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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3348/2023

JTAPI/423/2024 du 03.05.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : RECONSIDÉRATION;DÉCISION;CAS DE RIGUEUR;DÉCISION DE RENVOI;MODIFICATION DES CIRCONSTANCES
Normes : LPA.48.al1.leta; LPA.48.al1.letb; LPA.80
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3348/2023

JTAPI/423/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 6 mai 2024

 

dans la cause

 

Mesdames A______ et B______, représentées par Me Vicky CAMILO, avocate, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1973, et sa fille B______, née le ______ 2005, sont ressortissantes de Mongolie.

2.             Le 5 avril 2018, Mme A______ a été appréhendée par les gardes-frontières. Lors de son audition, elle a déclaré être arrivée en Suisse en 2014, n’avoir aucune autorisation pour y demeurer, travailler dans le domaine de l’économie domestique, n’avoir aucun lien particulier avec la Suisse et ne pas vouloir retourner en Mongolie, où vivait toute sa famille (parents, frères et sœurs), car là-bas, c’était très difficile et il n'y avait pas de travail.

3.             Par décision du 6 avril 2018, exécutoire nonobstant recours, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 13 avril 2018 pour quitter le territoire.

Cette décision, entrée en force, a été remise à Mme A______ dans les locaux de la police genevoise, étant précisé que l’intéressée a refusé de signer la confirmation de notification.

4.             Par ordonnance pénale du 6 avril 2018, le Ministère public a reconnu Mme A______ coupable de séjour illégal et d’activité lucrative sans autorisation et l’a condamnée à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 30.-, sous déduction d’un jour de détention avant jugement, sursis à l'exécution de la peine et délai d'épreuve de trois ans.

5.             Selon la feuille d’enquête du 28 mai 2018 de l’OCPM, il n’avait pas été possible de localiser Mme A______, dont la carte de sortie n’était pas venue en retour.

6.             Le 5 juin 2018, le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé à l’encontre de l’intéressée une décision d’interdiction d’entrée en Suisse (ci-après : IES), valable du 5 juin 2018 au 4 juin 2021.

7.             Le 14 juin 2021, Mme A______ a sollicité des autorisations de séjour pour cas de rigueur auprès de l’OCPM, pour elle-même et sa fille - alors mineure - qui l’avait rejointe à Genève le 5 août 2019 et qui fréquentait le cycle d’orientation. Elle a également requis la délivrance d’une autorisation de travail provisoire en vue d’œuvrer dans le domaine de l’économie domestique auprès d’un particulier.

Divorcée, elle avait décidé de quitter son pays parce qu’elle n’y trouvait pas d’emploi. Elle désirait rester en Suisse et y refaire sa vie. Sa fille et elle-même remplissaient les critères du cas de rigueur et de l’« opération Papyrus ». Elles étaient très bien intégrées, avaient toujours respecté l’ordre juridique et adopté un comportement exemplaire. Leur situation financière était saine ; elles n’avaient pas de dettes et n’avaient jamais été assistées. Elles étaient en bonne santé et parlaient couramment le français.

Étaient joints, des justificatifs de la présence en Suisse de Mme A______ depuis son arrivée et divers autres documents : il en résultait notamment qu’elle n’émargeait pas à l’aide publique, que son casier judiciaire était vierge, qu’elle ne faisait l’objet d’aucune poursuite ni d’acte de défaut de biens et qu’elle avait un niveau de français oral A2. Les résultats scolaires de sa fille, qui fréquentait une classe d’accueil, laissaient apparaître que celle-ci était une élève scolaire, sérieuse et très travailleuse.

8.             Par courrier du 19 juillet 2021, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser d’accéder à sa requête et lui a imparti un délai de 30 jours pour faire usage de son droit d’être entendue.

9.             Par pli du 28 août 2021, Mme A______ a persisté dans sa demande.

10.         Par décision du 3 décembre 2021, l’OCPM a refusé d’octroyer des autorisations de séjour à Mme A______ et la fille de cette dernière et a prononcé leur renvoi, leur impartissant un délai au 3 février 2022 pour quitter le territoire.

Les conditions du cas de rigueur n’étaient pas remplies. Mme A______ n’avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse, ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Elle n’avait pas non plus prouvé qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place. Le fait de ne pas se conformer à des injonctions claires de quitter le territoire était un non-respect manifeste de l’ordre juridique suisse. Bien qu’elle ne faisait l’objet ni de poursuites ni d’acte de défaut de biens et qu’elle n’avait pas recouru à l’aide sociale, elle n’avait pas justifié d’une situation économique saine.

Sa fille était arrivée en Suisse en août 2014 [recte : 2019]. Âgée de 16 ans, elle fréquentait une classe d’accueil et de développement. Dans ces circonstances, sa réintégration en Mongolie ne devrait pas lui poser des problèmes insurmontables.

11.         Par acte du 3 janvier 2022, Mme A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que l’OCPM soit invité à soumettre sa demande au SEM avec un préavis favorable en vue de l’octroi d’autorisations de séjour.

Arrivée en Suisse le 3 août 2014, elle y vivait depuis plus de sept ans. Divorcée du père de sa fille, elle n’avait pas suffisamment d’argent pour subvenir aux besoins de son enfant. Le salaire mensuel moyen en Mongolie s'élevait à moins de CHF 300.- et personne dans sa famille, ni ses parents, âgés et retraités, ni les membres de sa fratrie, ni son ex-conjoint n’avaient un tel salaire. Lorsqu’elle y vivait, elle était contente en réalisant un salaire mensuel de CHF 100.-. Depuis son arrivée en Suisse, elle avait travaillé dans le domaine de l’économie domestique, auprès de particuliers, à raison d’environ 35 heures par semaine. Même si son salaire semblait bas, il était bien plus élevé que ce qu’elle obtenait en Mongolie. Sa situation financière et économique en Suisse était saine : elle n’avait pas de dettes et ne recourait pas à l’assistance sociale.

Sa fille l’avait rejointe en Suisse pour vivre avec elle. Auparavant, elle vivait avec ses grands-parents, son père ne s’étant jamais occupé d’elle. Elle suivait les cours des classes de formation et d’orientation professionnelle à Genève et souhaitait obtenir un diplôme lui permettant d’accéder au monde professionnel ; personne dans sa famille n’en avait encore obtenu. Membre active de C_______, elle avait de nombreuses amies vivant à Genève où elle avait passé une grande partie de son adolescence.

En cas de retour en Mongolie, elles tomberaient dans la précarité, voire la pauvreté. Elle ignorait où elles pourraient vivre. Ses parents ne vivaient pas à D______ (MNG), mais à la campagne, dans une yourte comportant une chambre et une cuisine. Dépourvue de diplôme, elle ne pensait pas pouvoir retrouver un travail similaire à celui qu’elle exerçait avant sa venue en Suisse. Elle avait déposé sa demande de régularisation en juin 2021, sur conseil de l’enseignant de sa fille, pour que celle-ci puisse continuer à s’inscrire aux classes de formation et d’orientation professionnelle.

12.         Par jugement du 2 juin 2022 (JTAPI/589/2022), le tribunal a rejeté ce recours, retenant notamment que Mme A______ n’avait pas démontré que le père de sa fille ne pourrait pas participer à l’entretien de celle-ci.

Le recours contre ce jugement a également été rejeté par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), par arrêt du 20 septembre 2022 (ATA/944/2022), lequel mentionne, dans son état de fait, que ni Mme A______ ni sa fille n’avaient de relation avec le père de celle-ci ; il ne pourrait ainsi les aider en cas de retour. Dans sa réplique du 17 août 2022 dans le cadre de cette procédure, Mme A______ a notamment indiqué qu’elle ignorait où le père de sa fille habitait et que ni elle-même ni sa fille n’avaient de relation avec lui depuis plusieurs années. Il n’avait en outre jamais rien payé.

Par arrêt du 4 novembre 2022 (2C_862/2022), le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours interjeté contre l’ATA précité, de sorte que la décision rendue par l’OCPM le 3 décembre 2021 est entrée en force.

13.         Le 10 mars 2022, en réponse à une demande de renseignements de l’OCPM, l’ambassade suisse en charge de la Mongolie a indiqué que les autorités de ce pays n’accordaient pas d’aide financière à leurs ressortissants, sous réserve de bons alimentaires de l’équivalent de CHF 5.- par mois pour les plus pauvres d’entre eux. Il n’existait pas d’entité privée soutenant les personnes dans le besoin ni d'hébergements de secours, hormis pour les femmes battues. L’intéressée pourrait percevoir une allocation mensuelle pour enfant de l’équivalent de CHF 31.-. Elle devait avoir été aidée financièrement lorsqu'elle avait quitté la Mongolie pour se rendre en Europe. Il lui serait difficile, alors qu'elle était âgée de 49 ans, sans référence ni réseau, de trouver un emploi.

14.         Le 17 janvier 2023, l'OCPM a fixé à Mme A______ et sa fille un délai au 28 février 2023 pour quitter la Suisse et l'Espace Schengen.

15.         Lors d’un entretien dans les locaux de cet office le 20 février 2023, la précitée a notamment indiqué n’avoir jamais parlé auparavant de la situation avec son ex-époux - qui était « dépendant de l’alcool » -, avoir peur et avoir vécu cachée et isolée en Mongolie. Elle avait vécu cette situation depuis tellement longtemps qu’elle n’en avait jamais rien dit. Elle souhaitait déposer une demande de reconsidération contre la décision de renvoi prise à leur encontre. Elle-même et sa fille avaient peur de retourner en Mongolie et étaient très angoissées.

16.         Par courrier du 21 février 2023, faisant suite à la demande de Mme A______, l’OCPM a prolongé le délai de départ de celle-ci et de sa fille jusqu’au 15 juillet 2023 en raison de leur collaboration à l’organisation de leur départ et afin que B______ puisse terminer son année scolaire.

17.         Le 11 juillet 2023, Mme A______ a déposé, par le biais de Monsieur E______, pour son compte et celui de sa fille, une demande de reconsidération de la décision du 19 juillet 2021 au motif qu’elle avait subi des violences conjugales de la part de son ex-époux, qui avait d’ailleurs refusé de reconnaître leur fille.

À la suite d’une convocation de l’OCPM, son employeur avait contacté l’une de ses amies, membre de l’association F______, qui l’avait entendue, accompagnée d’une traductrice. Il était notamment ressorti de cet entretien qu’un élément essentiel, soit les violences conjugales, n’avait pas été mentionné lors du dépôt des demandes d’autorisations de séjour et qu’un nouvel obstacle se heurtait donc à leur réinsertion en Mongolie. Elle ne souhaitait parler de cette problématique à personne, hormis à sa famille proche. De nombreuses études démontraient d’ailleurs les grandes difficultés rencontrées, notamment par les émigrés, à confier leurs problèmes à autrui.

Elle était, tout comme sa fille, dans un état de fragilité psychologique depuis l'annonce du renvoi en Mongolie, craignant des violences graves de la part de son ex-époux qui, compte tenu de leurs nombreuses connaissances communes, serait rapidement au courant de leur retour au pays.

En raison des violences exercées par son ex-époux, toutes deux avaient dû se réfugier chez ses parents notamment, où son ex-conjoint était néanmoins venu voir leur fille dans le but d'effectuer des pressions sur celle-ci ou de menacer cette dernière afin de lui extorquer - avec succès à plusieurs reprises - de l’argent.

En cas de retour, elles seraient confrontées à la difficulté de trouver un emploi et un logement à D______[MNG] où elles n’avaient pas de famille, ainsi qu’à la pauvreté régnant en Mongolie. Il n’y avait pas d’emplois à proximité du lieu où vivaient ses parents, soit à la campagne, sous une yourte, et c’était elle qui pourvoyait à leur entretien. Ni la Croix-Rouge, ni l’OCPM, n’avaient pris la peine d’effectuer des démarches en vue de leur réinstallation dans leur pays d'origine.

Pour des raisons de sécurité, leur renvoi était actuellement impossible. La délivrance d’autorisations de séjour s'imposait, à tout le moins leur admission provisoire.

Étaient jointes plusieurs pièces, notamment :

-          une attestation du 3 juillet 2023 selon laquelle Mme B______ avait signé un contrat d’apprentie de commerce à temps plein du 21 août 2023 au 27 juin 2025 au sein de l’école F______ (ci-après : F______) ;

-          une attestation établie le 31 mars 2023 par l’office médico-pédagogique indiquant que la précitée avait été reçue, à sa demande, en son sein les 10 et 23 mars 2023 par une psychologue dans le cadre du refus de sa « demande d’asile ». Elle présentait, lors de ces deux entretiens, des difficultés anxieuses ;

-          un courrier du service de l’accueil de l’enseignement secondaire du 10 mars 2023 selon lequel Mme B______, élève sérieuse et travailleuse, était scolarisée en classe d’insertion professionnelle durant l’année scolaire 2022-2023. Elle désirait poursuivre sa formation comme assistante dentaire ou de bureau et pourrait également être intégrée en classe préparatoire de l’école de commerce pour la rentrée 2023-2024. La signature d’un potentiel contrat de préapprentissage effectué en entreprise serait directement liée à l’obtention d’un statut administratif en Suisse. À défaut, les efforts des quatre dernières années ne pourraient être mis à profit pour poursuivre sa formation professionnelle et construire son avenir ;

-          un rapport médical - portant l’en-tête du SEM - complété le 9 mai 2023 par le service de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), à teneur duquel Mme A______, suivie depuis le 4 avril 2023, rapportait subir régulièrement de la part de son ex-époux depuis 2010 des violences psychologiques (injures quotidiennes), des violences physiques (lancer d’objets sur elle, tirage de cheveux et d’oreilles) en raison desquelles elle avait dû appeler la police à plusieurs reprises, ainsi que des viols. Les troubles annoncés consistaient en une anxiété très importante concernant son retour en Mongolie, où elle craignait que son ex-époux s’en prenne à elle, voire ne la tue, ce qui avait provoqué chez elle un épisode de palpitation et un trouble de l’endormissement, des épisodes occasionnels de migraines et des brûlures d’estomac. Sa thymie était basse, elle avait pleuré durant l’entretien et présenté des tremblements en lien avec son anxiété.

Le diagnostic consistait en un trouble de l’adaptation face à une situation de stress, une dyspepsie et une migraine. Le traitement actuel, depuis février 2023, se composait de Valverde et de Nexium 20 mg une fois par jour, ainsi que de Dafalgan en réserve. Le traitement nécessaire, depuis le 4 avril 2023 et probablement pour une durée indéterminée, consistait en un suivi psychologique, ainsi qu’une médication à visée anxiolytique si la situation devait persister durant plus de six mois. Un suivi une fois par mois à sa consultation devait être assuré. Le pronostic actuel et futur, tant avec que sans traitement, était indéterminé. Aucun médecin ou structure médicale pouvant assurer le traitement nécessaire en Mongolie n’était connu. En cas de retour en Mongolie, le suivi médical adéquat, dont un suivi spécialisé, serait ainsi difficilement accessible, générant un risque élevé d’aggravation du trouble de l’adaptation vers un trouble anxieux ou dépressif ;

-          une attestation rédigée par une psychologue et une psychiatre de l’association G_______ le 3 juillet 2023, à teneur de laquelle elles avaient reçu Mme A______ et sa fille pour une évaluation psychiatrique les 9, 16, 23 et 25 mai 2023, ainsi que les 8 et 15 juin 2023. Mme A______ décrivait son ex-époux comme violent et alcoolique. Arrivée en Suisse en 2014, elle avait laissé sa fille en Mongolie avec sa grand-mère maternelle jusqu’en 2019, date à laquelle sa fille l’avait rejointe à Genève. Durant cette période, son ex-époux aurait tenté d’utiliser leur fille pour lui extorquer de l’argent. Il aurait également présenté des comportements inadéquats et traumatisants avec sa fille, lui disant par exemple qu’il allait se suicider devant elle. Mme B______ souffrait d’un épisode dépressif moyen dont les symptômes étaient : réveils précoces, fatigabilité, difficultés de mémorisation et de concentration, thymie abaissée, isolement social, ruminations et perte d’appétit. Il en allait de même de Mme A______, avec les symptômes suivants : perte de motivation et de plaisir, manque d’appétit, anhédonie, difficultés de concentration et de motivation, ruminations et sommeil perturbé. En outre, cette dernière souffrait également de stress post-traumatique avec des flashbacks, un évitement des situations lui rappelant son ex-époux violent, un sentiment de persécution et des symptômes neurovégétatifs (sursauts, cauchemars). Mères et filles se trouvaient dans un état de fragilité psychologique depuis l’annonce de leur expulsion de Suisse. Un retour en Mongolie leur semblait inenvisageable au vu notamment des violences graves redoutées de la part de l’ex-époux et père ;

-          une traduction anglaise authentifiée, faisant état d’un jugement de divorce prononcé le 23 août 2018 par le tribunal civil de 1ère instance du district de H______ (MNG) suite à la requête en ce sens de Mme A______. À teneur de ce document, la précitée et son ex-époux vivaient séparés depuis 2013 « due to the constant argument and physical and emotional stress caused by [their] incompatibility and disagreement ». Les ex-époux s’étaient mis d’accord sur le fait que Mme A______ aurait la garde de leur fille.

18.         Par décision du 15 septembre 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération, tout en rappelant que Mme A______ et sa fille, faisaient l’objet d’une décision de refus et de renvoi prononcée le 19 juillet 2021, désormais entrée en force, à laquelle elles étaient tenues de se conformer sans délai.

Les violences conjugales invoquées par Mme A______ ne pouvaient être prises en considération, dans la mesure où aucune preuve y relative n’avait été apportée. Le rapport médical des HUG et l’attestation d’G_______relataient uniquement les déclarations des intéressées.

Ainsi, les circonstances ne s’étaient pas notablement modifiées depuis le prononcé de la décision de refus et les conditions d’une reconsidération n’étaient pas remplies. En effet, les éléments contenus dans la nouvelle requête n'étaient pas des faits nouveaux et importants susceptibles de modifier la position de l'OCPM.

Enfin, il était rappelé que les problèmes psychiques engendrés par la crainte de voir définitivement perdues les perspectives d'avenir en Suisse ou l'imminence d'un renvoi n'étaient pas susceptibles de justifier la reconnaissance d'un cas de rigueur.

19.         Par acte du 16 octobre 2023 accompagné de pièces, Mmes A______ et B______ ont interjeté recours, sous la plume de leur conseil, auprès du tribunal contre cette décision, concluant, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif au recours, et, sur le fond, à son annulation et à ce qu'il soit constaté qu'elles remplissaient les conditions en vue de leur séjour en Suisse, subsidiairement, au renvoi du dossier à l’OCPM pour nouvelle décision dans le sens des considérants, sous suite de frais et dépens. Malgré leurs demandes, la police mongole n'avait pas souhaité leur transmettre copie de la plainte déposée contre leur ex-époux et père, ni divulguer d’informations relatives à ce dernier. Elles pourraient, le cas échéant, en témoigner, si elles devaient être entendues.

L'OCPM avait fait preuve d'arbitraire en imputant les problèmes psychologiques de Mme A______ à sa crainte de voir définitivement perdues ses perspectives d'avenir en Suisse. Il était vrai qu’elles n’avaient jamais fait état auprès de l’OCPM des violences domestiques subies avant le dépôt de leur demande de reconsidération. Toutefois, de nombreuses études démontraient que les personnes victimes de violences familiales, plus spécialement les étrangers, avaient de grandes difficultés à parler de leurs problèmes. Elles souffraient toutes deux d’un épisode dépressif moyen, auquel venait s’ajouter un état de stress post traumatique s’agissant de Mme A______, comme démontré par l’attestation d'G_______ du 22 juin 2023, dont le contenu était similaire à l’attestation rédigée par cette même association le 3 juillet 2023, versée précédemment au dossier.

Selon les HUG, le syndrome de stress post traumatique se définissait par une exposition à un événement ou à une situation de nature extrêmement menaçante ou horrible, soit notamment de la violence sexuelle ou des agressions. Partant, ce symptôme physique démontrait leur exposition à une situation invivable. Les HUG avaient confirmé qu’ils suivaient Mme A______ depuis le 4 avril 2023 avec un traitement indéterminé nécessitant une médication et que le suivi médical adéquat serait difficilement accessible en Mongolie. De plus, le jugement de divorce rendu le 23 août 2018 en Mongolie faisait bien état de violences conjugales. Malheureusement, la police mongole ne souhaitait pas, malgré leurs demandes, divulguer d’informations relatives à leur ex-époux et père ni transmettre copie de la plainte déposée contre ce dernier.

20.         Dans ses observations du 6 avril 2023, l’OCPM s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif au recours ainsi qu’à l’octroi de mesures provisionnelles.

Sur le fond, le recours devait être rejeté. Les conditions d’une entrée en matière sur reconsidération n’étaient pas remplies. Les violences conjugales alléguées auraient pu être invoquées dans le cadre de la procédure ordinaire et ne constituaient pas des faits nouveaux. Les traitements thérapeutiques suivis par les recourantes ne représentaient pas davantage une modification notable des circonstances. Rien ne laissait à penser que les recourantes ne pourraient pas avoir accès aux soins adéquats en Mongolie.

21.         Par réplique sur effet suspensif du 9 novembre 2023, les recourantes ont persisté dans leurs conclusions, précisant que Mme B______ suivait toujours sa formation auprès de F______ avec sérieux et motivation.

Elles ont produit une copie de l'attestation de l'ambassade de Mongolie en Suisse datée du 7 novembre 2023, confirmant qu'une requête officielle y avait été déposée afin d'obtenir le dossier pénal de Monsieur I______, ex-époux de Mme A______, et que cette requête prendrait un certain temps.

Dès lors que la transmission du dossier pénal de M. I______ était essentielle pour confirmer l’état de fait soulevé dans la demande de reconsidération, en particulier la dangerosité de ce dernier, la suspension de la procédure jusqu’à réception dudit dossier était requise.

22.         Par pli du 10 novembre 2023, les recourantes ont indiqué verser au dossier, copie d’une attestation établie le 7 novembre 2023 par l’employeur de Mme A______ en Mongolie, accompagnée d’une traduction authentifiée en anglais, démontrant qu’elle avait bel et bien subi des violences domestiques.

Étaient joints :

-          une Employment verification letter portant l’en-tête de J______, K______ Province, signée par le « Principal » et datée du 7 novembre 2023, à teneur de laquelle la précitée avait travaillé de 2009 à 2013 en son sein, en qualité de nettoyeuse ;

-          un Employer’s statement letter, non daté et rédigé par le Social Worker L______ confirmant qu’elle avait œuvré à satisfaction en qualité de nettoyeuse durant la période précitée. Son époux était venu de manière répétée sur son lieu de travail alors qu’il était alcoolisé, et avait « harassed her, started a fight, made noise and caused difficultiers for her to work ». Pour ce motif, elle avait quitté son emploi de sa propre initiative. Son époux était revenu sur son lieu de travail après sa démission et avait demandé où elle se trouvait. Elle avait été victime de violences domestiques.

23.         Dans sa détermination du 22 novembre 2023, l'OCPM s'est opposé à la suspension requise par les recourantes et a confirmé que leur renvoi en Mongolie était raisonnablement exigible.

24.         Par décision du 27 novembre 2023 entrée en force (DITAI/522/2023), le tribunal a rejeté les demandes de mesures provisionnelles et de suspension des recourantes.

25.         Par réplique du 12 janvier 2024, les recourantes ont persisté dans leurs conclusions.

Leur renvoi en Mongolie ne pouvait être raisonnablement exigé. Mme A______ y avait subi des violences domestiques nécessitant une médication qui ne serait pas accessible en cas de renvoi. Le rapport des HUG du 9 mai 2023 mentionnait d’ailleurs expressément un risque élevé d’aggravation du trouble de l’adaptation vers un trouble anxieux ou dépressif en cas de retour en Mongolie, où le suivi médical adéquat serait en outre difficilement accessible.

Était joint un certificat médical établi le 27 décembre 2023 par les HUG, à teneur duquel Mme A______ était connue pour un trouble dépressif nécessitant une prise en charge par traitement antidépresseur quotidien, ainsi qu’un suivi psychologique/psychiatrique. La patiente avait repris contact avec le service de psychiatrie afin de réaliser son suivi de manière régulière. L’auteur du rapport avait eu son premier contact avec la précitée en décembre 2023.

26.         Par duplique du 31 janvier 2024, l’OCPM a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'OCPM relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Les recourantes proposent leur audition.

4.             Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5.2.1). Ces principes s’appliquent également à la tenue d’une inspection locale en l’absence d’une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d’instruction, étant précisé qu’une telle disposition n’existe pas en droit genevois (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 2b).

5.             En l'espèce, le tribunal estime que les recourantes ont eu la possibilité de faire valoir leurs arguments par le biais des écritures usuelles et de produire tout moyen de preuve qu’elles estimaient utiles en annexe de celles-ci. Ainsi, il convient de retenir que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tels qu'ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l'autorité intimée, pour statuer sur le litige.

Quant aux allégations des recourantes selon lesquelles la police mongole ne souhaiterait pas leur transmettre la plainte déposée contre leur ex-époux et père ni divulguer d’informations relatives à ce dernier, le tribunal considère, par le biais d’une appréciation anticipée des preuves, que leur comparution personnelle ne serait en tout état pas déterminante, dès lors qu’elles se sont déjà déterminées à ce propos dans leurs écritures.

Partant, il n’apparaît pas nécessaire de procéder à la demande d'instruction, en soi non obligatoire, requise.

6.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

7.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

8.             De façon générale, une demande de reconsidération peut être présentée en tout temps et par toute personne qui aurait la qualité pour recourir contre la décision, objet de la demande au moment du dépôt de celle-ci. Elle a pour but d'obtenir la modification de la décision d'origine. Le plus souvent, elle tendra à la révocation d'une décision valable à l'origine, imposant une obligation à un particulier (ATA/355/2011 du 31 mai 2011 consid. 4e et les références citées ; cf. également Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1414 ss pp. 476 ss).

Elle n'est toutefois pas un moyen de droit destiné à remettre indéfiniment en question les décisions administratives, ni à éluder les dispositions légales sur les délais de recours, de sorte qu'il y a lieu d'exclure le réexamen d'une décision de première instance entrée en force lorsqu'il tend à obtenir une nouvelle appréciation de faits déjà connus en procédure ordinaire ou lorsque le requérant le sollicite en se fondant sur des faits ou des moyens de preuve qui auraient pu et dû être invoqués dans la procédure ordinaire (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_165/2013 du 29 août 2013 consid. 2 ; ATA/539/2020du 29 mai 2020 consid. 5c ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417 p. 477).

Il n'existe en principe pas de droit non seulement à une nouvelle décision, mais déjà à ce que l'autorité saisie procède à un nouvel examen de la situation (ATA/ 355/2011 du 31 mai 2011 consid. 4f ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417 p. 477). L'existence d'une procédure de réexamen ne peut pas avoir pour conséquence qu'une autorité doive sans cesse reprendre les mêmes affaires (ATF 120 Ib 42 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_638/2008 du 16 octobre 2008 consid. 3.1; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-4060/2018 du 7 août 2018). L'autorité doit seulement procéder à un nouvel examen si la loi le lui impose. Au-delà de cela, l'auteur de la demande de réexamen n'a aucun droit à obtenir une nouvelle décision, ni à exiger de l'autorité qu'elle procède à un nouvel examen (ATA/539/2020du 29 mai 2020 consid. 5c ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a).

La jurisprudence a en effet déduit des garanties générales de procédure de l'art. 29 al. 1 Cst. l'obligation, pour l'autorité administrative, de se saisir d'une demande de réexamen lorsque les circonstances de fait ont subi, depuis la première décision, une modification notable, ou si le requérant invoque des faits ou des moyens de preuve importants qu'il ne connaissait pas lors de la première décision, ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n'avait pas de raison de se prévaloir à cette époque (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; 130 II 32 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_165/2013 du 29 août 2013 consid. 2 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417 p. 477, n. 1421 s. p. 478 et les arrêts cités). C'est ce que prévoit, en droit genevois, l'art. 48 LPA (cf. infra ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1422 p. 478).

Lorsque des motifs de cette nature sont établis, l'autorité est donc tenue d'entrer en matière (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, ch. 2.4.4.2 p. 399).

9.             Selon l'art. 48 al. 1 LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsqu'un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b LPA existe (let. a) ou lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision (let. b).

10.         Aux termes de l'art. 80 LPA, auquel renvoie l’art. 48 al. 1 let. a LPA, il y a lieu à révision d'une décision judiciaire lorsqu’il apparaît, dans une affaire réglée par une décision définitive, que la décision a été influencée par un crime ou un délit établi par une procédure pénale ou d'une autre manière (let. a), ou qu’il existe des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b).

L'art. 80 let. b LPA, vise uniquement les faits et moyens de preuve qui existaient au moment de la première procédure, mais n’avaient alors pas été soumis au juge (faits nouveaux « anciens » ; ATA/774/2012 du 13 novembre 2012 consid. 4). Sont nouveaux au sens de cette disposition légale les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n’étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2). Ces faits nouveaux doivent en outre être importants, c’est-à-dire de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de l’arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; 118 II 199 consid. 5). Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit des faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n’avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu’il ne pouvait pas les invoquer dans la précédente procédure. Une preuve est considérée comme concluante lorsqu’il faut admettre qu’elle aurait conduit l’autorité administrative ou judiciaire à statuer autrement, si elle en avait eu connaissance, dans la procédure principale. Ce qui est décisif, c’est que le moyen de preuve ne serve pas à l’appréciation des faits seulement, mais à l’établissement de ces derniers (ATF 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/1335/2015 du 15 décembre 2015 consid. 3c ; ATA/866/2015 du 25 août 2015 consid. 6b ; ATA/294/2015 du 24 mars 2015 consid. 3c).

11.         Quant à l’art. 48 al. 1 let. b LPA, il faut que la situation du destinataire de la décision se soit notablement modifiée depuis la première décision. Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux » (vrais nova), c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3b ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a).

12.         Saisie d'une demande de réexamen, l'autorité doit procéder en deux étapes : elle examine d'abord la pertinence du fait nouveau invoqué, sans ouvrir d'instruction sur le fond du litige, et décide ou non d'entrer en matière. Un recours contre cette décision est ouvert, le contentieux étant limité uniquement à la question de savoir si le fait nouveau allégué doit contraindre l'autorité à réexaminer la situation (ATF 117 V 8 consid. 2a ; 109 Ib 246 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4 ; 2C_504/2013 du 5 juin 2013 consid. 3 ; 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3d). Ainsi, dans la mesure où la décision attaquée ne porte que sur la question de la recevabilité de la demande de réexamen, le recourant ne peut que contester le refus d'entrer en matière que l'autorité intimée lui a opposé, mais non invoquer le fond, à savoir l'existence des conditions justifiant l'octroi d'une autorisation de séjour, des conclusions prises à cet égard n'étant pas recevables (cf. ATF 126 II 377 consid. 8d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_115/2016 du 31 mars 2016 consid. 5 ; 2C_172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4 ; 2C_504/2013 du 5 juin 2013 consid. 3).

Si la juridiction de recours retient la survenance d'une modification des circonstances, elle doit renvoyer le dossier à l'autorité intimée, afin que celle-ci le reconsidère (cf. Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2148), ce qui n'impliquera pas nécessairement que la décision d'origine sera modifiée (cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 1429 p. 493).

Ainsi, ce n'est pas parce qu'il existe un droit à un nouvel examen de la cause que l'étranger peut d'emblée prétendre à l'octroi d'une nouvelle autorisation. Les raisons qui ont conduit l'autorité à révoquer, à ne pas prolonger ou à ne pas octroyer d'autorisation lors d'une procédure précédente ne perdent pas leur pertinence. L'autorité doit toutefois procéder à une nouvelle pesée complète des intérêts en présence, dans laquelle elle prendra notamment en compte l'écoulement du temps. Il ne s'agit cependant pas d'examiner librement les conditions posées à l'octroi d'une autorisation, comme cela serait le cas lors d'une première demande d'autorisation, mais de déterminer si les circonstances se sont modifiées dans une mesure juridiquement pertinente depuis la révocation de l'autorisation, respectivement depuis le refus de son octroi ou de sa prolongation (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_203/2020 du 8 mai 2020 consid. 4.3 ; 2C_176/2019 du 31 juillet 2019 consid. 7.2 ; 2C_883/2018 du 21 mars 2019 consid. 4.4 ; 2C_556/2018 du 14 novembre 2018 consid. 3 ; 2C_198/2018 du 25 juin 2018 consid. 3.3).

13.         En droit des étrangers, le résultat est identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation : l'autorité administrative, laquelle se base sur l'état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n'octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l'a refusée auparavant si la situation n'a pas changé ; et si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3e ; ATA/1244/2019 13 août 2019 consid. 5b).

Si l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socio-professionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas toutefois être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 4b ; ATA/1818/2019 du 17 décembre 2019 consid. 2b). Le fait d'invoquer des faits nouveaux résultant pour l'essentiel de l'écoulement du temps, que le recourant a largement favorisé, peut d'ailleurs être reconnu comme un procédé dilatoire (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.271/2004 du 7 octobre 2004).

14.         L'existence d'une modification notable des circonstances au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA doit être suffisamment motivée, en ce sens que l'intéressé ne peut pas se contenter d'alléguer l'existence d'un changement notable de circonstances, mais doit expliquer en quoi les faits dont il se prévaut représenteraient un changement notable des circonstances depuis la décision entrée en force ; à défaut, l'autorité de première instance n'entre pas en matière et déclare la demande irrecevable (ATA/573/2013 du 28 août 2013 consid. 4). De plus, la charge de la preuve relative à l'existence d'une situation de réexamen obligatoire d'une décision en force incombe à celui qui en fait la demande. Cela implique qu'il produise d'emblée devant l'autorité qu'il saisit les moyens de preuve destinés à établir les faits qu'il allègue (ATA/291/2017 du 14 mars 2017 consid. 4).

15.         Les demandes en reconsidération n’entraînent ni interruption de délai ni effet suspensif (art. 48 al. 2 LPA).

16.         En l'espèce, par décision du 3 décembre 2021, entrée en force, suite au rejet, respectivement à l’irrecevabilité des recours interjetés par les recourantes contre celle-ci auprès du tribunal, de la chambre administrative puis du Tribunal fédéral, l’OCPM a refusé de délivrer un titre de séjour aux recourantes et a prononcé leur renvoi de Suisse, faute pour ces dernières de remplir les conditions du cas de rigueur. Par la suite, les recourantes ont sollicité, le 11 juillet 2023, la reconsidération de cette décision. Par décision du 15 septembre 2023, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération formée par les recourantes, objet du présent recours.

Au vu de ce qui précède, conformément à la jurisprudence mentionnée supra, le contrôle juridictionnel effectué par le tribunal ne peut porter que sur la question de savoir si c'est à juste titre que l'autorité intimée a estimé ne pas être en présence d’un motif de révision au sens de l'art. 80 let. b LPA (par renvoi de l’art. 48 al. 1 let. a LPA) ou d'une modification notable des circonstances au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA (cf. ATA/93/2019 du 13 avril 2018 consid. 5a ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 4a).

Au vu de ce qui précède, force est de constater qu’à défaut pour l’autorité intimée d’être entrée en matière sur la demande de reconsidération des recourantes, le pouvoir d’examen du tribunal se limite à la question de savoir si les conditions d’une telle entrée en matière étaient remplies ou non et, le cas échéant, à renvoyer le dossier à cette dernière en vue d’une éventuelle entrée en matière. Le tribunal n’est cependant pas compétent à ce stade pour statuer sur la question de la délivrance ou non d’un titre de séjour en faveur des recourantes. Ainsi, il ne sera pas entré en matière sur les conclusions prises par celles-ci sur le fond du litige, tendant à ce qu’il soit constaté qu’elles remplissaient les conditions en vue de leur séjour en Suisse, dès lors qu'elles sont irrecevables.

17.         A l'appui de leur demande de réexamen, les recourantes allèguent, d'abord, les violences domestiques subies de la part de M. I______ lorsqu'elles vivaient en Mongolie et le danger qu'elles encourraient en conséquence en cas de retour dans leur pays d'origine.

Le tribunal retient que les recourantes n'ont jamais fait état de violences domestiques durant toute la durée de la procédure ordinaire, les intéressées les ayant brièvement abordées, pour la première fois, lors d’un entretien dans les locaux de l’OCPM le 20 février 2023, puis invoquées le 11 juillet 2023 dans le cadre de leur demande de reconsidération de la décision de refus et de renvoi rendue deux ans plus tôt.

En effet, à l'appui de leur demande de régularisation en juin 2021, Mme A______ s'est limitée à indiquer qu'elle avait quitté leur pays d'origine, car elle n’y trouvait pas d’emploi. Elle n'a, en revanche, invoqué ni violence, ni danger ou menace dont elle-même et sa fille auraient été victimes en Mongolie, respectivement auxquels elles s'exposeraient en cas de retour. Dans le cadre de son recours du 3 janvier 2022 par-devant le tribunal contre la décision de refus de l’OCPM du 3 décembre 2021, elle a indiqué qu'elle était divorcée et que son ex-conjoint, qui ne s’était jamais occupé de sa fille, ne participait pas à leur entretien. De même, dans sa réplique du 17 août 2022 dans le cadre du recours déposé contre le jugement du tribunal par-devant la chambre administrative, elle a expliqué ignorer où le père de sa fille résidait et précisé que, ni elle, ni sa fille, n’avaient de relations avec ce dernier depuis plusieurs années, tout en confirmant qu’il ne leur versait pas d’argent.

Or, il ressort des explications et attestations fournies par les recourantes, que ces violences domestiques auraient eu cours en Mongolie, régulièrement, depuis 2010 déjà.

Au vu de ce qui précède, le tribunal retient que les violences domestiques dont les recourantes se prévalent – par ailleurs non établies − ne sont pas des faits nouveaux dès lors que ces faits sont en réalité antérieurs au dépôt de la demande de reconsidération faisant l’objet du présent litige.

A cet égard, Mme A______ se prévaut de sa difficulté à parler des violences domestiques subies pour justifier qu'elle ne les ait pas invoquées plus tôt.

Sur ce point, le tribunal retient que le motif invoqué par les recourantes relève d'un choix personnel et qu'il n'est, en conséquence, pas fondé sur un empêchement objectif au sens de la jurisprudence précitée. Domiciliées en Suisse, elles ne pouvaient, légitimement, en dénonçant les faits précités, redouter un acte d'intimidation ou de représailles. C'est d'autant plus vrai que Mme A______ a expliqué avoir déposé plainte contre son conjoint alors qu'elle résidait encore en Mongolie. Enfin, si, comme les recourantes le prétendent, ces faits constituaient un obstacle à leur renvoi, elles ne pouvaient ignorer l’importance d'en faire mention au stade initial de l'examen de leurs demandes d'autorisations de séjour.

Comme rappelé supra, la procédure de reconsidération n’est pas un moyen de droit destiné à remettre indéfiniment en question les décisions administratives, de sorte qu’il y a lieu d’exclure le réexamen d’une décision entrée en force lorsque l’intéressé se fonde sur des faits qui auraient pu et dû être invoqués dans le cadre de la procédure ordinaire. En effet, autoriser un justiciable à solliciter la reconsidération d’une décision entrée en force en raison de faits qui existaient déjà lors du prononcé de celle-ci mais qu’il n’a, pour des raisons subjectives qui lui sont propres – et dont le bien-fondé n’a pas été démontré au demeurant in casu –, pas invoqués en temps utiles reviendrait à permettre à ce dernier de choisir lui-même le moment où il décide, en fonction de ses intérêts, d’invoquer un argument. Or, une telle façon de procéder, en sus de contrevenir au but visé par la procédure de reconsidération, violerait également le principe de la sécurité du droit.

Partant, les violences domestiques invoquées ne sauraient constituer un fait nouveau « ancien » au sens des art. 48 al. 1 let. a et 80 let. b LPA.

Mmes A______ et B______ allèguent ensuite la péjoration de leur état de santé.

A teneur des éléments au dossier, en particulier le rapport des HUG du 9 mai 2023 et l’attestation d’G_______du 3 juillet 2023, Mmes A______ et B______ sont suivies depuis le 4 avril 2023, respectivement le 9 juin 2023, en raison d'un épisode dépressif moyen, Mme A______ présentant en outre un syndrome de stress post-traumatique, nécessitant un traitement, soit une médication à visée anxiolytique et une consultation psychiatrique mensuelle, le pronostic futur, tant avec que sans traitement. A teneur des pièces au dossier, l'état de santé de Mme B______ ne nécessiterait pas la prise d'un traitement.

Sur ce point, le tribunal retient que, bien que les suivis médicaux en cours aient débuté postérieurement à l'entrée en force de la décision de refus et de renvoi du 3 décembre 2021, l’évolution de l’état de santé des recourantes ne peut être qualifié de notable au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA. En effet, la jurisprudence retient que les problèmes psychiques engendrés par la crainte de voir définitivement perdues ses perspectives d'avenir en Suisse ou l'imminence d'un renvoi, ce qui est le cas en l'espèce, ne sont pas susceptibles de justifier la reconnaissance d'un cas de rigueur. De telles réactions peuvent être couramment observées chez les personnes dont la demande d'autorisation de séjour a été rejetée, sans qu'il faille pour autant y voir un empêchement dirimant à l'exécution du renvoi. L'on ne saurait en effet, de manière générale, prolonger indéfiniment le séjour d'une personne en Suisse au seul motif qu'un retour dans son pays d'origine risquerait d'exacerber des symptômes dépressifs (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4478/2016 du 29 janvier 2018 consid. 5.4 et les références citées). Même des menaces de suicide – non présentes in casu - n'astreignent pas la Suisse à s'abstenir d'exécuter le renvoi, mais à prendre des mesures concrètes pour en prévenir la réalisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3426/2019 du 10 septembre 2019). Pour le surplus, il n’a pas été démontré que les difficultés psychologiques dont souffrent les recourantes ne pourraient être prises en charge dans leur pays d’origine, ces pathologies étant malheureusement largement répandues et traitées de manière générale sans difficultés à travers le monde. En conséquence, l’évolution de l’état de santé des recourantes ne saurait constituer une modification notable des circonstances justifiant qu’il soit entré en matière sur leur demande de reconsidération.

Le tribunal rappelle encore que celui qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (cf. ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 ; 1C_269/2013 du 10 décembre 2013 consid. 4.1 et les références citées). Ainsi, les recourantes n’étaient pas sans ignorer, lorsqu’elles ont décidé de venir vivre en Suisse, qu’elles n’y bénéficiaient d’aucune autorisation et que la délivrance de tels titres en leur faveur n’était nullement assurée. Il était ainsi patent que leur statut administratif y serait précaire, avec toutes les conséquences qui en découlent, notamment l'obligation de devoir, à court ou moyen terme, quitter le sol suisse. Le même raisonnement s’applique s’agissant de leur persistance à demeurer en Suisse après le prononcé de la décision de refus de titres de séjour et de renvoi prononcée à leur encontre il y a bientôt deux ans et demi.

Enfin, les recourantes invoquent la formation en cours de Mme B______ auprès de F______ et leur parfaite intégration en Suisse.

Elles ne sauraient cependant être suivies dès lors que l’évolution positive de leur intégration en Suisse est la conséquence de l'écoulement du temps et du non-respect de la décision de refus et de renvoi prononcée à leur encontre le 3 décembre 2021.

En conclusion, le tribunal retient qu'il n'existe pas de motif de révision ni modification notable de la situation justifiant qu'il soit entré en matière sur la demande de reconsidération de la décision prononcée le 3 décembre 2021.

Partant, sauf à aboutir à un résultat qu'il s'agit d'éviter, à savoir permettre aux justiciables de remettre sans cesse en cause une décision entrée en force, il sera retenu que c’est à bon droit que l'autorité intimée a refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération formée par les recourantes.

18.         Les recourantes se prévalent également du fait que l’exécution de leur renvoi ne serait pas raisonnablement exigible.

19.         Le SEM décide d'admettre à titre provisoire l'étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

20.         Aux termes de l'art. 83 al. 4 LEI, l'exécution de la décision de renvoi peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

Cette disposition légale, qui procède de préoccupations humanitaires du législateur suisse, s'applique notamment aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, selon toute probabilité, condamnées à devoir vivre durablement et irrémédiablement dans un dénuement complet et, ainsi, exposées à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emploi et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (cf. arrêts du TAF D-5367/2015 du 24 mars 2020 consid. 8; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a ; ATA/490/2020 du 19 mai 2020 consid. 11d ; ATAF 2010/54 consid. 5.1).

S'agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d'origine ou de provenance, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral D-5131/2020 du 26 mai 2021 consid. 7.3.1 ; D-6799/2017 du 8 octobre 2020 ; E-3320/2016 du 6 juin 2016 et les références citées). L'art. 83 al. 4 LEI ne confère pas un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine n'atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine ou de provenance, l'exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, si l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable et notablement plus grave de son intégrité physique (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/61/2022 du 25 janvier 2022 consid. 4c ; ATA/1455/2017 du 31 octobre 2017 consid. 10d).

21.         Le retour forcé d'une personne touchée dans sa santé est susceptible de constituer une violation de l'art. 3 CEDH - qui interdit la torture, les peines ou traitements inhumains - si elle se trouve à un stade de sa maladie avancé et terminal, au point que sa mort apparaît comme une perspective proche. Il s'agit de cas très exceptionnels, en ce sens que la personne concernée doit connaître un état à ce point altéré que l'hypothèse de son rapide décès après le retour confine à la certitude et qu'elle ne peut espérer un soutien d'ordre familial ou social. Un tel cas exceptionnel peut aussi être reconnu lorsqu'il existe des motifs sérieux de croire qu'en l'absence d'un traitement ou d'accès à un traitement, se fait jour un risque réel que la personne renvoyée soit exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé, lequel entraînerait des souffrances intenses ou une réduction significative de l'espérance de vie (cf. arrêt du TAF E-1236/2022 du 30 mars 2022).

Concernant le défaut de traitement médical approprié dans le pays de renvoi, ce n'est que dans des situations exceptionnelles, en raison de « considérations humanitaires impérieuses », que la mise à exécution d'une décision d'éloignement d'un étranger peut emporter violation de l'art. 3 CEDH. Les étrangers qui sont sous le coup d'une mesure d'expulsion ne peuvent en principe revendiquer le droit de rester sur le territoire d'un État contractant, afin de continuer à y bénéficier de l'assistance médicale. Ainsi, le fait que la situation d'une personne dans son pays d'origine serait moins favorable que celle dont elle jouit dans le pays d'accueil n'est pas déterminant du point de vue de l'art. 3 CEDH. Dans ce cas également, il faut des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on l'expulse vers le pays de destination, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH, ce qui exige un seuil de gravité élevé pour que l'état de santé d'une personne lui permette de s'opposer à son expulsion (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1).

22.         L’art. 83 al. 3 LEI vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou l'art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a et les arrêts cités).

Pour apprécier l'existence d'un risque réel de mauvais traitements, il convient d'appliquer des critères rigoureux. Il s'agit de rechercher si, eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 et les références citées ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1).

23.         À teneur de l'art. 90 LEI - qui est également applicable en matière d'examen de l'exécutabilité du renvoi (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-546/2016 du 13 juin 2017 consid. 4.4) - l'étranger doit collaborer à la constatation des faits déterminants pour son application. Il doit en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour et fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s'efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 5.1).

24.         En l’espèce, l’exécution du renvoi des recourantes apparaît raisonnablement exigible. En effet, les troubles psychiques - détaillés supra - dont les recourantes font état ne revêtent pas le degré de gravité exigé par la jurisprudence pour faire échec à l'exécution de leur renvoi dès lors qu'ils ne sont pas de nature à mettre concrètement et de manière certaine leur vie en danger en cas de retour en Mongolie.

En tout état, il sera rappelé que, conformément à la jurisprudence, une réaction anxio-dépressive est couramment observée chez une personne ayant l'obligation de quitter la Suisse après y avoir séjourné durant plusieurs années, sans qu'il faille pour autant y voir un obstacle sérieux à l'exécution du renvoi. Aussi, on ne saurait, de manière générale, prolonger indéfiniment le séjour d'une personne en Suisse au motif que la perspective d'un retour exacerbe un état dépressif et réveille des troubles sérieux subséquents, dans la mesure où des médicaments peuvent être prescrits et un accompagnement par un psychiatre, ou par toute autre personne susceptible d'apporter un soutien adéquat, mis en place afin de prévenir une atteinte concrète à la santé (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral D-7243/2018 du 4 février 2019 et les arrêts cités ; E-2305/2018 du 9 mai 2018 ; E-7011/2017 du 26 janvier 2018 ; D-5756/2012 du 13 décembre 2012 ; cf. aussi ATA/675/2014du 26 août 2014 consid. 8c ; ATA/585/2013 du 3 septembre 2013).

Quant aux craintes alléguées par les recourantes de faire l'objet d’éventuelles violences de la part de M. I______ en cas de retour dans leur pays d'origine, le tribunal retient qu'il s'agit de simples allégations que la production d’une traduction en anglais d’une attestation, ni datée ni signée, prétendument établie par un ancien collègue de Mme A______, ne permet pas d'étayer de manière suffisante. Il en va de même du certificat médical des HUG et de l’attestation d’G_______ qui se limitent à consigner les propos rapportés par les recourantes.

En outre, le tribunal retient qu'il s'agit d'un risque d'autant plus hypothétique qu'au au vu des déclarations des recourantes, il n’y a plus de lien juridique entre elles et M. I______ à ce jour, Mme A______ et ce dernier étant divorcés et M. I______ ne pouvant vraisemblablement se prévaloir d’aucun droit à entretenir des relations personnelles avec sa fille qu'il n'a pas reconnue, laquelle est, qui plus est, désormais majeure.

En tout état, le risque hypothétique de menaces ou de danger apparaît contenu par la possibilité de faire appel aux autorités locales, ce que Mme A______ a par ailleurs expliqué avoir fait par le passé alors qu'elle était a priori moins sensibilisée à ses droits qu'elle ne l'est aujourd'hui vu notamment le suivi mis en place depuis 2023, étant encore relevé que le Tribunal administratif fédéral a eu l’occasion de retenir, qu’au cours des dernières années, les autorités mongoles avaient pris différentes mesures visant à renforcer les droits des victimes de violences conjugales (arrêt E-3567/2014 du 13 avril 2017 consid. 5.4.3).

Au vu de ce qui précède, l’exécution du renvoi des recourantes apparaît ainsi possible, licite et raisonnablement exigible.

25.         Eu égard aux développements qui précèdent, mal fondé, le recours sera rejeté et la décision entreprise confirmée.

26.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourantes, prises conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnées au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 600.-, il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

27.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 16 octobre 2023 par Mesdames A______ et B______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 15 septembre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement, un émolument de CHF 600.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière