIN, avocat, Aegis Partners Sàrl, rue du Général-Dufour 20, case postale , 1211 Genève 4.
Attendu, EN FAIT, que par jugement JTPI/10308/2022 du 5 septembre 2022, le Tribunal de première instance a condamné A______ à verser à B______ les sommes de 1'680'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 15 juillet 2017 (ch. 1 du dispositif) et 2'266'675,75 EUR avec intérêts à 5% dès le 24 novembre 2017 (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 65'200 fr., les a compensés avec l'avance fournie par B______ et les a mis à la charge de A______, qui a été condamné en conséquence à verser ce montant à B______ (ch. 3), condamné A______ à verser à B______ un montant de 68'000 fr. à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 5);
Que par acte déposé à la Cour de justice le 10 octobre 2022, A______ a formé appel contre ce jugement; qu'il a conclu, en substance, préalablement, à la suspension de la procédure dans l'attente de la décision finale dans la procédure arbitrale intentée devant le Swiss Arbitration Centre (n° 1______-2022) et, au fond, à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause au Tribunal pour qu'il reprenne la procédure et procède à l'instruction de l'entier des faits de la cause, y compris des faits invoqués par lui pour contester l'existence des créances invoquées par B______ à l'appui de sa demande, le tout avec suite de frais;
Que dans sa réponse du 29 avril 2024, après que le Tribunal fédéral ait statué sur la requête d'assistance judiciaire formée par A______, B______ a conclu, en substance, au rejet de la requête de suspension de la procédure, au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais;
Qu'il a conclu, préalablement, au retrait de l'effet suspensif à l'appel formé par A______ le 10 octobre 2022 contre les chiffres 1 et 2 du dispositif du jugement attaqué et à ce que soit autorisée l'exécution anticipée desdits chiffres; qu'il a soutenu à cet égard que la situation financière de A______ s'était fortement détériorée ces dernières années et qu'il faisait actuellement l'objet de 110 poursuites en cours pour des montants très importants; que l'écoulement du temps depuis le dépôt de sa demande en janvier 2018 mettait ainsi en danger de manière sérieuse et concrète le recouvrement de ses prétentions; que le bien principal de la fortune de A______, à savoir l'immeuble sis place 2______ [GE], se dépréciait très rapidement et le Ministère public avait ordonné sa vente forcée pour préserver les prétentions des parties plaignantes, décision qui avait été contestée par A______; qu'enfin, les chances de succès de l'appel étaient faibles;
Invité à se déterminer à cet égard, A______ a conclu au rejet de cette requête; qu'il a exposé que le fait que son patrimoine soit soumis à un séquestre pénal dont B______ soutenait qu'il protégeait également ses prétentions civiles qui faisaient l'objet de la présente procédure ôtait tout caractère d'urgence et toute nécessité d'une exécution anticipée, que le risque de ne pas participer à une série de créances faisait partie des risques habituels de la procédure d'exécution, que suite au prononcé de la mainlevée de l'opposition qu'il avait formée, B______ pouvait obtenir la saisie provisoire à hauteur de 1'680'000 fr. plus intérêts, de sorte que sa prétention avait pris rang dans le cadre des diverses poursuites intentées contre lui et que les chances de succès de son appel étaient crédibles;
Considérant, EN DROIT, que la Cour est saisie d'un appel au sens de l'art. 308 CPC;
Que selon l'art. 315 CPC, l'appel suspend la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision dans la mesure des conclusions prises en appel (al. 1), sauf dans les cas mentionnés à l'art. 315 al. 4 CPC, non pertinents en l'espèce; que selon l'art. 315 al. 2 CPC, l'instance d'appel peut toutefois autoriser l'exécution anticipée; elle ordonne au besoin des mesures conservatoires ou la fourniture de sûretés;
Que selon les principes généraux, l'instance d'appel procédera à une pesée des intérêts en présence et se demandera, en particulier, si la décision est de nature à provoquer une situation irréversible; qu'elle prendra également en considération les chances de succès de l'appel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_193/2024 du 12 avril 2024, consid. 5).
Que l'effet suspensif de l'appel constituant la règle, l'exécution anticipée ne doit être accordée qu'exceptionnellement, lorsque les circonstances l'exigent, notamment si une des parties est exposée, à défaut, à subir un préjudice difficilement réparable;
Qu'en la matière, l'instance d'appel dispose d'un large pouvoir d'appréciation (Jeandin, CR CPC 2ème éd. 2019, n. 4 ad art. 315 CPC);
Qu'en l'espèce, l'intimé fonde sa demande d'exécution anticipée sur le fait que l'écoulement du temps péjore ses chances de recouvrer tout ou partie du montant que l'appelant a été condamné à lui payer; qu'un tel risque est toutefois inhérent au recouvrement de toute créance qui fait l'objet d'une procédure d'appel; qu'il ne peut dès lors justifier l'exécution anticipée du jugement attaqué, faute de quoi le maintien de l'effet suspensif deviendrait l'exception, alors qu'il constitue la règle selon le code de procédure civile;
Que l'intimé ne rend pas vraisemblable que la procédure d'appel entraîne un risque supplémentaire particulier compte tenu du fait que l'office serait sur le point de procéder à de nouvelles saisies, étant relevé que l'intimé fait état de 110 poursuites déjà pendantes contre l'appelant, pour des montants très importants;
Que l'intimé a par ailleurs obtenu le prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition que l'appelant avait formée au commandement de payer que l'intimé lui avait fait notifier portant sur le montant de 1'680'000 fr. faisant l'objet de la présente procédure; qu'il pourra dès lors vraisemblablement requérir la saisie provisoire selon l'art. 83 al. 1 LP concernant ce poste;
Qu'au vu de ce qui précède, en l'absence de circonstance exceptionnelle qui péjorerait vraisemblablement la situation de l'intimé, la requête d'exécution anticipée du jugement attaqué sera rejetée;
Qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond (art. 104 al. 3 CC).
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La Chambre civile :
Statuant sur requête d'exécution anticipée du jugement entrepris:
Rejette la requête formée par B______ tendant au retrait de l'effet suspensif à l'appel formé par A______ contre les chiffres 1 et 2 du dispositif du jugement JTPI/10308/2022 rendu le 5 septembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1740/2018 et à ce que soit autorisée l'exécution anticipée desdits chiffres.
Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.
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Indications des voies de recours :
La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF – RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.