Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/934/2024 du 19.09.2024 ( LCI ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 19 septembre 2024
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dans la cause
Madame A______, représentée par Me Marie-Claude DE RHAM-CASTHELAZ, avocate, avec élection de domicile
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
1. Madame A______, est propriétaire depuis 2015 de la parcelle n° 1______ (ci-après : la parcelle), qui résulte de la réunion de trois parcelles (anciennement nos 2______, 3______ et 4______), d'une surface de 2'940 m2, sise B______ à C______(ci-après : la commune), en zone agricole.
2. Elle ne s'inscrit pas dans le périmètre du plan des surfaces d’assolement (ci-après : SDA) du canton.
3. Plusieurs installations et constructions sont sises sur la parcelle, dont notamment un chalet de jardin (bâtiment 5______) de 12 m2, un couvert d'environ 5 m2, une clôture entourant la parcelle, un portail, un chemin d'accès, ainsi qu'une cour comprenant des places de parking.
4. Le 2 juin 2023, Mme A______ a saisi la commission foncière agricole (ci-après : CFA) d'une requête en désassujettissement de la parcelle, enregistrée sous la référence CFA 6______.
5. Dans le cadre de l'instruction de cette requête, la CFA a effectué un transport sur place le 27 juin 2023, lors duquel il a été constaté que la parcelle était raccordée à l'eau et à l'électricité, qu'elle était constituée d'une prairie, entretenue par tonte, qu'elle comportait un potager au sud, ainsi qu'un verger d'environ 25 arbres fruitiers et que quelques grands arbres la séparaient en deux.
6. La CFA a transmis le dossier au département du territoire (ci-après : le département) conformément à l'art. 4a de l'ordonnance sur le droit foncier rural du 4 octobre 1993 (ODFR - RS 211.412.110), lequel a ouvert une procédure d'infraction, référencée sous le n° I 7______.
7. Le 29 septembre 2023, le département a informé Mme A______ avoir constaté que plusieurs éléments soumis à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) avaient été réalisés sans autorisations sur la parcelle, soit :
- le bâtiment 5______, situé au centre de la parcelle, en bois, d'environ 19 m2, de plain-pied, comprenant un chalet de week-end et un couvert d'environ 5 m2, datant de 1960 selon les dires de Mme A______ et visible sur la photographie aérienne dès 1963 (objet A) ;
- la clôture située sur le pourtour de la parcelle, en métal, d'environ 245 ml, datant de 1967 selon les documents transmis par Mme A______, dont la date de construction n'était pas vérifiable, les photographies aériennes historiques étant imprécises (objet B) ;
- le portail, situé au nord de la parcelle, le long de la B______, en métal, d'environ 5 ml, datant de 1967 selon les documents transmis par Mme A______, dont la date de construction n'était pas vérifiable, les photographies aériennes historiques étant imprécises (objet C) ;
- le chemin d'accès, situé au centre de la parcelle, d'environ 58 m2, datant de 1960 selon les dires de Mme A______, visible sur la photographie aérienne de 1972 à 2001 et cadastré (objet D) ;
- la cour, située au nord-est du bâtiment 5______, d'environ 60 m2, comprenant des places de parking, datant de 1960 selon les dires de Mme A______, visible sur la photographie aérienne de 1972 à 2001 et cadastrée (objet E).
Un délai de dix jours était imparti à Mme A______ pour lui faire part par écrit de ses éventuelles explications et/ou observations.
8. Le 10 octobre 2023, Mme A______ s'est adressée au département sous la plume de son conseil. Elle observait que toutes les constructions concernées avaient été réalisées depuis plus de 30 ans. S'agissant du chalet (objet A), elle n'avait pas retrouvé d'autorisation de construire dans ses dossiers mais avait toutefois retrouvé un document attestant qu'une demande d'autorisation de construire préalable avait été déposée le ______ 1960. Il avait été raccordé au réseau électrique en 1966, ainsi qu'aux canalisations publiques en 1968 et il était par ailleurs cadastré et mentionné sur l'extrait du registre foncier. S'agissant de la clôture (objet B), il ressortait de différents devis et factures qu'elle avait été posée en 1967, en même temps que le portail (objet C) et la haie de thuyas. Le chemin d'accès (objet D) et la cour (objet E) étaient cadastrés et dataient de la construction du chalet. À cette époque, la LCI ne mentionnait pas la nécessité d'une autorisation pour les voies de circulation et de parcage. Toutes ces constructions existaient depuis une soixantaine d'années et n'avaient aucun impact sur les SDA. La parcelle ne figurait pas dans le périmètre du plan des SDA et n'était plus affectée à un usage agricole depuis les années 1960 au moins. Elle avait hérité de la parcelle en 2015.
9. Le 27 octobre 2023, le département a informé Mme A______ que le traitement de la procédure d'infraction était mis en suspens. Les chambres fédérales s'étant positionnées sur le rétablissement de la prescription trentenaire hors zone à bâtir, il pourrait vraisemblablement reconsidérer le maintien des objets litigieux à l'issue du délai référendaire.
10. Par décision du 9 février 2024, le département a indiqué que d'après ses archives, le seul dossier d'autorisation de construire ayant été déposé s'agissant de la parcelle litigieuse avait été abandonné. Après avoir procédé aux vérifications d'usage, il confirmait que la réalisation des objets A, B, C, D et E était soumise à l'obtention d'une autorisation de construire, mais que dans la mesure où la parcelle litigieuse se situait hors zone à bâtir, le dépôt d'une telle requête serait superfétatoire, de sorte que les éléments litigieux ne pouvaient être maintenus en l'état. Il a ainsi imparti à Mme A______ un délai au 1er septembre 2025 pour rétablir une situation conforme au droit en procédant à la suppression et l'évacuation des éléments litigieux et pour remettre en état le terrain naturel. Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état devait lui parvenir dans le même délai.
En cas de non-respect de la décision ou à défaut de réception des éléments requis dans le délai imparti, Mme A______ s'exposait à toutes nouvelles mesures et/ou sanction justifiées par la situation.
S'agissant de la sanction administrative portant sur la réalisation des travaux sans droit, elle ferait l'objet d'une décision à l'issue du traitement du dossier d'infraction n° I 7______ et restait donc réservée en l'état.
Une note en bas de page précisait que la suppression de toutes les constructions et installations susmentionnées signifiait également qu'une fois démolies, leurs emplacements devaient être à nouveau aptes à être exploités pour l'agriculture, le sol devant être reconstitué au niveau du terrain naturel préexistant. Les surfaces en pleine terre reconstituées devaient répondre positivement aux critères d'aptitude fixés pour les surfaces d'assolement.
11. Par acte déposé le 23 février 2024 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), sous la plume de son conseil, Mme A______ a interjeté recours à l'encontre de cette décision et conclu à son annulation. Au surplus, elle a requis la suspension de la procédure jusqu’au rétablissement du délai de prescription trentenaire pour les constructions illicites hors de la zone à bâtir et sollicité l'audition de son compagnon.
Le département, en retenant que la seule requête en autorisation de construire déposée en lien avec la parcelle litigieuse avait été abandonnée, avait constaté les faits de manière incomplète. Les pièces qu'elle produisait établissaient en effet que deux demandes d'autorisation de construire différentes avaient été déposées. La commune l'avait toutefois informée qu'elle n'avait pas conservé ses préavis dans ses archives.
Les constructions litigieuses avaient toutes plus de 30 ans et pouvaient être maintenues, les chambres fédérales ayant accepté le rétablissement de la prescription trentenaire hors zone à bâtir. Le département avait d'ailleurs indiqué suspendre l'instruction jusqu'à l'issue du délai référendaire, mais avait finalement rendu la décision litigieuse le 9 février 2024.
Les conditions de l'ordre de démolition n'étaient par ailleurs pas réalisées en l'espèce. N'étant pas à l'origine des constructions litigieuses, elle ne pouvait pas être considérée comme étant perturbatrice. De plus, l'une des deux autorisations de construire avait été abandonnée, mais le sort de la seconde, qui portait sur les parcelles nos 2______, 3______ et 4______ était inconnu. Le bâtiment 5______ était inscrit au registre foncier, avec des mensurations précises, il était cadastré tout comme le chemin d'accès et la cour, quant au raccordement du chalet à l'électricité ainsi qu'aux canalisations, il avait été autorisé par le département. La valeur fiscale de CHF 85'000.-, retenue par l'administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC), n'avait rien à voir avec une valeur agricole. Sa mère et son beau-père avaient fait construire les installations litigieuses environ 60 ans auparavant et lorsqu'elle avait hérité de la parcelle, elle ignorait tout des démarches qu'ils avaient effectuées et s'était de bonne foi fiée aux inscriptions figurant au registre foncier. Le département ne pouvait pas ne pas avoir connaissance des constructions litigieuses et son inaction devait être assimilée à une tolérance active. Finalement, la décision querellée était contraire au principe de proportionnalité, les constructions litigieuses totalisaient une surface peu importante n'ayant par ailleurs aucune emprise sur les surfaces d'assolement et la parcelle n'était plus exploitée à des fins agricoles depuis près de 60 ans. N'ayant pour seuls revenus que sa rente de vieillesse et une allocation pour impotents et désirant obtenir le désassujettissement de sa parcelle dans le but de la vendre pour faire face à ses obligations financières, une remise en état, ainsi que la diminution de la valeur de sa parcelle lui causeraient un dommage important qui aurait des conséquences dramatiques pour elle.
12. Le 26 avril 2024, le département a transmis son dossier au tribunal, accompagné de ses observations. Il a conclu au rejet du recours.
C'était à l'issue du délai référendaire, après avoir constaté qu'aucune date d'entrée en vigueur de la révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) n'avait été fixée et que l'ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) n'avait toujours pas fait l'objet d'une révision, qu'il avait rendu la décision litigieuse.
Il n'avait retrouvé dans ses archives qu'une seule demande d'autorisation de construire (DD 8______), laquelle avait été abandonnée, et n'avait pas de trace d'une autre demande relative à la parcelle litigieuse. Le courrier produit par la recourante n'indiquait aucun numéro de dossier ni aucun objet de sorte qu'il n'était pas possible de déterminer l'objet de la demande d'autorisation qui par ailleurs n'était qu'une demande préalable n'autorisant aucune construction. De plus, le fardeau de la preuve incombait à la recourante.
S'agissant de la prescription trentenaire, elle ne trouvait pas application en zone agricole. La révision de la LAT n'était pas encore entrée en vigueur et aucune date n'était prévue pour l'heure. Quant à la révision de l'OAT, elle n'avait pas été élaborée et encore moins adoptée, de sorte que la manière dont la prescription serait réinstaurée et les éventuelles dispositions transitoires n'étaient pas connues.
Les conditions nécessaires au prononcé d'un ordre de remise en état étaient remplies en l'espèce. En tant que propriétaire, la recourante était considérée comme perturbatrice. Les constructions litigieuses apparaissaient quant à elles ne pas avoir été autorisées et le fait qu'elles aient été cadastrées ou que le chalet ait été raccordé à l'électricité et aux canalisations publiques n'y changeait rien. Les conditions relatives à la bonne foi n'étaient pas remplies et la décision querellée respectait le principe de proportionnalité. Par ailleurs, s'agissant de l'ordre de remise en état du sol, il visait à retrouver les qualités initiales du sol et non pas nécessairement à l'intégrer dans l'inventaire des SDA. La note en bas de page qui figurait dans la décision querellée et qui faisait référence aux SDA n'avait qu'une valeur indicative visant à illustrer les critères d'aptitudes d'un sol naturel.
13. Le 21 mai 2024, sous la plume de son conseil, la recourante a répliqué, persistant dans ses conclusions. Elle a également sollicité l'audition du département et demandé qu'une expertise pour établir le coût de démolition des constructions litigieuses, ainsi que la remise en état du terrain soit ordonnée.
En s'adressant à des communes qui avaient gardé des copies des préavis qu'elles avaient rendus, elle avait eu l'occasion de retrouver des autorisations de construire qui, selon le département, n'avaient pas été délivrées. La commune ne conservait toutefois pas ses préavis. Compte tenu du temps écoulé depuis la construction, il était quasiment impossible d'apporter des preuves. Les archives étatiques n'étaient pas totalement fiables et les anciens propriétaires à l'origine des constructions et installations litigieuses, ainsi que leurs mandataires ou l'ancien maire de la commune étaient tous décédés ou âgés de 89 ans au minimum. C'était notamment pour ces raisons que la prescription trentenaire avait d'ailleurs été rétablie. La révision de la LAT n'était pas encore entrée en vigueur mais les chances de faire reconnaître les constructions litigieuses conformes au droit étaient sérieuses.
La recourante était certes perturbatrice par situation mais elle n'était pas à l'origine des constructions litigieuses, ce qui avait de l'importance dans l'appréciation de la bonne foi. Pour un individu lambda, le département, tout comme le cadastre, relevaient de l'autorité publique et le registre foncier jouissant de la foi publique, ses inscriptions étaient réputées rigoureusement exactes, de sorte que la recourante pouvait s'y fier. Les objets A, D et E étaient visibles sur les photographies aériennes de 1963 et 1972, les raccordements aux canalisations publiques ainsi qu'à l'électricité avaient été autorisés par l'ancien département des travaux publics. À défaut, ils n'auraient pas pu être exécutés. La commune qui avait été saisie d'une demande préalable d'autorisation de construire avait forcément eu connaissance des constructions litigieuses, de sorte que si elles avaient été construites de manière illicite, elle aurait pris des dispositions pour les faire démolir. L'autorité avait donc fait preuve de tolérance active en restant passive pendant plus de 60 ans alors qu'elle avait connaissance des constructions litigieuses ou qu'elle aurait dû en avoir connaissance si elle avait agi avec diligence. Les conditions relatives à la bonne foi étaient manifestement remplies.
La parcelle litigieuse se trouvait dans une zone bâtie, au milieu du village. Elle touchait la zone 4B protégée et était « de fait » incluse dans la zone à bâtir. En 1984, la commune avait envisagé d'agrandir le cimetière qui se trouvait au nord de la parcelle litigieuse. Elle ne s'inscrivait pas dans le plan des SDA, n'était plus cultivée depuis plus de 60 ans, n'était plus apte à l'agriculture, un bosquet d'arbres d'environ 882,7 m2 se trouvait en son milieu et la surface prise sur la zone agricole était minime. L'intérêt public n'était en l'espèce pas lésé et ne justifiait pas le dommage que la démolition causerait à la recourante. Si elle devait être remise en état, la parcelle litigieuse, dont la valeur fiscale était actuellement de CHF 85'223.-, ne pourrait être revendue qu'au prix de CHF 23'520.-, correspondant au prix maximum licite pour du terrain agricole. Étant dans une situation financière précaire, elle ne pourrait par ailleurs pas s'acquitter des frais de démolition et de remise en état du terrain.
14. Le 11 juin 2024, le département a dupliqué, persistant dans ses conclusions.
Il n'avait pas trouvé de trace d'une quelconque autorisation de construire délivrée pour les constructions litigieuses. Il n'avait pas non plus retrouvé d'autorisation relative aux canalisations publiques ou à l'électricité, les travaux ayant parfaitement pu être réalisés sans autorisation préalable.
S'agissant de l'ordre de démolir, il en avait examiné le respect des conditions qui étaient en outre remplies. Concernant la prescription trentenaire, il rappelait qu'elle n'était à ce jour pas applicable et que, de l'avis de certains, la révision de la LAT n'entrerait en vigueur qu'en 2026. Il devait, tout comme le tribunal, appliquer le droit applicable à ce jour. Il ne saurait en aucune manière être soutenu que le département aurait fait preuve de tolérance active. Il ne faisait par ailleurs aucun doute que la parcelle litigieuse était située hors zone à bâtir. Quant à l'intérêt privé purement économique de la recourante, il ne saurait prendre le pas sur l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit, le principe de respect de la zone étant d'application stricte. Finalement, il ne pouvait être soutenu que les dérogations à la règle seraient mineures.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. La recourante requiert la suspension de la procédure dans l’attente de l’entrée en vigueur du nouveau régime légal applicable aux constructions illicites en zone agricole, prévoyant notamment la réintroduction de la prescription trentenaire hors zone à bâtir.
4. Selon l'art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions. Cette disposition est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu’une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/405/2022 du 12 avril 2022 consid. 3a).
Quant à l’art. 78 LPA, il prévoit que l’instruction du recours est suspendue par la requête simultanée de toutes les parties (let. a), le décès d’une partie (let. b), la faillite d’une partie (let. c), son interdiction (let. d), la cessation des fonctions en vertu desquelles l’une des parties agissait (let. e) ou le décès, la démission, la suspension ou la destitution de l’avocat ou du mandataire qualifié constitué (let. f).
5. En l’espèce, faute d’accord entre les parties, la suspension de la procédure ne peut être prononcée en vertu de l’art. 78 LPA, étant patent que les autres hypothèses de cette disposition ne sont pas réalisées. Par ailleurs, il faut relever qu’une modification législative ne constitue pas une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité qui influencerait le sort de la présente procédure administrative, de sorte que la recourante ne peut se prévaloir de l’art. 14 LPA.
En tout état, le tribunal retiendra que la suspension de la présente procédure requise par la recourante jusqu’à l’entrée en vigueur de la modification législative précitée ne se justifie nullement, sauf à retarder inutilement le prononcé d’un jugement dans la présente cause, qui peut être tranchée en l’état, conformément au développement qui sera exposé ci-après. Par conséquent, la demande de suspension dans l’attente de l’entrée en vigueur de la LAT dans sa nouvelle version est rejetée.
6. Au titre de mesures d’instruction, la recourante, dans son recours du 23 février 2024, sollicite l’audition de son compagnon, afin de confirmer qu'il entretient la parcelle litigieuse depuis 2013. Dans sa réplique du 21 mai 2024, elle sollicite l'audition du département pour confirmer la non fiabilité de ses archives, ainsi que la difficulté d'y retrouver des autorisations de construire pourtant délivrées. Elle demande également qu'une expertise soit ordonnée dans le but de chiffrer le coût de démolition des constructions litigieuses, ainsi que celui de la remise en état du terrain.
7. Tel que garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).
Ce droit ne confère pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 3.2 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA).
8. En l'espèce, s'agissant du témoignage requis, la recourante ne démontre pas en quoi cette mesure d’instruction aurait un intérêt pour le présent litige. Quant à l'expertise sollicitée et l'audition du département, elles n'apparaissent pas susceptibles de fournir des informations supplémentaires déterminantes pour la solution du cas. Le tribunal considère que le dossier comporte tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, lui permettant ainsi de se forger une opinion et de trancher le litige.
Il n’y a par conséquent pas lieu de procéder aux mesures d’instruction requises, celles-ci n'étant au demeurant pas obligatoires.
9. Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 179 n. 515).
10. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).
11. La recourante conteste l’ordre de remise en état rendu par le département le 9 février 2024.
12. Conformément à l'art. 129 let. e LCI, le département peut ordonner, à l'égard des constructions, des installations ou d'autres choses, la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition. Ces mesures peuvent être ordonnées lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).
13. Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).
14. De jurisprudence constante (ATA/1134/2022 du 8 novembre 2022 consid. 11b; ATA/463/2021 du 27 avril 2021 consid. 5b ; ATA/349/2021 du 23 mars 2021 consid. 7), pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur, par comportement ou par situation, étant précisé que le perturbateur par situation correspond avant tout au propriétaire, le critère déterminant étant le pouvoir de disposition, qui permet à celui qui le détient de maintenir la chose dans un état conforme à la réglementation en vigueur (ATA/ 432/2022 du 26 avril 2022 consid. 2c). Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux pour la zone à bâtir. L'autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l'administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi. Finalement, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé, purement financier, de l'intéressé, voire de ses clients, au maintien des installations litigieuses.
15. Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3 et les arrêts cités).
Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 et les réf. citées). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).
16. S'agissant de la condition relative au fait que l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi, il faut rappeler que ce principe, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).
À certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/ 2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s’applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l’administration doivent recevoir le sens que l’administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu’il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 1P.292/2004 du 29 juillet 2004 consid. 2.1 ; ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3d).
Le droit à la protection de la bonne foi peut également être invoqué en présence simplement d’un comportement de l’administration, notamment en cas de silence de l’autorité dans une situation de fait contraire au droit, susceptible d’éveiller chez l’administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1). Entre autres conditions, l’autorité doit être intervenue à l’égard du citoyen dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l’administration, des dispositions qu’il ne saurait modifier sans subir de préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_628/2017 du 9 mai 2018 consid. 2.2).
La précision que l’attente ou l’espérance doit être « légitime » est une autre façon de dire que l’administré doit avoir eu des raisons sérieuses d’interpréter comme il l’a fait le comportement de l’administration et d’en tirer les conséquences qu’il en a tirées. Tel n’est notamment pas le cas s’il apparaît, au vu des circonstances, qu’il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l’autorité (ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1).
S'agissant de l'application du principe de la bonne foi en matière de constructions illicites, l’inaction de l’autorité face à une construction illicite ne lie cette dernière que si elle peut être assimilée à une tolérance « active ». Pour cela, certains auteurs considèrent que l’autorité a dû rester passive pendant une période prolongée – de l’ordre d’une dizaine d’années au moins – alors qu’elle avait connaissance de la construction illicite, ou aurait dû en avoir connaissance si elle avait agi avec diligence (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites » en droit public - notions, mesures administratives, sanctions, Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2019, p. 223).
17. S'agissant de la dernière des cinq conditions auxquelles est soumis un ordre de remise en état, soit l'application du principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., celui-ci exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et qu’ils ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, ce principe interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 145 I 297 consid. 2.4.3.1 et les références citées).
Plus spécifiquement, l’art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d’appréciation à l’autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de proportionnalité, de l’égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c et l’arrêt cité ; ATA/336/2011 du 24 mai 2011 consid. 3b).
18. Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 24c ; ATA/700/2014 du 2 septembre 2014 consid. 5a ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).
19. Un ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis de construire et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée, n'est pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit, que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATA/213/2018 précité consid. 11 ; ATA/738/2017 précité consid. 8 ; ATA/829/2016 du 4 octobre 2016).
Même si la bonne foi du constructeur peut être reconnue, elle ne saurait le prémunir contre l'intervention de l'autorité de surveillance destinée à rétablir une situation conforme au droit, lorsque cette intervention respecte le principe de la proportionnalité (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_162/2014 du 20 juin 2014 consid. 6.2 ; 1C_250/2009 du 13 juillet 2009 consid. 4.2 ; 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.3).
20. L'autorité renonce à un ordre de démolition si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle.
21. Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel ; il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. (ATF 147 II 309 consid. 5.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.1). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte. Si des constructions illégales, contraires au droit de l'aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non-bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s'en trouve récompensé. S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole, ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.1 et les arrêts cités ; 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 7.1 et les références citées). A cet égard, l'absence de vocation agricole et la proximité d'habitations ne sont pas déterminantes (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_164/2007 du 13 septembre 2007 consid. 4.3 ; ATA/290/2016 du 5 avril 2016 consid. 7a ; ATA/1190/2015 du 3 novembre 2015 consid. 4b).
22. Dans son arrêt 1C_469/2019 du 28 avril 2021, désormais publié (ATF 147 II 309), le Tribunal fédéral a précisé qu'à l'inverse de ce qui prévaut pour les zones à bâtir, l'obligation de rétablir un état conforme au droit ne s'éteint pas après trente ans, s'agissant de bâtiments et installations érigés illégalement en dehors de la zone à bâtir (cf. consid. 4 et 5 ; cf. aussi not. arrêt 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.4). En particulier, s'il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d'un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale, qui contrevient au principe fondamental en matière d'aménagement du territoire de la séparation du territoire bâti et non bâti, ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (cf. consid. 5.5 et 5.6 ; cf. aussi not. arrêt 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.4), étant rappelé qu'en principe, une nouvelle jurisprudence doit s'appliquer immédiatement et à toutes les affaires pendantes au moment où elle est adoptée ou futures (ATF 142 V 551 consid. 4.1 ; 135 II 78 consid. 3.2 ; 132 II 153 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.5 ; 2C_199/2017 du 12 juin 2018 consid. 3.5).
23. Le Tribunal fédéral est particulièrement strict en zone agricole et a ainsi confirmé les ordres de démolition ou d'enlèvement des constructions ou installations suivantes érigées sans autorisation : une palissade en bois, un mobil home, un chalet, un sous-sol, des containers utilisés pour loger des employés d'une exploitation agricole, un appentis de 12,54 m2 et un cabanon de jardin de 10,29 m2 (ATF 1C_482/2017 précité), un paddock et un abri pour chevaux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_589/2017 du 16 novembre 2018). De manière générale dans l'examen de la proportionnalité, les intérêts des propriétaires sont, à juste titre, mis en retrait par rapport à l'importance de préserver la zone agricole d'installations qui n'y ont pas leur place. Le Tribunal fédéral a déjà énoncé concernant le canton de Genève, que « s'agissant de constructions édifiées dans la zone agricole dans un canton déjà fortement urbanisé où les problèmes relatifs à l'aménagement du territoire revêtent une importance particulière, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit l'emporte sur celui, privé, du recourant à l'exploitation de son entreprise sur le site litigieux » (arrêt du Tribunal fédéral 1C_446/2010 du 18 avril 2011, consid. 5.1.1 et les références citées ; ATA/68/2013 du 6 février 2013).
La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a, pour sa part, confirmé l'ordre de remise en état d'une clôture en zone agricole au motif que l'intérêt public à la préservation des terres agricoles, comprenant de plus des surfaces d'assolement, ainsi que l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doivent l'emporter sur l'intérêt privé du recourant à mettre en place diverses installations non autorisées et non autorisables sur la parcelle (ATA/1370/2018 du 18 décembre 2018 consid. 10). Dans un autre arrêt, elle a également confirmé un ordre de démolition, en zone à bâtir, s'agissant de travaux dans une villa qui ne figuraient pas dans l'autorisation de construire délivrée par l'autorité et relevant que le fait qu'une remise en état entraînerait aujourd'hui des contraintes, notamment en termes financiers, n'était pas déterminant, cette situation étant uniquement due à l'attitude de la recourante, qui s'était affranchie de l'obligation de solliciter au préalable une autorisation de construire pour les installations litigieuses (ATA/213/2018 précité consid. 12).
24. S’il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d’un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (ATF 147 II 309 consid. 5.5 et 5.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.2.1).
25. Sous l'angle de la proportionnalité, on peut notamment prendre en compte le fait que la démolition et la remise en état des lieux engendreraient des frais excessifs que l'intéressé ne serait pas en mesure de prendre en charge (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_370/2015 du 16 février 2016 consid. 4.4 ; 1C_537/2011 du 26 avril 2012 ; 1C_101/2011 du 26 octobre 2011 consid. 2.4 ; 1C_248/2010 du 7 avril 2011 consid. 4.2 ; 1C_273/2008 du 7 octobre 2008 consid. 3.2 ; 1C_164/2007 du 13 septembre 2007 consid. 4.3). Néanmoins, un intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2).
26. En l'espèce, l'ordre de remise en état a été adressé à la recourante, qui est propriétaire de la parcelle et donc perturbatrice par situation, ce qui n’est pas contesté par les parties. Le département était ainsi fondé à s’adresser à elle en vue de solliciter la remise en état des objets litigieux, sis sur une parcelle sur laquelle elle possède une maîtrise juridique et de fait, quand bien même elle ne les avait pas elle-même fait réaliser.
27. Les objets concernés par l'ordre de remise en état querellé n'ont en outre pas été autorisés. Le département n'a en effet retrouvé dans ses archives aucune autorisation de construire s'agissant des constructions litigieuses. Seule la trace d'une demande d'autorisation de construire, qui avait par ailleurs été abandonnée, a été trouvée en lien avec la parcelle. Quant au courrier produit par la recourante, duquel elle déduit qu'une seconde requête en autorisation de construire aurait été déposée, bien qu'il fasse référence à l'adresse de la parcelle et à ces anciens propriétaires, il est toutefois d'une part relevé qu'il s'agit d'une simple allégation et d'autre part qu'il y est fait mention d'une demande préalable, laquelle n'autorise aucune construction. La recourante, qui supporte le fardeau de la preuve dès lors qu'elle entend se prévaloir d'un droit en vue d’en tirer un bénéfice, n'apporte en l'espèce pas la preuve que les objets litigieux auraient été autorisés. Finalement, il est relevé que le fait que certains objets soient cadastrés ou raccordés à l'électricité et aux canalisations ne permet toutefois pas de considérer qu'ils auraient été autorisés.
28. La question de la prescription trentenaire ne se pose pas en l’espèce. En effet, une telle prescription ne s’applique actuellement pas, à teneur de la jurisprudence du Tribunal fédéral, hors de la zone à bâtir. Or, la parcelle en cause se situe en zone agricole. Le fait que la parcelle ne s'inscrive pas dans le plan cantonal des SDA et qu'elle ne soit plus cultivée depuis de nombreuses années n'y change rien.
À cet égard, l’existence de la motion parlementaire n° 21.4332 « prescription de l’obligation de rétablir la situation conforme au droit hors de la zone à bâtir », désormais validée par les deux chambres de l’Assemblée fédérale et contre laquelle aucun référendum n’a été déposé, visant à introduire dans la législation la prescription trentenaire appliquée par les autorités judiciaires puis remise en cause, pour la zone agricole par la jurisprudence fédérale du 28 avril 2021 citée ci-dessus, n’y change rien non plus du strict point de vue de la légalité. Il en va cependant différemment, comme on le verra ci-dessous, sous l'angle de la proportionnalité.
29. Contrairement à ce qu'elle tente de soutenir, la recourante ne saurait se prévaloir du principe de la bonne foi pour s’opposer à l’ordre de remise en état. En effet, aucun élément du dossier ne permet de retenir que l’autorité intimée aurait créé, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu’elle serait liée par la bonne foi s’agissant de la construction litigieuse non autorisée. Il ne peut pas non plus être retenu que le département aurait fait preuve de tolérance à l'égard des constructions et installations litigieuses du fait que le chemin d'accès, la cour et le chalet soient cadastrés, que ce dernier soit raccordé à l'électricité ainsi qu'aux canalisations et qu'une demande d'autorisation de construire, finalement abandonnée, ait été déposée. Le Tribunal fédéral a en effet déjà retenu que la cadastration d’une construction illégale ne constituent pas une validation de l’objet en cause (arrêt du Tribunal fédéral 1C_277/2012 du 16 novembre 2012 consid. 5.3).
30. S'agissant finalement de la cinquième condition à laquelle est soumis un ordre de remise en état, à savoir le fait que ce dernier vise des intérêts publics qui l'emportent sur les intérêts opposés au maintien de la situation, le tribunal considère que l'on ne saurait faire abstraction du fait que les objets litigieux, qui sont aujourd'hui soumis à la possibilité d'un ordre de remise en état, y échapperont dès l'entrée en vigueur relativement proche du futur art. 25 al. 5 LAT. La pesée des intérêts en présence, et notamment des intérêts publics que l'autorité doit veiller à préserver, est ainsi influencée dans le cas d'espèce par le fait que le législateur a récemment décidé que l'intérêt public à préserver les périmètres situés hors zone à bâtir (dont en particulier la zone agricole) contre les constructions illégales, doit céder le pas à l'intérêt privé des propriétaires à pouvoir préserver ces constructions lorsque ces dernières ont été érigées au moins 30 ans auparavant. Même si la loi qui introduit le délai de prescription de 30 ans hors de la zone à bâtir n'est pas encore en vigueur, il s'agit, du point de vue des intérêts publics et privés qui régissent les zones non constructibles, d'un changement de paradigme dans la manière dont il faut envisager ces questions. Il apparaîtrait ainsi incompréhensible, dans le présent litige, de vouloir encore préserver un intérêt public auquel le législateur fédéral a d'ores et déjà décidé qu'il convenait de renoncer dans les circonstances spécifiques de constructions datant de plus de 30 ans (voir en ce sens JTAPI/809/2024 du 22 août 2024).
31. En l'espèce, il n'est pas contesté que le chalet de jardin et son couvert, le chemin d'accès ainsi que la cour, tous visibles sur les photographies aériennes depuis respectivement 1963 et 1972, existent depuis plus de 30 ans. Quant à la clôture et au portail, ils ne sont certes pas visibles sur les photographies aériennes, sur lesquelles l'on distingue toutefois, à partir de 1972, une haie délimitant la parcelle. Il ressort par ailleurs des devis et factures produits par la recourante que les travaux de plantation des thuyas et de fourniture et pose de la clôture et du portail datent tous deux de 1967. Les objets en cause existent donc tous depuis plus de 30 ans, soit depuis de très nombreuses années et il s'agit d'éléments plutôt modestes, du point de vue de leur impact volumétrique et paysager. Le département a par ailleurs octroyé un délai particulièrement long à la recourante pour rétablir une situation conforme au droit, soit jusqu'au 1er septembre 2025, date à laquelle il est probable que la modification législative, près de deux ans après son adoption par les chambres fédérales, sera entrée en vigueur.
Au vu de ce qui précède, l'ordre de remise en état querellé apparaît disproportionné et devra donc être annulé. Il importe cependant d'attirer l'attention de la recourante sur le fait que cette issue laisse les objets litigieux dans l'illégalité et qu'ils ne sont donc pas susceptibles d'être remplacés ni transformés, de sorte que leur existence est limitée par leur durée de vie.
32. Il résulte de ce qui précède que le recours interjeté contre la décision de remise en état du 9 février 2023 sera admis.
33. Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). L’avance de frais versée par la recourante lui sera restituée.
34. Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure, fixée à CHF 1'000.-, sera allouée à la recourante, à la charge de l'Etat de Genève, soit pour lui le département (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 23 février 2024 par Madame A______ contre la décision du département du territoire du 9 février 2024 ;
2. l'admet ;
3. annule la décision du département du territoire du 9 février 2024 ;
4. dit qu’il n'est pas perçu d'émolument ;
5. ordonne la restitution à Madame A______ de son avance de frais de CHF 900.- ;
6. alloue à la recourante, à la charge de l'Etat de Genève, soit pour lui le département du territoire, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- ;
7. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Isabelle KOECHLIN-NIKLAUS et Julien PACOT, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu'à l'office fédéral de l'agriculture.
Genève, le |
| La greffière |