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Décisions | Tribunal pénal

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P/21865/2017

JTCO/61/2024 du 21.06.2024 ( PENAL ) , JUGE

Normes : CP.157; CP.157; LEI.116; LEI.116; LEI.117; LEI.117
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL CORRECTIONNEL

Chambre 18


21 juin 2024

 

MINISTERE PUBLIC

A______, tiers saisi, représentée par Me Rodolphe GAUTIER

contre

CB______, né le ______ 1945, domicilié ______[Monaco], prévenu, assisté de Me Nicolas JEANDIN

DB______, née le ______ 1948, domiciliée ______[Monaco], prévenue, assistée de Me Robert ASSAEL

EB______, né le ______ 1967, domicilié ______[GE], prévenu, assisté de Me Yaël HAYAT

FB______, née le ______ 1973, domiciliée ______[GE], prévenue, assistée de Me Romain JORDAN

C______, né le ______ 1959, domicilié ______[GE], prévenu, assisté de Me Daniel KINZER

 


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité de toutes les infractions visées dans l'acte d'accusation, avec une pleine responsabilité et sans circonstance atténuante, et au prononcé:

-        pour CB______, d'une peine privative de liberté de 5 ans et demi, d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 3'000.- le jour, assortie du sursis, et d'une amende de CHF 10'000.-;

-        pour DB______, d'une peine privative de liberté de 5 ans et demi, d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 3'000.- le jour, assortie du sursis, et d'une amende de CHF 10'000.-;

-        pour EB______, d'une peine privative de liberté de 4 ans et demi, d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 3'000.- le jour, assortie du sursis, et d'une amende de CHF 10'000.-;

-        pour FB______, d'une peine privative de liberté de 4 ans et demi, d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 3'000.- le jour, assortie du sursis, et d'une amende de CHF 10'000.-;

-        pour C______, d'une peine privative de 3 ans, avec sursis partiel, partie ferme de 18 mois, d'une pécuniaire de 180 jours-amende, assortie du sursis, et d'une amende de CHF 10'000.-.

Il conclut au prononcé d'une créance compensatrice de CHF 3'500'000.- en faveur de l'Etat à charge de tous les prévenus, à ce que les frais de la procédure soient fixés à CHF 1'000'000.- et mis à la charge des prévenus, au maintien des séquestres en garantie des frais et de la créance compensatrice.

EB______ conclut à son acquittement.

FB______ conclut à ce que le Tribunal correctionnel procède à l'audition des témoins entendus lors des commissions rogatoires en France et à Monaco, à son acquittement, à la constatation de la violation du principe de célérité. Elle s'oppose au prononcé d'une créance compensatrice et, dans l'hypothèse du prononcé d'une peine, demande à être mise au bénéfice de la circonstance atténuante de l'art. 48 let. e CP.

DB______ conclut à son acquittement, sous réserve de la compétence du Tribunal à raison du lieu s'agissant de l'infraction d'usure et de celles à la LAVS et à la LEI, invoque l'erreur sur l'illicéité au sens de l'art. 21 CP, subsidiairement, à ce que les aggravantes du métier ne soient pas retenues. Si une peine devait être prononcée, elle demande qu'il soit tenu compte de la violation du principe de célérité, du temps écoulé et que la peine soit assortie du sursis. Elle s'oppose au prononcé d'une créance compensatrice.

CB______ conclut à son acquittement, cas échéant au bénéfice de l'erreur sur l'illicéité au sens de l'art. 21 CP pour l'infraction d'usure et sous réserve de la compétence du Tribunal à raison du lieu s'agissant de l'infraction d'usure et de celles à la LAVS et à la LEI. Il s'oppose au prononcé d'une créance compensatrice.

C______ conclut à son acquittement, s'oppose au prononcé d'une créance compensatrice et persiste dans ses conclusions en indemnisation.

EN FAIT

A.a. Par acte d'accusation du 15 août 2023, il est reproché à DB______, CB______, EB______ et FB______ (ci-après: la famille B______) d'avoir de concert, à Genève, du 1er décembre 2006 au 12 avril 2018, alors qu'ils vivaient dans une villa luxueuse sise sur une propriété d'environ 400m2 au ______ à ______[GE], avec la complicité de C______ du 1er juillet 2011 au 12 avril 2018, intentionnellement (A1, B1, C1, D1 et E1):

-       recruté et fait recruter depuis Genève ou en Inde directement, plusieurs dizaines de ressortissants étrangers, principalement indiens et souvent illettrés, qu'ils savaient vulnérables en raison de leur situation socio-économique précaire, en tant qu'employés de maison au service de tous les membres de la famille B______, alors que toutes les conditions de travail n'étaient pas précisées aux travailleurs avant leur arrivée en Suisse, notamment la charge et les horaires de travail;

-       fait venir en Suisse ces employés de maison notamment en obtenant pour ceux-ci des visas Schengen à but touristique de divers consulats à Mumbai, en Inde, soit les consulats français, italiens, belges ou suisses, par l'intermédiaire de connaissances en Inde et en prenant en charge les frais de déplacement;

-       obtenu et fait régulièrement renouveler, pour ces employés, une autorisation provisoire de séjour en France d'une durée déterminée, ne permettant pas de travailler ni de séjourner en Suisse, en indiquant faussement aux autorités françaises que ces personnes n'étaient pas des employées et qu'elles vivaient dans une maison en France, soit à la Villa D______, sise ______, à Cannes; afin de créer une apparence de régularité du séjour des employés de maison en cas de contrôle inopiné à tout le moins en France et en Suisse;

-       hébergé ces employés de maison indiens dans la villa précitée à ______[GE], dans le but de disposer de ces derniers à des fins d'exploitation, en les logeant dans des conditions précaires au sous-sol de la villa sans respecter les conditions minimales de logement prévues pour les employés de maison à Genève, soit à plusieurs sur des lits superposés dans un abri antiatomique sans fenêtre au sous-sol de la villa de 1997 à 2011, puis dans des chambres au sous-sol de la villa dès 2011;

-       employé et fait travailler ces employés de maison tous les jours, des aurores jusqu'à tard le soir ou dans la nuit, sans jour de congé, sans compensation des heures supplémentaires, avec des vacances imposées et non payées, dont les dates et la durée étaient fixées par la famille B______, leur versant, de façon sporadique, un salaire disproportionnellement bas, soit plus de dix fois inférieur à celui prévu par le contrat-type de travail avec salaires minimaux impératifs de l'économie domestique (CTT-EDom) de Genève, en les empêchant de quitter le périmètre de la villa, en les isolant et en leur confisquant leur passeport, ces employés de maison ne connaissant pas la Suisse, ni la langue locale, ni leurs droits, étant sans ressources, leur salaire étant versé uniquement en roupies indiennes sur un compte bancaire en Inde, auquel ils n'avaient pas accès depuis la Suisse, sans entourage et dépourvus d'autorisations de séjour et de travail en Suisse;

-       organisé le transport de ces employés de maison ainsi que leur hébergement dans plusieurs autres lieux, soit notamment à ______, à ______[VD] et à ______[BE] en Suisse, à Cannes en France, à Monaco et en Inde, afin que ceux-ci accompagnent et continuent de travailler à leur service lors de leurs déplacements, avec des conditions de travail similaires;

-       agi de la sorte dans le but d'exploiter leur force de travail, leur situation de dépendance et de déracinement complet, ainsi que leur inexpérience du pays et des lois en vigueur afin d'obtenir un avantage pécuniaire, soit la différence entre les salaires versés et les salaires minimaux impératifs.

 

La famille B______ a notamment agi de la sorte dans les cas suivants :

1.1) LESEE 1______, ressortissante indienne, née le ______ 1965, a été recrutée en mai 1997 en Inde et employée à Genève du 20 novembre 1997 au 12 avril 2018, avec une interruption de 2008 à 2010, en qualité de garde d'enfants, de gouvernante et d'employée de maison, pour un salaire mensuel de INR 10'000.-, progressivement augmenté jusqu'à INR 35'000.-;

1.2) LESE 2______, ressortissant indien, né le ______ 1980, a été recruté en Inde et a travaillé à Genève en tant que cuisinier de novembre 2005 au 2 octobre 2010 pour un salaire mensuel de INR 15'000.-;

1.3) LESE 3______, ressortissant indien, né le ______ 1979, a été recruté en 2007 par DB______ alors qu'il travaillait en Inde pour un autre membre de la famille B______, puis à nouveau en 2017, et a travaillé à Genève, en qualité de cuisinier notamment du 30 mai 2008 au 11 juillet 2009, puis du 20 février 2017 au 12 avril 2018, pour un salaire de INR 11'000.- à INR 13'000.- durant la première période et de INR 25'000.- à INR 30'000.- ensuite;

1.4) LESEE 4______, ressortissante indienne, née le ______ 1972, a travaillé durant 4 mois en Inde en 2008 pour la famille B______ puis a été recrutée par DB______ et elle a travaillé à Genève en qualité d'employée de maison, gouvernante et garde d'enfants du 1er janvier 2009 au 6 novembre 2016, jour de sa fuite à l'aéroport de Genève, pour un salaire de INR 10'000.-;

1.5) LESE 5______, ressortissant indien, né le ______ 1981, a été recruté en 2015 par DB______, a travaillé d'abord en Inde puis à Genève, en tant que cuisinier, du 13 février 2016 au 12 avril 2018 pour un salaire de INR 20'000.- à INR 35'000.-;

1.6) LESE 6______, ressortissant indien, né le ______ 1992, travaillait pour d'autres membres de la famille B______ en Inde quand il a été recruté en avril 2017 par DB______, et il a travaillé à Genève en tant que cuisinier du 9 mai 2017 au 12 avril 2018 pour un salaire de INR 25'000.-;

1.7) La famille B______ a également recruté et employé dans des conditions semblables d'autres ressortissants étrangers dont certains n'ont pas été identifiés et/ou localisés, notamment: (a) LESE 7______, né le ______ 1972, de 2010 à 2014 (b) LESE 8______, né le ______ 1983, de 2013 à 2015 (c) LESE 9______, né le ______ 1979, de 2014 à 2015 (d) LESE 10______, né le ______ 1982, de 2016 à 2017 (e) LESE 11______, né le ______ 1988, de 2015 à 2016 (f) LESEE 12______, née le ______ 1972, en 2012 (g) LESE 13______ né le ______ 1960 en 2008 (h) LESE 14______, né le ______ 1965, de 2004 à 2011 (i) LESE 15______, né le ______ 1976, en 2009 (j) LESE 16______, né en______ 1958, en 2009 (k) LESE 17______, né le ______ 1969, en 2012 (l) LESE 18______, né le ______ 1962, de 2011 à 2014 (m) LESE 19______, né le ______ 1976, de 2007 à 2008 (n) LESE 20______ en 2009 (o) LESE 21______ en 2007 et notamment (p) LESE 22______ en 2008,

faits qualifiés de traite d'êtres humain par métier au sens de l'art. 182 al. 1, 2 et 4 CP (ch. A1, B1, C1, D1 et E1 de l'acte d'accusation).

A.b. Par le même acte d'accusation, il est reproché à DB______, CB______, EB______ et FB______, d'avoir, à Genève du 20 novembre 1997 au 12 avril 2018, avec la complicité de C______ du 1er juillet 2011 au 12 avril 2018, dans les circonstances visées aux points A1, B1, C1, D1 et E1, intentionnellement exploité l'extrême pauvreté des personnes engagées, leur vulnérabilité, leur déracinement complet, leur gêne, leur inexpérience, celles-ci n'ayant aucune connaissance des lois en vigueur en Suisse et des conditions de travail en Suisse, ainsi que leur dépendance vis-à-vis de la famille B______, n'ayant pas d'autre endroit où dormir, ces employés étant illettrés ou peu formés, ne s'exprimant qu'en hindi, sans entourage et sans ressources en Suisse, privés de leur passeport, dépourvus d'autorisations de séjour et de travail en Suisse, et ce pour les faire travailler tous les jours du matin au soir pour un salaire disproportionnellement bas versé sur un compte en Inde, soit plus de dix fois inférieur à celui prévu par le contrat-type de travail (CTT-Edom),

faits qualifiés d'usure par métier au sens de l'art. 157 ch. 1 et 2 CP (ch. A2, B2, C2, D2 et E2 de l'acte d'accusation).

A.c. Par le même acte d'accusation, il est reproché à DB______, CB______, EB______ et FB______, d'avoir, à Genève du 20 novembre 1997 au 12 avril 2018, avec la complicité de C______ du 1er juillet 2011 au 12 avril 2018:

-       intentionnellement facilité à plusieurs reprises l'entrée, le séjour et la sortie du territoire suisse des employés étrangers visés sous A.a 1.1. à 1.7, lesquels ne disposaient pas des autorisations de séjour nécessaires, en les faisant venir en Suisse, à Genève, en obtenant des visas Schengen à but touristique, en les hébergeant dans la villa familiale à ______[GE], en les faisant sortir et entrer en Suisse lors des déplacements de la famille B______ à l'étranger ou lors des vacances à l'étranger de ces employés,

faits qualifiés d'incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégal, sous la forme aggravée en raison du dessein d'enrichissement illégitime (art. 116 al. 1 let. a et al. 3 let. a LEI ; ch. A3, B3, C3, D3 et E3 de l'acte d'accusation);

-       intentionnellement employé sur le territoire suisse, en particulier à Genève, les ressortissants indiens visés sous point A.a 1.1. à 1.7, en tant qu'employés de maison, lesquels ne disposaient pas des autorisations de travail nécessaires,

faits qualifiés d'emploi d'étrangers sans autorisation sous la forme du cas grave au vu du nombre d'employés (art. 117 al. 1 phr. 1 et 2 LEI) et, de surcroît, sous la forme aggravée s'agissant de CB______ et DB______ au vu de leur condamnation de 2007 (art. 117 al. 1 phr. 1 et 2 et al. 2 LEI ; ch. A4, B4, C4, D4 et E4 de l'acte d'accusation);

-       intentionnellement éludé l'obligation de payer les cotisations et omis de s'affilier à une caisse de compensation, de retenir sur les salaires les cotisations AVS/AI/APG, LPP, assurance chômage, assurance maternité et allocations familiales des employés visés sous point A.a 1.1. à 1.7, et de rétrocéder ces cotisations,

faits qualifiés d'infractions à l'art. 87 al. 2 et 3 de la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants (LAVS; ch. A5, B5, C5, D5 et E5 de l'acte d'accusation).

 

A.d. L'acte d'accusation retient que C______ a agi comme complice (art. 25 CP) en prêtant assistance à la famille B______ notamment en donnant les instructions de paiement concernant les salaires des employés de maison, lesquels étaient versés en Inde et en disproportion évidente avec les salaires minimaux impératifs prévus par le CTT-Edom, en organisant leur transport et en rédigeant et/ou en signant de multiples attestations adressées aux autorités françaises par lesquelles il indiquait faussement que les employés de maison d'origine indienne n'étaient pas des employés, dans le but d'obtenir pour ces derniers des autorisations provisoires de séjour en France afin d'assurer une apparence de régularité du séjour desdits employés de maison en cas de contrôle inopiné à tout le moins en France et en Suisse, en s'abstenant de déclarer à l'AVS ces employés, et de solliciter pour ceux-ci des autorisation de séjour et de travail.

Il suivait les instructions des membres de la famille B______, mais il connaissait la situation de précarité et de dépendance des employés indiens, leurs conditions de travail, de logement et de rémunération, il savait qu'ils n'avaient pas d'autorisation de travailler ni de titre de séjour et connaissait parfaitement ou aurait dû connaître la législation suisse sur l'emploi des étrangers et l'AVS. Il avait ainsi par son travail au service de la famille B______ objectivement facilité, favorisé et encouragé les infractions en apportant une contribution causale à la réalisation de celles-ci, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cette contribution. Il savait pertinemment, à tout le moins ne pouvait ignorer, qu'il apportait son concours de manière déterminante à la réalisation des infractions commises principalement par les membres de la famille B______.

B. Les faits suivants sont établis sur la base des pièces au dossier, des déclarations des parties et de celles des témoins.

a. Procédure de 2007

a.a. E______ a déposé le 11 juillet 2006 une demande en paiement devant le Tribunal des Prud'hommes du canton de Genève contre CB______ et DB______, exposant avoir travaillé d'octobre 2003 à mars 2006 pour la famille B______ dans sa villa de ______[GE], chargé de travaux de menuiserie, peinture, carrelage notamment et de nettoyage, en particulier des onze voitures de la famille, pour un salaire mensuel de CHF 700.- initialement, augmenté jusqu'à CHF 1'200.- à la fin des rapports de travail. Il réclamait le paiement du salaire dû selon le CTT applicable et le paiement des heures supplémentaires, exposant avoir travaillé entre 10 et 12 heures par jour, 6 jours sur 7. Il a précisé que divers employés indiens, domestiques et cuisiniers, pourraient être entendus en qualité de témoins, soit F______, LESEE 1______, G______, H______, I______ et J______, ainsi que deux chauffeurs et un jardinier (K-100'002ss). CB______ et DB______ ne se sont présentés à aucune des audiences convoquées et C______ les a représentés lors de l'audience de conciliation du 11 septembre 2006 (K-100'004).

Le Tribunal des Prud'hommes a dénoncé la situation au Parquet le 27 octobre 2006, au motif que CB______ et DB______ pourraient employer un certain nombre de personnes à des conditions usuraires (K-100'048). Le 12 décembre 2006, une procédure pour usure et infractions à la LSEE, à la LAVS, à la LPP, à la loi sur les impôts à la source et à la loi sur les allocations familiales a été ouverte par le Parquet à l'encontre de CB______ et DB______ (K-100'049).

Lors de la perquisition de la villa de ______[GE] le 17 janvier 2007, se trouvaient sur place CB______, DB______, EB______ et FB______, ainsi que quatre employés indiens, soit LESE 21______, LESE 16______, K______ et LESE 2______. Ces derniers logeaient dans des chambres situées dans l'abri antiatomique (K-100'056).

Les passeports des employés indiens se trouvaient dans la chambre de DB______ (K-100'055). Lors de la perquisition dans les locaux de SOCIETE 1______ le 17 janvier 2007, C______ a remis à la police un classeur contenant selon lui les renseignements concernant les employés, notamment indiens, travaillant dans la villa (K-100'055).

a.b. Il ressort de ses déclarations du 17 janvier 2007 à la police (K-100'061ss), qu'à l'époque, EB______ employait trois personnes qui vivaient à temps plein à la villa de ______[GE], dont une femme, chargée de s'occuper de ses enfants, qui avait été amenée le jour-même d'Inde par son épouse. Ces personnes étaient recrutées et engagées par le service RH du groupe B______ à Mumbai et aucun membre de la famille ne s'occupait des formalités administratives en lien avec lesdits employés. "Ces personnes" n'avaient pas de permis de travail car il s'agissait de membres de la famille qui assistaient la famille B______ dans sa vie quotidienne et non pas des employés. Après un contrat de 12 mois, elles rentraient en Inde dans leurs familles pour un congé payé de 2 à 3 mois, avec possibilité d'un nouveau contrat. Elles travaillaient 8 heures par jour. Leur salaire était versé en Inde mais elles percevaient de l'argent de poche en Suisse de l'ordre de 30% à 50% de leur salaire. LESEE 1______ avait été la nounou de ses enfants durant une longue période, mais elle résidait actuellement en Inde.

a.c. Il ressort de ses déclarations du 17 janvier 2007 à la police (K-100'066) et du 8 mars 2007 devant le Juge d'instruction (K-100'130) qu'à l'époque, CB______ avait trois employés à son service dont une femme, amenée d'Inde par son épouse DB______, qui "s'occupait de cette dernière". Son épouse avait aussi elle-même engagé l'un de leurs employés, soit E______. S'agissant des salaires des employés indiens, ils étaient payés sauf erreur environ INR 250'000.- par an, soit CHF 6'000.-, étant précisé que tous leurs frais étaient payés, pour un horaire de travail de 8 heures par jour, voire moins. Leurs passeports étaient conservés parce que ces employés, sans éducation, les perdaient souvent. CB______ a varié s'agissant de savoir si les employés de maison dormaient dans l'abri antiatomique de la villa. Son fils, GB______, l'épouse et les enfants de celui-ci avaient quitté ______[GE] pour les Etas Unis depuis 6 mois à 1 an.

a.d. DB______ a été entendue par le juge d'instruction. Elle avait donné du travail à E______ par charité. Les employés indiens préféraient dormir dans l'abri antiatomique qu'à l'extérieur de la villa et travaillaient de 8h00 à 22h30, avec 4 heures de pause dans l'après-midi pour un salaire mensuel de INR 15'000.- à 20'000.-. Ils préféraient rester à la maison car ils disaient avoir peur (K-100'136).

a.e. Les employés indiens ont été entendus (K-100'070ss). K______ a déclaré qu'elle était arrivée le jour-même et devait travailler en qualité de nounou pour un salaire mensuel de INR 15'000.-. LESE 16______ a indiqué qu'il travaillait pour la famille B______ depuis avril 2006 avec une interruption de 2 mois, pour un salaire mensuel de INR 15'000.-, payé sur un compte en Inde accessible à son épouse. Il travaillait de 8h00 à "point d'heure" en fonction des besoins de la famille. Son passeport avait été saisi par CB______ à son arrivée.

LESE 2______ a indiqué avoir travaillé à ______[GE] de septembre 2005 à septembre 2006, 7 jours sur 7, pour un salaire mensuel de INR 10'000.-, avant de rentrer en Inde. Il était revenu la veille mais était censé aller travailler pour la famille B______ en Grande-Bretagne pour un salaire mensuel de INR  20'000.-.

a.f. CB______ et DB______ ont été inculpés d'infractions aux art. 23 al. 4 LSEE, 87 al. 2 et 6 LAVS, 26 de la loi cantonale genevoise sur l'impôt à la source et 43 al. 1 de la loi cantonale genevoise sur les allocations familiales, concernant E______, LESEE 1______, LESE 21______, LESE 16______, K______, LESE 2______, ainsi que les prénommés G______, F______, I______ et J______, sous réserve d'inculpation complémentaire (K-100'141). Ils ont été condamnés pour ces infractions le 27 juillet 2007 pour la période d'octobre 2003 au 9 mars 2007 (K-100'229) à une amende de CHF 10'000.- chacun. Ils n'ont jamais produit les pièces requises du Juge d'instruction concernant les conditions de travail et salariales de leurs employés indiens (K-100'200).

a.g. Par jugement du 5 décembre 2006, le Tribunal des Prud'hommes a condamné CB______ et DB______ à payer CHF 79'450.80 avec suite d'intérêts à E______, montant réduit à CHF 55'259.80 avec suite d'intérêts par arrêt de la chambre d'appel des Prud'hommes du 28 octobre 2008 (A-15'013). Faute de paiement, E______ a introduit une poursuite contre CB______, la villa sise à ______[GE] a fait l'objet d'un séquestre le 22 juin 2016 (C1-30'707 à 713), dont il ressort qu'un versement de CHF 59'506.- a été effectué le 24 mars 2014, alors que la créance s'élevait le 13 octobre 2017 à CHF 59'843.80, dépens et intérêts inclus (C1-30'713).

b. Investigations, enquête et plaintes

b.a.a. Le 23 octobre 2017 (B-20'000ss), la police genevoise a transmis un rapport au Ministère public afin de l'informer qu'elle tenait de "source sûre et confidentielle" que la famille B______ exploiterait son personnel de maison d'origine indienne, en le faisant dormir dans l'abri antiatomique de leur villa, dans des conditions indécentes, et en le rémunérant très en deçà des salaires minimaux en vigueur, pour un travail long et harassant, avec peu de liberté de mouvement; les passeports des quatre employés concernés leur auraient été soustraits et les rotations au sein de ce personnel seraient régulières. Outre les quatre employés indiens, la famille employait des chauffeurs d'origine hispanique et asiatique, ainsi qu'une femme de ménage mongole.

Le 23 octobre 2017, la police a délivré à LESEE 4______ un bon pour un suivi LAVI (A-10'031).

Celle-ci a été entendue par la police le 23 mars 2018, accompagnée par L______, une personne de confiance employée du ______[association], et a alors déposé plainte.

b.a.b. LESEE 1______ a déclaré le 16 avril 2018 qu'elle n'avait eu aucun contact avec LESEE 4______ depuis le départ de celle-ci de la villa fin 2016 (E1-50'023) alors que cette dernière a expliqué avoir eu des contacts avec les autres employés, en particulier LESEE 1______, pour prendre de ses nouvelles en mars ou avril 2018 (E1-50'066). Lors de l'audience de jugement, elles ont contesté toutes les deux avoir eu des contacts téléphoniques entre novembre 2016 et le 12 avril 2018 (PV 113 et 255). Or, il ressort de l'analyse du téléphone de LESEE 1______ que celle-ci a eu des conversations téléphoniques avec le numéro de téléphone enregistré sous "______", soit le surnom de LESEE 4______, entre le 19 décembre 2017 et le 2 janvier 2018 ainsi que les 28 mars, 29 mars, 1er et 2 avril 2018. Par ailleurs, LESEE 4______ a déclaré que c'était LESEE 1______ qui avait pris la photographie d'elle-même entourée des deux amies avec lesquelles elle avait vécu en 2017 avant de se rétracter (PV 256).

b.a.c. LESEE 4______ a indiqué qu'elle avait été entendue par la police environ six mois avant avril 2018 car la famille indienne qui la logeait avait eu un problème avec la police. Elle avait alors eu l'idée de déposer plainte, mais ne l'avait fait qu'en mars 2018 car elle ne trouvait pas de travail (E1-50'061ss). Lors de l'audience de jugement, elle a contesté avoir déclaré cela et expliqué que c'était la police qui l'avait appelée pour l'entendre. Elle a expliqué qu'en octobre 2017, elle avait refusé de répondre aux questions de la police s'agissant de savoir chez qui elle avait vécu et travaillé. Lors de la troisième fois où elle était allée à la police, les policiers lui avaient dit qu'ils savaient tout, y compris le nom de ses employeurs, de sorte qu'elle devait parler. Elle avait alors déclaré avoir travaillé pour la famille B______, le jour où elle était accompagnée de L______. Elle n'avait pas préparé LESEE 1______, ni LESE 3______ pour leurs auditions (PV 255 et 257).

b.b. Le 16 novembre 2017, le Ministère public a ordonné la pose de caméras à l'extérieur de l'habitation de la famille B______, de telle façon que les allées et venues du personnel et leur liberté de mouvement puissent être observées, mesure autorisée par le TMC. La surveillance, opérationnelle dès le 22 janvier 2018, permettait, selon le rapport de police du 26 mars 2018 (C-80'010), de constater la présence, dans la villa de la famille B______, de trois employés indiens qui ne sortaient pas de la propriété, à la différence de deux chauffeurs et d'une lingère d'origine asiatique qui résidait hors de la propriété. Cette dernière arrivait en général aux alentours de 8h30 pour repartir vers 19h, voire plus tard selon les cas. L'une des employées, indienne, qui promenait quotidiennement le chien à l'extérieur de la résidence sans s'éloigner, avait pu être formellement identifiée et les deux autres employés de ce même pays avaient été vus sporadiquement dans la cour, l'un portant du linge.

La surveillance en cours n'avait pas permis d'autres constatations, notamment sur la nature des tâches de ces personnes ou sur la façon dont elles étaient traitées. Ladite surveillance a été prolongée jusqu'au 14 novembre 2018, puis déclarée illicite pour la date du 21 février 2018 et la période postérieure au 12 avril 2018, de sorte que seules les images jusqu'à cette date figurent au dossier.

b.c. Les demandes faites par la police auprès des services compétents en matière de délivrance de visas en Suisse n'ont rien révélé de pertinent.

b.d. Le 6 avril 2018, le Corps des Gardes-Frontières a contrôlé LESE 6______ alors qu'il s'apprêtait à prendre un vol pour Mumbai. A cette occasion, il a déclaré qu'il était venu en Suisse pour la première fois un an auparavant et qu'il avait travaillé pour la famille B______ en qualité de cuisinier. Il avait également travaillé à Cannes. Il n'avait pas reçu de salaire depuis janvier 2018 et il lui avait été indiqué que celui-ci lui serait versé une fois de retour en Inde.

b.e.a.a. Le 12 avril 2018, une perquisition a eu lieu au domicile de la famille B______ à ______[GE] (C-30'005, D-40'000). EB______ et son fils HB______, qui quittaient la propriété en voiture, ont été interceptés. Etaient présents dans la propriété CB______, DB______, FB______, LESEE 1______, qui promenait le chien dans la cour de la propriété, ainsi que LESE 5______ et LESE 3______. Durant la perquisition, les dénommés M______ et N______, chauffeurs, sont arrivés. CB______ et DB______ ont ensuite eu un malaise et ont été emmenés aux HUG (D-40'008).

Les employés se trouvant sur les lieux ont été entendus par la police, soit LESEE 1______, LESE 5______ et LESE 3______, ces deux derniers ayant déposé plainte ce jour-là, alors que LESEE 1______ a déposé plainte le 16 avril 2018 au Ministère public. Ultérieurement, ont déposé plainte LESE 6______, le 17 mai 2018, E______, le 10 septembre 2018, et LESE 2______, le 17 septembre 2018, par l'entremise de leur avocat. LESE 5______, LESE 2______, et LESE 6______ (A-12'032, A-14'019, A-16'018) ont retiré leur plainte le 26 juin 2020, en raison de transactions extrajudiciaires.

Il ressort du rapport de police du 13 avril 2018 que LESE 5______ avait reçu six appels du téléphone de C______ dans la matinée et avait répondu à l'un d'entre eux. A cette occasion, C______ lui avait dit appeler de la part de la famille B______ souhaitant savoir dans quel hôtel il logeait. Il ressort de l'analyse du téléphone de LESEE 1______ que IB______, l'une des filles de EB______ et FB______ lui a laissé le message suivant le 13 avril 2018 "where are you LESEE 1______".

b.e.a.b. Il ressort des photographies et mesures prises lors de la perquisition que la villa de ______[GE], d'une surface au sol d'environ 400m2, comportait trois niveaux. Au rez-de chaussée se trouvaient une entrée, une cuisine, plusieurs pièces de vie, soit une salle à manger, une salle TV, et des salons de réception. Au niveau supérieur il y avait plusieurs chambres, avec des salles de bain attenantes. Au sous-sol se trouvaient une grande cuisine professionnelle, plusieurs chambres avec des salles de bain attenantes, une buanderie, une chaufferie, plusieurs salles de jeux et un abri antiatomique et, au niveau supérieur du sous-sol et à la hauteur du jardin, les chambres de EB______, FB______ et de leurs trois enfants, chacune avec une salle de bain attenante.

Le jardin comprenait une piscine, une terrasse et un "pool-house". Les chambres des employés se trouvaient au sous-sol, avec des fenêtres obstruées, et étaient meublées de lits superposés, d'une armoire et d'une commode. Il y avait aussi une salle de bain avec toilette, lavabo, miroir et douche.

La perquisition a permis la saisie des passeports de LESEE 1______, LESE 5______ et LESE 3______, dans une armoire de la chambre à coucher de DB______, ainsi que de divers documents concernant les employés indiens (classeur J1, J2, J3).

b.e.b. Le même jour, les sociétés SOCIETE 2a______ (ci-après SOCIETE 2a______) et SOCIETE 3a______ (SOCIETE 3b______ SA depuis mai 2020, ci-après SOCIETE 3a______), ont été perquisitionnées (C-30'000ss). Les bureaux de CB______ et EB______ se trouvaient au 7ème étage de la banque. Ces perquisitions ont permis la saisie de divers classeurs et documents relatifs aux employés indiens au service de la famille B______ (cf. notamment J3-300'000ss et J4-300'000ss), ainsi que des valeurs (D-40'009).

b.e.c. Enfin, la société SOCIETE 4______, dont C______ était le directeur, a également été perquisitionnée et divers documents ont été saisis (C-30'006, D-40'008-10).

b.f. Selon les investigations menées auprès des caisses de compensation, en particulier l'OCAS et la FER-CIAM, le personnel n'était pas déclaré aux assurance sociales, ni en tant qu'employé de l'une ou l'autre des sociétés liées à la famille B______ ni d'un membre de cette famille, sauf M______ (C1-30'001ss). En mai 2009, mars et mai 2014, la famille B______ avait adressé des courriers à l'OCAS pour verser des cotisations sociales pour trois employés, mais n'avait ensuite pas rempli ni renvoyé les formulaires d'affiliation reçus de l'OCAS. Les courriers des 14 mai 2009 au nom de "Madame B______" (C1-31'601/J5-300'405) et 3 mars 2014 au nom de CB______ (non numéroté) sont signés par C______. Le 18 avril 2018, la famille B______ a annoncé à l'OCAS que "O______", dont elle ignorait le nom de famille, travaillait en qualité de femme de ménage depuis 18 mois pour un salaire de CHF 2'000.- net par mois, sollicitant des bulletins de versement pour payer les cotisations sociales dues (C1-31'613).

b.g.a. Il ressort de la commission rogatoire internationale (CRI) effectuée en France le 8 octobre 2018 que de nombreuses autorisations provisoires de séjour valables 6 mois ou des cartes de visiteurs avaient été obtenues entre 2009 et 2018 par la famille B______ pour treize employés d'origine indienne en tout cas. Ces autorisations avaient été délivrées dans un but de tourisme et non de travail. La directrice de la réglementation de l'intégration et de la migration à la Préfecture des alpes maritimes a expliqué que les autorisations provisoires de séjour accordées à la famille B______ relevaient d'un traitement bienveillant et dérogatoire accordé par la Ministre P______ mais qu'elles ne permettaient en aucun cas de voyager hors de France, ni de travailler en France ou ailleurs.

Dès 2014, ce traitement bienveillant avait été limité à cinq personnes simultanément (pièce C4-30'469/596ss). Il ressort toutefois de la procédure que des cartes de séjours étaient déjà délivrées dès 2004 (K-100'491; LESE 14______, validité du 10 décembre 2004 au 9 mars 2005).

b.g.b. Le 8 octobre 2018, une perquisition a eu lieu à la résidence Q______ à Monaco, comprenant deux appartements occupant tout un étage et une chambre de bonne, loués par la famille B______. Lors de la perquisition, la police a constaté qu'il y avait peu de vêtements dans les logements. Deux employés ont été auditionnés. R______, steward sur le yacht T______ depuis 2010, propriété de CB______, a indiqué que CB______ et DB______ séjournaient à Monaco dans la résidence Q______ durant un ou deux jours après chacun de leur séjour dans la villa de Cannes, soit en mars, en mai et en octobre. Lorsque la famille était présente, elle travaillait de 7h00 à minuit. Tel était aussi le cas des employées indiennes, qui se plaignaient de leurs conditions de travail mais n'avaient pas la liberté de mettre fin à leur contrat avant deux ans. Selon une liste de paiements des salaires, son revenu mensuel net était de EUR 2'000.- en 2014 (J5-300'014).

S______, réceptionniste de la résidence Q______ depuis environ 2002, a précisé que la famille B______ était installée dans la résidence depuis 2012 ou 2013 et y résidait environ deux mois au total par année, par épisodes de trois ou quatre jours au maximum.

b.g.c. Le 9 octobre 2018, une perquisition a eu lieu à la villa D______ sise à Cannes, vide de tout occupant. Dans cette villa de 680 m2, composée de 19 pièces sur trois étages, il y avait deux chambres destinées aux employés situées au sous-sol, meublées de lits superposés, d'une table et d'un ventilateur, sans fenêtre. Des toilettes se trouvaient au fond du couloir. Deux autres pièces servant de débarras étaient aussi meublées de lits à étages. La perquisition du yacht U______, amarré au port ______ à Cannes, n'a rien apporté d'utile à l'enquête. Il s'agit d'un yacht de 48 mètres de longueur, sur quatre étages, pouvant accueillir douze passagers et onze membres d'équipage. Sa valeur est estimée à USD 25'000'000.- et son coût de fonctionnement annuel de USD 1 à 2 millions (https://www.______).

Le chauffeur de la famille sur place ainsi que le capitaine du bateau ont été entendus à cette occasion. En substance, V______, capitaine du Yacht U______ pour un salaire de EUR 9'250.- par mois, a expliqué que la famille B______ de Genève venait sur le bateau deux à trois semaines par an, sans son personnel indien. CB______ venait sur le bateau de façon aléatoire pour manger, lors du festival de Cannes et, au surplus, une dizaine de fois dans l'année. EB______ passait des vacances en famille sur le bateau. La famille B______ de Londres venait environ 6 semaines par an. L'équipage du bateau était composé de dix personnes en été et de cinq personnes en hiver (C4-30'588ss).

W______ a expliqué qu'il travaillait au service de la famille B______ depuis 2008 en qualité de chauffeur sur la Côte d'Azur lorsque la famille s'y rendait et en qualité de membre de l'équipage depuis 2010 du T______, amarré à ______[France]. Il percevait un salaire d'EUR 3'000.- par mois, versé 13 fois l'an. Certains employés indiens venaient parfois avec la famille lorsque certains de ses membres logeaient à la villa de Cannes, parfois quelques jours plus tôt pour préparer la villa. Les hommes travaillaient plutôt dans la cuisine et les femmes s'occupaient des autres tâches ménagères. Lors de la présence de la famille sur la côte, il travaillait de 6h00 à minuit. Les employés indiens étaient quant à eux en permanence au service de la famille B______, ce qu'il ne trouvait pas normal. A la demande de CB______ ou DB______, il avait effectivement déjà emmené des membres du personnel à la Préfecture pour y effectuer des démarches administratives, car ceux-ci ne parlaient pas le français, X______, employée de SOCIETE 2a______ depuis 2014 et de SOCIETE 4______ depuis 2016, ou C______ géraient le suivi des dossiers à la Préfecture, mais sans accompagner les employés indiens sur place. Il véhiculait ces employés à Cannes ou Monaco, soit là où se trouvait la famille (C4-30'562ss). Selon une liste de paiement des salaires, son revenu mensuel était de EUR  3'000.- en 2014 (J5-300'014).

b.g.d. Il ressort de la CRI effectuée en Italie que des visas Schengen ont été délivrés par le consulat d'Italie à Mumbai en faveur de LESEE 4______ (16.03.2013-15.03.2014 et 20.02.2015-20.08.2015), LESE 7______ (23.03.2012-23.03.2013), LESE 8______ (21.02.2013-20.03.2014) et LESE 6______ (08.05.2017-07.05.2018). Il ressort par ailleurs des passeports des employés que tel a aussi été le cas pour LESEE 1______ (C4-30'279, 10.01.2015-12.02.2015), LESE 11______ (C4-30'375, 02.03.2015-01.03.2016) et LESEE 12______ (C4-30'394, 25.01.2012-25.01.2013).

Les passeports des employés indiens révèlent que des visas Schengen ont aussi été délivrés par les autorités consulaires françaises à Mumbai (C4-30'077/LESEE 4______, 26.03.2009-25.03.2010; C4-30'116/LESE 9______, 30.04.2014-30.10.2014; C4-30'148/LESE 7______, 09.09.2010-08.09.2011; C4-30'339/LESEE 1______, 13.07.2010-12.07.2012), de même que par les autorités consulaires espagnoles à New Dehli (C4-30'134/LESE 10______, 22.06.2015-20.06.2016).

b.h. Le 22 octobre 2018, LESEE 1______ a indiqué à la police que, selon son ancienne collègue "O______", M______ cherchait à obtenir son numéro de téléphone. Elle avait ensuite rencontré fortuitement ce dernier à un arrêt de bus. Il l'avait alors questionnée sur l'aide qu'elle recevait des autorités suisses et lui avait proposé de se revoir, ce qu'elle avait refusé. Elle craignait que C______, qui la cherchait depuis que "l'affaire avait éclaté", la retrouve grâce à M______ ou que ce dernier soit mandaté par la famille B______. Ces derniers ne voulaient pas lui payer son dû et étaient capables d'utiliser sa famille en Inde pour la contraindre à abandonner la procédure.

M______ a expliqué à la police le 30 octobre 2018 qu'il avait uniquement voulu encourager LESEE 1______ dans sa procédure contre la famille B______, ayant lui-même été licencié par celle-ci avec effet au 31 décembre 2018.

b.i. Le 29 novembre 2018 (C1-30'901), le Y______ (ci-après: Y______) a indiqué que CB______ était présent à toutes les réunions annuelles du Y______ depuis 1995, à l'exception de celle de 2002 à ______[Etats-Unis]. CB______ était effectivement présent au Y______ pendant 3 à 6 jours. Ni CB______ ni aucune entité du groupe d'entreprises n'avaient jamais été invités par le Y______ à organiser une réception dans le cadre de la réunion annuelle.

Il ressort toutefois des renseignements obtenus de divers hôtels de ______ que depuis 2012 en tout cas, CB______ était accompagné d'un chauffeur et d'un voire de deux cuisiniers indiens qui utilisaient la cuisine de l'hôtel pour préparer ses repas et, notamment en 2017, préparer un repas végétarien lors d'un banquet pour 176 convives (C1-30'810 à 30'824).

b.j.a. Il ressort des pièces saisies que C______ a signé de nombreux documents en lien avec les employés indiens soit notamment des facsimilés envoyés en son nom faisant état des besoins en personnel de la famille B______ les 14 janvier 2008 et 26 janvier 2009 (J5-300'225-26 et J5-300'210-11), des lettres envoyées aux HUG au sujet de LESE 14______ entre mars et octobre 2006 (J5-300'243 à 49; K-100'249), un courriel envoyé au sujet d'une employée nommée "LESE 20______" qui aurait quitté la famille (J5- 300'404), une demande d'affiliation de LESE 20______ adressée à la Caisse de compensation AVS de Genève le 14 mai 2009 (J5-300'404), un courrier reçu le 5 octobre 2009 de la direction territoriale de Nice invitant LESE 2______ à se présenter pour son autorisation de séjour (J5-300'281).

Une demande de prolongation du visa de LESE 19______ a été adressée par C______ le 22 novembre 2007 au consulat de France à Genève (J5-300'388), des instructions de paiement relatives à des "expenses" liés à des employés sont signées de sa main en juin et juillet 2012 (J5-300'017, 19, 21), des courriels relatifs auxdites instructions sont reçus par lui (J5-300'018 en 2012, J5-300'020, 22, 30; K-100'315 et 100'367; juillet et octobre 2006), mais aussi des instructions de paiement relatives au salaire de LESEE 1______ du 13 juin 2012 portant sur six mois de salaire soit INR 150'000 (J5-300'026-7) et du 23 janvier 2014 pour INR 90'000.- par trimestre (J5-300'015), un échange de courriels concernant le versement de ce dernier montant (K-100'580) et un relevé de divers salaires dont INR 90'000.- pour LESEE 1______ par trimestre (J5-300'014), un relevé des salaires versés à LESE 14______ reçu en copie le 1er juin 2006, soit INR 20'000.- par mois (K-100'367), un reçu signé du frère de LESE 21______ du 7 juillet 2006 à réception du salaire de ce dernier soit INR 40'000.- pour quatre mois, reçu en copie (K-100'363), ainsi qu'une demande de visa Schengen pour LESE 9______ en 2015 (J2-300'015).

C______ a par ailleurs signé des attestations d'hébergement, certifiant que ces personnes seraient hébergées à la villa D______ à Cannes pour une durée indéterminée, entre juin 2012 et février 2018 à tout le moins à 32 reprises pour douze employés indiens et des attestations au nom de SOCIETE 2a______ indiquant que ces personnes voyageaient et visitaient l'Europe avec la famille B______, comme touristes et sans être employées, entre juillet 2011 et mai 2016 à tout le moins à 18 reprises pour huit employés indiens, ces dernières attestations étant signées ultérieurement par X______ au nom de SOCIETE 4______, étant précisé que ces attestations étaient destinées notamment à la Préfecture des Alpes maritimes pour l'obtention de titres de séjours en France (C4-30'021ss; J3, J4 et J5).

b.j.b. En particulier, C______ a signé des attestations pour LESEE 4______ (C4-30031, 30'040, 30'041, 30'060), LESE 9______ (C4-30'095, 30'096, 30'102, 30'103, 30'108, 30'110), LESE 10______ (C4-30'135, 30'136), LESE 7______ (C4-30'144, 30'146, 30'156, 30'161, 30'168), LESE 3______ (C4-30'235, 20'245), LESEE 1______ (C4-30'258, 30'267, 30'274, 30'275, 30'297, 30'298, 30'302, 30'304, 30'310, 30'315, 30'316, 30'343 et J3-300'033, 300'034, J4-300'075, 300'076), LESE 5______ (C4-30'357), Z______ (C4-30'367, 30'369, 30'372, 30'373), LESEE 12______ (C4-30'384), LESE 6______ (C4-30'413), LESE 8______ (C4-30'428, 30'432, 30'433, 30'441, 30'442), LESE 18______ (C4-30'513 et J5-300'173, 300'177). Il n'y a pas d'attestation au dossier concernant LESE 2______ et LESE 17______.

X______, employée de SOCIETE 4______ et travaillant sous les ordres de C______ a, quant à elle, signé en tout cas huit attestations pour six employés entre 2016 et 2018 (cf. classeur C4-30'125ss).

C______ était informé par l'assistante de CB______ lorsque les employés indiens devaient retourner à Nice pour renouveler leurs attestations de résidence (J4-300'086).

b.j.c. C______ est intervenu auprès des HUG pour obtenir un rabais sur la facture de CHF 7'855.- suite à l'hospitalisation de LESE 14______ en février 2006 (J5-300'241ss) mentionnant notamment que ce dernier était "employé au sein de la famille B______ en tant que cuisiner depuis plus de 5 ans pour un salaire de CHF 1'200.- en étant nourri et logé" (J5-300'249) et qu'il "était régi sous le règlement et la loi des employés domestiques du canton de Genève" de sorte qu'il fallait lui accorder le régime genevois (J5-300'248). Finalement, seule la moitié de la facture, soit CHF 3'927.50, a été payée (J5-300'241).

Il s'est avéré, à cette occasion, que l'assurance pour LESE 14______ avait été conclue pour un seul voyage en Europe et pour 45 jours (K-100'490).

b.j.d. C______ a contesté gérer les dossiers à la préfecture malgré les pièces au dossier (C-30'564), avoir signé des attestations pour tous les employés ressortant de l'acte d'accusation. Des titres de séjour français avaient aussi été obtenus pour des visiteurs (D-40'109; PV 85). Il ne savait pas que ces attestations étaient mensongères car il ne maitrisait pas l'emploi du temps des employés indiens (PV 85). Accompagner pour faire du tourisme et aider la famille à l'étranger était selon lui des synonymes, mais pas travailler. Il avait signé ces attestations dont la formulation venait de "leur bureau en France" (PV 91).

b.k. Il ressort également des pièces saisies que AA_____ en 2010 (E-50'104), SOCIETE 3a______ jusqu'en octobre 2016 (C4-30'020ss; J3-300'038, J4-300'047) et AC_____ à Munich en 2014 et en 2018 (C4-30'286 et 417) ont délivré des attestations mentionnant que CB______ disposait de moyens suffisants pour supporter les frais et demandes occasionnés par l'un ou l'autre des employés indiens au service de la famille B______ (J3-300'010).

CB______ s'est adressé le 24 mai 2014 à la directrice de la préfecture pour demander un entretien au vendredi suivant afin de faire part de la situation des personnes qui accompagnaient les divers membres de la famille dans le cadre de l'accord dérogatoire obtenu, notamment LESEE 4______, qui accompagnait son épouse depuis plusieurs années, LESEE 1______ qui travaillait au soutien d'autres membres de la famille, LESE 8______ et LESE 7______, dont les autorisations de séjour était encore valables. Quant à LESE 2______, LESE 18______ et LESEE 12______, ces personnes n'accompagnaient plus sa famille et étaient rentrées en Inde (C4-30'499 et 30'609). DB______ recevait quant à elle en copie les rendez-vous fixés à la préfecture pour les employés indiens (C4-30'264).

b.l.a. Tous les comptes dont CB______, DB______, EB______ et FB______ étaient titulaires ou ayant droit économiques ou autorisés à signer ouverts auprès de SOCIETE 3a______ ont été séquestrés à concurrence de CHF 5'000'000.- (C3-34'000). Certains comptes ont ultérieurement présenté un débit, en raison notamment du séquestre de CHF 200'000'000.- de l'office des poursuites de Genève sur requête de l'administration fiscale cantonale genevoise (ci-après AFC), et ont été clôturés (classeur 2, SEQ 37ss, 1004ss et annexe 1). Les formulaires A et T de certains comptes (no 1______ et 2______) ont été annulés par la banque, en raison d'indications contradictoires ressortant de ces formulaires, sans être actualisés malgré la demande de la banque (SEQ 61).

Selon la documentation bancaire du compte no 1______ au nom de A______ (ci-après A______), les ayant droit économiques figurant sur les formulaires T sont notamment CB______, DB______ et EB______ (SEQ 77 et 78), parmi d'autres membres de "la famille B______, c/o SOCIETE 2a______", laquelle peut donc disposer dans les faits des avoirs de SOCIETE 5______, ayant droit économique selon le formulaire A. La correspondance concernant ce compte est adressée c/o SOCIETE 4______ à Genève.

Le 14 septembre 2011, un membre du département compliance de la banque a confirmé que l'unique ayant droit économique était la famille B______ (cf. compte SOCIETE 3a______ no 1______, clef UBS, C3-41'468). Selon l'ordonnance de séquestre de l'AFC (SEQ 1'007), CB______ peut disposer dans les faits des avoirs de SOCIETE 5______, elle-même titulaire de 100% du capital-actions de SOCIETE 6______ SA (Luxembourg), elle-même titulaire de 100% du capital-actions de A______ (cf. compte SOCIETE 3a______ no 1______, clé UBS, C3-41'468).

b.l.b. Dans ses déterminations écrites du 29 septembre 2023 (classeur TCO 9, P-1'000ss), le conseil de A______, tiers saisi, au bénéfice d'une procuration signée notamment par AD_____, conclut à la révocation de l'ordonnance de séquestre en ce qu'elle concerne le compte no 1______, dans la mesure où A______ est "totalement indépendante" de la famille B______. Il a fait valoir, diverses pièces à l'appui, que A______ était détenue à 100% par SOCIETE 6______ SA, elle-même détenue à 100% par SOCIETE 5______. Aucun membre de la famille B______ ne serait bénéficiaire effectif de SOCIETE 6______ selon une attestation signée par AD_____ le 26 septembre 2023 et un extrait du registre du commerce produit. Selon un courrier de SOCIETE 7______ à Jersey du 3 mars 2023, le formulaire du 31 juillet 2017 déclarant que SOCIETE 5______, dont le settlor était CB______, était le bénéficiaire économique de SOCIETE 6______, serait "erronée". Ainsi, CB______ ne serait ni bénéficiaire économique, ni actionnaire, ni dirigeant de A______, "par absence de preuve contraire".

b.l.c. L'ayant droit économique du compte no 3______ au nom de SOCIETE 8______ est EB______ selon la documentation bancaire (classeur 2, SEQ 62), mais il détient ce compte à titre fiduciaire pour un tiers, soit AE_____, dans le but d'assurer à cette amie la confidentialité dans le cadre d'une procédure de divorce selon les déclarations de EB______ (cf. annexe 2: AARP/308/2022). AE_____ serait en réalité la compagne de AF_____, avocat ______ condamné à ______ ans de prison en 2010 à ______ pour avoir "aidé un homme politique ______ à détourner des dizaines de millions" au début des années ______ (https://www.______). Le solde de ce compte au 30 juin 2023 était de USD 3'473'084.- (cf. annexe 1).

Le solde des comptes sous séquestre a été fourni par SOCIETE 3b______ (classeur 2, SEQ 56ss). Le solde des comptes dont les titulaires et/ou ayant droit économiques est l'un des membres de la famille B______ au 31 décembre 2023 et au 31 mai 2024 est détaillé dans l'annexe 1.

b.m. Ont également été séquestrés des comptes au nom de CB______ et EB______ en main de AC_____ à Munich (classeur 2, SEQ 1ss), le contenu de quatre coffres au nom de DB______ auprès de la AG_____ (SEQ 18ss), des bijoux en main de AH_____ SA (C2-30'101ss).

La part de copropriété de CB______ sur un appartement sis à ______[VD] (C2-30'000ss; SEQ 1'200ss) a été saisie mais le solde du prix de vente de ce lot demeure incertain en raison d'une cédule au porteur qui n'a pas été retrouvée (SEQ 1'200ss). Les espèces saisies au domicile de la famille B______ (inventaire no 12735020180412) lors de la perquisition du 12 avril 2018 sont en mains du Pouvoir judiciaire (SEQ 1'100). Le montant des biens et valeurs séquestrés au 31 mai 2024 est détaillé dans l'annexe 3.

b.n.a. Au cours de l'instruction ou devant le Tribunal correctionnel, les parties plaignantes ont fait valoir des conclusions civiles. LESE 6______ a conclu, le 10 mai 2018, au paiement de CHF 165'539.- au titre du salaire dû, CHF 12'275.- de tort moral et CHF  25'000.- d'honoraires d'avocat (A-14'010). LESE 5______ a conclu, le 19 avril 2018, au paiement de CHF 366'379.- au titre de salaire dû, CHF 24'583.- de tort moral et CHF 24'000.- d'honoraires d'avocat (A-12'026ss). LESE 2______ a conclu, le 15 septembre 2018, au paiement de CHF 932'237.- au titre du salaire dû, CHF 45'833.- de tort moral et CHF 30'000.- d'honoraires d'avocat (A-16'017). LESEE 4______ a conclu, le 15 mai 2024, au paiement de CHF 963'781.- avec suite d'intérêts à titre de salaire dû, CHF 10'000.- avec suite d'intérêts de tort moral et CHF 207'124.- d'honoraires d'avocat au tarif de CHF 450.-/heure (classeur TCO 10, P-5001ss). LESEE 1______ a conclu, le 15 mai 2024, au paiement de CHF 2'238'752.- avec suite d'intérêts au titre de salaire dû, CHF 180'000.- avec suite d'intérêts de tort moral et CHF 230'198.- d'honoraires d'avocat au tarif de CHF 450.- (classeur TCO 10, P-6'000). LESE 3______ a conclu, le 23 mai 2024, au paiement de CHF 303'595.- avec suite d'intérêts au titre de salaire dû et CHF 22'500.- avec suite d'intérêts de tort moral (classeur TCO 9, P-2'107ss).

Ces six lésés ont retiré leur constitution de partie plaignante suite à la conclusion d'un accord extra judiciaire, conclu le 13 juin 2024 s'agissant de LESEE 1______, LESEE 4______ et LESE 3______ (PV 282)

b.n.b. Le 12 août 2018, Me AI_____, conseil de SOCIETE 4______, intervenant à la demande des quatre membres de la famille B______, a produit un avis de droit du Prof. AJ_____ du 8 août 2019 et rappelé qu'EB______ avait indiqué que le salaire des employés indiens à ______[GE] s'élevait à CHF 3'500.- par mois, prestations en nature incluses, toute heure supplémentaire étant contestée, car d'ores et déjà compensée par des congés et vacances correspondant à des voyages de la famille B______ à l'étranger durant trois à quatre mois par an (F-72'011-33ss).

Selon cet avis de droit, le droit suisse était applicable aux contrats de travail conclus entre les membres de la famille B______ et leurs employés indiens lesquels travaillaient essentiellement à Genève. Le CTT-Edom était applicable et avait un effet impératif. A titre de salaire en nature, il convenait de tenir compte mensuellement de CHF 600.- jusqu'en 2007 puis CHF 645.- pour la nourriture, CHF 300.- jusqu'en 2007, puis CHF  345.- pour le logement, CHF 977.- pour les autres avantages, CHF 200.- pour les billets d'avion, CHF 166.- pour les assurances, CHF 100.- pour les pourboires. Il était tenu compte d'un salaire en espèces de CHF 500.-.

Il n'y avait pas lieu de tenir compte d'heures supplémentaires, compensées par des congés (F-72'011-49ss). En annexe de cet avis de droit, une attestation de AK_____ du 15 janvier 2019 indiquait que les dépenses assumées par la famille B______ pour LESEE 1______ s'élevaient annuellement à USD 2'500.- pour les voyages et USD 2'000.- pour les assurances et frais médicaux (F-72'011-39).

Me AI_____ a écrit au Ministère public, le 18 septembre 2019, que DB______ avait indiqué à son mandataire être disposée à verser, à bien plaire, par gain de paix et sans reconnaissance de responsabilité, CHF 100'000.- à LESEE 1______ pour ses 17 ans de service et un montant équivalent, au pro rata, pour les plaignants LESEE 4______, LESE 5______ et LESE 3______, offre révoquée si elle n'était pas acceptée dans un délai raisonnable. Par ailleurs, compte tenu du préjudice subi en lien avec la procédure en raison des campagnes de presse de leurs anciens employés, les quatre membres de la famille B______ se réservaient de réclamer à ces derniers des dommages-intérêts et à déposer plainte à leur encontre pour dénonciation calomnieuse (F-72'011-69ss).

c. Employés au service de la famille B______

c.a. Selon les déclarations de LESEE 4______, il y avait quatre employés indiens au service de la famille B______ à Genève à son arrivée en 2008, outre un chauffeur "blanc" (A 10'003). LESE 3______ a indiqué qu'ils étaient normalement cinq, y compris O______, mais que l'un d'eux était rentré en Inde pour des vacances lors de la perquisition d'avril 2018 (A-13'006).

c.b. Il est établi que les employés indiens présents lors des perquisitions de 2007 et de 2018 travaillaient à Genève pour la famille B______ de Genève, car il n'y avait alors pas d'invité qui serait venu en étant accompagné de l'un de ses employés. Au surplus, la présence à Genève des employés indiens ressort de pièces au dossier, notamment les tampons d'entrée et de sortie dans les passeports, les attestations délivrées par C______ en particulier, les visas, et les attestations provisoires de séjour délivrées par la préfecture de Nice. A cela s'ajoute que les lésés entendus ont confirmé avoir eu pour collègues certains d'entre eux et que FB______, si elle en a minimisé le nombre, a admis lors de l'audience de jugement, s'agissant de ceux pour lesquels il était impossible de le contester, que certains employés avaient effectivement travaillé à Genève (PV 70 et 71). Au surplus, il ressort des plaintes de LESE 2______ et de LESE 6______ que ces derniers travaillaient aussi à Genève.

c.c. C______ s'occupait uniquement de l'administration en lien avec les employés travaillant à Genève, ce qu'il a confirmé lors de l'audience de jugement (PV 89). La documentation séquestrée à Genève concernait notamment l'assurance et le paiement du salaire d'employés travaillant à Genève, car rien ne justifie que des documents concernant les employés de Londres ou de Mumbai soient conservés à Genève.

Le fait que les employés présents lors de la perquisition de 2018 bénéficiaient d'autorisations de séjour françaises tend à confirmer que tous ceux qui étaient au bénéfice d'une telle autorisation travaillaient à Genève. Il ne fait en effet aucun sens d'obtenir des attestations de séjour valables six mois pour des amis de la famille B______ au sens large, et pour les employés les accompagnant, en visite, que ce soit à Genève, à Cannes ou à Monaco, pour y faire du tourisme, car un visa touristique suffisait. Il est donc à tout le moins établi que tous les employés bénéficiant d'une telle attestation et/ou pour lesquels de la documentation a été retrouvée à Genève travaillaient pour la famille B______ à Genève. D'ailleurs, sans considérer qu'ils avaient alors reconnu avoir commis les infractions reprochées, les prévenus ont admis devant le Ministère public que les employés présents lors des perquisitions de 2018 travaillaient à Genève durant les périodes déclarées par ces derniers et qu'ils travaillaient à leur service à tous (E-50'008). Ils étaient tous assistés par des avocats, de sorte que la thèse d'aveux extorqués par le Ministère public ne résiste pas à l'examen.

Lors de l'audience de jugement, EB______ et FB______ ont contesté que la plupart des employés visés par l'acte d'accusation auraient travaillé à Genève (PV 55 à 56 et 70 à 71). EB______ a néanmoins admis qu'il y avait deux ou trois employés indiens qui travaillaient en même temps pour la famille B______ à Genève, outre les jardiniers, chauffeurs et serveurs (PV 56).

c.d. Ainsi, mis à part LESE 17______ et LESE 22______, pour lesquels il n'y a aucune pièce à la procédure qui démontrerait leur présence à Genève, il est établi que l'ensemble des autres employés visés par l'acte d'accusation, soit les employés mentionnés aux points A.1, B.1, C.1 et D.1 auxquels l'acte d'accusation se réfère dans ses autres points, ont travaillé à Genève, au service des membres de la famille B______ durant les périodes visées par l'acte d'accusation. Il y en a eu encore d'autres mais qui ne figurent pas dans l'acte d'accusation de sorte qu'ils seront mentionnés sans être retenus (cf. annexe 4 : tableau des employés).

1. LESEE 1______ a été employée de novembre 1997 au 31 octobre 2009, puis du 20 janvier 2011 au 12 avril 2018, d'abord en qualité de nourrice des enfants d'EB______ et FB______, puis d'employée de maison au service de ces trois enfants et finalement d'employée de maison pour toute la famille, lorsque les ainés sont partis à l'étranger pour étudier en 2016 [tampon entrée en Suisse 20 janvier 2011 (J5-300'362), visa Schengen du 13 juillet 2010 au 12 juillet 2012 (J5-300'362), attestations de SOCIETE 2a______ et de SOCIETE 3a______ du 8 avril 2011 (J5-300'367), du 7 juillet 2011 (J5-300'357ss), du 6 octobre 2011 (J5-300'351), assurance 18.08.2006-13.02.2007 (J5-300'319), 19.01.11-18.7.11 (J5-300'361), tampons d'entrée/sortie d'Inde entre 2011 et 2017 (J4-300'252; A-11'032ss), visa Schengen du 10 janvier au 12 février 2015 (J3-300'037), attestation de SOCIETE 3a______, SOCIETE 9______ et SOCIETE 2a______ du 15 janvier 2015 (J4 300'075ss) et du 17 mars 2015 (J3-300'038), attestation de SOCIETE 2a______ du 1er mars 2017 (J3-300'039), autorisation de séjour française du 30 juillet 2013 au 29 janvier 2014 (J4-300'253), du 21 septembre 2015 au 20 mars 2016 (J4-300'099), du 11 mars au 10 septembre 2016, du 6 septembre 2016 au 5 mars 2017 (J2-300'016; J4-300'089), assurance 30.08.2016- 25.02.2017 (J4-300'094)].

2. LESE 14______ a été employé de septembre 2003 au 25 mai 2009 [paiements de salaire de septembre 2003 à janvier 2007 (J5-300'314) et en février 2007 (J5-300'307), avion le 13 mars 2006 (K-100'276), carte de séjour française du 27 janvier 2007 au 26 janvier 2008 (J5-300'235), du 25 janvier au 24 avril 2008 (J5-300'217), avec mention d'une entrée en France en 2004 (J5-300'218), assurance et carte de séjour française du 27 janvier 2008 au 29 janvier 2009 (J4-300'312), assurance du 27.01.2009 au 25.07.2009 (J5-300'214), attestation de AL_____ pour la villa D______ du 11 janvier 2008 (J5-300'229), attestation de CB______ du 26 février 2008 (J5-300'222), attestation de AA_____ du 25 mai 2007 (J5-300'240), du 16 janvier 2008 (J5-300'228) et du 26 janvier 2009 (J5-300'212), vol Genève-Mumbai et retour les 1er mars et 20 mai 2009 (J5-300'232), frais médicaux en 2006 aux HUG (J5-300'241)].

3. LESE 16______, après avoir travaillé pour la famille B______ en Inde depuis 2001, a été employé à ______[GE] en tout cas d'avril 2006 à avril 2007 et en décembre 2008 et janvier 2009 [visa Schengen du 7 avril 2005 au 3 octobre 2005 (K-100'084), salaire payé en février 2007 (J5-300'303), versements de décembre 2008 et janvier 2009 (J5-300'250ss), présent lors de la perquisition du 17 janvier 2007, déclarations à la police le 17 janvier 2007 (K-100'079)].

4. AM_____ a été employée en tout cas de février 2006 à février 2007 [paiement de salaire (J5-300'295 et 300'303); police d'assurance de AN_____ (K-100-308 et K-100'309)]. Lors de son audition devant le juge d'instruction le 8 mars 2007, DB______ a indiqué l'avoir employée et avoir voyagé avec elle (K-100'136). Cette employée n'est pas visée par l'acte d'accusation.

5. LESE 21______ a été employé du 11 mars 2006 à août 2007 [vol le 10 mars 2006 (K-100'276), visa Schengen du 26 septembre 2006 au 24 mars 2007 (K-100'074), visa SUISSE du 8 mars 2006 au 7 mars 2008 et tampon d'entrée en Suisse le 11 mars 2006 (K-100'075), frais de visa en mars 2006 (J5-300'295), salaire du 11 mars 2006 au 10 juillet 2006 et en novembre 2006 (J5-300'326), assurance du 07.02.2007 au 05.08.2007 (J5-300'312), salaire le 15 mars 2007 (J5-300'324), déclarations police le 17 janvier 2007 (K-100'071)].

6. LESE 2______, né le ______ 1980, a été employé entre début novembre 2005 et fin septembre 2010 (A-16'015), avec une période de vacances entre octobre 2006 et le 17 janvier 2007, en qualité de cuisinier, puis il est parti à Londres, travailler pour JB______ [paiement du salaire d'octobre 2005 à mai 2006 (K-100'314), déclarations police le 17 janvier 2007 (K-100'093), délivrance d'un passeport à Genève le 21 septembre 2006 (J5-300'277), visa Schengen du 22 décembre 2006 au 21 décembre 2007 (K-100'096) et UK du 2 janvier 2007 au 2 janvier 2008 (K-100'097), tampon de sortie d'Inde le 11 octobre 2005 (K-100'216), le 17 janvier 2007 (K-100'096), titre de séjour français du 1er septembre 2009 au 31 août 2010 (J5-300'256), avec une date d'entrée en France le 26 mars 2009 (J5-300'257), du 11 septembre 2011 au 31 août 2012 (J4-300'305), attestations AL_____ pour la villa D______ du 20 août 2010 (J5-300'263), du 16 août 2011 (J5-300'259), attestation SOCIETE 3a______ du 20 août 2010 et du 16 août 2011 (J5-300'261ss), attestation CB______ du 28 juillet 2009 (J5-300'276), du 28 août 2009 (J5-300'286), du 7 juin 2010 (J5-300'270), assurance maladie 03.03.2009-29.08.2009 (J5-300'273), 04.03.2010-30.08.2010 (J5-300'264), 16.03.2011-09.03.2012 (J5-300'260), visa Schengen du 26 mars 2009 au 25 mars 2010 (J5-300'266), vol Genève-Mumbai le 21 décembre 2007 et Mumbai-Londres le 15 janvier 2008 (J5-300'289), tampon d'entrée en Suisse le 27 mars 2009, paiement de salaire en février 2007 (J5-300'304: cook in London), en juillet 2012 (J5-300'017)]. Selon ses déclarations du 17 janvier 2007, il était censé aller travailler comme cuisinier à Londres et ne savait pas pourquoi il était arrivé à Genève (K-100'092). Selon sa plainte, il est finalement parti travailler en Grande Bretagne fin septembre 2010 (A-16'004).

7. K______ a été employée pour s'occuper des enfants de EB______ et FB______ en tout cas dès janvier 2007 [frais de visa de janvier 2007 (J5-300'297), présente lors de la perquisition du 17 janvier 2007 (K100'054ss), déclarations police le 17 janvier 2007 (K-100'085), visa Suisse du 10 janvier au 9 juillet 2007 et tampon d'entrée en Suisse le 17 janvier 2007 (K-100'089). LESEE 1______ a indiqué qu'elle avait travaillé avec elle pour s'occuper des enfants en 2004-2005 environ (E1-50'019)].

8. LESE 19______ a été employé de mai 2007 à novembre 2007 [sortie d'Inde et entrée en Suisse le 28 mai 2007 (J5-300'386 et 387), paiement du salaire le 30 septembre 2007 (J5-300'383) et le 13 juin 2008 (J5-300'379), visa Suisse du 15 mai au 14 août 2007 (J5-300'395), visa Schengen du 1er juin au 26 novembre 2007 (J5-300'385) et UK du 24 mai au 24 novembre 2007 (J5-300'386)].

9. LESE 13______ a été employé de septembre 2008 à mars 2009 [autorisation de séjour française pour ces dates (J5-300'403)], voire depuis le 17 mai 2006, plan de vol Mumbai-Zurich (K 100'329), courriel du 20 mai 2006 (K-100'385)].

10. LESE 15______ a été employé en 2009 [déclaration de perte de son passeport à Genève le 1er septembre 2009, visa Schengen du 1er juillet au 27 décembre 2009 et UK du 7 juillet 2009 au 6 juillet 2010 (J5-300'419ss)].

11. LESEE 4______ a été employée au service de DB______ du 27 mars 2009 au 6 novembre 2016, avec une interruption en 2012 [tampon d'arrivée à Genève le 27 mars 2009 et visa Schengen valable du 26 mars 2009 au 25 mars 2010 (A 10'026), paiement de salaire en décembre 2011 (J5-300'011), tampon d'entrée en Inde le 9 juin 2010 (A 10'018), de sortie d'Inde le 25 janvier 2010 et d'entrée en Suisse le 26 janvier 2010 (A 10'021 et 26), tampon d'entrée en Suisse du 16 mars 2013 (A-10'009), visa Schengen valable du 16 mars 2013 au 15 mars 2014 et du 20 février 2015 au 20 août 2015, tampons d'entrée en Suisse les 6 novembre 2013 et 7 mars 2015, autorisation de séjour française du 30 juillet au 29 octobre 2009 (J5-300'207), du 30 juillet 2009 au 29 juillet 2010 (J5-300'208), du 11 août au 10 novembre 2010 (J5-300'201), du 9 octobre 2015 au 8 avril 2016 (J4-300'195), du 3 juin 2016 au 2 décembre 2016, avec mention d'une entrée en France le 27 mars 2009 (J4-300'186), du 2 novembre 2016 au 1er mai 2017 (A-10'016), attestations de CB______ du 28 juillet 2009 (J5-300'204), de AA_____ du 11 août 2010 (J5-300'200), de SOCIETE 3a______, SOCIETE 9______ et SOCIETE 2a______ ou SOCIETE 4______, du 7 juillet 2011 (J5-300'195), du 27 mars 2016 (J4 300'188ss), du 26 octobre 2016 (J4-300'179ss), assurance 13.03.2009 au 08.09.2009 (J5-300'206), 11.08.2011 au 05.08.2011 (J5-300'199), 01.06.2016 au 27.11.2016 (J4-300'192)].

12. LESE 3______ a été employé en qualité d'homme de ménage chargé du repassage, de la lessive, du ménage et de la cuisine dès le 30 mai 2008 (E1-50'185) pour une durée de 15 mois, soit jusqu'au 11 juillet 2009, puis du 20 février 2017 au 12 avril 2018 [(tampon entrée en Suisse le 30 mai 2008, sortie de Suisse par Zurich et entrée en Inde le 11 juillet 2009, visa de tourisme suisse valable 90 jours du 19.05.08 au 19.08.09, visas Schengen valables du 14 mai au 16 août 2008, du 28 novembre 2008 au 15 mai 2009, du 19 mai au 14 novembre 2010, (classeur TCO 2, B-1 à B-7), tampon de sortie d'Inde et d'entrée en Suisse du 20 février 2017 (A-13'016), visa Schengen du 16 février au 16 août 2017 (A-13'016), autorisation de séjour du 20 novembre 2017 au 19 mai 2018 (A-13'022), assurance 04.11.2017-02.05.2017 (A-13'029), virement du salaire du 5 mai 2017 (J3-300'063), relevé de paiements de salaire du 20 février au 30 novembre 2017 (INR 58'333.-, INR 90'000.- et INR 120'000.-; J4-300'309), plan de vol Mumbai-Genève le 22 mars 2018 et Genève-Washington le 18 avril 2018 (A-13'023), présent lors de la perquisition de 2018].

13. LESE 20______ a été employée de septembre 2008 à mai 2009 au service d'EB______ et FB______ [paiement du salaire (J5-300'4007 à 412), courriel mentionnant un départ en mai 2009 (J5-300'406), demande d'affiliation caisse AVS en mai 2009 (J5-300'405)].

14. LESE 7______ a été employé du 18 septembre 2010 à mai 2014 en tout cas en qualité de cuisinier [tampon d'entrée en Suisse les 18 septembre 2010 (J5-300'193) et 18 avril 2012 (J4-300'294), attestations de SOCIETE 3a______ des 9 décembre 2010 et 6 juin 2011 (J5-300'184 et 191), visas Schengen valables du 9 septembre 2010 au 8 septembre 2011 avec mention d'une entrée en France le 18 septembre 2010 (J4-300'307) et du 23 mars 2012 au 23 mars 2013 (J4-300'294), autorisation de séjour française du 3 septembre 2013 au 3 mars 2014 (J4-300'293), vol Genève-Nice et retour les 7 et 8 juin 2011 (J5-300'185), assurance 06.09.2010-31.08.2011, 01.09.2011-25.08.2011 et 24.02.12-18.03.13 (J4-300'296; J5-300'183 et 186), paiement salaire en décembre 2010 (J5-300'188ss), en février 2012 (J5-300'005), en juillet 2012 (J5-300'017ss), en mars 2014 (J5-300'152), demande de renouvellement de l'autorisation de séjour du 23 mai 2014 (J4-300'255)]. Selon LESEE 1______, il avait travaillé pour la famille durant 2 ans, étant rappelé que celle-ci n'était pas à Genève en 2010 (A 11'015).

15. LESE 18______ a été employé d'avril 2011 à février 2014 [attestations de SOCIETE 2a______ et/ou SOCIETE 3a______ des 30 juin, 5 juillet et 6 octobre 2011 et d'assurance de mars 2011 à mars 2012 (J5-300'171ss), visa Schengen du 8 mars 2011 au 8 mars 2012 (J5-300'179), entrée à Vienne en avril 2011 (J5-300'179), salaire INR 100'000.- février 2012 (J5-300'044], rendez-vous à la préfecture le 5 septembre 2011 (J5-300'180ss), autorisation de séjour française du 8 juillet 2013 au 7 janvier 2014 (J4-300'298), paiement de salaire le 14 février 2012 (J5-300'001), le 2 février 2014 (J5-300'151)].

16. LESEE 12______ a été employé de janvier 2012 à janvier 2013 [visa Schengen du 25 janvier 2012 au 25 janvier 2013 et tampon d'entrée en Suisse le 25 janvier 2012 (J4-300'300), autorisation de séjour française valable du 19 juin 2012 au 18 décembre 2012, cf. courrier du Major de la police AO_____ du 3 août 2018 (C4-30'014)].

17. LESE 8______ a été employé entre le 26 mars 2013 et juin 2015 en qualité de cuisinier [visa Schengen valable du 21 mars 2013 au 20 mars 2014 (C4-60'32) et tampon de sortie de Mumbai le 25 mars 2013, rapport de renseignement du 26 mars 2018 mentionnant un départ de Mumbai le 25 mars 2013 (D-40'141), visa Schengen valable du 3 juillet 2013 au 3 janvier 2014 (C4-30'443), visa Schengen valable du 30 avril au 31 octobre 2014 et tampon d'entrée en Suisse le 7 mai 2014 (J4-300'280), autorisation de séjour française du 27 décembre 2013 au 29 juin 2014 (J4-300'257), du 27 juin au 26 décembre 2014 (J4-300'264), du 22 décembre 2014 au 21 juin 2015 mentionnant une entrée en France le 25 mars 2013 (C4-30'421), attestations de SOCIETE 9______, SOCIETE 2a______ et SOCIETE 3a______ des 24 et 28 juin et 3 juillet 2013 (C4-30'446ss), du 20 décembre 2013 (J4-300'266, 267 et 273ss), du 23 juin 2014 (J4-300'283ss), assurance valable du 23.04.14 au 19.12.14 (J4-300'287), attestation de SOCIETE 3a______ du 15 décembre 2014 (J4-300'263), demande de renouvellement de l'autorisation de séjour du 23 mai 2014 (J4-300'255), salaire en décembre 2014 (J5-300'169)]. Selon LESEE 1______, il avait quitté la villa en 2014 (A 11'015).

18. LESE 9______ a été employé du 7 mai 2014 à juillet 2015, voire janvier 2016 en qualité de cuisinier, après avoir travaillé à Londres pour KB______ [visa Schengen valable du 25 octobre 2013 au 9 décembre 2013 (J4-300'229), du 11 novembre 2013 au 14 mai 2014 (J4-300'223), du 30 avril 2014 au 30 octobre 2014 (J4-300'221) et visa USA du 16 avril 2015 au 14 avril 2025 (J2-300'015; J4-300'228), tampon d'entrée en Suisse du 7 mai 2014 (J4-300'221), autorisation de séjour française du 19 janvier 2015 au 18 juillet 2015 avec mention d'une entrée en France le 18 juillet 2014 (J4-300'071), visa UK du 11 novembre 2013 au 11 mai 2014 avec la mention "to work with KB______" (J4-200'230), attestations de SOCIETE 9______, SOCIETE 2a______ et SOCIETE 3a______ du 15 juillet 2014 (J4-300'216ss), du 16 janvier 2015 (C4-30'094ss) et du 8 juillet 2015 (J4-300'047 à 49 et 300'231), assurance du 07.05. 2014-04.08.2014 (J4-300'218), et dès le 10.07.2015 (J4-300'052), vol Mumbai-Genève le 6 mai 2014 (J5-300'132), vol Nice-Genève le 20 juillet 2015 (J5-300'129), vol Genève-Mumbai le 15 janvier 2016 (J5-300127)]. Selon LESEE 1______, à son souvenir, il était resté 18 mois et était parti sauf erreur en 2013 (A-11'016).

19. LESE 11______ a été employé de juin 2015 à juin ou décembre 2016 [(visa Schengen du 2 mars 2015 au 1er mars 2016 (C4-30'375) avec tampon d'entrée en France du 3 mars 2015 (C4-30'376) et visa Schengen du 18 mai 2016 au 13 novembre 2016 (J4-300'177), assurance du 8 juin 2015 au 7 juin 2016 (J4-300'179), autorisation de séjour française du 9 juin 2015 au 8 décembre 2016 (C4-30'370), autorisation de séjour française du 8 décembre 2015 au 7 juin 2016 (J2-300'002), vol Genève-Mumbai le 9 février 2016 (J5-300'127), attestations de SOCIETE 2a______, SOCIETE 9______ et SOCIETE 3a______ des 8 juin 2015 et 4 décembre 2015 (C4-30'367ss)].

20. LESE 5______ a été employé du 14 février 2016 au 12 avril 2018 en qualité de cuisinier, avec un retour en Inde entre le 26 mai et le 18 juillet 2017 [tampons de sortie d'Inde et d'entrée à Genève le 14 février 2016 (J4-300'215), attestations de SOCIETE 2a______, SOCIETE 9______ et SOCIETE 3a______ des 9 et 10 mai 2016 (J4-300'209ss), autorisation de séjour française du 12 mai 2016 au 11 novembre 2016 (J2-300'012), cartes d'embarquement Genève-Nice et retour des 11 novembre, 15 et 19 février, 15 avril, billet d'avion Genève-Mumbai et retour des 26 mai et 18 juillet 2017, tampon de sortie de Mumbai le 18 juillet 2017, attestation d'emploi du 18 juillet 2017, autorisation de séjour française du 9 mai au 8 novembre 2017 (J1-300'00ss), plan de vol de mai et juillet 2017 (A 12'024), virement du salaire du 12 octobre 2017 (J3-300'028), relevé de paiement des salaires pour 2017 (INR 30'000.- par mois; J4-300'311)].

21. LESE 10______, qui travaillait au service de la famille B______ à Mumbai depuis 2006 (J4-300'143), a travaillé à Genève de janvier 2016 à janvier 2018 [contrat de travail du 23 avril 2015 (J4-300'147), visa Schengen du 9 juin 2015 au 7 juin 2016 (J4-300'205) et du 19 juin 2015 au 20 juin 2016 (J4-300'170), départ de Mumbai le 19 janvier 2016, entrée en France en janvier 2016, tampon d'entrée à Genève le 1er et le 23 avril 2016 (J4-300'170ss), attestations de SOCIETE 9______, SOCIETE 3a______ et SOCIETE 2a______ des 9 et 10 mai 2016 (J4-300'197) et du 14 novembre 2016 (J4-300'247), rendez-vous à la préfecture le 12 mai 2016 (J4-300'174), autorisation de séjour française du 12 mai au 11 novembre 2016 (J4-300'196)], et devait accompagner CB______ lors de ses voyages aux USA en 2015 et/ou 2016 (J4-300'106ss)]. Selon LESE 5______, il était arrivé à Genève en janvier 2016 et est parti travailler pour la famille B______ à Londres en janvier 2018 (A 12'008)].

22. LESE 6______ a été employé du 9 mai 2017 au 6 avril 2018, en qualité de cuisinier ["contrat de travail" du 25 avril 2017 (J3-300'055), assurance du 05.05.2017-31.10.2017 (J3-300'058), plan de vol Mumbai-Genève le 8 mai 2017 (J2-300'006), tampon d'entrée en Suisse le 8 mai 2017, contrôle à l'aéroport le 6 avril 2018, lors de son départ pour l'Inde, visa Schengen valable du 8 mai 2017 au 7 mai 2018, autorisation de séjour française du 2 février au 1er août 2018 (D-40'153), virement de salaire du 12 octobre 2017 (J3-300'028), relevé de paiements des salaires (INR 50'000.- le 27.10.17 et INR 110'000.- le 20.12.17; J4-300'310)]. LESE 3______ a confirmé que LESE 6______ était rentré en Inde le 6 avril 2018.

c.e. La famille B______ a de plus régulièrement employé des chauffeurs, dont:

1. M______, né en 1956, de nationalité philippine, au bénéfice d'un titre de séjour italien, a travaillé, selon ses dires, à l'essai durant 3 mois dès mai ou juin 2014 pour un salaire de CHF 25.- de l'heure puis au bénéfice d'un contrat fixe pour un salaire mensuel de CHF 3'000.- pour un emploi de 10h à 18h, 5 jours par semaine, ainsi qu'environ 10 heures supplémentaires par mois, non payées (D-40'127). Lorsqu'il a obtenu un permis B en 2016, la famille a accepté de le déclarer. Son salaire brut a été fixé à CHF 3'500.- de sorte que son salaire net a été maintenu à CHF 3'000.-. Il ressort des ordres de paiements et du compte "AP_____" qu'il a perçu notamment CHF 1'825.- en octobre 2014 (J5-300'060), CHF 4'600.- en juin 2014 (J5-300'069) et CHF 4'400.- en mai 2014 (J5-300'076) et CHF 2'175.- en septembre 2014, qui pourraient couvrir des frais.

2. N______, né en 1961, de nationalité suisse, a déclaré avoir travaillé en qualité de chauffeur sur appel, pour un salaire de CHF 20.- de l'heure, à Genève et ______, entre décembre 2015 et février 2016. Dès le 1er mars 2016, il avait été engagé de façon fixe pour un salaire mensuel net de CHF 4'000.-. Il travaillait au service de CB______ et DB______ mais aussi pour FB______ (D-40'116).

3. Il ressort des virements du compte "AP_____", d'autres pièces et de déclarations que d'autres chauffeurs ont été employés. ______ et ______ étaient les chauffeurs en fonction en 2007 (K-100'136). AQ_____ a travaillé en 2009 et 2010 (J5-300'426ss). "AR_____", soit possiblement AS_____ a été payé CHF 2'000.- et CHF 1'500.- pour janvier 2014 (J5-300'094 et 97), de CHF 3'000.- à 3'600.- de février à mai 2014 (J5-300'079ss), CHF 4'000.- en juin 2014 (J5-300'064). ______ a travaillé dès juillet 2014 et été payé entre CHF 4'000.- et CHF 4'500.- par mois (J5-300'050 et 300'057ss). "AT_____" a été employé en janvier et février 2014. Un autre chauffeur a perçu CHF 3'000.- en mai 2014.

c.d. Une dénommée O______ ou ______, de nationalité mongole, a été employée depuis une date indéterminée par FB______ pour s'occuper du ménage et du repassage, à raison de 2-3 heures par jour, deux à trois fois par semaine selon cette derrière, qui ne l'avait pas déclarée, la considérant comme une indépendante (D-40'072). Lors de l'audience de jugement, tant FB______ que les lésés ont déclaré qu'il y avait toujours eu une femme de ménage résidant à Genève, mais hors de la villa, qui travaillait 8 heures par jour, 6 jours sur 7. Les lésés ont précisé que lorsque LESEE 1______ était absente, la famille B______ employait une deuxième femme de ménage à l'heure (PV 71, 112 et 254).

d. Situation des employés indiens

d.a. LESEE 4______ a expliqué être née à ______, en Inde, dans l'état d'Andhra Pradesh. Issue d'une famille pauvre d'agriculteurs vivant dans une maison de fortune construite à base d'éléments récupérés, dans un bidonville, elle n'avait jamais été scolarisée. Elle avait fait l'objet d'un mariage arrangé à l'âge de 15 ans. Son mari, également issu d'une famille pauvre, avait des problèmes d'alcool et s'était montré violent à son égard. En 2004, soit après 5 ans de mariage, elle avait quitté son mari avec ses deux enfants pour aller travailler à Goa. Son mari était décédé en 2007 et elle continuait à soutenir financièrement sa belle-famille (A-10'001ss; classeur TCO 9/10).

Elle a déclaré qu'elle n'avait pas d'autre choix que d'accepter ces conditions de travail, elle était illettrée et pauvre, sans éducation et dépourvue de moyen de survie (A-10'005).

Il ressort des conclusions civiles de LESEE 4______ du 15 mai 2024 ainsi que des pièces produites que l'Etat d'Andhra Pradesh est parmi les Etats les plus pauvres d'Inde. Son indice de développement humain était de 0.599 en 2008. LESEE 4______ appartient à la caste des Dalits convertis au christianisme ou des Mala Hindu, faisant partie de la strate la plus basse des castes et faisant l'objet d'oppression et de discrimination, notamment s'agissant de l'accès à l'éducation et au marché du travail. Cette caste est classée parmi les "Scheduled Castes". Seules 17% des femmes Dalits sont alphabétisées. Ces dernières sont souvent confinées à l'économie domestique et sont particulièrement exposées à des forme d'esclavage moderne.

d.b. LESEE 1______ a expliqué que ses parents étaient décédés alors qu'elle avait 6 mois, respectivement 4 ans. Sa sœur et elle avaient grandi auprès d'un oncle maternel, derrière des immeubles, dans une sorte d'abri de fortune comprenant seulement un toit. Ils souffraient beaucoup. Elle avait été scolarisée jusqu'à l'âge de 9 ans et avait commencé à travailler, en lavant les sols et faisant la vaisselle. Elle percevait l'équivalent de CHF 0.50 par mois, soit INR 10.- par mois pour la vaisselle et INR 15.- pour les sols. Lorsqu'elle avait 13 ans, sa sœur, de 3 ans son aînée, s'était mariée et elle l'avait suivie à ______. Elle avait travaillé en tant que femme de ménage et percevait entre CHF 40.- et CHF 50.- par mois, en étant nourrie et logée (A-11'001ss; PV 115).

Par ailleurs, elle n'avait aucune connaissance des lois régissant les conditions de travail et les salaires en Suisse (A-11'008). Elle ne comprenait d'ailleurs pas le sens des diverses attestations qui lui avaient été soumise par la police (SOCIETE 9______, SOCIETE 2a______, SOCIETE 3a______) en avril 2018 (A-11'016).

d.c. LESE 3______ a mentionné être né en Inde et avoir suivi sa scolarité jusqu'à la 5ème primaire. Il avait dû arrêter l'école car sa famille avait beaucoup de difficultés financières. Il n'avait aucun diplôme. Son père était décédé et comme il était l'aîné de la famille il avait dû commencer à travailler alors qu'il avait 12 ans. Il s'était marié à l'âge de 17 ans et avait eu 3 enfants (A-13'001).

Il est membre d'une hoirie de six personnes suite au décès de son père, laquelle est propriétaire en Inde d'une maison de 66 m2 sur un terrain de 260 m2, servant de pâture à trois buffles, dont la valeur n'excédait pas CHF 4'000.- (P-4'108ss).

Il ressort du courrier de LESE 3______ du 19 décembre 2023 (classeur TCO 9, P-2'000ss), de ses conclusions civiles et des pièces produites, notamment du National Domestic Workers Movements (classeur TCO 9, P-2'242ss) que ce dernier est originaire du village de ______, situé dans une zone rurale de la partie est de l'Etat d'Uttar Pradesh, faisant partie des Etats les plus pauvres d'Inde, dans lequel, en 2015, 45% de la population était dans un état de "pauvreté multidimensionnelle". L'indice de développement humain était de 0.4274 en 2008. La caste des ______ [famille de LESE 3] est une des castes les plus basses d'Inde et appartient au "Other Backward Classes" (OBC) ainsi que des "More Backward Castes". Les ______[famille de LESE 3] sont ainsi discriminés par les castes supérieures mais aussi par les autres sous-castes OBC. Selon l'Organisation Internationale du Travail (OIT), ce type de travailleur est particulièrement vulnérable en Inde et constitue l'un des groupes les plus exploités du pays. Les employés domestiques sont tenus en dépendance de leurs employeurs, n'ayant aucune protection légale découlant des lois indiennes sur le travail et aucun pouvoir de négociation dû à leur situation de pauvreté, d'illettrisme et leur manque d'éducation qualifiante.

d.d. LESE 5______ a expliqué qu'il était fils unique. Son père était cuisinier et ne gagnait que peu d'argent. Il avait suivi l'école obligatoire jusqu'à 12 ans puis était parti seul à Mumbai et avait appris le métier de cuisiner. Quelques mois plus tard, il était revenu dans son village et avait travaillé en tant que chauffeur (A-12'001ss).

d.e. Dans sa plainte pénale, LESE 6______ a indiqué qu'il avait suivi l'école primaire et secondaire puis avait obtenu un diplôme en "hôtel management" en Inde. Il avait travaillé pendant deux ans dans une ferme et 6 mois dans un hôtel 4 étoiles à Bangalore en qualité de cuisinier (A-14'003). Il a précisé qu'il n'avait aucune connaissance des salaires pratiqués à Genève (A-14'004).

d.f. LESE 2______ a expliqué être originaire de ______, dans l'état du Rajasthan. Il avait été scolarisé que jusqu'à la 7ème année. Il n'avait aucun diplôme, n'avait suivi aucune formation professionnelle et ne parlait que le Hindi. Il n'avait jamais quitté l'Inde avant de travailler pour la famille B______ (A-16-003ss). Il a précisé qu'il n'avait aucune connaissance des salaires pratiqués à Genève (A-16'004).

d.g. S'agissant de la situation financière des employés indiens, CB______ a indiqué que CHF 20.-, pour ces gens, c'était une somme importante (D-40'092). C______ a déclaré qu'il pensait que les employés indiens étaient d'une classe sociale très basse (D-40'111). EB______ a dit qu'il l'ignorait, car il leur parlait peu, mais que les RH à Mumbai devaient le savoir, relevant toutefois que LESEE 1______ et LESE 3______ étaient propriétaires d'un immeuble en Inde (PV 62).

e. Conditions de travail et salaires des employés indiens de la famille B______

e.a. Pour établir les faits, le Tribunal doit se fonder sur les éléments matériels figurant à la procédure, soit les pièces, témoignages, constatations de la police en particulier et les déclarations des parties.

e.b. Sous réserve de quelques variations, dues pour partie à un problème de compréhension, les déclarations des lésés ont été constantes. Leurs déclarations ont aussi été mesurées et concordantes entre elles. Elles sont de plus corroborées par les déclarations des témoins, par les constatations faites lors des deux perquisitions et par les pièces à la procédure. Rien ne permet de retenir que les lésés auraient accordé leurs versions avant leur première audition, même s'il est établi que LESEE 1______ et LESEE 4______ ont eu des contacts après l'audition de LESEE 4______ par la police le 23 mars 2018 (PV 262ss), ni que les lésés auraient exagéré la situation dans la mesure où ils ont tous indiqué qu'ils considéraient être bien traités, avec dignité et respect, qu'ils avaient de bonnes relations avec la famille B______, que ces derniers étaient gentils et qu'ils étaient reconnaissants d'avoir pu travailler à Genève. Il ne peut pas non plus être retenu qu'ils auraient menti à la police pour obtenir un titre de séjour, dès lors qu'ils ignoraient tout de leurs droits à cet égard à ce moment. A la police, les lésés voulaient obtenir le paiement de leurs salaires qui n'avaient pas été versés pour la période de janvier à mars 2018 et ils ont, ensuite, compris à la police qu'ils n'avaient pas été rémunérés conformément à leurs droits, ce qui ne remet toutefois pas en cause la crédibilité de leurs déclarations. Les lésés n'avaient aucune connaissance des contours du crime de traite d'êtres humains, ni des autres infractions d'ailleurs et ils ne sont en rien responsables des qualifications juridiques envisagées, ni du statut de victime obtenu. Au contraire, LESEE 1______ a expliqué qu'elle allait très mal et se sentait seule dans la période ayant suivi la perquisition du 12 avril 2018 (PV 114).

e.c. Les déclarations des prévenus B______ et de C______ ont été imprécises et souvent en contradiction avec les pièces et les témoignages s'agissant en particulier du nombre d'employés indiens travaillant à Genève en même temps, des tâches qui leur étaient dévolues et sur le fait que ceux-ci travaillaient essentiellement à Genève, plutôt qu'à Monaco, Cannes et ailleurs en Europe.

i) Engagement et durée de l'emploi

a. En 2007, CB______ et EB______ ont déclaré qu'ils avaient alors trois employés indiens à leur service, soit ceux présent sur les lieux (K-100'061 et 100'066), EB______ précisant que l'un d'eux venait d'être amené d'Inde par son épouse, étant relevé que LESEE 1______ travaillait alors également pour eux mais était en vacances en Inde. A la police en 2018, CB______ a exposé qu'il vivait à Monaco et a admis employer du personnel, bien traité et géré par le groupe B______ dont le manager était C______.

EB______ a contesté employer du personnel à ______[GE], les employés présents lors de la perquisition étaient engagés et travaillaient pour ses parents à Monaco, car ces derniers venaient à Genève au maximum 2 à 3 mois par an. Ses parents les recrutaient en Inde. Il ne connaissait pas la plupart des noms d'employés qui lui ont été soumis au Ministère public. Lors de l'audience de jugement, EB______ a indiqué que LESEE 1______ avait été évaluée par les RH et que son épouse avait ensuite donné son accord (PV 57)

b. DB______ a admis en 2018 avoir à son service les trois employés présents lors de la perquisition, lesquels travaillaient pour sa famille depuis de nombreuses années, principalement à Cannes depuis cinq ou six ans, et qui les suivaient entre Monaco, Cannes, ______ [VD] et Genève. Elle avait eu plusieurs autres employés, soit LESE 7______, LESE 8______, LESE 9______, LESE 6______, LESE 2______. Tous ses employés avaient été engagés par son beau-frère en Inde. Ils restaient d'abord en Inde puis étaient rapatriés en Europe. Elle a admis qu'elle-même organisait leurs voyages, sinon sa belle-fille ou son mari (D-40'040). HB______ a expliqué que LESEE 1______ travaillait sous les ordres de sa mère et LESE 5______ sous ceux de sa grand-mère (D 40'137).

c. FB______ a exposé durant l'instruction qu'elle n'employait pas directement des domestiques car elle ne s'occupait pas de leur engagement ni de leur salaire, ses beaux-parents en étant chargés. Les employés étaient gérés par le "Family office" du groupe ou, à Genève, par SOCIETE 4______. Les employés travaillaient au service de ses beaux-parents pour différentes tâches au sein de la maison. A l'audience de jugement, elle a mentionné que, dans la villa de ______[GE], il y avait une femme de ménage qui n'était pas indienne, un chauffeur, LESEE 1______ qui s'occupait des enfants ainsi qu'une autre personne qui la secondait. LESEE 4______ n'était pas son employée. Elle a ensuite expliqué qu'à l'époque, il y avait quatre ou cinq personnes à la maison. Elle a contesté avoir choisi LESEE 1______, elle l'avait seulement rencontrée (PV 72). EB______ a expliqué qu'un employé avait adressé un message vocal à son épouse demandant s'il pouvait être recruté à nouveau par eux ou plutôt employé à nouveau par eux, ce que les victimes de traite d'être humain ne faisaient jamais (PV 55). FB______ a tenté de corriger ces déclarations en indiquant qu'elle avait seulement rencontré cet employé, admettant toutefois qu'il travaillait essentiellement à Genève et à ______[VD], de sorte qu'il avait dû penser, en la contactant, pouvoir convaincre la famille de l'engager à nouveau (PV 72).

d. Dans le procès-verbal du Ministère public du 13 avril 2018, à l'issue d'une garde à vue de plusieurs heures, figurent les déclarations de DB______, EB______ et FB______, assistés par leurs avocats dès la première heure, selon lesquelles ils admettaient que les parties plaignantes avaient essentiellement travaillé pour eux quatre, durant les périodes indiquées par celles-ci, d'avoir violé le CTT-Edom, s'agissant du montant du salaire et de n'avoir acquitté aucune charge sociale, ni obtenu d'autorisation de séjour ou de travail pour ces employés (E-50'008).

e. LESEE 4______ a indiqué avoir été présentée à DB______, puis à CB______ et EB______ à Mumbai en 2008. Elle avait été engagée par DB______ en qualité de domestique à son service exclusif de 8h à 20h tous les jours pour un salaire de INR 7'000.-, correspondant au salaire qu'elle percevait au Koweit, payé tous les trois ou quatre mois, avec une chambre à disposition et la mise à disposition des repas et de l'uniforme. Elle avait donc accepté et effectué une période d'essai de 4 mois dans la villa de la famille B______ à Mumbai pour un salaire de INR 7'000.-, dans un premier temps sans être payée, comme convenu. Sur proposition de DB______, elle avait accepté après ces premiers 4 mois de travailler pour elle en Suisse mais avait demandé un salaire supérieur. DB______ avait accepté de la payer INR 10'000.- par mois. Elle était venue en Suisse en compagnie de DB______ (A 10'002ss). Elle avait travaillé 8 ans pour cette famille soit jusqu'au 6 novembre 2016 (A-10'005). A l'audience de jugement, elle a précisé qu'elle était rentrée en Inde durant l'année 2012 pour le mariage et l'accouchement de sa fille (PV 253).

f. LESEE 1______ a indiqué avoir rencontré FB______ à Mumbai, laquelle l'avait engagée en qualité de nounou pour s'occuper de ses jumelles à naître, après un entretien en mai 1997, pour un salaire de INR 10'000.-, payable tous les 6 mois, ce qui était une grosse somme pour elle (A-11'004). Elle avait quitté l'Inde pour rejoindre la famille B______ en Suisse en novembre 1997 (A-11'003). Elle avait travaillé de novembre 1997 à fin 2008, puis de janvier 2011 à avril 2018. Elle était rentrée fin 2008 en Inde pour le mariage de LB______, la soeur d'EB______, puis elle avait été accusée à tort d'être responsable du départ d'un cuisinier indien. Elle avait de ce fait été punie durant ces deux ans et avait dû attendre que la famille B______ fasse renouveler son passeport avant de pouvoir revenir à Genève en 2011. Entre fin 2008 et début 2011, elle avait travaillé à Mumbai, puis elle était revenue à Genève début 2011 car elle avait besoin d'argent et car la mère de FB______, qu'elle considérait comme sa propre mère, lui avait dit qu'elle pourrait ainsi revoir les enfants de FB______ et d'EB______. Elle ne se souvenait pas avoir supplié la famille B______ de la reprendre à son service (PV 110ss).

g. LESE 5______ a indiqué que son cousin, qui travaillait pour la famille B______ en Inde, lui avait présenté DB______ en 2015, laquelle lui avait fait faire 10 jours d'essai puis lui avait proposé de travailler chez une de ses amies à Mumbai. Il avait travaillé 2 mois et 10 jours comme cuisiner chez celle-ci. DB______ l'avait ensuite engagé pour travailler en Suisse dès le 13 février 2016. Elle lui avait dit qu'il aurait le même salaire que son actuel cuisinier en Suisse et qu'il serait logé et nourri. Il n'avait pas demandé le montant de son salaire avant d'avoir effectué 4 mois de travail en Suisse et avait alors su qu'il était de INR 20'000.- (A-12'002ss). Il avait été engagé pour faire la cuisine, mais, une fois sur place, il avait aussi dû faire le ménage (A-12'004ss). Il avait travaillé du 14 février 2016 au 12 avril 2018.

 

h. LESE 3______ a expliqué qu'en 2007, il avait été embauché à Mumbai par KB______, le beau-frère de DB______ pour un salaire de INR 4'500.-. Après six mois, DB______ lui avait proposé de travailler en Suisse. Cette dernière lui avait dit qu'il toucherait le même salaire que les autres domestiques, sans articuler de montant. Il avait accepté car il avait confiance en la famille. Il avait travaillé 15 ou 16 mois pour cette famille avant de repartir en Inde en vacances pour voir sa famille. La famille B______ à Genève ne l'avait pas réengagé par la suite et il avait donc récupéré son ancienne place à Mumbai pour un salaire de INR 6'000.- jusqu'à ce que DB______ lui propose de revenir travailler en Suisse dès février 2017 et ce pour un salaire de INR 25'000.-. Il était engagé pour s'occuper de diverses tâches ménagères, comme la cuisine, le repassage et le ménage (A-13'002ss). DB______ avait entièrement organisé et financé sa venue en Suisse (A-13'004). Il considérait que DB______ et CB______ étaient ses employeurs (E-50'308). En 2008, LB______ lui avait annoncé à 16h qu'il rentrait en Inde le jour-même à 18h. Il avait été très choqué et très déçu, ignorait s'il devait travailler ou faire ses valises et n'avait même pas eu le temps d'acheter du chocolat à ses enfants. Il était revenu travailler à Genève en 2017 par choix et à la demande de DB______. Il avait alors des problèmes financiers et avait besoin d'argent pour sa famille (PV 94ss). Durant l'instruction, LESE 3______ a indiqué qu'il n'avait pas demandé à travailler à nouveau pour DB______ à Genève, car il aurait voulu aller à Londres, mais il n'était pas sur la liste et comme il manquait un employé à Genève, les membres de la famille B______ avaient parlé entre eux et lui avaient proposé de travailler à Genève (E-50'314). Lors de l'audience de jugement il a indiqué qu'il était prévu qu'il revienne à Genève, et non à Londres ni en France (PV 94ss).

i. Par la voix de son conseil, dans le cadre d'une plainte écrite, LESE 6______ a indiqué qu'il avait trouvé par le biais d'un ami un emploi de cuisinier dans la famille B______ à Mumbai en avril 2017 pour un salaire de INR 25'000.- et qu'à la demande de DB______, il avait été transféré à Genève le 9 mai 2017 pour y travailler pour le même salaire. DB______ avait entièrement organisé son voyage (A-14'003).

j. Sous la même forme, LESE 2______ a indiqué qu'il avait été présenté à la famille B______ en Inde par un ami et "avait reçu la proposition" de travailler en Suisse dans la famille de CB______ (A-16'004). Il y avait travaillé de novembre 2005 au 2 octobre 2010, date à laquelle il était parti travailler à Londres pour la famille de JB______ (A-16'004). Bien qu'il ait été engagé comme cuisinier, il devait aussi aider au ménage, s'occuper du jardin, parfois nettoyer la voiture ou s'occuper du linge (A-16'006).

k. Plusieurs contrats de travail figurent à la procédure.

k.a. Un contrat du 23 avril 2015 au nom de CB______, domicilié à New-Delhi, et LESE 10______, prévoyant que l'employé sera amené à accompagner son employeur lors de voyages durant lesquels il sera payé en conformité du salaire prévu par la législation du pays en équation (art. 6), que ces voyages coûtent d'énormes sommes, de sorte que si l'employé viole l'un des termes du contrat ou quitte son emploi, il devra lui-même ou son garant en Inde, payer INR 100'000.- à son employeur (J4-300'143). Ce contrat a été établi pour obtenir un visa aux USA (J4-300'145ss).

k.b. Un contrat du 24 janvier 2017 (P-4'100ss), rédigé en anglais, au nom de KB______ et LESE 3______, rappelant que ce dernier a déjà travaillé pour la famille B______ au sens large depuis le 30 mai 2008 et prévoyant que l'employeur réside à Genève et à Londres (art. 2), mais que l'employé sera amené à l'accompagner dans divers pays et aura alors droit au salaire dû selon la législation locale (art. 7), que les tâches principales de l'employé sont la cuisine, le service et le ménage mais aussi toute autre tâche assignée par l'employeur ou un membre de sa famille (art. 3), un horaire de travail de 8 heures par jour à raison de 6 jours sur 7 (art. 4), un salaire annuel de INR 240'000.- et qu'en raison de l'énorme coût pour les voyages (visas, avion et autres), une pénalité de INR 100'000.- sera imposée si l'employé quitte son emploi (art. 9). Ce contrat a été établi pour les besoins d'un visa (P-4'098ss). Entendu à ce sujet lors de l'audience de jugement, LESE 3______, bien que reconnaissant sa signature sur le document, a affirmé que c'était KB______ qui avait préparé ce papier pour l'obtention de son visa aux USA. Il ne lisait que le hindi et ne se rappelait pas avoir vu ce document, mais il était lié au visa. En tout cas, on ne lui avait ni expliqué ni traduit son contenu (PV 108-109).

k.c. Un contrat du 6 mars 2009 au nom de DB______, domiciliée à Mumbai, et LESEE 4______ (P-4'104), rappelant que celle-ci est une aide personnelle et domestique pour les membres de l'employeuse et de sa famille depuis janvier 2007 et prévoyant que les tâches principales de l'employée sont l'aide personnelle, incluant la cuisine, le service, la lessive, le repassage et le ménage, mais aussi toute autre tâche assignée parfois par l'employeur ou un membre de sa famille (art. 3), que l'employée sera amenée à accompagner l'employeuse dans divers pays et aura alors droit au salaire du selon la législation locale (art. 5), qu'en raison de l'énorme coût pour les voyages (visas, avion et autres), une pénalité de INR 100'000.- sera imposée à l'employée ou son garant si l'employée quitte son emploi (art. 7). Ce contrat a été établi pour les besoins d'un visa (P-4'101 recto et ss). Devant la police, LESEE 4______ a expliqué qu'à plusieurs reprises, la famille lui avait demandé de signer des documents qu'elle n'avait pas compris, étant illettrée. On ne lui avait jamais expliqué leur contenu (A-10'003).

k.d. Un contrat daté du 1er août 2007 au nom de FB______, domiciliée à Mumbai, et LESEE 1______ (PV 139ss), rappelant qu'il fait suite à un précédent contrat du 20 juillet 2004 et que LESEE 1______ travaille pour la famille depuis février 2001. Il prévoit que les principales tâches de l'employée sont l'aide personnelle et le travail de "nanny", incluant la cuisine, le service, la lessive, le repassage et le ménage, mais aussi toute autre tâche assignée parfois par l'employeur ou un membre de sa famille (art. 2), un salaire de INR 240'000.- par an (art. 4) et la même pénalité que celle prévue dans les autres contrats (art. 7). LESEE 1______ a expliqué que ce document ne lui rappelait rien. Il s'agissait de sa signature mais aucun notaire ne lui avait expliqué le contenu de celui-ci (PV 117).

l. Il est ainsi établi que les divers employés indiens ont été recrutés en Inde par DB______ ou FB______, voire par CB______, en ce sens qu'ils les ont choisis, après un entretien. Les employés ont dans certains cas été recrutés par le "bureau B______" de Mumbai désigné comme les RH en Inde par les prévenus, mais à la demande des prévenus B______. En effet, les RH ne sont en l'espèce et à l'évidence que des exécutants, comme l'a d'ailleurs confirmé C______. Le fait que des contrats aient été conclus entre certains lésés et KB______ n'est pas déterminant, si le recrutement est fait sur ordre de l'un des membres de la famille B______ à Genève.

m. Ces employés ont ensuite été amenés d'Inde en Suisse, voyageant parfois avec DB______ ou FB______. Leur transport était payé par la famille B______ en Suisse, montants débités du compte AP_____ général no 4______ et virés en même temps que leurs salaires, les frais de visa, etc. (J5-300'019, 21; J5-300'295; J5-300'253; C3.4-41'468: clef USB, relevé du compte AP_____ 4______). Des visas Schengen leur étaient octroyés par divers consulats européens à Mumbai, les démarches étant effectuées par les employés du bureau B______ en Inde, à la demande des prévenus B______. Une fois en Suisse, les employés se rendaient à Nice pour obtenir une autorisation de séjour française temporaire valable six mois, sur la base d'attestations signées par des assurances maladie et accident pour des durées en général limitées conclues pour ces employés. Tous ces documents étaient établis dans le seul but d'obtenir les visas et attestations de séjour françaises, preuve en est que les frais médicaux de certains employés n'ont pas été pris en charge par ces assurances.

ii) Horaires de travail et tâches

a. En 2007, DB______ avait indiqué que les employés occupés au ménage et à la cuisine travaillaient de 8h ou 9h à 12h, puis de 17h30 ou 18h00 à 22h30, tandis que les gouvernantes travaillaient le matin de 7h15 à 8h00, soit au départ des enfants pour l'école, puis étaient libres toute la journée, sous réserve du ménage des chambres des enfants, puis s'occupaient de ces derniers de 15h45, soit à la sortie de l'école, jusqu'à 20h00. Elles avaient congé soit le samedi soit le dimanche (K-100'136).

b. Les prévenus B______ ont en substance déclaré durant l'instruction de la présente procédure que les employés indiens travaillaient au maximum 8 heures par jour, avec de longues pauses pour la sieste durant l'après-midi.

c. EB______ a indiqué à la police, en avril 2018, que le ménage était fait par des aspirateurs automatiques et, parfois, quand ils avaient le temps, par les employés de ses parents et des femmes de ménage externes. Il a par contre admis au Ministère public que des repas préparés par un cuisinier indien étaient livrés au bureau lorsque son père était présent à Genève (E-50'209). DB______ a expliqué de lorsque ses employés étaient à Genève, ils "l'aidaient plus qu'ils ne travaillaient" (D-40'040) et avaient en général deux jours de congé par semaine.

FB______ a ajouté que lorsqu'ils étaient à Genève, les employés avaient quatre ou cinq heures de pause l'après-midi et finissaient leur service à 21h30 au plus tard, que les membres de la famille B______ préparaient eux-mêmes leur petit déjeuner et ne déjeunaient pas à la maison, de sorte que seul le repas du soir était préparé par le cuisinier indien.

d. Lors de l'audience de jugement, EB______ et FB______ ont affirmé qu'il était impossible physiquement de travailler de 7h à 23h et qu'il aurait été incohérent de leur part de faire travailler autant la personne qui s'occupait de leurs enfants. FB______ a déclaré qu'il y avait toujours eu du personnel à la maison qui se partageait les tâches, mais que celles-ci étaient insuffisantes pour occuper autant d'employés du matin au soir. LESEE 1______ promenait le chien et passait du temps avec leurs enfants, ce qui était un plaisir (PV 51ss et PV 70ss).

EB______ a contesté être l'employeur des employés indiens. Ceux-ci étaient dans la maison et y travaillaient, mais pas pour lui. L'employeur ressortait des contrats écrits (PV 54ss). A la question de savoir qui s'occupait de son ménage, sa lessive, son repassage, ses repas, ses rangements, il a mentionné des femmes de ménage locales et, pour le surplus, ignorer qui faisait quoi, concédant que le repas étaient préparés par un cuisinier indien et qu'une femme indienne s'occupait de ses enfants. Il avait dû mal s'exprimer en 2007, car c'était "la maison" qui avait trois employés (PV 56-57).

EB______ a signé, en qualité d'employeur, le 25 avril 2017, une demande de visa pour un employé au service de la famille B______ depuis août 2005 et devant travailler à Londres (E-50'234ss).

FB______ a déclaré qu'il y avait toujours quelqu'un à la maison et que les tâches étaient partagées avec une femme de ménage employée à plein temps et une autre engagée à l'heure. Elle a néanmoins admis avoir fait travailler LESEE 1______ et d'autres nounous(PV 71 et 73).

e. LESEE 4______ a indiqué qu'elle travaillait tous les jours de 8h00 à 23h00, voire plus tard si la famille organisait des réceptions (A 10'003, E1-50'044). Elle avait beaucoup plus de travail que lorsqu'elle travaillait pour DB______ à Mumbai. Lorsque la famille s'absentait, les employés avaient des tâches spécifiques à effectuer, notamment des nettoyages de fond (E1-50'050). Confrontée aux photographies prises dans le jardin de la villa, elle a indiqué les avoir faites à une occasion avec LESEE 1______ après s'être "habillées" car cela leur faisait plaisir, mais elles ne le faisaient qu'en l'absence de la famille B______ (E1-50'069). Ses horaires de travail à Genève ne correspondaient pas à ce qui avait été discuté, car elle travaillait jusque tard le soir. Elle était néanmoins revenue travailler en 2013 en connaissance de cause car elle avait besoin d'argent et n'avait pas cherché un autre travail car elle était restée en contact avec DB______ (PV 252).

f. LESEE 1______ a déclaré qu'elle travaillait au début de 7h00-7h30 à 23h30 tous les jours et devait se lever à 3h30 pour donner un biberon aux bébés (A-11'003). Dans un premier temps, alors que les autres membres de la famille s'occupaient aussi des deux bébés, ses conditions de travail étaient assez bonnes, car elle était jeune et c'était un plaisir de s'occuper de bébés (A 11'003). Quelques autres nounous avaient été engagées pour d'occuper du 3ème enfant du couple, mais ne restaient guère plus de 6 mois. Dès 2005, elle s'occupait seule des trois enfants du couple, même leur mère ne s'en occupait plus. Elle travaillait alors de 7h00 à 23h. Elle faisait leurs repas, les lessives, le repassage, le ménage de leurs chambres. Chaque soir il fallait préparer les repas comme s'il s'agissait d'un gala. Les enfants devaient être douchés ou baignés deux fois par jour, ils se changeaient autant de fois et de nouveaux draps devaient parer leurs lits deux fois par semaine. C'était un travail énorme et les conditions de travail étaient devenues vraiment difficiles (A-11'005ss). Il y avait une autre nurse qui travaillait avec elle en 2004 -2005 soit K______ (E1-50'019). Confrontée à des photographies prises dans le jardin de la villa, elle a indiqué que c'était en août, la famille B______ était absente et les employés étaient tranquilles et relax (E1-50'031 et E-50'025ss). Ses horaires de travail n'avaient pas été discutés en 1997, elle devait simplement tout faire pour les enfants, mais c'était en ordre, car une autre nounou et FB______ étaient aussi présentes. Elle s'attendait certes à travailler 7 heures par jour mais ses horaires étaient plus étendus. Les heures de travail avaient ensuite augmenté après 2008 et elle n'avait pas discuté de ses horaires de travail avant de revenir en 2011 (PV 111ss).

g. LESE 5______ a indiqué qu'il travaillait de 6h30 à minuit tous les jours (A-12'004). Il a détaillé ses activités durant une journée ordinaire avec précision. A 6h30, il préparait le petit-déjeuner pour l'enfant de 16 ans qui allait à l'école, soit HB______, ainsi que son repas de midi à l'emporter. A 7h30, il préparait les fruits pour toute la famille ainsi que le repas de midi pour la famille et les visiteurs du bureau en ville. A 11h00, il faisait partir les "lunch box" pour le bureau. Il prenait un repas à 11h30. A 12h30, deux des enfants de LB______ venaient manger à la maison, à raison de 2 à 4 fois par semaine (E1-50'093) et à 13h00 il préparait le repas pour DB______. Lui mangeait vers 14h00 avec les autres employés. Dans l'après-midi, il faisait du nettoyage et en fin d'après-midi préparait le thé et commençait à préparer le diner, les enfants mangeant vers 18h00 et le reste de la famille vers 20h00. Lui mangeait vers 23h00 et, le temps de tout ranger, il était en général minuit. Une à deux fois par mois, il préparait aussi le repas du soir pour la famille de LB______ que celle-ci venait chercher ou qui lui était livré par un des chauffeurs (E1-50'082). Il devait aussi préparer le repas lors de réceptions avec 80 à 120 invités parfois. Des "extras", soit du personnel supplémentaire, étaient alors engagés pour aider au service (E1-50'086ss).

Il a indiqué que son travail était le même lorsqu'il accompagnait DB______ et CB______ à Cannes ou Monaco (A 12'005 et 06). Il ne pensait pas devoir travailler autant avant sa prise d'emploi (A-12'004 et 5).

h. LESE 3______ a déclaré qu'il travaillait de 8h00 à 14h00 et de 15h00 ou 15h30 à 23h00 voire 23h30 tous les jours, la famille pouvant disposer de lui quand elle le désirait même en dehors de ces horaires (A-13'003). Ses tâches étaient les mêmes quand il accompagnait la famille en déplacement (A-13'005). Il a détaillé ses journées de travail au service de CB______ et de DB______. Il amenait à CB______ une boisson chaude, préparait ses médicaments, puis nettoyait son lieu de prière, et y amenait des fleurs. Il amenait de l'eau chaude et ses médicaments à DB______. Il montait de la cuisine le petit-déjeuner pour certains membres de la famille, puis débarrassait la table et la dressait à nouveau pour les suivants, rangeait la chambre de CB______, changeait ses draps, repassait ses vêtements, lui coupait des fruits. Lorsque CB______ partait au travail vers 10h30 ou 11h00, il prenait son propre petit-déjeuner. Ensuite, il faisait la lessive et le ménage d'une partie de la maison, servait parfois le repas des enfants de LB______, qui venaient 4 fois par semaine, puis celui de DB______. Il mangeait puis se reposait ensuite durant environ 1 heure. Il amenait du thé à DB______ après la sieste de celle-ci, puis rangeait sa chambre, son lit, ramassait ses habits, faisait sa lessive, repassait et rangeait le linge de CB______ et de DB______, puis il remettait la table pour le soir et servait EB______ et FB______ et leur fils. Au retour de CB______ vers 20h00, il rangeait la mallette de celui-ci et ce que ce dernier laissait trainer dans sa chambre, il lui préparait de l'eau chaude pour la nuit, lui servait son repas vers 22h00, détaillant les plats préparés et servis (E1-50'158). Pendant que CB______ mangeait, il rangeait la chambre et la salle de bain de ce dernier. Les employés fermaient chaque soir les 20 stores de la maison et parfois l'après-midi pour protéger les tapis du soleil. Ils sortaient les poubelles à deux le soir (E1-50'151ss). Quand un membre de la famille partait tôt le matin ou rentrait tard, il devait être là, en uniforme et il éteignait ensuite toutes les lumières sur leur passage (E1-50'163). Lorsqu'il servait DB______ lors de ses séjours en Inde, il travaillait tout autant (E-50'311). Il a confirmé ses horaires lors de l'audience de jugement et précisé qu'il avait aussi beaucoup de travail à Cannes (PV 94 et 105), mais plus de travail à Genève qu'à Cannes (PV 108).

i. LESE 6______ a indiqué qu'il travaillait de 6h00 à 24h00 tous les jours avec 1h30 de pause, et que sa charge et ses horaires étaient les mêmes en l'absence des membres de la famille B______ (A-14'004).

j. LESE 2______ a indiqué qu'il travaillait de 6h00 à 24h00 tous les jours avec 1h30 de pause. Le petit déjeuner d'EB______ et FB______ et de leurs trois enfants devait être prêt à 7h00, puis le reste de la famille déjeunait. Il préparait ensuite le repas de midi, qui était habituellement livré à CB______ et EB______ au bureau. Il servait ensuite les repas aux femmes et aux enfants, puis nettoyait la cuisine et prenait une pause de 15h00 à 16h00. Il préparait ensuite le repas du soir, servi vers 19h30 aux enfants et plus tard aux autres membres de la famille. Il nettoyait ensuite, dinait vers 22h30, vidait les poubelles et se couchait à minuit. Quand la famille avait des invités, que ce soit à midi au bureau ou le soir à la maison, il avait encore plus de travail (A-16'004 à 16'006).

k. Les déclarations des employés sont corroborées par celles du 17 janvier 2007 de LESE 2______, qui avait alors déjà indiqué travailler 7 jours sur 7 (K-100'093) et de LESE 16______, qui a déclaré travailler de 8h du matin à "point d'heure" (K-100'080). Au surplus, ces horaires sont confirmés par R______ (cf. point b.g.b ci-dessus), par W______ (cf. point b.g.c ci-dessus) et par M______ selon lequel ils travaillaient déjà à son arrivée le matin et travaillaient toute la journée, seuls les hommes ayant une pause pour faire la sieste (E-50'115). N______ a indiqué que les enfants de LB______ venaient manger une à deux fois par semaine à ______[GE] et qu'il leur amenait un repas chez eux deux à trois fois par semaine (E-50'128).

l. Lors de la perquisition d'avril 2018, une liste de tâches à effectuer par LESEE 1______ et O______, LESE 6______ et LESEE 1______, LESE 5______ ainsi que M______ était placardée sur la porte du frigo (E-50'039). LESE 5______ a précisé que c'était celle des tâches à faire durant les vacances de Pâques 2018 et que FB______ préparait cette liste et vérifiait à son retour que tout soit fait. Elle faisait en sorte qu'il y ait toujours à faire (E1-50'084). LESE 3______ a ajouté que les employés s'entraidaient pour les tâches à effectuer en l'absence de la famille B______, le nettoyage des pierres blanches du jardin étaient un travail ardu (E1-50'147). Cette liste était établie par FB______ et il avait quant à lui encore d'autre tâches à effectuer sur ordre donné oralement par DB______, notamment le nettoyage à fond de sa chambre pour lequel il se faisait aider par ses collègues car il ne pouvait pas déplacer seul les meubles (E1-50'162). LESEE 4______ a indiqué que, lorsque la famille B______ partait, elle laissait une liste de tâches à effectuer, notamment du nettoyage et du rangement et qu'il y avait beaucoup à faire (E1-50'050). FB______ a confirmé que la liste retrouvée sur le frigo détaillait les tâches à effectuer, qui représentait selon elle trois jours de travail, alors qu'elle était absente durant trois semaines et demi. Elle ne laissait pas une telle liste à chacun de ses déplacements, mais demandait effectivement à ses employés de faire le nettoyage à fond de la maison en principe une fois par année (PV 70ss).

m. Les déclarations des lésés à propos de leurs horaires ont été constantes, cohérentes entre elles et très détaillées sans que l'on puisse retenir qu'ils se seraient concertées avant leur première audition. Elles sont confirmées par les déclarations des autres employés et des témoins. Les arguments de la défense n'emportent pas conviction. D'une part, il est tout à fait possible pour des employés de maison de travailler du matin au soir, étant précisé que promener un chien et jouer avec des enfants faisait partie de leurs tâches domestiques, même si cette activité leur plaisait. D'autre part, vu le mode de vie, les exigences de la famille B______, la taille de la villa et le nombre de tâches à effectuer, la femme de ménage extérieure ne pouvait pas et ne faisait pas l'ensemble du ménage eu égard aux déclarations concordantes des lésés à cet égard. En d'autres termes, le volume du travail domestique occupait non seulement une femme de ménage mais aussi quatre à cinq employés indiens, dont le travail continuait jusqu'au soir. Compte tenu par ailleurs du système d'emploi mis en place par la famille B______ depuis toujours, il doit être retenu comme établi que tous les lésés travaillaient à des horaires similaires que ceux décrits par les plaignants entendus.

n. Il est ainsi établi que les employés indiens travaillaient entre 12h et 18h par jour, sauf lorsque les quatre membres de la famille B______ étaient tous absents, en vacances ou en voyage. Lors de ces périodes-là, les employés avaient des tâches spécifiques à effectuer. Si le nombre d'heures de travail affecté aux nettoyages de fond par exemple n'est pas déterminé, ils devaient rester à la villa pour assurer la sécurité, ils n'étaient pas libérés de leur emploi et n'étaient pas en vacances, de sorte qu'ils travaillaient comme des domestiques. Toutefois, il n'est pas établi que, lors de ces périodes, ils effectuaient des heures supplémentaires ni que tous les employés travaillaient le dimanche. Les déclarations d'EB______ et FB______ lors de l'audience de jugement ne sont pas convaincantes. Si une femme de ménage résidant à Genève s'occupait en effet du nettoyage des pièces communes selon les déclarations concordantes de tous les lésés, c'est LESEE 1______ qui faisait le ménage de leur chambre, leur lessive et leur repassage tandis que des cuisiniers indiens préparaient leurs repas. Aussi, les quatre prévenus B______ avaient du personnel indien travaillant à leur service depuis à tous le moins 1997.

iii) Sorties et contacts

a.a. DB______ a déclaré que ses employés sortaient quand ils le souhaitaient, pour se promener dans les parcs ou aller en ville. Ils avaient des amis à Genève, mais moins qu'à Cannes (D-40'042).

a.b. HB______ a déclaré que LESEE 1______ sortait parfois pour se promener en ville, mais uniquement durant les vacances scolaires alors qu'il n'était pas à Genève. Elle sortait parfois deux jours de suite, mais les divers employés ne pouvaient pas tous sortir en même temps en l'absence de la famille B______ car ils devaient sécuriser la maison. Quand la famille B______ était à Genève, LESEE 1______ ne sortait pas car elle devait s'occuper de ses membres (D-40'137). A sa connaissance, LESE 5______ n'était sorti qu'une seule fois, en 2016, avec toute la famille pour les fêtes de Genève, mais il ignorait si celui-ci avait l'autorisation de sa grand-mère de sortir quand la famille était absente. Il n'avait jamais vu LESE 3______ sortir (D-40'137ss).

a.c. EB______ a déclaré qu'il travaillait du matin au soir, de sorte qu'il ne savait pas ce qui se passait à la maison (PV 60). FB______ a indiqué que LESEE 1______ n'avait jamais été empêchée de sortir, car elle était libre de faire ce qu'elle voulait, mais elle ignorait à quelle fréquence elle était effectivement sortie. Les activités favorites de LESEE 1______ le soir était d'être avec les jumelles. Avec celles-ci, elle écoutait de la musique, regardait des séries Bollywood, faisait des tresses aux filles et les écoutait parler de leurs petits-amis (PV 82).

a.d. C______ a expliqué lors de l'audience de jugement que lorsqu'il se rendait à la villa en l'absence de la famille B______, les employés indiens étaient dans le salon devant le poste de télévision, parfois alcoolisés (PV 92).

b. LESEE 4______ a déclaré à la police qu'elle-même et les autres employés n'étaient pas libres de leurs mouvements, car DB______ leur avait dit que s'ils sortaient, ils pouvaient se faire attraper par la police et avoir des problèmes, ce dont elle n'avait pas été avertie en Inde. Elle faisait confiance à DB______ car celle-ci "savait". Quand la famille B______ s'absentait, les employés restaient aussi principalement dans la villa (A-10'004). Sur question fermée de son conseil, elle a indiqué qu'elle n'avait pas le droit de sortir quand la famille B______ était présente, mais qu'elle sortait parfois en cachette (E1-50'053). A l'audience de jugement, elle a expliqué que tel n'était pas le cas. Référence faite à la photographie devant le jet d'eau, si LESEE 1______ avait dit que, ce jour-là, "Madame" leur avait donné congé, c'était parce qu'elle avait peur car elle travaillait encore pour eux (E1-50'057). Les photos produites concernaient toutes des sorties avec LESEE 1______ en l'absence de la famille, mais elles sortaient au maximum durant 1h30 (E1-50'071). Lors de l'audience de jugement, elle a confirmé qu'elle sortait environ deux fois par an pour se promener au bord du lac en l'absence des membres de la famille B______, mais également sur proposition de FB______ alors que celle-ci était présente (PV 253).

Elle ne s'était pas rendue à la police à son départ en novembre 2016 car elle en avait peur. Les avertissements de la famille B______, lui disant que si elle sortait de la villa, la police pourrait l'attraper, lui étaient restés en mémoire (E1-50'042). DB______ lui avait donné un téléphone en 2013. Elle avait accès au Wifi, utilisait WhatsApp, Facebook et YouTube, mais plus Facebook depuis son départ de la villa car elle ne savait pas employer cela sans l'aide de O______ (E1-50'064).

c. LESEE 1______ a indiqué qu'elle faisait l'objet de règles de conduite très strictes. DB______ lui déconseillait de parler à d'autres personnes que la famille B______ et leurs employés. Elle n'avait pas le droit de sortir de la villa sauf pour promener le chien ou pour de rares congés. Probablement pour s'assurer qu'il ne lui vienne pas à l'esprit de s'enfuir, DB______ la menaçait de problèmes avec la police si elle venait à transgresser les règles visant à ne pas parler à des tiers ou à sortir (A-11'009). Au début, elle avait des contacts avec sa famille toutes les deux semaines car les cartes prépayées coûtaient cher, mais, depuis qu'elle avait le wifi, tous les deux jours (E1-50'016). Elle sortait durant deux ou trois heures le matin, tous les deux ou trois mois au maximum quand FB______ le lui proposait ou le permettait, outre les sorties quotidiennes pour promener le chien (E1-50'008 et 11). Confrontée aux photographies de son profil Facebook, elle a admis qu'elle sortait parfois en compagnie de LESEE 4______, lorsque "Madame" leur avait donné congé (E1-50'029). Lors des périodes estivales, elle avait deux à trois heures de congé par mois et se rendait alors par exemple au Jardin anglais. Elle ne pouvait rien faire d'autre, car le billet de bus à lui seul coûtait CHF 8.- (A-11'010). Elle n'avait eu aucun contact en Suisse durant 20 ans, sauf avec la famille B______ et ses employés (A-11'014). Elle parlait hindi et divers dialectes indiens ainsi que l'anglais. Elle n'utilisait que WhatsApp et ne savait pas utiliser Facebook, sauf pour le consulter (E1-50'028). A l'audience de jugement, elle a en substance confirmé ses déclarations concernant ses sorties.

A la question de savoir quels loisirs elle avait, elle a répondu "quoi, les loisirs, comme le travail", puis expliqué qu'elle promenait le chien et jouait avec les enfants (PV 116).

d. LESE 5______ a indiqué qu'il n'avait pas d'interdiction de sortir. DB______ l'avait parfois autorisé à sortir à sa demande sans lui donner de consigne, mais il avait tellement de travail qu'il était sorti seulement une fois tous les deux ou trois mois depuis son arrivée (A-12'007). Tous les employés pouvaient sortir environ 3 heures tous les deux mois, si DB______ ou FB______ le décidaient ou l'acceptaient, mais tous les employés étaient sous la pression du travail à faire et sous la crainte de se faire attraper par la police, risque qui leur était rappelé par les précitées à chaque sortie (C1-50'101).

e. LESE 3______ a déclaré qu'au début, en 2009, il était autorisé à sortir une ou deux heures mais ce qui n'était plus le cas par la suite, de sorte qu'il ne sortait jamais et n'avait aucun contact avec l'extérieur, ni visite à la villa, ni ami à l'extérieur. Il avait pu aller au bord du lac quand il avait tout rangé et s'il n'y avait personne à la maison. Sinon, sans l'autorisation de la famille B______, les employés ne pouvaient aller nulle part. Il n'avait quant à lui demandé à une seule reprise à sortir car il y avait trop de travail. Il était néanmoins allé quelques fois au bord du lac pour se promener, parfois en étant véhiculé par le chauffeur. Il savait en restant en contact sur Facebook avec eux que certains employés s'étaient "évadés" (A-13'005, E1-50'192), précisant lors de l'audience de jugement que LESE 20______ avait quitté la villa entre 2007 et 2009. A l'audience de jugement, il a indiqué qu'il téléphonait régulièrement à sa famille depuis son retour en 2017 mais pas tous les jours car sa famille en Inde ne disposait pas d'une connexion internet et que cela coûtait cher. Il a précisé qu'il était sorti à une reprise lors de ses deux périodes de travail à Genève, pour faire un tour d'environ 2 heures (PV 94ss).

f. LESE 6______ a déclaré qu'il avait eu l'autorisation de se rendre en ville à une reprise pour se couper les cheveux et qu'il avait ensuite retrouvé LESE 5______ (A-14'005).

g. LESE 2______ a indiqué que la famille B______ lui rappelait régulièrement que s'il sortait et faisait quelque chose de faux, la police l'arrêterait, menace qu'il avait prise très au sérieux. Il n'avait quoi qu'il en soit pas le temps de sortir de la maison en raison de la masse de travail. A quelques reprises, lorsque la famille était absente, il avait demandé et obtenu la permission de sortir et d'aller à pied au bord du lac (A-16'007).

h. M______ a indiqué avoir emmené en ville LESE 6______ et LESE 5______ à leur demande pour un peu plus de deux heures, à une reprise pour chacun d'entre eux (E-50'117). N______ a déclaré avoir emmené LESE 5______ et LESE 3______ en ville, ensemble, pour se faire couper les cheveux à trois ou quatre, plus vraisemblablement deux reprises, et LESEE 1______ à une reprise vers l'Horloge fleurie. Les employés indiens étaient "complètement libres de leurs gestes à la maison". Lorsque les membres de la famille B______ était absents, les employés indiens étaient libres de sortir (E-50'125ss), étant relevé que les déclarations de ce chauffeur, demeuré au service de la famille B______ durant toute l'instruction, contrairement à M______, licencié après son audition à la police, sont sujettes à caution.

i. Les photographies retrouvées sur le profil Facebook des employés ou prises par ces derniers avec leur téléphone les montrent à quelques reprises au bord du lac ou de l'Horloge fleurie, dans un centre commercial, en général durant des vacances scolaires, ou alors dans la villa de ______[GE], dans le jardin de celle-ci, dans la villa de Cannes ou à ______ (E-50'021ss; E-50'040ss; E-50'072ss; PV 123ss; PV 143ss). Questionnés sur les raisons pour lesquelles ils prenaient des photographies, les employés entendus ont en substance répondu que c'était parce qu'ils en avaient envie, qu'ils avaient l'occasion en l'absence de la famille B______ de se prendre en photo bien habillés ou que c'était un joli endroit. LESEE 1______ a expliqué les circonstances dans lesquelles ces photographies avaient été prises (PV 112 et 119). L'analyse du téléphone de LESEE 1______ indique qu'elle avait fréquemment des contacts avec sa famille, en particulier AU_____, sa nièce (PV 113). Par contre, les très nombreux messages d'un dénommé AV_____, dans plusieurs langues, auxquels LESEE 1______ n'a pas répondu, semblent indiquer qu'il s'agirait de messages publicitaires (PV 119, 178 à 214).

j. Sur la base de ces déclarations concordantes et des photographies au dossier, il est établi que les employés indiens sortaient parfois de la villa pour quelques heures, se rendant au bord du lac ou dans des centres commerciaux, que ce soit en l'absence de la famille B______ ou avec la permission de FB______, mais assez rarement, car ils avaient trop de travail ou craignaient d'être arrêtés par la police. Outre ces brèves et rares sorties, les quelques photographies prises et les contacts téléphonique avec leurs familles, les employés indiens n'avaient aucun contact avec l'extérieur de la villa, mais seulement avec leurs collègues et les membres de la famille B______ outre qu'ils travaillaient du matin au soir.

iv) Soins et frais médicaux

a. LESEE 1______ a indiqué qu'en 2012, elle avait des douleurs au genou et au dos en raison de l'immense charge de travail qui lui incombait. FB______ l'avait fait consulter un physiothérapeute à Genève à deux ou trois reprises, puis un médecin, mais sans amélioration. Une opération du genou s'imposait mais elle n'avait pas eu lieu, FB______ ayant décidé d'attendre son retour en Inde. Elle avait reçu des anti-douleurs et avait été autorisée à utiliser l'ascenseur, mais son activité n'avait pas été diminuée, sauf d'être exemptée de la promenade du chien. En décembre 2012, elle avait été opérée à l'AW_____ en Inde, avait bénéficié d'un congé sans solde d'un mois durant lequel elle avait pu loger dans la maison de la famille B______ à Mumbai, puis avait eu besoin de 5 mois de rééducation et de repos, sans salaire. FB______ avait refusé de prendre en charge ses frais médicaux, en estimant avoir bien assez fait pour elle.

Le total des frais médicaux de INR 80'000.- avait été réglé par la famille B______ avec les salaires qu'elle aurait dû lui verser (A-11'008). Après 6 mois de repos et de rééducation, elle avait pu et dû reprendre son activité au sein de la famille car elle avait besoin d'argent pour aider sa sœur (A-11'008ss). Lors de l'audience de jugement, elle a précisé que, durant sa convalescence, son salaire avait été payé mais que, dans la mesure où les frais médicaux avaient été déduits de celui-ci, elle n'avait rien reçu (PV 112).

Une facture de CHF 280.- pour un IRM du genou pratiquée à Genève a été acquittée le 11 juin 2014 par l'entremise de SOCIETE 2a______ (J5-300'074).

b. Il ressort des pièces que les frais médicaux des employés indiens n'étaient pas entièrement pris en charge ni par la famille B______ ou l'une de leurs sociétés ni par les assurance-maladie/accident conclues, en particulier s'agissant de LESE 14______, pour lequel C______ a essayé de négocier le montant de la facture, dont la famille B______ n'a payé que la moitié (J5-300'242ss). Ce dernier a pourtant affirmé que la facture avait été réglée en totalité (E-50'319), puis qu'il ne savait pas si seule la moitié avait été acquittée, ni pour quel motif ces frais n'avaient pas été pris en charge par une assurance (PV 89-90).

v) Salaire et prestations en nature

a.a. DB______ a indiqué que ses employés étaient payés entre INR 40'000.- et 60'000.- par mois, avec un 13ème salaire en bonus, mais que l'ensemble de leurs dépenses était prise en charge en sus par la famille B______. Elle leur donnait par ailleurs au minimum CHF 20.- quand ils sortaient. Si les employés étaient gentils, elle leur donnait ce qu'ils voulaient et son mari avait d'ailleurs acheté pour chaque employé une montre à Cannes en avril 2018. Ils avaient de plus donné INR 300'000.- à LESEE 1______ pour la construction de sa maison en Inde (D-40'038 et 41) et CHF 1'000.- à LESEE 4______ à son départ en 2016 pour l'achat d'un ordinateur alors que cette dernière leur avait volé en tout cas EUR 5'000.- (D-40'043), sans pour autant justifier ses dires par pièces.

a.b. Lors de l'audience de jugement, EB______ a expliqué que la majeure partie du salaire des employés était versé en nature. Il a affirmé ignorer le montant des salaires payés en espèces, même après avoir été confronté à des ordres de paiement signés par ses soins, mais a confirmé que de l'argent de poche de l'ordre de 30% à 50% du salaire en espèces était versé en Suisse (PV 59). Son épouse donnait des instructions aux RH pour les augmentations de salaire de LESEE 1______ (PV 54ss).

a.c. FB______ a expliqué que lorsque LESEE 1______ lui demandait une augmentation de salaire, elle ne faisait que "relayer le message" aux RH et faisait une recommandation, mais ces derniers ne refusaient jamais. Toutefois, LESEE 1______ ne manquait de rien. S'agissant du montant des salaires des employés indiens, elle était très jeune lorsqu'elle était arrivée à Genève et était entrée dans un système déjà établi. Elle regrettait cependant de ne pas avoir regardé tout cela de plus près (PV 75ss).

Confrontée au fait que LESEE 1______ s'adressait à elle pour obtenir une augmentation de salaire, elle a admis qu'elle avait donc "une idée" du montant de celui-ci (PV 78).

a.d. C______ a contesté avoir donné des ordres de paiement pour les salaires des employés indiens et affirmé qu'il en ignorait le montant, malgré les pièces soumises. Il exécutait les ordres reçus et n'intervenait que pour les salaires des employés indiens travaillant à Genève (PV 87-89). Il a ensuite ajouté que s'il connaissait le salaire mensuel versé depuis la Suisse, il était possible que d'autres montants soient versés en Inde, même s'il ne disposait d'aucun élément l'indiquant (PV 90).

b. LESEE 4______ a déclaré qu'elle avait dit à DB______ que le salaire de INR  7'000.- était insuffisant, de sorte que celle-ci lui avait proposé un salaire de INR  10'000.- ce qu'elle avait accepté. Elle avait beaucoup plus de travail qu'en Inde (A 10'003). Elle a expliqué qu'après son arrivée en Suisse, elle avait dû insister auprès de DB______ pour obtenir après trois mois le paiement de son salaire, lequel avait été payé en même temps que le salaire afférent aux quatre mois d'essai en Inde. Elle avait ensuite obtenu d'être payée tous les deux mois (A-10'004). Chaque année, DB______ déduisait INR 2'000.- ou 3'000.- de son salaire pour l'uniforme (A-10'004). Au Ministère public, elle a indiqué qu'elle achetait elle-même ses habits et que le prix de l'uniforme était parfois déduit de son salaire mais pas toujours (E1-50'047). Elle n'était pas payée durant les vacances (E1-50'048) et elle devait acheter ses cartes de téléphone prépayées avec les pourboires reçus, jusqu'à l'arrivée du wifi en 2015 (E1-50'054). A l'audience de jugement, elle a indiqué être payée durant ses vacances et que l'uniforme n'était pas déduit de son salaire (PV 253ss).

c. LESEE 1______ a expliqué qu'elle avait accepté le salaire de INR 10'000.- initialement proposé car c'était une grosse somme pour elle et qu'elle avait régulièrement demandé et obtenu des augmentations de salaire, lequel avait été fixé à INR 12'000.- fin 1999, INR  15'000.- en 2006, INR 20'000.- à une date indéterminée, INR 25'000.- en 2011, INR  30'000.- en 2014 et INR 35'000 en 2016 (A 11'003; PV 110). Elle était payée durant ses vacances mais n'avait pas reçu de salaire durant ses 6 mois d'incapacité de travail et ses 4 mois d'absence en 2017 (E1-50'004). O______, la femme de ménage mongole, lui avait dit que les autres employés venant de l'extérieur avaient des salaires beaucoup plus élevés (E1-50'008). Son salaire en Inde avant de venir en Suisse s'élevait à INR 2'000.-. La famille B______ lui avait proposé un salaire de INR 7'000.- mais elle avait négocié avec l'aide d'un tiers un salaire de INR 10'000.- (PV 115).

Les pièces (F-63'023 et 24) contiennent des informations qui ne permettent pas de déterminer précisément les dates des augmentations de salaire de LESEE 1______, dans la mesure où celui-ci était parfois versé avec beaucoup de retard. Il était de INR 15'000.- en 2004 et jusqu'au 31 janvier, voire au 31 mars 2006, puis de INR 20'000.- de février 2006 (K-100'317) ou avril 2006 et jusqu'en février 2008 (J5-300'374 et J5-300'350), voire au 31 décembre 2008 (J5-300'350).

Il a été fixé à INR 25'000.- dès août 2008 (J5-300'374) ou janvier 2009 (J5-300'350) et de janvier à octobre 2011 (J5-300'348). Ce salaire était de INR 30'000.- en 2014 (J5-300'013; J5-300'015).

Selon LESEE 1______, son salaire était versé tous les six mois de 1997 à 2014 (A-11'012) et tous les trois mois dès 2014, à sa demande (A-11'009). La famille B______ lui mettait à disposition un uniforme, des vêtements et chaussures, des produits de toilette et des médicaments comme du Dafalgan© (A-11'013). Au Ministère public, elle a précisé qu'elle achetait elle-même ses habits (E1-50'036). Elle avait reçu un téléphone portable en 2005 avec une carte prépayée qu'elle devait recharger à ses frais, puis en 2014, elle avait elle-même acheté un Samsung (A-11'013). La famille B______ lui avait prêté de l'argent pour acheter une maison, prêt remboursé en 2005 (E1-50'008).

d. LESE 5______ a expliqué qu'avant son emploi pour la famille B______, il travaillait au Kenya pour un salaire de INR 30'000.- par mois (E1-50'115). Lorsque DB______ lui avait annoncé, après quatre mois de travail, un salaire de INR 20'000.-, il lui avait dit que c'était insuffisant et elle avait accepté de l'augmenter à INR 25'000.- versés chaque 2 mois sur un compte en Inde. Il avait obtenu des augmentations de temps en temps, son salaire s'élevant en dernier lieu à INR 35'000.- dès décembre 2017. Il a indiqué qu'il devait réclamer son salaire pour être payé (A-12'006). Il avait acheté lui-même son téléphone avant de venir en Suisse. La famille B______ avait refusé de lui donner de l'argent pour le recharger, en particulier CB______ (E1-50'099) mais il recevait parfois des pourboires des invités et se débrouillait donc pour le recharger. DB______ lui avait fourni des habits, y compris de travail. Elle payait ses frais de voyage en Inde et ne déduisait aucun de ces frais de son salaire (A-12'006). Il avait dû insister pour aller chez le coiffeur et y avait été emmené à une reprise par le chauffeur, la coupe ayant été payée par la famille B______ (C1-50'100).

e. LESE 3______ a indiqué qu'il gagnait INR 4'500.- chez KB______ en Inde en 2007. DB______ l'avait engagé pour travailler en Suisse sans lui communiquer le montant de son salaire qui devait être le même que celui des autres employés. Il avait perçu un salaire de INR 11'000.- puis INR 13'000.-. Entre 2010 et 2016, il avait à nouveau travaillé pour KB______ à Mumbai pour un salaire de INR 6'000.-. A son retour à Genève en février 2017, DB______ lui avait proposé un salaire de INR 25'000.- Sur conseil de LESE 10______, il avait réclamé INR 30'000.- après 4 mois et avait obtenu ce montant dès mai 2017 (A-13'003ss, E1-50'180). Le montant du salaire initial en 2017 et la périodicité du versement ressortent de pièces "Rs 25'000.-, payment for 2 months and 10 days RS 50'000.- + 8'333.-" (J4-300'309) ; INR 58'300 en avril, INR 90'000.- en juillet et INR 120'000 en novembre (E-50'071). Lorsqu'il réclamait son salaire à DB______, celle-ci disait qu'elle allait demander à X______ de faire le nécessaire (E1-50'168). Il avait été payé dès le premier jour de travail (A-13'004). Il lui arrivait de demander et d'obtenir des petites sommes pour recharger son téléphone et DB______ lui donnait alors CHF 10.-.

Il recevait aussi des pourboires des invités (A-13'004). Ses vêtements, déplacements, repas étaient entièrement pris en charge par la famille et n'étaient pas déduits de son salaire (A-13'005). Il avait souvent demandé à aller chez le coiffeur, mais y était allé seulement à deux reprises (E1-50'196).

f. LESE 6______ a indiqué que son salaire fixé à INR 25'000.- dès mai 2017 n'avait jamais été augmenté et ne lui avait pas été payé jusqu'en août 2017 malgré ses demandes répétées. Il avait ainsi perçu INR 100'000.- en août 2017 pour les mois de mai à août 2017, puis INR 100'000.- en décembre 2017 pour les mois de septembre à décembre 2017, qu'il avait dû réclamer. Il n'avait plus été payé ensuite et malgré sa demande, DB______ avait refusé de lui verser son salaire de janvier à mars 2018 avant son départ en vacances en Inde, lui disant qu'il serait payé à son retour en Suisse (A-14'004ss).

Il avait reçu à une reprise CHF 20.- pour aller se faire couper les cheveux et un pourboire de CHF 250.- de la part d'EB______. Il avait aussi reçu des habits de la famille B______ (A-14'005).

g. LESE 2______ a indiqué qu'il percevait un salaire de INR 15'000.- et avait en vain demandé une augmentation de salaire, raison pour laquelle il était allé travailler à Londres, car JB______ le payait INR 35'000.-. Les frais de coiffeur étaient payés par la famille B______ (A-16'007).

h. Plusieurs lésés entendus ont déclaré qu'ils recevaient CHF 100.- une fois par an lors de l'anniversaire de l'un des membres de la famille B______, entre CHF 50.- et 100.- lors de leurs vacances et à une reprise CHF 500.- pour les 50 ans d'EB______ (A-11'010, E1-50'007, E1-50'137). LESEE 1______ a ajouté que lorsqu'elle se déplaçait pour des vacances avec FB______ et ses enfants, celle-ci lui donnait entre 50.- et 100.- de monnaie locale comme argent de poche (A-11'013). LESEE 4______ a indiqué que DB______ ne lui donnait jamais d'argent, mais qu'elle recevait des pourboires des invités d'environ CHF 50.- (E1-50'047).

Tous les lésés ont indiqué que leur salaire était versé sur un compte en banque en Inde auquel ils n'avaient pas accès depuis la Suisse. Ils ont contesté avoir reçu une montre de CB______. Les prévenus ont expliqué qu'un montant global était versé pour plusieurs employés sur un de leurs comptes en Inde puis réparti et transférés sur les comptes des employés en Inde (K-100'575ss). Il ressort des pièces que jusqu'en mars 2016, des virements de sommes destinées à l'un des employés ou à plusieurs d'entre eux étaient régulièrement effectués du compte AP_____ no 4______ auprès de SOCIETE 3a______ sur des comptes auprès de SOCIETE 10______ en Inde au nom des quatre frères B______, puis trois d'entre eux (JB______/MB______/CB______), (C3.4-41'468: clé USB, relevé du compte AP 4_____; J5-300'015, 17, 19, 21, K-100'317). Les employés présents en avril 2018 ont tous indiqué ne pas avoir été payés pour les mois de janvier à mars 2018, voire de décembre 2017 à mars 2018 (A-14'004; E1-50'169).

i. Les déclarations des lésés concernant le paiement de leur salaire tous les deux à six mois sont corroborées par de nombreuses pièces à la procédure (K-100'380, J5-300'013, K-100'367, J5-300'374, F-63'023 et 24). Les ordres de virement étaient donnés ou signés, voire autorisés par CB______ (J5-300'029), DB______ (J5-300'303, J5-300'066, J5-300'018), EB______, pour le compte de son père (K-100'317, J5-300'293), FB______ (J5-300'374, J5-300'348) et C______ (J5-300'015, 17, 19, 21; J5-300'027; Reminder 1, classeur TCO 2 B-8). Par ailleurs, certains paiements et relevés des salaires payés, mentionnant le salaire mensuel payé et la périodicité des versements, étaient adressés en copie à C______ (K-100'367; J5-300'349; J5-300'313 et 14; J5-300'190, K-100'380; K-100'315). C______ était aussi requis de faire procéder aux virements susmentionnés par AX_____, un employé de la famille B______ en Inde (J5-300'018), dès 2004 au demeurant (K-100'580).

Le salaire des employés à ______[GE] était payé sur ordre de DB______ en 2017 [(J3-300'011 et 300'063; LESE 3______; INR 90'000.- et INR 58'333.-); (J3-300'070; LESE 5______; INR 60'000.-)] et les virements sur SOCIETE 10______ n'étaient plus faits au débit du compte AP_____ des trois frères B______ mais pas non plus du compte AY_____ 2______ (J3-300'000). LESEE 1______ a confirmé que, dès décembre 2017, c'était DB______ qui devait lui verser son salaire, mais elle en ignorait la raison. En avril 2018, elle n'avait pas perçu son salaire pour les mois de janvier à mars 2018 (A-11'009).

j. Dans certains cas, l'achat d'un téléphone portable pour un employé était déduit du salaire de ce dernier (K-100'380). Les frais de coiffeur pour les employés indiens s'élevaient à CHF 19.50 auprès d'une école de coiffure de Genève (J2-300'001). Les frais de visas et de voyage des employés se sont élevés en 2014 et 2015 de INR 2'000.- à INR 78'000.- par employé et par an, s'agissant de LESEE 1______, LESEE 4______, LESE 18______, LESE 8______, LESE 7______ et LESE 9______, soit entre CHF 30.- et CHF 1'200.- (F-63'023 et 24, J5-300'131). Le coût des uniformes en 2006 pour LESE 14______ s'est élevé à INR 9'825, soit CHF 273.- (J5-300'314), pour LESEE 1______ en 2014, à INR 4'960.-, soit CHF 75.-, en 2015, pour un des cuisiniers à INR  13'510, soit CHF 205.-, pour LESEE 4______ à INR 4'960.-, soit CHF 76.- et pour LESE 9______ à INR 6'210, soit CHF 95.- (J5-300'131).

k. Il est ainsi établi que les salaires effectivement versés aux employés étaient de l'ordre de INR 10'000.- à INR 35'000.- par mois, équivalent de CHF 150.- à CHF 500.- selon le taux de change du moment, soit CHF 325.- en moyenne (cf. annexe 5). Compte tenu d'une part du système d'emploi mis en place par la famille B______ depuis toujours, du montant des salaires établis pour plusieurs lésés entre 1997 et 2018 selon les pièces au dossier et selon leurs déclarations, il doit être retenu comme établi que tous les lésés percevaient des salaires de cet ordre. Les conditions de logement et les autres prestations en nature étaient identiques aussi.

Les quatre prévenus B______ connaissaient le montant des salaires versés en Inde aux employés. DB______ et FB______ fixaient les salaires et accordaient les augmentations. CB______, de même qu'EB______, signaient les ordres de paiement et discutaient sans aucun doute possible de ces salaires avec leurs épouses. Au surplus, EB______ a été en mesure de quantifier et de justifier le montant du salaire en nature de sorte qu'il connaissait celui en espèces. Finalement, il a affirmé que les employés percevaient de l'argent de poche en Suisse équivalemment à 30 à 50% du salaire versé en Inde, confirmant ainsi également qu'il connaissait le montant de ce salaire en espèces. Il en va de même de C______, qui signait des ordres de paiement et recevait des pièces mentionnant clairement le montant du salaire mensuel versé, ses explications quant à un complément versé ailleurs ne reposant sur aucun élément.

l. Il est également établi que les lésés n'avaient pas accès à leur salaire depuis la Suisse, que celui-ci était versé tous les trois à six mois en Inde, qu'ils devaient souvent en réclamer le paiement, et qu'ils ne percevaient que rarement des pourboires ou boni lors d'anniversaires, ce qui limitait leur liberté de quitter leur emploi. Parfois, les lésés ne recevaient pas leur salaire lors de leur retour en Inde pour un mois de congé, malgré le fait qu'ils le réclamaient. Ceci couplé au fait qu'ils devaient remettre leur passeport au Bureau de Mumbai en Inde limitait leur liberté de ne pas revenir travailler en Suisse après leurs vacances. D'ailleurs, lors de la perquisition du 12 avril 2018, aucun employé n'avait reçu son salaire depuis le début de l'année 2018.

vi) Logement et repas

a. Les déclarations des prévenus CB______ et DB______ ont varié en 2007 s'agissant du logement de leurs employés indiens, admettant tantôt qu'ils dormaient à cette époque dans un abri antiatomique, pour ensuite le contester (K-100'133). DB______ a affirmé avoir proposé à ses employés de les loger à l'extérieur mais que ceux-ci préféraient rester "à la maison" (K 100'136). Elle a prétendu que les femmes dormaient dans la chambre des enfants mais entreposaient leurs affaires dans l'abri (K-100'139). Dans le cadre de la présente procédure, les prévenus B______ ont dans un premier temps affirmé que les employés vivaient essentiellement en France, DB______ ayant précisé qu'ils logeaient alors à Cannes dans de grandes chambres avec fenêtre au rez-de-chaussée (D-40'042).

A l'audience de jugement, EB______ a précisé que les employés avaient logé dans l'abri antiatomique pour une période n'excédant pas 6 ou 9 mois alors que dès 2008, ils étaient logés au même niveau que ses propres enfants (PV 60). FB______ l'a aussi relevé (PV 76).

b. Les employés indiens entendus en 2007 et ceux entendus dans le cadre de la présente procédure ont tous affirmé qu'ils dormaient dans un abri antiatomique jusqu'en 2011, puis dans une annexe au sous-sol construite pour loger les employés, dépourvue de fenêtre.

Ils étaient entre deux et quatre par chambre et dormaient sur des lits à étage (cf. A-11'011, A-12'005, A-13'003; A-14005). Lorsque les hommes étaient trois, l'un deux dormait sur un matelas posé sur le sol (E1-50'129, E1-50'165). Il y avait peu d'air et ils devaient dormir la porte ouverte (E1-50'166).

c. S'agissant des repas, LESEE 4______ a indiqué que la nourriture des employés était de moins bonne qualité que celle de la famille B______ (E1-50'051), elle était rationnée au début, mais le cuisinier leur en donnait plus que convenu (A-10'004ss). A l'audience de jugement, elle a indiqué quel tel n'était pas le cas. LESEE 1______ a expliqué qu'à midi, les employés mangeaient des lentilles, du riz et des légumes et, le soir, le reste du repas de la famille B______, mais jamais de viande (A-11'012).

LESE 5______ a indiqué que les employés mangeaient ce qu'ils voulaient, sauf de la viande, mais par choix (A-12'006). LESE 3______ a déclaré que les employés mangeaient la même chose que la famille mais après celle-ci (A-13'003). LESE 6______ a uniquement indiqué qu'il avait peu de temps pour manger (A-14'005).

d. Les déclarations des employés concernant leur logement sont confirmées par les photographies prises lors de la perquisition du 17 janvier 2007 et par les constatations de la police ce jour-là, aux termes desquelles les employés indiens dormaient alors sur des lits à étages dans deux pièces situées dans un abri antiatomique dépourvu de fenêtre (K-100'101ss et K-100'056). Les déclarations des employés en 2018 sont corroborées par les photographies prises lors de la perquisition du 12 avril 2018 (D-40'160). A Cannes, la chambre des employés est borgne et meublée de lits à étages (D-40'182), tandis qu'à Monaco, elle est munie de fenêtres (D-40'175).

Ces conditions de logement sont ainsi établies et, bien que les chambres des employés indiens dès 2011 se situaient au même étage que celles des enfants de EB______ et FB______, elles ne sont pas comparables, en terme de taille, de nombre de personnes les occupant, de fenêtres et de lumière du jour. Il n'est par contre pas établi que les employés indiens auraient été privés de nourriture, voire rationnés, dans la mesure où ils mangeaient les mêmes repas que la famille B______.

viii) Passeports

a. Les prévenus B______ ont en substance admis que DB______ conservait les passeports des employés indiens à Genève. Selon EB______, cela se justifiait car DB______ devait renouveler les visas. Selon DB______, elle les gardait seulement depuis octobre 2017, car un employé avait perdu le sien à Cannes. Selon les déclarations de CB______ en mars 2007, ils conservaient ces passeports car ces employés n'avaient pas beaucoup d'éducation, venaient de villages et qu'il leur arrivait de les perdre (K-100'133).

 

b. Les parties plaignantes et les autres employés indiens entendus dans le cadre de la présente procédure ont tous indiqué qu'ils devaient remettre leurs passeports à Genève à DB______ qui les conservait dans sa chambre. LESE 6______ a précisé que lors de son retour en Inde pour des vacances, il devait remettre son passeport au "bureau de Mumbai" et n'avait pas pu le récupérer (A-14'006), tandis que LESEE 4______ a indiqué que lorsqu'elle voyageait en Inde avec DB______, celle-ci conservait son passeport alors que lorsqu'elle voyageait seule, elle devait remettre son passeport au chauffeur envoyé par le bureau qui venait la chercher à l'aéroport (E1-50'046). LESE 5______ a aussi déclaré que lorsqu'il voyageait avec la famille B______, celle-ci conservait son passeport. Quand il voyageait seul, son passeport lui était remis par le chauffeur au dernier moment à l'aéroport (E1-50'105), il le détenait durant le voyage mais le remettait à Genève à DB______, par l'entremise du chauffeur, à chaque retour de voyage (A-12'007) et, en Inde, il le remettait à un chauffeur qui le déposait à la maison de Mumbai (E1-50'106). LESEE 1______ a indiqué que DB______ avait séquestré son passeport et ne le lui remettait que lorsqu'elle rentrait en Inde, précisant qu'elle avait profité d'un voyage en Inde en 2016 pour ne pas le rendre à DB______ mais que celle-ci le lui avait néanmoins repris en mars 2018 (A-11'009 et 11'014). LESE 2______ a expliqué que son passeport était déposé en main de la famille B______ dès son arrivée à l'aéroport de Genève et lui était rendu uniquement pour prendre l'avion (A-16'006).

LESE 3______ a dit que DB______ lui avait pris son passeport 3 jours après son arrivée (A-13'005). Il n'avait pas eu le choix de revenir travailler en Suisse en 2017 car "ils" retenaient son passeport tant à Mumbai qu'à Genève (E-50'312ss), précisant à l'audience de jugement qu'à son retour en Inde en 2008, il avait dans un premier temps conservé son passeport puis l'avait remis au bureau de Mumbai (PV 100).

c. Les déclarations des employés sont corroborées par les perquisitions menées en 2007 et 2018, dont il ressort que les passeports des employés indiens étaient en main de la famille B______ (cf. points a.a. et b.e.a.b.) et par les déclarations du chauffeur N______ selon lesquelles DB______ remettait le passeport à l'employé concerné ou au chauffeur seulement lors du départ pour l'aéroport, lequel le donnait à l'employé au passage de la sécurité (E-50'126). Au surplus, LESE 16______, entendu le 17 janvier 2007, a affirmé que son passeport avait été saisi par CB______ à son arrivée (K-100'080). K______ et LESE 2______ ont indiqué que FB______ avait conservé leurs passeports durant le voyage d'Inde en Suisse le 17 janvier 2007 et qu'ils ne les avaient pas revus avant l'intervention de la police (K-100'086). Certes, M______, qui avait véhiculé à une reprise LESE 3______ pour rentrer en Inde et à une autre LESE 6______ qui revenait de Cannes, a indiqué que ces derniers ne lui avaient pas remis leurs passeports (E-50'118). Finalement, les déclarations de LESE 21______ le 17 janvier 2007 selon lesquelles il avait remis son passeport de son plein gré à CB______ sont dénuées de crédibilité dans la mesure où il a aussi prétendu qu'il "faisait de temps en temps la cuisine pour la famille B______ mais gratuitement, ne travaillant pas pour eux" (K-100'071).

ix) Vacances

a. LESEE 4______ a indiqué qu'elle accompagnait DB______ 20 jours par an en Inde et qu'il était arrivé qu'elle voyage seule en Inde avec l'accord de DB______, ces vacances n'étant pas payées (A-10'004). A l'audience de jugement, LESEE 4______ a précisé que c'était DB______ qui décidait de la période et la durée de ses vacances. Elle avait entre 3 semaines et un mois de vacances. Celles-ci étaient payées (PV 253 et 257).

b. LESEE 1______ a expliqué que les vacances n'étaient pas payées, mais que FB______ lui payait le billet d'avion (A-11'005). Durant l'été, elle avait parfois une semaine de vacances quand la famille B______ partait à l'étranger, mais elle devait rester dans la villa (A-11'010). De 1997 à 2018, elle avait chaque année entre 2 semaines et un mois de vacances pour se rendre en Inde (A-11'012). A l'audience de jugement, elle a indiqué que les vacances étaient payées. Elle avait droit à 3 semaines de vacances par année. Entre 1997 et 2008, elle avait également voyagé avec la famille B______, environ deux fois par année pour environ deux à trois semaines par année. Lors de ces voyages, elle s'occupait des enfants et il ne s'agissait donc pas de vacances pour elle. Elle avait cependant pu voyager dans de nombreux pays grâce à eux et elle en gardait de bon souvenirs (PV 110ss).

c. LESE 5______ a indiqué qu'il avait eu une seule période de vacances, soit 6 semaines de vacances dès mai 2017, à la même période où CB______ et DB______ étaient en vacances (A-12'004, E1-50'139). Il n'avait ainsi pas eu les vacances promises (A-12'005). Il avait toutefois été payé durant ces vacances (E1-50'139).

d. LESE 3______ a indiqué que ce n'était pas lui, mais DB______ et des employés du bureau de Mumbai, qui décidaient des dates où il retournait en Inde (E1-50'161). A l'audience de jugement, il a indiqué qu'il était payé durant les vacances et qu'on lui payait le billet d'avion.

e. LESE 2______ a expliqué qu'il était convenu qu'il bénéficie d'un mois de vacances non payées par année et que ses billets d'avion pour rentrer voir sa famille seraient pris en charge (A-16'004).

x) Charges sociales et situation administrative

a. DB______, EB______ et FB______, assistés par leurs avocats dès la première heure, ont déclaré admettre n'avoir acquitté aucune charge sociale, ni obtenu d'autorisation de séjour ou de travail pour les employés indiens (E-50'008). Lors de l'audience de jugement, EB______ a indiqué qu'il n'était pas un connaisseur dans ce domaine, en rappelant que la défense avait produit des pièces selon lesquelles les charges sociales étaient payées en Inde selon une convention entre la Suisse et l'Inde (PV 55).

FB______ a contesté ne pas avoir payé ces charges car elle ne s'occupait pas de l'administration, elle passait par les RH de Genève ou de Mumbai mais n'avait pas donné d'instruction spécifique (PV 73).

b. EB______ a affirmé lors de l'audience de jugement que tous les employés indiens bénéficiaient d'un visa suisse et d'un titre de séjour octroyé par l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) mais que le Ministère public n'avait pas instruit cette question. Il ignorait à l'époque que la Suisse était aussi mal organisée, en particulier l'Ambassade suisse en Inde et l'OCPM, qui ne valaient rien (PV 54). S'il avait déclaré en 2007 que ces personnes n'avaient pas de permis de travail (K-100'061ss) c'était car il était alors sous le choc (PV 63). Selon FB______, ces employés avaient des visas mais elle ignorait s'ils avaient des autorisations de travail et de séjour (PV 73). Elle savait que son mari avait été entendu par la police en 2007 pour des questions concernant les assurances et le statut administratif des employés, alors qu'elle employait déjà LESEE 1______, mais ne s'était pas préoccupée de savoir s'il fallait modifier quelque chose (PV 79). Ils n'avaient pas évoqué ces questions avec LB______, pourtant avocate au barreau ______ (PV 80).

c. C______ a indiqué qu'il ne s'était jamais chargé d'aucune démarche en lien avec l'OCPM, mais qu'il y avait quelqu'un au 7ème étage de la SOCIETE 3a______ qui s'en occupait. Il ignorait cependant pourquoi aucun titre de séjour genevois n'avait été retrouvé à la procédure, de même que les raisons pour lesquelles il s'était adressé à la caisse AVS pour annoncer LESE 20______ alors que celle-ci avait quitté la villa. Il n'avait pas le souvenir d'avoir fait une demande de visa pour un des employés (PV 86-87; J5-300'388). Il avait appris lors de l'audition des époux B______ que des charges sociales avaient été payées en Inde (PV 90). C______ était par ailleurs chargé de la déclaration des salaires des employés de SOCIETE 4______ auprès de la caisse AVS (classeur TCO 2 B-10ss).

d. L'attestation du 26 décembre 2023 de AZ_____ à Mumbai (classeur TCO 10, P-4'088), certifiant que la famille B______ payait régulièrement toutes les charges sociales dues et les assurances, notamment, en Inde, n'a aucune valeur probante, à défaut de production des relevés individuels de l'organisme compétent en la matière, pour chaque employé indien, des cotisations effectivement versées. D'ailleurs, si la convention conclue au cours des débats de juin 2024 entre les prévenus d'une part, et LESEE 1______, LESEE 4______ et LESE 3______ d'autre part, mentionne que les sommes versées à ces derniers incluent les prestations de "prévoyance complémentaire", rien ne permet de retenir qu'il y aurait une prévoyance de base (PV 283). En effet, aucune pièce à la procédure concernant les virements faits au débit du compte AP_____ général ne mentionne le paiement de cotisations sociales et de prévoyance. Au surplus, aucun courrier, formulaire de demande de permis B ou titre de séjour délivré par l'OCPM à l'un ou l'autre des employés indiens n'a été retrouvé dans les nombreux documents saisis lors des diverses perquisitions.

 

xi) Traitement et autres déclarations

a. HB______ a déclaré que sa mère FB______ criait parfois sur LESEE 1______ et que sa grand-mère DB______ "engueulait" LESE 3______ (D-40'138). M______ a confirmé que FB______ s'énervait parfois contre lui et les employés indiens, mais qu'il n'y avait jamais eu de violence physique (E-50'115). N______, tout en admettant en avoir discuté avec la famille B______, a indiqué que les employés indiens n'étaient pas maltraités, ni séquestrés, car ils sortaient les poubelles et le chien (E-50'128).

b. LESEE 4______ a déclaré à la police le 23 mars 2018 qu'elle avait peur qu'on l'accuse de mentir et peur pour sa réputation. Néanmoins, DB______ l'avait aidée en lui trouvant un travail et elle était donc reconnaissante. Elle était croyante et c'était une chance qu'elle ait eu un travail. Elle se rendait compte désormais qu'elle n'avait pas été bien traitée et se sentait trompée. Elle n'était pas allée à la police car elle avait peur (A-10'005).

Elle avait décidé de profiter de son départ en vacances pour l'Inde le 6 novembre 2016 pour se réfugier chez une amie à Genève, qui lui avait dit qu'elle pouvait trouver de meilleures conditions de travail que dans la famille B______. Elle avait fait semblant de se diriger pour prendre l'avion et une fois le chauffeur parti, elle était sortie de l'aéroport. La famille B______ avait contacté sa famille lorsqu'elle ne s'était pas présentée au chauffeur qui l'attendait à l'aéroport de Mumbai. Elle lui avait fait transmettre qu'elle ne reviendrait plus car le travail était trop important et pénible et le salaire trop bas (A-10'005). Lors de l'audience de jugement, elle a précisé qu'elle avait déjà trouvé un travail avant son départ de la villa grâce à l'aide d'une amie qui venait dans la maison des B______. Elle était partie car elle voulait sortir de là pour gagner plus d'argent (PV 254).

c. LESEE 1______ a indiqué que FB______ avait tendance à s'emporter. Toutefois, les employés n'étaient pas maltraités, frappés ou menacés, mais parfois insultés (A-11'005). Elle avait une très bonne relation avec FB______ et EB______ ainsi que leurs enfants, qui étaient gentils (E1-50'004). C'était comme une famille pour elle (PV 121). FB______ lui avait à une reprise confié un billet de CHF 1'000.- pour le remettre à un visiteur, car elle lui faisait confiance et elle s'était fait prendre en photo (PV 113). Entre 2009 et 2010, son visa n'avait pas été renouvelé et, ainsi, elle avait été punie car injustement soupçonnée d'être à l'origine du départ d'un cuisinier indien, de la villa de ______ [GE] (PV 110). Elle n'était pas responsable de l'intervention de la police en avril 2018 et avait beaucoup souffert depuis lors. Lors d'une suspension de l'audience de jugement, elle avait parlé avec IB______ et NB______, "ses filles", qui pleuraient et craignaient que leurs parents aillent en prison, tandis que LB______ lui "avait mis de la pression" pour qu'elle retire sa plainte. LESEE 1______ a alors demandé au Tribunal, en larmes, de la mettre en prison à leur place (PV 115-116 et 120).

d. LESE 5______ a déclaré qu'il voulait récupérer le salaire qu'il n'avait pas reçu pour ses derniers mois de travail et précisé avoir été traité avec dignité et respect, le seul problème étant les horaires difficiles (A-12'009). Lui-même et les autres employés n'avaient jamais fait l'objet de pression ou de menace de la part de la famille B______ (A-12'010). Il n'avait pas été forcé de venir en Suisse et il était content. Il savait que les chauffeurs avaient un meilleur salaire et réalisé la différence avec le sien. A la question de savoir si cela l'avait interpellé, il a répondu "Que dire…puisqu'ils nous ont amené ici. Ce sont eux qui ont nos passeports et puis on a aucune idée des lois suisses" (E1-50'127). A la question de savoir s'il faisait la différence entre civil et pénal et s'il voulait déposer plainte, il a déclaré "Ce qu'ils ont fait avec nous c'est faux, parce qu'ils auraient dû nous dire dès le départ, qu'en nous amenant ici ça n'était pas 8 heures de travail mais 18 heures de travail, donc ça aurait dû être clair dès le départ depuis là-bas, et puis ce qu'ils ont fait avec nous tous ce n'est pas juste, c'est vrai" (E1-50'135). Il se faisait gronder par DB______ si le repas ne convenait pas, mais n'avait jamais été frappé ni menacé (E1-50'140).

e. LESE 3______ a indiqué que lorsqu'il y avait un problème et que la famille était absente, c'était C______ qui venait, mais celui-ci ne leur donnait pas d'ordres (E1-50'167). Il n'avait pas parlé à sa famille de ses conditions de travail car elle lui aurait dit de rentrer de suite à la maison. Il y avait beaucoup plus d'employés en Inde, moins de pression et plus de repos qu'en Suisse (E1-50'179ss). A la question de savoir quel type de plainte il entendait déposer, il a expliqué que la famille B______ devait leur donner ce qui leur revenait pour leur travail et que ce soit fait en conformité des règles suisses, s'agissant du salaire et des vacances (E1-50202). A la question de savoir pourquoi il avait travaillé 8 ans pour KB______ en Inde entre 2009 et 2017 s'il était sous la pression de la famille, il a répondu "en fait c'est ici que ça n'allait pas, les injustices, c'était ici " (E-50'310). A l'audience de jugement, il a précisé qu'il voulait travailler à nouveau pour DB______ en 2017 et était d'accord de voyager avec celle-ci (PV 107). Sa situation financière s'était certes améliorée en revenant en Suisse, mais c'était encore mieux quand il avait quitté la maison suite à l'intervention de la police (PV 109).

f. Lors de l'audience de jugement, FB______ (PV 76) et EB______ ont remercié LESEE 1______ pour son travail, en qualité de deuxième mère de leurs enfants, et ce malgré son comportement, puisqu'elle les avait bassement accusés de traite d'êtres humains et qu'elle disait n'importe quoi (PV 66). Ils ont déclaré que, s'agissant des salaires et du logement des employés indiens, ils auraient pu faire mieux à l'époque, mais ils étaient alors ignorants. EB______ avait pris les choses en main et le personnel à leur service était désormais engagé par une société de services (PV 60 et 93).

g. Il ressort des déclarations concordantes de LESEE 1______ et d'EB______ que celui-ci a aidé celle-là à obtenir un prêt immobilier pour l'achat d'un logement en Inde et s'est porté garant.

 

xii) En conclusion

a. Les lésés ont pour partie été privés de leur liberté.

Le passeport des lésés était conservé dans une armoire personnelle de DB______ et rien n'indique qu'ils savaient où le chercher. Leur passeport leur était remis au dernier moment lorsqu'ils prenaient l'avion tandis le chauffeur s'assurait qu'ils partent bien pour l'Inde et, de même, sauf à quelques exceptions, à leur arrivée en Inde, un chauffeur les attendait et remettait leur passeport au bureau de Mumbai jusqu'à ce qu'il les ramène à l'aéroport pour revenir en Suisse. Ils ne pouvaient ainsi pas quitter leur emploi à Genève, car outre le fait qu'ils ne disposaient pas de leur passeport, ni d'argent pour partir, ils risquaient de ne pas recevoir leur salaire pour les trois à six derniers mois de travail. C'est ainsi que LESEE 4______ a dû attendre une période de vacances pour disposer de son passeport afin de s'enfuir depuis l'aéroport et quitter son emploi dans la famille B______. De la même manière, sauf quand ils rentraient en Inde pour des vacances, les lésés ne pouvaient retourner en Inde de leur propre chef car ils n'avaient ni les moyens de payer un billet d'avion, ni leur passeport. Lorsque LESE 20______ a quitté la villa en 2009, C______ a cherché à obtenir des renseignements la concernant et l'a annoncée à la caisse AVS, indice qu'elle était alors partie sans l'accord de la famille B______, ce qui a été confirmé par LESE 3______ tandis que LESEE 1______ a mentionné un cuisiner qui s'était enfui. D'ailleurs, la clause pénale des contrats montre qu'un système était mis en place, en ce sens que l'insoumission était punie par une pénalité, ce qui avait pour but d'empêcher les employés de démissionner librement, même si certains d'entre eux n'ont ni lu, ni compris la teneur de ces contrats.

C'était la famille B______ qui décidait unilatéralement si et quand elle voulait reprendre les lésés à leur service ou les renvoyer en Inde voire les transférer à Londres. C'est ainsi que LESE 3______ avait été informé à 16h00 par LB______ qu'à 18h00, il prenait l'avion pour Mumbai, et que LESEE 1______, injustement accusée, était restée en Inde car son visa n'avait pas été renouvelé par la famille. Cet élément doit cependant être tempéré par le fait que l'un des employés a indiqué qu'il s'était vu proposer d'aller à Londres ce qu'il avait accepté car le salaire était meilleur qu'en Suisse et que LESE 3______ a accepté d''accompagner DB______ aux Etats Unis à la condition qu'elle le garde ensuite à son service.

Sauf en l'absence des prévenus B______, les lésés ne pouvaient sortir pour une promenade de quelques heures seulement lorsque FB______ le leur proposait ou l'autorisait, étant relevé qu'ils sortaient très peu quoi qu'il en soit au vu de leur charge de travail. Les lésés étaient tous avertis et effrayés du risque d'arrestation et possiblement de renvoi de Suisse en cas de contrôle par la police. Ils n'avaient pas d'argent ou très peu, ils ne pouvaient donc aller nulle part sans risque et devaient rentrer à la maison, alors que la famille B______ aurait pu leur remettre leur passeport et l'attestation de résidence française lors de ces sorties.

LESEE 1______ a été punie après avoir été soupçonnée d'être à l'origine du départ d'un cuisinier indien, C______ a voulu obtenir des renseignements concernant LESE 20______ après le départ de celle-ci en 2009, il a tenté à de multiples reprises de contacter en avril 2018 LESE 5______ pour savoir où il logeait, l'une des jumelles a demandé par message à LESEE 1______ où elle se trouvait le 13 avril 2018 et, par ailleurs, les prévenus B______ ont déployé une énergie importante à découvrir qui était la "source sûre et confidentielle" à l'origine de la procédure.

b. Les lésés ont été partiellement privés de soins.

Lorsqu'ils étaient malades, ils étaient soignés, mais emmenés par un chauffeur chez des médecins ou physiothérapeutes choisis par la famille B______. Ils ne pouvaient donc pas librement choisir d'aller chez le médecin. Ils n'avaient pas accès aux soins de santé immédiatement et LESEE 1______ a dû attendre de rentrer en Inde pour se faire opérer alors qu'elle souffrait de son genou. Les lésés n'étaient pas assurés par une assurance maladie suisse ni couvert par une autre assurance, preuve en étaient les situations de LESEE 1______ et de LESE 14______.

c. Le droit des lésés à la vie privée, à des relations sociales et à la dignité ont été atteints.

Au vu de leurs conditions de logement à Genève tout comme à Monaco ou Cannes, ils n'avaient aucun lieu qui leur était réservé et n'avaient ainsi aucune intimité dans des chambres à plusieurs. Les lésés étaient tous en situation irrégulière, ne parlaient pas la langue, ne connaissaient personne à Genève, mis à part LESEE 4______, et ne pouvaient à tout le moins que dans une mesure extrêmement limitée nouer des liens sociaux à Genève. De facto, ils n'avaient aucun contact avec d'autres personnes à Genève que leurs employeurs et leurs collègues, et, sauf à regarder de temps en temps la télévision dans la villa en l'absence de la famille B______, ils n'avaient aucun loisir, ni vie sociale.

d. Par contre, les lésés n'ont pas fait l'objet de pression, ils n'ont pas été maltraités, ni frappés ou menacés, le fait que FB______ s'emporte quand le travail n'était pas bien exécuté ne pouvant pas être assimilé à de la maltraitance. Ils ne travaillaient pas sous surveillance. Ils ont d'ailleurs globalement déclaré avoir été traités avec respect et dignité. LESEE 1______ précisant qu'elle se sentait comme à la maison. Les lésés n'ont pas été privés de nourriture et ils en avaient en quantité suffisante, un régime végétarien ne pouvant pas être considéré comme une privation.

e. Les lésés disposaient d'un téléphone portable et pouvaient communiquer avec leur famille en Inde, en tout cas régulièrement depuis l'installation du Wifi. Ils devaient certes travailler à ces occasions, mais les lésés, en particulier LESEE 1______, ont eu l'occasion de visiter de nombreuses villes et plusieurs pays, en étant parfois logés à l'hôtel.

f. Il n'est pas suffisamment établi que les lésés auraient été activement trompés, lors des discussions en Inde, sur leurs conditions de travail, seule LESEE 4______ ayant mentionné qu'un horaire de travail lui avait été annoncé.

Il s'avère par contre que leurs conditions essentielles de travail n'étaient connues qu'après leur arrivée à Genève. Certains lésés ne connaissaient pas le montant de leur salaire avant leur arrivée et tous ont déclaré qu'ils n'imaginaient pas devoir travailler autant. Au demeurant, la longue durée des rapports de travail pour LESEE 4______ et LESEE 1______ de même que celle d'autres employés est un indice de leur connaissance des conditions de travail.

g. A cela s'ajoute que les lésés qui rentraient en Inde revenaient à Genève pour travailler dans les mêmes conditions, voire demandaient à être réengagés, en toute connaissance de cause des conditions de travail. Ils demandaient et obtenaient des augmentations de salaire. LESEE 4______ a demandé et obtenu de rentrer en Inde pour se rendre au mariage de sa fille puis de rester un an à ses côtés avant de revenir pour travailler à Genève. EB______ a aidé LESEE 1______ à obtenir un prêt immobilier en Inde et s'est porté garant.

f. Présence des membres de la famille B______ à ______[GE]

f.a. CB______ et DB______ sont officiellement domiciliés à Monaco depuis 2007. DB______ a affirmé qu'elle résidait à Monaco huit à neuf mois par an. CB______ a indiqué qu'il respectait les règles fiscales, à savoir qu'il ne devait pas être en Suisse plus de six mois par année. Il ne pouvait pas estimer combien de temps il passait exactement en Suisse car il voyageait tout le temps, notamment en Inde, aux Etats Unis ou encore à Monaco. EB______ et FB______ ont déclaré durant l'instruction que leurs parents, respectivement beaux-parents, étaient à Genève environ trois mois par an et que les employés indiens les suivaient lors de leurs déplacements à l'étranger le reste du temps. A l'audience de jugement, confrontés aux déclarations des parties plaignantes, de leur fils, de S______, de M______ et de R______, EB______ et FB______ ont persisté à affirmer que DB______ et CB______ résidaient et se trouvaient effectivement pour l'essentiel du temps à Monaco (PV 56, 64 et 735).

f.b. Selon leur chauffeur N______, CB______ et DB______ voyageaient chaque année à Nice, Cannes, Monaco et Londres pour quelques jours, voire plus et passaient trois à quatre semaines en Inde ainsi qu'aux Etats Unis. En 2016, ils avaient été absents durant sept semaines en tout et en 2017, durant quatre semaines (D-40'118). M______ a précisé que tant CB______ et DB______ que EB______ et FB______ et leurs enfants partaient durant l'été environ un mois, mais en général pas au même moment, mais qu'il arrivait tout de même qu'aucun des membres de la famille B______ ne soit présent dans la villa durant de brèves périodes (E-50'117). Selon HB______, ses grands-parents DB______ et CB______ passaient toute l'année à Genève et partaient environ deux semaines par année pour se rendre aux Etats Unis et en Inde (D-40'139).

f.c. Il ressort des déclarations de R______ et de S______ (cf. point b.g.b ci-dessus) que CB______ et DB______ séjournaient à Monaco dans la résidence "Q______" au maximum un à deux mois par année, lors de plusieurs courts séjours, étant précisé que lors la perquisition des deux appartements dans cette résidence, il n'y avait que peu de vêtements (D-40'176). Selon LESEE 1______, DB______ et CB______ partaient de temps en temps en Inde, à Monaco, à Londres et à New York, mais passaient environ neuf mois par an en Suisse (A-11'012; E1-50'019). Seuls EB______, FB______ et leurs enfants partaient en vacances pour les vacances scolaires d'octobre, février et Pâques. Toute la famille était absente en août et en décembre, période durant lesquelles les employés étaient seuls à la villa. EB______ voyageait aussi à d'autres périodes (E1-50'013 et 18). Selon LESEE 4______, la maison de Cannes n'était qu'une maison de vacances. Selon LESE 5______, CB______ et DB______ étaient, de 2016 à 2018, en Suisse durant huit mois par an et se rendaient pour six semaines en Inde, un mois à New-York et entre cinq et quinze jours à Cannes (A-12'011, E1-50'083).

f.d. Selon le relevé des présences au sein de la SOCIETE 3a______ de janvier 2011 à décembre 2015, fondés sur les appels téléphoniques passés depuis leurs bureaux respectifs (C1-31'014ss), EB______ était absent, chaque année, une semaine en février, deux semaines à Pâques, entre trois et huit semaines l'été et trois semaines en fin d'année. CB______ était absent chaque année, quatre à six jours en avril ou mai, entre deux ou trois semaines (2011, 2012) et six semaines (2013 à 2015) en fin d'année, une à trois semaines durant l'été, ainsi que régulièrement pour quelques jours (2011 à 2013) et durant deux à trois semaines, parfois en septembre ou en octobre ou en novembre (2014-2015). Selon ce relevé, EB______ et CB______ étaient rarement présents, voire plus du tout, entre avril 2016 et avril 2018.

f.f. Les élèves des écoles privées à Genève, notamment ______ à ______[GE], école primaire des enfants de EB______ et FB______, et ______, prévoient sensiblement les mêmes vacances scolaires que l'école publique soit douze à treize semaines par année. Selon le calendrier de BA_____, que fréquentait HB______, les élèves ont quinze semaines de vacances par année, dont une semaine en octobre, trois semaines à Noël, une semaine en février, deux semaines à Pâques et deux mois l'été (https://www.______).

f.h. Selon les renseignements obtenus auprès des compagnies aériennes (C1-30'000ss), entre les années 2009 et 2018, CB______ était fréquemment en voyage pour des durées très variables allant d'un à quatre jours (Zurich, Londres, Paris, Nice), dix à vingt jours (New York, Mumbai) voire trente jours (Mumbai). DB______ voyageait aussi vers les mêmes destinations, mais pas toujours en même temps que son époux. En substance, entre 2009 et 2018, CB______ et DB______ ont été absents de Genève ensemble, certaines années seulement, dix à vingt jours environ en avril ou en septembre (New-York), vingt à trente jours durant les fêtes de fin d'année (Mumbai), dix jours en mai et quatorze jours en août (Nice).

Les vols vers Mumbai durant l'été sont difficiles à fixer mais toutes les parties ont déclaré que CB______ et DB______ passaient aussi environ un mois en Inde au cours de l'été. Selon les plans de vol, il arrivait que EB______, FB______ et HB______ soient absents en même temps que DB______ (dix-sept jours en été 2013 aux ETATS UNIS par exemple), voire que tous les membres de la famille, y compris CB______, partent ensemble (vingt-trois jours en fin d'année 2015-2016 en Inde, vingt-deux jours en mars 2016 en Inde, quelques jours à Londres, à New-York ou à Nice).

f.i. Dans la requête formée devant la Cour Européenne des droits de l'Homme le 20 avril 2023 par Me Romain JORDAN pour les quatre prévenus B______, il est mentionné que "le requérant (EB______) réside régulièrement dans une villa du canton de Genève (ci-après: le domicile)" et que "les parents du requérant ainsi que son épouse résident également régulièrement au domicile" (REC 409).

Au cours de l'instruction, le Ministère public a signalé à l'AFC que CB______ et DB______ résidaient à Genève, malgré leur domicile à Monaco. Une procédure est en cours et CHF 200'000'000.- ont été séquestrés par l'AFC (classeur 2, SEQ 1'000ss).

f.j. Il est établi sur la base de ce faisceau d'indices convergents que si DB______ et CB______ voyageaient en effet souvent, mais pas toujours en même temps, ils étaient néanmoins à Genève environ huit à neuf mois par an. Ainsi, leur domicile officiel à Monaco ne correspondait pas, jusqu'en avril 2018 en tout cas, à la réalité de leur lieu de résidence principal. Ils résidaient principalement à Genève, de sorte que les employés à leur service y travaillent la majeure partie du temps.

g. Famille B______

i) La famille

a. JB______, né en 1935 et décédé en 2023, MB______, né en 1940, CB______, né en 1945 et KB______, né en 1949, sont les quatre fils de OB______, décédé en 1971 et de PB______. Les deux premiers se sont installés en Grande Bretagne, CB______ en Suisse et KB______ est demeuré en Inde.

Selon le registre de l'OCPM et les déclarations des membres de la famille B______, CB______ et DB______ ont vécu à Genève dès 1981 ou 1985, leurs fils EB______, né en 1967 a étudié à Genève dès 1979, leur fils GB______, né en 1971 et leur fille LB______, née en 1972, résidaient à Genève en tout cas dès 1981. Toute la famille s'est installée dans la villa de ______[GE] en 1988.

EB______ et GB______ ont épousé le 15 janvier 1996 leurs épouses respectives, FB______, née en 1973, et QB______, née en 1972. Ces dernières se sont alors installées à ______[GE].

GB______ et QB______ ont eu quatre enfants, nés en 1997, 1999, 2001 et 2002. Ils ont quitté Genève pour New York en 2007 selon les déclarations de CB______ et d'EB______, mais sont resté officiellement domiciliés à ______[GE] jusqu'en août 2016 selon l'OCPM. EB______ et FB______ ont eu trois enfants, IB______ et NB______, nées en 1997 et HB______, né en 2000. LB______ s'est mariée en 2007 et vit avec son mari et leurs deux enfants nés en 2011 et 2013 hors de la maison familiale de ______[GE]. Elle a étudié le droit à ______ et est avocate inscrite au barreau de ______ depuis 2004.

b. Tous les membres de la famille B______ résidant à Genève sont devenus suisses par naturalisation, EB______ en 1991, DB______ et CB______ en 2000, FB______ en 2002, LB______, GB______, QB______ et les quatre enfants de ces derniers en 2004. CB______ et DB______ se sont domiciliés à Monaco dès juillet 2007. JB______ et MB______ ont obtenu la nationalité britannique en 2001. RB______, née en 1964, de nationalité britannique, a également obtenu une carte de résidente de Monaco en 2019 (cf. comptes SOCIETE 3a______ no ______, documents identité, clef UBS, C3-41'468 et classeur TCO 2 B-12). EB______ a entrepris entre mai et octobre 2017 des démarches en ces sens (classeur TCO 2 B-13ss).

c. En 2001, JB______ a été impliqué dans le scandale ______ "______", où il a été accusé d'avoir donné de l'argent pour le ______ en ______ tout en demandant la citoyenneté ______, ce qui a conduit à la démission d'un membre du gouvernement impliqué ([articles de presse]).

d. Les témoins entendus lors de l'audience de jugement (PV 266ss) ont indiqué que la famille B______ était très accueillante et avait un grand sens de la famille. DB______ était maternelle, soutenante, aimable, très gentille et elle jouait avec ses petits-enfants. CB______ s'intéressait aux gens et les écoutait. Il était doux, présent, gentil, respectueux, humain et sérieux. EB______ avait un bon fond, le sens des responsabilités et travaillait beaucoup. Il voulait en permanence rassembler la famille. C'était un ami de confiance mais il ne montrait que peu ses émotions. Il était intelligent. Il lui arrivait d'aller chercher de quoi grignoter à la cuisine par ses propres moyens. FB______ recevait les gens avec bonté et amour, elle était douce et une mère extraordinaire.

ii) Situation financière

a. Selon ______ [site internet], B______ est un conglomérat indien dont le siège social est situé à ______, dans le Maharashtra, depuis 1979 et la révolution iranienne.

Le groupe a des activités dans la finance et la banque en Suisse via SOCIETE 3a______ et en Inde via SOCIETE 10______, dans la fabrication automobile via SOCIETE 11______, dans l'armement et la défense via SOCIETE 12______, dans l'industrie chimique, pétrolière et minière via SOCIETE 13______, dans la métallurgie via SOCIETE 14______, dans les services informatiques via SOCIETE 15______ (classeur TCO 2 B-21ss).

En 2022, JB______ était la personne la plus riche du ______, avec une fortune estimée à ______ (______ [article de presse]) soit 39 milliards de francs suisses (______ [article de presse]).

Selon ______ [presse], la famille B______ en Suisse était en novembre 2023 à la tête d'une fortune estimée entre 7 à 8 milliards de francs suisses (https://www.______).

b. CB______ a déclaré à l'administration fiscale en 2005 et 2006 un revenu annuel de CHF 350'000.-, revenu de la fortune immobilière inclus, une fortune immobilière brute de CHF 2'763'300.- (K-100'152ss et 10'166ss). L'impôt cantonal s'est élevé à CHF 95'000.- et l'impôt fédéral à CHF 29'000.- en 2002 (K-100'181ss). En 2017, il a indiqué être domicilié à Monaco et déclaré un revenu brut immobilier de CHF 35'052.- et une fortune immobilière brute de CHF 5'398'000.- (C2-30'276).

Selon le relevé de compte AVS d'EB______, son salaire déclaré s'est élevé à CHF 87'500.- en 1998, entre CHF 270'000.- et CHF 180'000.- de 1999 à 2003, à CHF 120'000.- en 2004, CHF 47'000.- en 2005, CHF 21'000.- de 2006 à 2014. Il était employé de SOCIETE 3______, devenue SOCIETE 3a______ (C1-30'003).

c. Dans sa requête devant les Prud'hommes en 2006 E______ a allégué qu'il devait, chaque semaine, laver l'intérieur et l'extérieur des 11 véhicules de la famille, dont deux PORSCHE, trois BMW, une ROLLS ROYCE, deux CHRYSLER et deux AUDI (J4-300'021). Il ressort du compte BC_____ no 2______ que l'impôt automobile semestriel en 2018 pour dix véhicules s'est élevé à plus de CHF  11'000.- (J3-300'005). Il ressort de la liste des véhicules de l'assurance ______ au 1er janvier 2018 que neuf de ces véhicules sont enregistré au nom de SOCIETE 2a______, la prime d'assurance annuelle pour ces neuf véhicules s'élevant en 2018 à CHF 30'067.- (classeur TCO 2, B-30 et 31)

d. Le budget annuel de CB______ et des membres de sa famille, y compris ses fils, leurs épouses et leurs sept enfants, était de USD 2'607'252.- en 2017 et, s'agissant des frais liés aux propriétés, de USD 770'500.- pour la villa de ______ [GE], USD 105'000.- pour celles de ______ [VD], USD 591'700.- pour la villa de Cannes et USD 500'000.- pour les appartements de Monaco (J5-300'461 et classeur TCO 2 B-32).

Sur ce budget, DB______ a ajouté à la main "+ LESEE 1______ 1'625.-", soit le salaire par trimestre de celle-ci et "+ 94'925.- New Car" (J5-300'461), soit le prix de la MERCEDES achetée en avril 2017 (J3-300'000). Le compte BC_____ destiné aux paiements courants était ainsi alimenté chaque mois de USD 192'625.- en 2017 et 2018. Le salaire des chauffeurs et du jardinier était payé en espèces au débit de ce compte mais pas ceux des employés indiens (J3-300'001ss). DB______ recevait un montant de USD 20'000.- par mois au minimum et FB______ un montant mensuel de USD 5'000.- (idem et J5-300'014). Par ailleurs, ce compte était débité de CHF 42'000.- d'impôts et d'assurance pour les dix véhicules, d'environ CHF 50'000.- par an pour divers frais liés à une place de bateau, aux frais de ______[GE] et à la piscine de la villa alors que le salaire en espèces des quatre employés indiens en 2018 totalise moins de CHF 22'000.- par an.

Le budget annuel 2014 est de CHF 4'817.- pour les divers frais liés aux bateaux à Genève, de CHF 5'200.- pour les amendes, de CHF 8'684.- pour les animaux domestiques, en l'occurrence un chien, et de CHF 14'293.- pour l'entretien de la piscine (J4-300'313). En 2014, le salaire annuel en espèces de LESEE 1______ est CHF 5'412.- (cf. annexe 5 : tableau du taux de change).

e. L'immeuble, soit la villa et le terrain, enregistré sous no 6______ sur la commune ______ de ______[GE], d'une surface de 2'110 m2 est la propriété de CB______, EB______ et GB______. Son estimation fiscale était en 2016 et 2017 de CHF 6'299'310.- (C1-30'707 et 714). Selon un courrier de SOCIETE 3a______ du 25 juin 2006, CB______ avait bénéficié d'un prêt de CHF 3'666'000.- au taux de 4.5% de 2015 à 2016 pour le financement d'une propriété à ______[GE] (K-100'165). L'immeuble était grevé en 2017 d'une cédule hypothécaire au porteur de CHF 9'000'000.- et d'une hypothèque d'entrepreneur de CHF 1'208'413 avec suite d'intérêts dès 2008, en faveur de l'entreprise BD_____ (C1-30'715 et 716).

iii) Family Office et C______

SOCIETE 1______, créée en 2004, reprenant SOCIETE 2______ créée en 1997, devenue SOCIETE 2a______ en 2009, dont le siège est à Genève (F-72'038ss), fonctionnait comme Single family office de la famille B______ au sens large jusqu'en 2016. Suite à un conflit familial, la famille B______ de Genève a créé SOCIETE 4______ (F-72'035). C______ a travaillé en qualité de salarié dès 1988 pour la famille B______ d'abord au sein de SOCIETE 16______, devenue SOCIETE 3______, puis de SOCIETE 1______, SOCIETE 2a______ et SOCIETE 4______. Il a été administrateur de SOCIETE 2a______ de 1997 à 2008, sous-directeur en 2004, puis directeur entre janvier 2008 et juin 2016. Il a été administrateur président de SOCIETE 4______ de février à octobre 2016, puis directeur sans signature au registre du commerce jusqu'en octobre 2016. C______ a ensuite été employé dès janvier 2017 par SOCIETE 17______, créée en 2016.

Son bureau se trouvait dans les locaux de SOCIETE 4______, SOCIETE 17______ étant liée par un contrat de prestations avec SOCIETE 4______ et il était toujours chargé du travail de Family office pour la famille B______ à Genève. D'ailleurs, des courriels lui sont indifféremment envoyés à SOCIETE 4______ ou SOCIETE 17______ (classeur 2 TCO B-9).

Le Family Office s'occupait de la comptabilité de toutes les sociétés du groupe B______, mais également de gérer tous les aspects administratifs et pratiques des membres de la famille B______ à Genève.

iv) Situation personnelle

a. CB______ est né en 1945, de nationalité suisse et au bénéfice du statut OCI, soit Overseas Citizenship of India. Il vit en Suisse depuis 1981, voire 1985. Il n'a pas d'antécédent inscrit à son casier judiciaire suisse.

La citoyenneté indienne d'outre-mer est une forme de citoyenneté ou de résidence permanente accordée à certaines conditions par l'État indien aux personnes pouvant prouver une ascendance indienne. Cette citoyenneté est payante, et son accord est à la discrétion des autorités indiennes, en l'occurrence le système consulaire indien. Ce statut permet aux personnes ayant prouvé leurs origines indiennes et à leur époux de vivre et travailler en Inde indéfiniment, posséder des terres en Inde et y investir. Elles ne peuvent cependant pas y exercer des pouvoirs politiques, comme le vote aux élections et ne sont pas considérées comme bénéficiant d'une double citoyenneté (www.______; https://______).

b. DB______ est née en 1947, de nationalité suisse et au bénéfice du statut OCI. Elle vit en Suisse depuis 1981, voire 1985. Elle n'a jamais exercé d'activité lucrative. Elle n'a pas d'antécédent inscrit à son casier judiciaire suisse.

c. EB______ est né en 1967, de nationalité suisse et au bénéfice du statut OCI. Il vit en Suisse depuis 1979 et a été scolarisé à BA_____, puis a étudié la gestion d'entreprise à l'Université de Genève et obtenu sa licence en 1989 ou 1990. Après un stage de quelques mois à ______, il a travaillé au sein de la banque du groupe B______ de 1997 à 2007, puis en a été administrateur jusqu'en 2014. Il est indépendant depuis lors, administrateur de différentes sociétés. Il a refusé de communiquer le montant de ses revenus et de la fortune du groupe. Il avait en juillet 2018 des poursuites à hauteur d'un peu moins que CHF 2 millions, dont CHF 1.5 million de l'entreprise de construction BD_____ et CHF 420'000.- de SOCIETE 3a______ (C1-30'705). Il n'a pas d'antécédent inscrit à son casier judiciaire suisse.

d. FB______ est née en 1973, de nationalité suisse et au bénéfice du statut OCI. Elle vit en Suisse depuis 1996. Elle a obtenu en 1994 en Inde un bachelor en sciences économiques, mais n'a jamais exercé d'activité lucrative et est active au sein de trois œuvres caritatives. Elle n'a pas d'antécédent inscrit à son casier judiciaire suisse.

e. C______ est né en 1959 au Maroc, de nationalités suisse, française et marocaine, divorcé et père de quatre enfants, nés en 1988, 1995, 2004 et 2007, dont les deux plus jeunes sont encore à sa charge. Il est titulaire d'une licence en science économique de l'Université de Lyon et a obtenu des diplômes en comptabilité et en expertise en Suisse. Il est retraité depuis le 1er janvier 2024, mais a encore deux ou trois mandats comme administrateur auprès des sociétés du groupe B______. Il perçoit entre CHF 8'000.- et 9'000.- par mois de rentes AVS et LPP et, au total, entre CHF 20'000.- et CHF 50'000.- par an pour ses différents mandats d'administrateur. Il est copropriétaire d'une maison, achetée en 2007, dont la valeur est de CHF 1.2 millions, mais grevée d'une hypothèque de CHF 720'000.- et d'une maison en ______ [France] à ______ achetée en 2009, pour EUR 200'000.- qu'il doit cependant partager avec son ex-épouse suite à son divorce. Il n'a pas d'antécédent inscrit à son casier judiciaire suisse.

EN DROIT

1. 1.1. Droit applicable, for et réquisitions de preuves

1.1.1.1. Selon l'art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale). Cependant, en vertu de l'art. 2 al. 2 CP, une loi nouvelle s'applique aux faits qui lui sont antérieurs si, d'une part, l'auteur est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d'autre part, elle est plus favorable à l'auteur que l'ancienne (exception de la lex mitior). Il en découle que l'on applique en principe la loi en vigueur au moment où l'acte a été commis, à moins que la nouvelle loi ne soit plus favorable à l'auteur.

1.1.1.2. En l'occurrence, le nouveau droit des sanctions entré en vigueur le 1er juillet 2023 apparait plus favorable aux prévenus, en particulier s'agissant des peines prévues aux art. 157 ch. 2 CP, 182 CP, 116 et 117 LEI, de sorte qu'il trouvera application.

1.1.2.1. Selon l'art. 3 CP, le code pénal est applicable à quiconque commet un crime ou un délit en Suisse. Selon l'art. 8 al. 1 CP, un crime ou un délit est réputé commis tant au lieu où l'auteur a agi ou aurait dû agir qu'au lieu où le résultat s'est produit. Selon l'art. 5 al. 1 let. a CP, le code pénal est applicable à quiconque se trouve en Suisse et a commis à l'étranger de la traite d'êtres humains.

1.1.2.2. En l'espèce, la compétence territoriale du Tribunal correctionnel est acquise s'agissant de l'usure, des infractions aux art. 116 et 117 LEI et à l'art. 87 LAVS pour les motifs suivants. Les contrats produits par la défense et qui auraient été conclus en Inde ne sont pas des originaux, mais des copies scannées. Ils ont été établis dans le but d'obtenir des visas. Les plaignants ont toujours affirmé ne pas avoir signé de contrat de travail et, à tout le moins, ils n'en ont pas compris la teneur, de sorte qu'ils ne sont pas valablement conclus. Qu'ils soient valablement conclus ou pas, ils ne correspondent pas à la réalité s'agissant dans certains cas du nom de l'employeur, et dans tous les cas du lieu de travail, des salaires et des horaires de travail.

Ainsi, ces contrats ne régissent pas les rapports contractuels à Genève. Si des pourparlers ont certes débuté en Inde avec DB______ ou FB______, la conclusion du contrat de travail est intervenue lors de la prise d'emploi dans la mesure où c'est alors seulement que les conditions de travail ont été fixées. Dans cette hypothèse, la conclusion du contrat intervient lorsque la contreprestation est effectivement accordée à Genève. Par ailleurs, dans de nombreux cas, le salaire a été augmenté après la prise d'emploi, ce qui constitue un avenant et fonde un nouveau for. S'agissant de la traite d'êtres humains, peu importe si l'auteur a agi en Suisse ou à l'étranger.

1.1.3.1. La convention de sécurité sociale entre la Suisse et l'Inde (RS 0.831.109.423.1; classeur 10 TCO, P-4'084) prévoit que, sous réserve des art. 5 et 9, les salariés exerçant leur activité sur le territoire de l'un des Etats est soumis exclusivement aux dispositions légales de cet Etat. Pour la Suisse, il s'agit de la LAVS, de la LAI, de la LAA et de la LAMal (art. 2). L'exception de l'art. 5 concerne les employés détachés soit ceux qui travaillent dans un des Etats mais sont temporairement détachés sur le territoire de l'autre Etat. L'art. 9 vise le personnel diplomatique.

1.1.3.2. En l'espèce, il a été retenu que l'ensemble des employés indiens travaillant au service de CB______, DB______, EB______ et FB______ avaient conclu un contrat de travail à Genève, travaillaient effectivement à Genève et accompagnaient parfois leurs employeurs pour travailler à leur service en Inde, aux Etats-Unis, à Londres, à Cannes ou à Monaco. En conséquence, seul le droit suisse de la sécurité sociale est applicable.

1.1.4.1. Selon l'art. 345 CPP, avant de clore la procédure probatoire, le Tribunal donne aux parties l'occasion de proposer l'administration de nouvelles preuves. Après la clôture de la procédure probatoire, les parties n'ont plus le droit de proposer l'administration de nouvelles preuves (MOREILLON/PAREIN-REYMON, Petit commentaire du Code de procédure pénale, 2016, n° 8 ad art. 345 CPP et les références citées).

1.1.4.2. En l'espèce, la procédure probatoire a été clôturée le 13 juin 2024 après que les parties, interpellées, ont déclaré ne pas souhaiter l'administration de nouvelles preuves (PV 278), de sorte que la réquisition de preuve présentée le 17 juin 2024 par le conseil de FB______ (PV 288) est irrecevable.

1.2. Classement et prescription

1.2.1. A teneur de l'art. 329 al. 4 CPP, lorsqu'un jugement ne peut définitivement être rendu, le tribunal classe la procédure, après avoir accordé le droit d'être entendu aux parties ainsi qu'aux tiers touchés par la décision de classement, l'art. 320 CPP étant applicable par analogie. Si la procédure ne doit être classée que sur certains points de l'accusation, l'ordonnance de classement peut être rendue en même temps que le jugement (art. 329 al. 5 CPP).

1.2.2.1. L'art. 97 al. 1 aCP disposait que l'action pénale se prescrivait par trente ans si l'infraction était passible d'une peine privative de liberté à vie (let. a), par quinze ans si elle était passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (let. b) et par sept ans si elle était passible d'une autre peine (let. c).

Entré en vigueur le 1er janvier 2014, l'actuel art. 97 CP prévoit que l'action pénale se prescrit par quinze ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de plus de trois ans (al. 1 let. a), par dix ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de trois ans (al. 1 let. b) et par sept ans si la peine maximale encourue est une autre peine (al. 1 let. c). Selon l'art. 389 CP, si la nouvelle loi fixe un délai de prescription plus long, on applique l'ancienne loi à une infraction commise sous son empire si elle est plus favorable.

1.2.2.2. Tant sous l'angle de l'ancien que du nouveau droit, la prescription court à partir du jour où l'auteur exerce son activité coupable, indépendamment du moment où le résultat délictueux se produit (art. 98 let. a CP; PC CP n° 2 ad. art. 98 et les références citées), dès le jour du dernier acte, si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (art. 98 let. b CP) ou dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée (art. 98 let. c CP ; art. 71 let. b et c aCP dans sa teneur depuis le 1er octobre 2002).

1.2.2.3. La jurisprudence au sujet de l'art. 98 let. b CP a évolué au fil du temps, le Tribunal fédéral abandonnant la notion de délit successif au profit de celle d'unité du point de vue de la prescription. Cette dernière notion a ensuite été remplacée par la figure de l'unité juridique ou naturelle d'actions (ATF 132 IV 49 consid. 3.1.1.3; ATF 131 IV 83 consid. 2.4.1 ss p. 90 ss). L'unité juridique d'actions existe lorsque le comportement défini par la norme présuppose, par définition, la commission d'actes séparés, tel le brigandage (art. 140 CP), mais aussi lorsque la norme définit un comportement durable se composant de plusieurs actes, par exemple les délits de gestion fautive (art. 165 CP), ou de services de renseignements politiques ou économiques (art. 272 et 273 CP) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_496/2012 du 18 avril 2013 consid. 8.4.3). L'unité naturelle d'actions existe lorsque des actes séparés procèdent d'une décision unique et apparaissent objectivement comme des événements formant un ensemble en raison de leur relation étroite dans le temps et dans l'espace. Elle vise ainsi la commission répétée d'infractions - par exemple, une volée de coups - ou la commission d'une infraction par étapes successives - par exemple, le sprayage d'un mur avec des graffitis pendant plusieurs nuits successives - une unité naturelle étant cependant exclue si un laps de temps assez long s'est écoulé entre les différents actes, quand bien même ceux-ci seraient liés entre eux (ATF 132 IV 49 consid. 3.1.1.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_287/2015 du 13 avril 2016 consid. 3.2.1). La notion d'unité naturelle d'actions doit être interprétée restrictivement, pour éviter de réintroduire sous une autre forme la figure du délit successif ou celle d'unité du point de vue de la prescription. Elle ne sera donc admise qu'à la double condition que les faits punissables procèdent d'une décision unique et se traduisent, dans le temps et dans l'espace, par des actes suffisamment rapprochés pour former un tout (cf. arrêt 6B_310/2014 du 23 novembre 2015 consid. 4.2 et arrêts cités).

1.2.2.4. Une infraction est dite continue au sens de l'art. 98 let. c CP lorsque les actes créant la situation illégale forment une unité avec ceux qui la perpétuent, ou avec l'omission de la faire cesser, pour autant que le comportement visant au maintien de l'état de fait délictueux soit expressément ou implicitement contenu dans les éléments constitutifs du délit. Le délit continu se caractérise par le fait que la situation illicite créée par un état de fait ou un comportement contraire au droit se poursuit. Il est réalisé sitôt accompli le premier acte délictueux, mais n'est achevé qu'avec la fin ou la suppression de l'état contraire au droit en ce sens que les actes qui créent la situation illégale forment une unité avec les actes qui la perpétuent ou avec l'omission de la faire cesser, pour autant que le comportement visant au maintien de l'état de fait délictueux soit expressément ou implicitement contenu dans les éléments constitutifs de l'infraction (ATF 135 IV 6 consid. 3.2; ATF 132 IV 49 consid. 3.1.2.2).

Les exemples classiques de délits continus sont la séquestration et l'enlèvement, la violation d'une obligation d'entretien (ATF 132 IV 49 consid. 3.1.2), la violation de domicile, l'occupation de personnes non autorisées à travailler (ATF 74 IV 37 consid. 1, JdT 1950 IV 31; ROTH / KOLLY, in CR-CP I, 2ème éd. 2021, n° 28 ad art. 98 CP), la rupture de ban (ATF 147 IV 253 consid. 2.2.1 p. 256; 147 IV 232 consid. 1.1 p. 234) et le séjour illégal (ATF 145 IV 449 consid. 1.1 ; 135 IV 6 consid. 3.2), aussi longtemps que dure le séjour illicite. La facilitation du séjour illégal au sens de l'art. 116 al. 1 let. a LEI tant que dure le séjour (ATF 135 IV 6 consid. 3.2). Dans un très vieil arrêt, le TF avait admis l'existence d'un délit continu dans le cas d'occupation illicite d'ouvriers (ATF 75 IV 37), le délit durait aussi longtemps que l'entreprise occupait des ouvriers au-delà de l'effectif autorisé. Par contre, si un employé a travaillé, par intermittence, auprès de différents employeurs, les interruptions de travail et la pluralité d'employeurs empêchent la qualification de délit continu s'agissant de l'activité lucrative illicite au sens de l'art. 115 al. 1 let. c LEI (arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2012 du 24 janvier 2013 consid. 1.5).

1.2.3.1. L'infraction d'usure est consommée dès l'instant où l'auteur obtient un avantage pécuniaire en exploitant la situation de faiblesse de la victime, soit lorsque l'auteur s'est vu promettre la promesse disproportionnée, soit lorsque la convention est conclue ou, en cas d'exécution immédiate, au moment où l'auteur reçoit la prestation (BSK no 2 ad. art. 157; CR-CP, n° 24 ad art. 157 CP et les références citées; CORBOZ, Les infractions en droit suisse, Vol. I, 3e éd., 2010, no 24 ad art. 157 CP; HURTADO POZO, Droit pénal – partie spéciale, p. 436 no 1478; TRECHSEL/CRAMERI in TRECHSEL/PIETH, Schweizerisches Strafgesetzbuch, 4e éd., 2021, n° 1 ad. art. 157). Ainsi, l'auteur peut aussi bien réaliser les éléments constitutifs de l'infraction dans le cadre d'un contrat synallagmatique, à exécution immédiate, que dans celui d'un contrat de durée, comme l'est typiquement le contrat de travail. Dans le premier cas, un contrat de vente usuraire n'est pas un délit continu même s'il déploie des effets après sa conclusion, car il s'agit d'un acte contractuel unique, le moment déterminant étant la conclusion du contrat et non les paiements successifs intervenus par la suite en exécution du contrat (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1210/2018 consid. 2.4). Dans le deuxième cas, il y a certes un versement périodique du salaire, mais le Tribunal fédéral n'a pas pour autant jugé qu'il s'agirait d'un délit continu. Dans un arrêt isolé, la Chambre pénale de recours a jugé que, dans le cadre d'un contrat de travail de durée, la prescription pénale pour l'infraction d'usure commençait à courir à la cessation des rapports de travail, lesquels avaient duré en l'espèce de février 2007 à août 2009 (ACPR/31/2024, question non tranchée par arrêt du Tribunal fédéral 7B_222/2024 du 28 février 2024).

1.2.3.2. Selon le Tribunal fédéral, les différents actes punissables qui composent une escroquerie par métier ne constituent pas une unité sous l'angle de la prescription : leur prise en considération globale n'influe que sur la mesure de la peine (ATF 124 IV 59, consid. 3b/bb, JdT 1999 IV 192, rés., SJ 1998, p. 410 ; WIPRÄCHTIGER, RAv, p. 17 ; cf. art. 97 ss CP). Il doit en être de même s'agissant de l'usure par métier.

1.2.4. Il y a unité naturelle d'action entre les divers actes de la traite d'êtres humains, soit le recrutement, le transport et la livraison. Le dies a quo est celui de l'acheminement sur le lieu de l'exploitation, soit la livraison et l'acquisition à l'exploiteur final (Nadia MERIBOUTE, La traite d'êtres humains à des fins d'exploitation du travail, Genève - Zurich - Bâle 2020, p. 338 et 339). D'autres auteurs estiment que la traite perdure tout au long de l'exploitation subséquente, tant que la contrainte, la menace ou l'exploitation de la situation de vulnérabilité initiale est maintenue (BSK, no 25 et 26 ad art. 98 et les références citées), ce qui permet de retenir la participation de personnes intervenant seulement lors de la phase d'exploitation (CR-CP, STRAULI, no 99 à 104, intro aux art. 24 à 27 CP).

1.2.5. Selon l'art. 2 CP, on applique en principe la loi en vigueur au moment où l'acte a été commis, à moins que la nouvelle loi ne soit plus favorable à l'auteur (ATF 134 IV 82 consid. 6.1 p. 86 s.). En matière de délit continu, la question du droit applicable se pose lorsque la loi change pendant l'exécution d'un tel délit. Si la nouvelle loi comporte uniquement une modification des sanctions, il n'est pas envisageable d'appliquer deux régimes de peine à un seul et même acte. Le délit continu constituant une unité, il n'est pas possible d'appliquer pour partie l'ancien et pour partie le nouveau droit. Le principe de la lex mitior ne permet en effet pas de combiner ancien et nouveau droit (ATF 134 IV 82 consid. 6.2.3; 114 IV 81 consid. 3c p. 82; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2012 du 24 janvier 2013 consid. 1.4).

En cas de délit continu commis à cheval sous l'ancien et le nouveau droit, la jurisprudence et la doctrine largement majoritaire s'accordent pour dire que c'est le nouveau droit qui va s'appliquer à l'ensemble de l'infraction (ATF 149 IV 240 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2012 du 24 janvier 2013 consid. 1.3; DONGOIS/LUBISHTANI, in Commentaire romand, Code pénal, vol. I, 2e éd. 2021, n° 39 ad art. 2 CP; TRECHSEL/VEST, in Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 4e éd. 2021, n° 5 ad art. 2 CP).

 

En matière de prescription, les dispositions du nouveau droit sont applicables aux infractions commises avant l'entrée en vigueur du nouveau droit si elles sont plus favorables à l'auteur que celles de la loi ancienne. Si, au contraire, la loi nouvelle fixe un délai de prescription plus long, on appliquera la loi ancienne à une infraction commise sous son empire (art. 389 CP; ATF 129 IV 49 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1031/2013 du 31 mars 2014 consid. 4.2).

Toutefois, dans un souci de cohérence avec la solution retenue en cas de délit continu commis en partie sous l'ancien et en partie sous le nouveau droit, le Tribunal fédéral a récemment décidé dans un cas de violation du devoir d'éducation qu'il convenait d'appliquer à l'ensemble des actes reprochés le nouveau délai de prescription de dix ans en matière de délit continu commis à cheval sous l'ancien droit (jusqu'au 31 décembre 2013: délai de 7 ans) et sous le nouveau droit de la prescription (dès le 1er janvier 2014: délai de 10 ans) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_782/2022 du 17 avril 2023, publié ATF 149 IV 240 consid. 3.2 et les références citées).

1.2.6. L'art. 182 CP prévoit une peine privative de liberté ou une peine pécuniaire, sans plafond, soit au maximum une peine privative de liberté de 20 ans selon l'art. 40 CP. Si l'auteur fait métier de la traite d'êtres humains, la peine est une peine privative de liberté d'un an au moins. La prescription est donc de 15 ans (art. 97 al. 1 let. b CP).

L'art. 157 al. 1 CP prévoit une peine privative de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire et une peine privative de liberté de 6 mois à 10 ans selon l'art. 157 al. 2 CP. La prescription est donc de 15 ans (art. 97 al. 1 let. b CP, y compris avant le 1er janvier 2014).

L'art. 116 al. 1 LEI et l'art. 117 al. 1 LEI prévoient une peine privative de liberté d'un an au plus ou une peine pécuniaire. La prescription est ainsi de 7 ans. L'art. 116 al. 3 LEI prévoit une peine privative de liberté de 5 ans au plus si l'une des aggravantes est réalisée, de sorte que la prescription est de 10 ans. L'art. 117 al. 1 LEI 3ème phrase prévoit une peine privative de 3 ans au plus, de sorte que la prescription était de 7 ans jusqu'au 31 décembre 2013 et de 10 ans depuis lors. L'art. 87 LAVS prévoit une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, de sorte que la prescription est de 7 ans.

1.2.7. En l'espèce, les faits de traite d'êtres humains, délit continu, ne sont pas prescrits pour la période allant du 1er janvier 2006, date d'entrée en vigueur de la disposition légale, au 12 avril 2018. S'agissant de l'usure, à l'instar des cas d'usure en matière de bail ou de prêt, le délai de prescription commence à courir lors de la conclusion de chaque contrat de travail et il ne peut pas être retenu, avec l'aggravante du métier, qu'il s'agirait d'un délit continu allant de novembre 1997 à avril 2018. Ainsi, le cas échéant, s'ils devaient être retenus, les faits d'usure seraient prescrits pour tous les employés qui ont commencé à travailler à Genève pour la famille B______ avant le 21 juin 2009, la conclusion du contrat intervenant lors de la prise d'emploi à Genève (cf. point 1.1.3. ci-dessus).

Par ailleurs, la reprise d'un emploi après une interruption durant un à huit ans, en particulier pour LESEE 4______, LESEE 1______ et LESE 3______, fait courir un nouveau délai de prescription en matière d'usure lors de la reprise de l'emploi à Genève.

1.2.8. Les faits de facilitation de l'entrée et de séjour illégal sous sa forme aggravée (art. 116 al 3 LEI) sont prescrits seulement pour les employés ayant cessé de travailler avant le 21 juin 2009, car dans le cadre d'un délit continu, le délai de prescription commence à courir à la fin de l'emploi. Ainsi, ils ne sont finalement pas prescrits pour LESE 2______, LESE 15______ ni, pour la période du 30 mai 2008 au 11 juillet 2009 concernant LESE 3______, ni pour la période du 27 mars 2009 au 31 décembre 2011 concernant LESEE 4______.

Les faits d'emploi d'étrangers sans autorisation (art. 117 LEI) pourraient être prescrits pour tous les employés qui ont commencé leur emploi avant le 31 décembre 2013 y compris ceux qui ont continué à travailler après le 1er janvier 2014, la prescription étant de 7 ans, en application de la lex mitior. Toutefois, selon l'ATF 149 IV 240, il convient d'appliquer le délai de prescription de 10 ans pour tous les faits à cheval entre l'ancien et le nouveau droit de la prescription dans le cadre de ce délit continu. Aussi, il s'avère finalement que ces faits ne sont pas prescrits pour tous les lésés dont l'emploi a duré au-delà du 21 juin 2014, le délai de prescription de 10 ans commençant à courir à la fin de l'emploi. S'agissant de LESEE 1______, dont l'emploi a pris fin le 12 avril 2018, les faits ne sont pas prescrits que le délai de prescription soit de 7 ou de 10 ans. S'agissant de LESEE 4______, dont l'emploi a pris fin le 6 novembre 2016, les faits ne sont pas prescrits si le délai de prescription est de 10 ans. Il en va de même de LESE 8______ qui a quitté son emploi en juin 2015. Par contre, ils sont dans tous les cas prescrits pour LESE 7______ dont l'emploi pris fin en mai 2014. Ainsi, ces faits sont prescrits pour tous les employés visés par l'acte d'accusation sauf pour LESE 5______, LESE 3______, LESE 6______, LESE 10______, LESE 9______ et LESE 11______, comme mentionné dans le dispositif du jugement, mais également pour LESE 8______, pour LESEE1______ pour la période du 1er janvier 2011 au 12 avril 2018, et pour LESEE 4______ pour la période du 1er janvier 2013 au 6 novembre 2016.

Les faits visés par l'art. 87 LAVS sont prescrits pour tous les employés salariés jusqu'au 21 juin 2017 (cf. annexe 4: tableau des employés).

1.2.9. Les faits ont été classés en conséquence.

S'agissant de CB______ et de DB______, les faits visés aux art. 116 LEI, 117 LEI et 87 LAVS entre octobre 2003 et le 9 mars 2007 étant classés pour cause de prescription, il n'y a pas lieu de les classer également en application du principe "ne bis in idem" en raison de leur condamnation de 2007.

 

1.3. Culpabilité

1.3.1 Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 Cst et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF144 IV 345 consid. 2.2.3.2; 127 I 28 consid. 2a).

1.3.2. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Le principe est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence ; lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3). Lorsque l'accusé refuse sans raison plausible de fournir des explications rendues nécessaires par des preuves à charge, son silence peut permettre, sans violation de ce principe et par un raisonnement de bon sens conduit dans le cadre de l'appréciation des preuves, de conclure qu'il n'existe pas d'explication à décharge et que l'accusé est coupable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_47/2018 du 20 septembre 2018 consid. 1.1; 6B_748/2009 du 2 novembre 2009 consid. 2.1).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.1).

L'autorité de jugement dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40), en application duquel, selon l'art. 10 al. 2 CPP, le juge donne aux moyens de preuve produits tout au long de la procédure la valeur qu'il estime devoir leur attacher pour se forger une intime conviction sur la réalité d'un fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_348/2012 du 24 octobre 2012 consid. 1.3).

1.3.3. Confronté à des versions contradictoires, le juge forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

1.4. Usure

1.4.1. A teneur de l'art. 157 ch. 1 CP quiconque exploite la gêne, la dépendance, l'inexpérience ou la faiblesse de la capacité de jugement d'une personne en se faisant accorder ou promettre par elle, pour lui-même ou pour un tiers, en échange d'une prestation, des avantages pécuniaires en disproportion évidente avec celle-ci sur le plan économique, quiconque acquiert une créance usuraire et l'aliène ou la fait valoir, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire Si l'auteur fait métier de l'usure, il est puni d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans (art. 157 ch. 2 dans sa teneur en vigueur dès le 1er juillet 2023).

La réalisation de l'infraction réprimée à l'art. 157 ch. 1 CP suppose la réunion de cinq conditions objectives: une situation de faiblesse de la victime, l'exploitation de cette situation de faiblesse, l'échange d'une contre-prestation, une disproportion évidente entre l'avantage pécuniaire et la contre-prestation ainsi que l'existence d'un rapport de causalité entre la situation de faiblesse et la disproportion des prestations (arrêts du Tribunal fédéral 6B_430/2020 du 26 août 2020 consid. 2.2; 6B_388/2018 du 13 septembre 2018 consid. 1).

1.4.2. A teneur de l'art. 319 al. 1 CO, par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage à travailler au service de l'employeur, et celui-ci s'engage à payer un salaire. Le travailleur se place dans un rapport de subordination envers l'employeur; cet élément est caractéristique du contrat de travail et il le distingue des autres contrats de prestation de services (ATF 112 II 41 consid. 1a/aa in fine, consid. 1a/bb p. 46; voir aussi ATF 134 III 102 consid. 3.1.2 p. 106/107; 130 III 213 consid. 2.1 p. 216). Selon l'art. 320 CO, le contrat de travail n'est soumis à aucune forme spéciale, sauf disposition contraire de la loi. Il est réputé conclu lorsque l'employeur accepte l'exécution d'un travail qui, d'après les circonstances, doit être fourni contre un salaire.

1.4.3. L'auteur de l'infraction est tout d'abord celui qui se fait octroyer ou promettre l'avantage patrimonial en son propre nom, que ce soit personnellement ou par l'intermédiaire d'un auxiliaire, c'est-à-dire, dans le cas de la promesse, celui qui devient créancier. Qu'il le fasse pour son propre compte ou pour le compte d'autrui est indifférent. Est également auteur de l'infraction celui qui se fait promettre en faveur d'un tiers et, enfin, celui qui accepte l'avantage pécuniaire ou la promesse au seul nom d'un tiers, c'est-à-dire le représentant direct. En effet, ce dernier conclut également le contrat, soit un des éléments constitutifs de l'usure consommée. En revanche, celui qui se contente de servir d'intermédiaire ou de faire office de messager lors de la conclusion du contrat n'est pas l'auteur de l'infraction. L'intermédiaire ne peut donc être puni qu'en tant que complice ou instigateur, à moins qu'il n'apparaisse comme associé et donc comme coauteur de celui qui conclut l'opération usuraire, par exemple en ce que ce dernier fournit le capital et se présente comme créancier, tandis que l'intermédiaire recherche les victimes à exploiter (ATF 70 IV 200 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_918/2018 du 24 avril 2019 consid. 2.4; BSK StGB II WEISSENBERGER, no 35 et 53 ad art. 157 CP). Il convient d'appliquer dans l'ensemble les principes généraux relatifs à la qualité d'auteur et de participant (HUG, Der Wucher im Schweizerischen Strafrecht, Diss. 1937, p. 96).

1.4.4.1. Les situations de faiblesse sont énumérées de manière exhaustive à l'art. 157 CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_395/2007 du 14 novembre 2007 consid. 4.1). Le consentement du lésé n'exclut pas l'application de l'art. 157 CP, mais en constitue l'un des éléments (ATF 82 IV 145 consid. 1.2b; JdT 1957 IV 71).

1.4.4.2. L'état de gêne s'entend de tout état de contrainte qui influe si fort sur la liberté de décision de la personne lésée qu'elle est prête à fournir une prestation disproportionnée (ATF 92 IV 132 consid. 2 p. 137; cf. aussi pour l'exigence d'une contre-partie : ATF 142 IV 341 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_388/2018 précité consid. 16; 6B_395/2007 du 14 novembre 2007 consid. 4.1). Il ne s'agit pas nécessairement d'une gêne financière (FF 1991 II 1015; ATF 92 IV 132 consid. 2) et elle peut être seulement passagère (ATF 80 IV 15 consid. 3 p. 20). Il suffit que la victime se soit trouvée dans une situation contraignante telle qu'elle réduit sa liberté de décision, au point qu'elle est prête à fournir une prestation (ATF 92 IV 132 consid. 2). Lorsque la gêne est économique, il n'est pas nécessaire d'être en présence d'une grande misère ou d'une extrême pauvreté (CR-CP, II, no 7 ad. art. 157 CP). Se trouve en situation de gêne la personne en situation irrégulière qui paie le prix fort pour la location d'un appartement car elle n'ose pas se plaindre de peur d'être renvoyée dans son pays, ou dans un besoin extrême de trouver un toit en cas de pénurie de logement (ATF 93 IV 85 consid. 5 p. 89 s.; 92 IV 132 consid. 2 p. 137; arrêt du Tribunal fédéral 6S_6/2007 du 19 février 2007). Constitue en matière de contrat de travail également une situation de gêne le fait pour un travailleur agricole de travailler au noir pour un salaire inférieur à la CCT et d'être en situation irrégulière en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 6B_875/2020, 6B_1006/2020 du 15 avril 2021 consid. 4.2)

1.4.4.3. L'inexpérience visée par la loi doit être une inexpérience générale se rapportant au domaine des affaires et non pas une inexpérience relative au contrat en cause. L'inexpérience a été retenue dans le cas d'une jeune fille de 22 ans au moment d'arriver en Suisse, qui n'avait auparavant jamais quitté son pays natal, le Ghana, qui avait auparavant travaillé deux ans chez son oncle dans son pays sans être payée, et qui n'était pas en mesure de réaliser que son travail méritait un salaire et que l'un de ses compatriotes avait fait venir en Suisse comme employée de maison, profitant de son inexpérience en la matière, mais également de sa gêne, pour obtenir d'elle 50 heures de travail hebdomadaires contre une rémunération de 300 francs par mois, outre le logement et la nourriture (ATF 130 IV 106 consid. 7.3 et les références de doctrine citées). La méconnaissance du domaine concerné doit clairement placer l'intéressé dans une position de faiblesse dans la négociation (CORBOZ, op. cit., no 10 ad art. 157 CP).

1.4.4.4. La dépendance peut être économique ou d'une autre nature. Elle suppose un rapport de subordination ou de soumission envers l'auteur. Il peut s'agir d'une dépendance économique entre un travailleur et son employeur dans un contexte où le chômage menace (CR-CP II, n° 13 ad art. 157 CP). Se trouve en situation de dépendance la nièce travaillant pour son oncle, ne parlant pas la langue du pays, ne connaissant personne dans la ville de résidence de son oncle et obéissant à celui-ci comme le veut la tradition de son pays (arrêt du Tribunal fédéral 6B_973/20029 du 26 janvier 2010 consid. 2.1.). La dépendance a également été retenue dans la situation d'une employée de maison ayant un statut irrégulier, ne connaissant pas la langue, étant dans la crainte d'une expulsion, et s'étant vue confisquer son passeport par la maîtresse de maison, dès lors qu'elle était corvéable à merci (Jugement du Tribunal du IIe arrondissement pour les districts d'Hérens et Conthey du 26 août 1996, Ministère public et dame Y. c/ dame X., in RVJ 1997, p. 313).

1.4.5. La personne peut se trouver dans une situation de faiblesse pour plusieurs raisons, ce qui aggrave en principe le cas et sera pris en considération au stade de la fixation de la peine (ATF 130 IV 106 consid. 7.3 ; CORBOZ, op. cit, no 10 ad art. 157).

L'appréciation subjective que se fait le lésé de la valeur de la contreprestation reçue n'a pas d'incidence lors de l'évaluation des prestations échangées, notamment dans le cas du travailleur clandestin qui perçoit en Suisse un salaire misérable qui représente une coquette somme en comparaison de ce qu'il pourrait gagner dans son pays d'origine (MERIBOUTE, op. cit, p. 173 et les références citées).

1.4.6. L'évaluation des prestations doit être objective (ATF 130 IV 106 consid. 7.2). La jurisprudence considère comme décisive la valeur patrimoniale effective, c'est-à-dire la valeur de la prestation calculée en tenant compte de toutes les circonstances. Dans la mesure où ils existent, on se fondera sur les prix usuels (ATF 93 IV 87 consid. 2). Le rapport entre la prestation et la contre-prestation se mesure dans le cas normal selon le prix ou la rémunération usuelle pour des choses ou des services de même espèce (arrêt du Tribunal fédéral 6B_387/2008 consid. 2.2 et les références citées).

1.4.7. La loi et la jurisprudence ne fournissent pas de limite précise pour déterminer à partir de quand le déséquilibre entre les prestations est usuraire. Les critères à prendre en considération, parmi lesquels celui des risques encourus, rendent difficile une évaluation en chiffres. Pour qu'elle puisse être considérée comme usuraire, la disproportion doit toutefois excéder sensiblement les limites de ce qui apparaît usuel et normal au regard de l'ensemble des circonstances; elle doit s'imposer comme frappante aux yeux de tout client et s'imposer comme telle. Un écart de 25% est en général considéré comme constitutif d'une disproportion (ATF 92 IV 132 consid. 1 p. 134 s.; arrêt du Tribunal fédéral 6S.6/2007 consid. 3.1). Dans la doctrine, une limite de l'ordre de 20 % est évoquée pour les domaines réglementés; pour les autres domaines, il y a usure, dans tous les cas, dès 35 % (CORBOZ, op.cit., no 38 ad art. 157 CP; DUPUIS et al., op. cit., no 24 ad art. 157 CP; TRECHSEL/CRAMERI, in Trechsel et al., Schweizerisches Strafgesetzbuch, Zurich/St-Gall 2008, no 10 ad art. 157 CP; BSK StGB II WEISSENBERGER, no 32 ad art. 157 CP). Une partie de la doctrine propose de fixer la limite à 50% (MERIBOUTE, op. cit, p. 173 et les références citées). Enfin, pour arrêter un salaire "net", le Tribunal fédéral a jugé raisonnable de procéder en diminuant le montant du salaire brut de 15% (arrêt du Tribunal fédéral 6B_875/2020, 6B_1006/2020 du 15 avril 2021, c. 4.4).

1.4.8. Dans le canton de Genève, la rémunération du personnel de maison est réglée par le contrat-type de travail pour les travailleurs de l'économie domestique à temps complet et à temps partiel (CTT-TED; J 1 50.03), nommé contrat-type de travail avec salaires minimaux impératifs de l'économie domestique depuis le 1er janvier 2012 (CTT-Edom; J 1 50.03). Il s'applique notamment aux maîtres d'hôtel, gouvernantes, cuisiniers, cuisinières, valets de chambre, femmes de chambre, chauffeurs, jardiniers, jardinières, ainsi qu'aux autres employés de maison affectés notamment au nettoyage, à l'entretien du linge, aux commissions, à la prise en charge d'enfants (art. 1 al. 2 CTT-EDom) et leur garantit une rémunération minimale (art. 10 CTT-EDom) et impérative (art. 9 al. 8 CTT-EDom).

1.4.9. Celui-ci prévoit:

-          un salaire minimal pour des employés sans qualification ni expérience de CHF  3'550.- en 2008 et 2009, CHF 3'575.- en 2010 et 2011, CHF 3'625.- en 2012 et 2013, CHF 3'700.- en 2014 et 2015, CHF 3'756.- en 2016 et 2017 et CHF 3'801.- en 2018, salaire en nature pour le logement et la nourriture inclus;

-          un salaire minimal pour des employés au bénéfice d'une expérience de 4 ans au moins de CHF 3'760.- en 2009, CHF 3'790.- en 2010 et 2011, CHF 3'820.- en 2012, CHF 3'900.- en 2013, CHF 3'969.- en 2014 et 2015, CHF 4'029.- en 2016 et 2017, CHF 4'077.- en 2018, salaire en nature pour le logement et la nourriture inclus:

-          le versement du salaire résultant de la différence entre les salaires minimaux susvisés et la valeur du logement et de la nourriture selon les normes de l'AVS;

-          le droit du travailleur logé par l'employeur dans une chambre particulière pouvant être fermée à clé, bien éclairée par la lumière naturelle et artificielle, bien chauffée et disposant des meubles nécessaires (lit, table, chaise, armoire à vêtements fermant à clé), ainsi que d'installations de toilettes et de bains convenables (art. 17 CTT-TED; art. 11 CTT-Edom);

-          une durée du travail hebdomadaire de 46 heures en 2008 et 2009, puis de 45 heures dès 2010, avec une pause minimum de 30 minutes pour le repas de midi et celui du soir et de 15 minutes par demi-journée, non incluse dans la durée du travail (art. 12 CTT-TED; art. 5 CTT-Edom);

-          une majoration du salaire horaire de 25% pour les heures supplémentaires jusqu'au 31 décembre 2011 (art. 13 al. 2 CTT-TED), aucune majoration n'étant prévue dès le 1er janvier 2012 (art. 7 CTT-Edom);

-          une majoration de 50% des heures supplémentaires effectuées le dimanche et les jours fériés et de 100% pour les heures supplémentaires effectuées entre 23h et 6h (art. 13 al. 2 CTT-TED et art. 7 CTT-Edom);

-          une déduction mensuelle du salaire selon le CTT de CHF 345.- pour le logement et de CHF 645.- pour la nourriture depuis le 1er janvier 2007 [(3.50 pour le petit déjeuner, 10.00 pour le repas de midi, 8.00 pour le repas du soir et 11.50 pour le logement, par jour x 30 jours); (annexe CTT; art. 11 RAVS)].

1.4.10. Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle, mais le dol éventuel suffit. L'auteur doit savoir que l'autre partie se trouve dans une situation de faiblesse. Il doit également connaitre la disproportion entre les prestations. Enfin, il doit avoir conscience que la situation de faiblesse motive l'autre partie à accepter la disproportion évidente entre les prestations (ATF 130 IV 106 consid. 7.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_301/2020 du 28 avril 2020 consid. 1.1; 6B_430/2020 du 26 août 2020 consid. 2.1).

1.4.11. Selon la jurisprudence, l'auteur agit par métier lorsqu'il résulte du temps et des moyens qu'il consacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, qu'il exerce son activité coupable à la manière d'une profession, même accessoire. Il faut que l'auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une certaine façon, installé dans la délinquance (ATF 129 IV 253 consid. 2.1; 123 IV 113 consid. 2c et les arrêts cités).

1.4.12. Aux termes de l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable.

Pour qu'il y ait erreur sur l'illicéité, il faut que l'auteur ne sache ni ne puisse savoir que son comportement est illicite. La jurisprudence est particulièrement restrictive à admettre l'existence d'une erreur sur l'illicéité, qui doit rester l'exception (ATF 129 IV 238, in JdT 2005 IV 87; arrêt du Tribunal fédéral 6B_77/2019 du 11 février 2019 consid. 2.1). L'auteur doit agir alors qu'il se croyait en droit de le faire. Il pense, à tort, que l'acte concret qu'il commet est conforme au droit (ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3; 138 IV 13 consid. 8.2). Tel est le cas s'il a des raisons suffisantes de se croire en droit d'agir (ATF 128 IV 201 consid. 2), une raison de se croire en droit d'agir étant "suffisante" lorsqu'aucun reproche ne peut lui être adressé parce que son erreur provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur tout homme consciencieux (ATF 98 IV 293 consid. 4a; FF 1999 p. 1814).

Les conséquences pénales d'une erreur sur l'illicéité dépendent de son caractère évitable ou inévitable. L'auteur qui commet une erreur inévitable est non coupable et doit être acquitté (art. 21 1ère phrase, CP). En revanche, celui dont l'erreur sur l'illicéité est évitable commet une faute, mais sa culpabilité est diminuée. Il restera punissable, mais verra sa peine obligatoirement atténuée (art. 21, 2ème phrase, CP ; FF 1999 p. 1814). L'erreur sera notamment considérée comme évitable lorsque l'auteur avait ou aurait dû avoir des doutes quant à l'illicéité de son comportement (ATF 121 IV 109 consid. 5 p. 126) ou s'il a négligé de s'informer suffisamment alors qu'il savait qu'une réglementation juridique existait (ATF 120 IV 208 consid. 5b p. 215).

Déterminer ce que l'auteur d'une infraction a su, cru ou voulu et, en particulier, l'existence d'une erreur relève de l'établissement des faits (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156; arrêt du Tribunal fédéral 6B_139/2010 du 24 septembre 2010 consid. 4.1, in JdT 2010 I 576). Savoir si une erreur était évitable ou non est une question de droit (ATF 75 IV 150 consid. 3 p. 152; arrêt du Tribunal fédéral 6B_139/2010 du 24 septembre 2010 consid. 4.1, in JdT 2010 I 576; voir aussi arrêt du Tribunal fédéral 6P.153/2005 du 26 septembre 2006, consid. 17.2).

1.5. Traite d'êtres humains

1.5.1. L'art. 182 CP entré en vigueur le 1er décembre 2006 (FF 2005 2639 ; RO 2006 5437), dispose que quiconque, en qualité d'offreur, d'intermédiaire ou d'acquéreur, se livre à la traite d'un être humain à des fins d'exploitation sexuelle, d'exploitation de son travail ou en vue du prélèvement d'un organe, est puni d'une peine privative de liberté ou d'une peine pécuniaire. Le fait de recruter une personne à ces fins est assimilée à la traite (al. 1). Si la victime est mineure ou si l'auteur fait métier de la traite d'êtres humains, la peine est une peine privative de liberté d'un an au moins (al. 2). Est aussi punissable celui qui commet l'infraction à l'étranger. Les art. 5 et 6 sont applicables (al. 4). L'al. 3 de la disposition a été abrogé avec effet au 1er juillet 2023.

Jusqu'au 1er décembre 2006, seule la traite à des fins d'exploitation sexuelle était réprimée par l'art. 196 aCP, disposition abrogée lors de l'entrée en vigueur de l'art. 182 CP.

1.5.2. L'art. 182 CP protège l'autodétermination des personnes. Il y a traite d'êtres humains lorsque des personnes disposent d'autres êtres humains comme s'il s'agissait d'objets, que ce soit sur un "marché" international ou intérieur. Pour que cette infraction soit réalisée, un seul acte suffit et peut ne concerner qu'une seule personne. Les éléments constitutifs de l'infraction sont les suivants : (1) un auteur qui a la qualité d'offreur, d'intermédiaire ou d'acquéreur, (2) un comportement typique, soit se livrer à la traite d'êtres humains ou recruter des personnes à cette fin, (3) un but notamment d'exploitation du travail de la victime et (4) l'intention (arrêt du Tribunal fédéral 1B_450/2017 du 29 mars 2018 consid. 4.3.1 et les références citées).

1.5.3. La traite s'opère notamment par le fait d'acquérir et de recruter des personnes à des fins d'exploitation (Bertrand PERRIN, La répression de la traite d'êtres humains en droit suisse, 2020, p. 296 ; MERIBOUTE, op.cit., p. 189) – étant précisé qu'il n'est pas nécessaire qu'une transaction commerciale stricto sensu soit réalisée entre le trafiquant et le tiers exploitant. Ainsi le recrutement pour sa propre entreprise est assimilé à la traite (ATF 128 IV 117 consid. 6/d/cc p. 131 ; 126 IV 225 consid. 1 p. 227). Le recruteur, qui est simultanément acquéreur, agit pour son propre bénéfice et doit avoir en vue, subjectivement, l'exploitation de la victime (arrêt du Tribunal fédéral 6B_4/2020 du 17 décembre 2020 consid. 4.1). Le tort couvert par l'infraction réside dans le fait que l'auteur exploite une position de force et viole le droit à l'autodétermination de la victime, dont il dispose comme un objet. Le motif ou l'objectif poursuivi n'y change rien (BSK StGB II-DELNON/RÜDY, 4ème édition 2018, no 18 et 23 ad art. 182; arrêt du Tribunal fédéral 6B_469/2014 du 4 décembre 2014 consid. 3.3.).

1.5.4. Le "recruteur" est dès lors celui qui cherche activement à obtenir un pouvoir de disposition sur la victime, pour l'exploiter, dans son travail ou sexuellement, ou lui prélever un organe. Plus précisément, il peut obtenir cette maîtrise sur la victime pour l'exploiter lui-même ou pour la remettre à autrui (PERRIN, op.cit., p. 303 ; MERIBOUTE, op. cit. p. 209). La notion de "recrutement" doit être interprétée au sens large: elle englobe toute activité visant à engager ou à employer une personne pour l'exploiter (RJB 159/2023 p. 409, 424).

Le terme "acquérir" une victime signifie obtenir la mainmise sur celle-ci, c'est-à-dire la maîtrise sur elle. L'auteur la reçoit comme une marchandise, avec le pouvoir d'en disposer. Il est le "destinataire", comme le terme "destinatario" utilisé dans la version italienne de l'art. 182 CP l'indique. Le destinataire final se trouve en fin de processus, avant que ne commence l'exploitation ou le prélèvement d'organe. Le Protocole de Palerme et la Convention de Varsovie utilisent le terme d'"accueil", qui traduit toutefois moins bien la prise de maîtrise (PERRIN, op.cit., p. 303).

1.5.5. La traite se concrétise également par le fait "d'offrir, de procurer, de fournir, de vendre, de recevoir des personnes mais également par l'acheminement, le transport ou la livraison [...]" (Message du Conseil fédéral du 26 octobre 2005 concernant l'approbation de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, FF 2005 6269 p. 6324; Message du Conseil fédéral du 11 mars 2005 portant approbation du Protocole facultatif relatif aux droits de l'enfant, FF 2005 2639 p. 2665; arrêt de l'Obergericht de Zurich SB110601 du 19 juillet 2012 consid. 4.2.1).

1.5.6. Une victime est privée de sa liberté d'autodétermination lorsqu'elle est contrainte par les moyens d'action suivants: par la force, par la menace, par toute forme de pression, par un enlèvement, une fraude, une tromperie, un abus d'autorité ou en achetant la personne ayant autorité sur la victime ; il suffit que cette dernière soit dans une situation particulière de vulnérabilité, par exemple en étant isolée ou sans ressources dans un pays qui lui est étranger. Il faut ainsi examiner, en fonction des pressions exercées, si elle se trouve ou non en état de se déterminer librement. Le fait de recruter des êtres humains, y compris pour sa propre entreprise, est assimilé à la traite. Il y a exploitation du travail en cas de travail forcé, d'esclavage ou de travail effectué dans des conditions analogues à l'esclavage. Tel est également le cas lorsqu'une personne est continuellement empêchée d'exercer ses droits fondamentaux en violation de la réglementation du travail ou des dispositions relatives à la rémunération, la santé et la sécurité sur le lieu de travail; concrètement, il peut s'agir notamment de privation de nourriture, de maltraitance psychique, de chantage, d'isolement, de lésions corporelles, de violences sexuelles ou de menaces de mort. Sauf à étendre de manière trop large la notion d'exploitation du travail, de simples violations des dispositions sur le droit du travail ne suffisent en principe pas. Si une personne sans autorisation de séjour et/ou de travail n'est pas dénuée de toute pression, en particulier quant à ses choix en matière d'activité lucrative, son recrutement et son engagement - même à des conditions défavorables ou en violation manifeste notamment des lois sur les assurances sociales et/ou de la législation sur le travail - ne constituent cependant pas à eux seuls des soupçons d'une infraction à l'art. 182 CP ; cela vaut en particulier si la personne en cause continue de disposer de la capacité de refuser l'emploi proposé ou de le quitter, de disposer librement de ses documents d'identité, garde la capacité de décider de son propre chef de se rendre à l'hôpital quand elle en a besoin, ainsi que de quitter la Suisse, notamment en se procurant un billet d'avion (arrêt du Tribunal fédéral 1B_450/2017 du 29 mars 2018 consid. 4.3.1 et les références citées).

1.5.7. S'agissant plus particulièrement du recrutement, il doit ainsi être conçu comme le processus global qui amène une victime à se soumettre à l'autorité ou à la volonté d'autrui, alors que le recruteur la destine subjectivement dès le début de l'entreprise à l'exploitation, ou encore, en d'autres termes, comme toute activité tendant à obliger ou engager une personne en vue de son exploitation. A titre illustratif, et dans la perspective d'un certain parallélisme avec le recrutement en matière de travail, le comportement typique du recruteur dans la traite d'êtres humains peut, par exemple, faire intervenir une offre contractuelle de travail trompeuse, utilisée comme un leurre pour tromper la victime vouée à l'exploitation. En tous les cas, l'essentiel du processus de recrutement se déroule en amont non seulement de l'exploitation elle-même, mais de la perte, par la victime, de son libre arbitre, qui signe la consommation de l'infraction de traite d'êtres humains sous cette forme. Le recruteur, qui est simultanément "acquéreur", agit pour son propre bénéfice et doit avoir en vue, subjectivement, l'exploitation de la victime. Par opposition, l'intermédiaire, dont la loi érige le comportement de nature plutôt participative en infraction à part entière, établit le contact entre offreur et acquéreur ou un autre intermédiaire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_4/2020 du 17 décembre 2020 consid. 4.1 et les références citées).

1.5.8. En matière d'exploitation sexuelle, le Tribunal fédéral a retenu que le consentement de la victime n'est valable et, partant, n'exclut la commission de l'infraction que s'il a été donné en toute liberté et en toute connaissance de ses effets, si la volonté exprimée correspond à la volonté réelle. Le consentement n'est pas effectif s'il résulte de conditions économiques précaires (ATF 129 IV 81; 128 IV 117; 126 IV 225). Dans le cas de victimes adultes, il convient d'examiner au cas par cas si la personne concernée a donné son consentement, c'est-à-dire si elle a décidé en toute liberté, soit en connaissance de toutes les circonstances pertinentes et en l'absence de toute contrainte ou pression, de (continuer à) exercer une activité dans ce domaine. Dans un tel cas, l'infraction de traite des êtres humains n'est pas applicable. Toutefois, le consentement peut être inefficace s'il a été donné – de manière évidente pour l'auteur – essentiellement en conséquence de la situation économique et sociale difficile de la victime (ATF 129 IV 92), ce dernier arrêt mettant en lien la situation de vulnérabilité de l'ayant droit et la validité de son accord (MERIBOUTE, op. cit. p. 315). La doctrine a critiqué cette interprétation extensive du Tribunal fédéral, lequel adopte selon elle une vision empreinte de principe moraux, voire paternaliste ayant pour effet d'exclure toute capacité de se déterminer de la part de jeunes femmes étrangères issues de milieux sociaux fragiles et fuyant des conditions économiques difficiles (MERIBOUTE, op. cit. p. 322 et 323 ainsi que les références citées: KRUMM, LEUENBERGER et HURTADO POZO).

En matière d'exploitation du travail, outre un jugement isolé de première instance, la jurisprudence n'a pas encore eu à trancher d'un cas où le consentement n'était pas valablement donné s'il résultait de conditions économiques précaires.

Le consentement est un fait justificatif qui rend licite un comportement typiquement constitutif d'une infraction (ATF 124 IV 258). Le consentement doit être donné avant le début de l'exploitation, de manière expresse ou tacite. Il doit être libre, c’est-à-dire donné sans que l'un des moyens de contrainte de la traite d'êtres humains ait été employé. Il doit être éclairé, c’est-à-dire en connaissance des conditions de travail, de rémunération et d'autonomie (PERRIN, op. cit. p. 341ss).

S'agissant toujours du consentement de la victime, l'un des éléments constitutifs de l'usure est l'adhésion du lésé à un contrat usuraire en raison de sa situation de faiblesse. Ainsi, dans le cas d'une victime qui reste volontairement dans une situation d'exploitation de son travail, c'est par le biais de l'infraction d'usure et non pas celle de traite d'êtres humains qu'il faut réprimer l'exploitation économique de la situation de faiblesse de la victime (MERIBOUTE, op. cit. p. 308 et 327).

1.5.9. En se fondant sur la notion de travail forcé de l'OIT et la jurisprudence de la Cour EDH, une partie de la doctrine a tenté de définir l'exploitation du travail. La personne concernée doit mettre son temps ou ses capacités à disposition. Le travail doit être accompli sous la menace explicite ou sous-entendue d'une peine quelconque (non-paiement du salaire, dénonciation aux autorités, châtiment divins, exclusion de la communauté, confiscation des papiers d'identité), voire une situation équivalente sans menace (adolescente en situation irrégulière dont les employeurs lui faisaient craindre d'être arrêtée par la police) ou avec l'usage de violence physique ou psychique. Le travail doit être fait contre la volonté du travailleur (enfermement, confiscation des papiers, tromperie sur la nature ou les conditions de travail, retenue ou non-paiement du salaire). Cette troisième condition devait être interprétée de manière large, car la CEDH admettait les cas d'abus de situation de vulnérabilité du travailleur. A noter que le fait de confisquer la pièce d'identité de l'employé peut réaliser à la fois la condition d'une menace d'une peine quelconque et celle de la preuve de l'absence de plein gré du travailleur (MERIBOUTE, op. cit. p. 279ss).

La vulnérabilité économique devrait s'examiner essentiellement par rapport au minimum vital dans le pays d'origine et être admise lorsque la personne ne peut pas satisfaire ses besoins essentiels: se nourrir, se vêtir, se loger et bénéficier des soins médicaux de base (PERRIN, op. cit. p. 327).

1.5.10. Selon l'art. 4 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (ci-après : CEDH ; RS 0.101) "nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire". Est forcé ou obligatoire tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de son plein gré. Le terme travail forcé évoque l'idée d'une contrainte, physique ou morale. Se référant aux passages pertinents du Rapport explicatif de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005 (ci-après : Convention anti-traite ; RS 0.311.543), la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : Cour EDH) relève que la traite consiste en une combinaison de trois éléments de base: 1) l'acte de traite: le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes ; 2) l'emploi d'un moyen illicite: la menace de recours ou le recours à la force, ou d'autres formes de contrainte, notamment par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité ; 3) le but visé, soit l'exploitation, laquelle comprend le travail forcé. La traite suppose le recours à un des moyens énoncés tout au long ou à un stade donné du processus, aux fins d'exploitation. La "fraude" et la "tromperie" sont des procédés fréquemment utilisés par les trafiquants, par exemple lorsqu'ils font croire aux victimes qu'elles obtiendront un contrat de travail attractif alors qu'elles sont destinées à être exploitées.

Les actes suivants conduisent à la qualification de travail forcé: utilisation ou menace de violence physique, enfermement, restriction de liberté de mouvement lorsqu'une personne doit séjourner dans une zone limitée, retenue de salaire, menace de dénoncer les travailleurs en situation irrégulière, menaces de sanctions financières et retrait des papiers d'identité (RJB 159/2023 p. 409, 427).

Par "abus de position de vulnérabilité", il faut entendre l'abus de toute situation dans laquelle la personne concernée n'a d'autre choix réel et acceptable que de se soumettre. Il peut donc s'agir de toute sorte de vulnérabilité, qu'elle soit physique, psychique, affective, familiale, sociale ou économique. Cette situation peut être, par exemple, une situation administrative précaire ou illégale, une situation de dépendance économique ou un état de santé fragile. En résumé, il s'agit de l'ensemble des situations de détresse pouvant conduire un être humain à accepter son exploitation. Le consentement d'une victime de la traite est indifférent lorsque l'un des moyens énoncés supra a été utilisé (art. 4 let. b de la Convention anti-traite).

Dans sa jurisprudence, la Cour EDH rappelle "la valeur relative" du critère du consentement préalable et opte pour une approche qui tient compte de l'ensemble des circonstances de la cause. Lorsque l'employeur abuse de son pouvoir ou tire profit de la situation de vulnérabilité de ses ouvriers afin de les exploiter, ceux-ci n'offrent pas leur travail de plein gré (CourEDH CHOWDURY ET AUTRES c. GRECE, du 30 mars 2017 § 43, 90 et 96).

Dans ledit arrêt, la Cour EDH s'est ainsi penchée sur le consentement de travailleurs migrants, en situation irrégulière, n'ayant pas de ressources et courant le risque d'être arrêtés, détenus et expulsés. En leur promettant des abris rudimentaires et un salaire journalier de EUR 22.-, ce qui constituait la solution unique pour s'assurer un moyen de subsistance, l'employeur avait réussi à obtenir leur consentement au moment de l'embauche, afin de les exploiter ultérieurement. Pendant leur emploi, ces personnes, qui vivaient dans des huttes de fortune et travaillaient dans des serres sous le contrôle de gardes armés, n'avaient pas perçu de salaire. L'employeur leur avait indiqué qu'elles ne percevraient leurs salaires que si elles continuaient à travailler pour lui. Le fait, comme le relevait le Gouvernement, que les requérants n'avaient pas été obligés de travailler, qu'ils avaient la possibilité de négocier leurs conditions de travail, qu'ils n'étaient pas dans un état d'exclusion du monde extérieur, que les éléments de contrainte physique faisaient défaut, qu'ils étaient libres de quitter leur emploi quand ils le voulaient pour en chercher un autre, et donc d'abandonner la relation de travail, n'excluait pas la traite. La violation de l'art. 4 § 2 CEDH devait par conséquent être relevée, les faits démontrant clairement qu'ils étaient constitutifs de traite d'êtres humains et de travail forcé (§ 94 à 100).

L'absence de liberté de mouvement n'est ainsi pas une condition sine qua non pour qualifier la situation de traite d'êtres humains, cette condition relevant plutôt de la servitude (§ 123). L'exigence de mauvais traitement n'est pas non plus une condition de la traite d'êtres humains (CourEDH, J. ET AUTRES contre Autriche, du 17 janvier 2017, opinion séparée, §53).

1.5.11. La définition usuelle du métier est applicable en cas de traite d'êtres humains. L'auteur agit de manière professionnelle, lorsqu'en raison du temps et des moyens consacrés à son activité délictueuse, ainsi que de la fréquence des actes pendant une période donnée et des revenus espérés ou obtenus, il ressort qu'il exerce son activité à la manière d'une profession, et en retire effectivement des revenus relativement réguliers contribuant de façon non négligeable à la satisfaction de ses besoins (STOUDMANN, op. cit, n° 34 ad art. 182). L'auteur fait métier de la traite s'il agit à titre professionnel, c'est-à-dire en intervenant de manière régulière et pour des sommes importantes ainsi qu'en faisant de nombreuses victimes. Il faut donc que l'infraction ait été commise de manière répétée, que l'auteur la considère comme une activité lucrative dont il espère retirer des revenus et qu'il soit disposé à commettre une multitude d'infractions de ce genre (Message du Conseil fédéral du 11 mars 2005 portant approbation du Protocole facultatif du 25 mai 2000 se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et sur la modification correspondante de la norme pénale relative à la traite d'êtres humains (FF 2005 2639 p. 2665ss).

1.5.12. L'infraction est intentionnelle, mais le dol éventuel suffit. L'auteur est punissable dès le moment où il s'accommode du but de la traite (DUPUIS et al., op.cit., n° 24 ad art. 182).

1.6. En matière de concours, la doctrine est divisée. Certains estiment que la traite d'êtres humains à des fins d'exploitation du travail entre en concours avec l'usure car ces deux infractions n'ont pas vocation à protéger le même bien juridique (MERIBOUTE, op. cit, p. 360 ; Luisa LEUENBERGER, Menschenhandel demäss Art. 182 StGB, Analyse des schweizerichen Straftatbestandes unter Berücksichtigung des internationales Vorgaben, Berne (Weblaw), 2018, p. 241). Pour d'autres, bien que l'infraction à l'art. 182 CP soit une infraction contre la liberté, elle évoque également l'idée d'obtenir, à travers l'exploitation, un gain, de tirer un revenu. Il s'agit de réprimer une infraction qui procure un profit économique, laquelle suppose une atteinte au patrimoine des victimes, de sorte que les deux infractions n'entrent pas en concours (CORBOZ, op. cit., n° 9 ad art. 182 CP ; STOUDMANN, op. cit., art. 111-392 CP, n°16 ad art. 182 CP).

1.7. Infractions à la LEI

1.7.1. En vertu de l'art. 116 al. 1 let. a LEI, est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque en Suisse ou à l'étranger, facilite l'entrée, la sortie ou le séjour illégal d'un étranger ou participe à des préparatifs dans ce but. La peine encourue est une peine privative de liberté de 5 ans au plus ou une peine pécuniaire si l'auteur agit pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime (al. 3 let. a).

L'infraction vise en particulier tous les actes qui sont de nature à compliquer le prononcé ou l'exécution par les autorités de décisions en matière de droit des étrangers (arrêt du Tribunal fédéral 6B_60/2018 du 21 décembre 2018 consid. 2.2.1). Il en va ainsi de celui qui héberge une personne séjournant illégalement en Suisse, qu'il agisse en tant qu'hôtelier, bailleur ou employeur qui loue une chambre (ATF 130 IV 77 consid. 2.3.2 ; 118 IV 262 consid. 3a ; 112 IV 121 consid. 1), pour autant que l'hébergement s'inscrive dans une certaine durée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_128/2009 du 17 juillet 2009, consid. 2.2). Le dessein d'enrichissement est défini comme la recherche, par l'auteur, d'un avantage patrimonial ou d'une amélioration de sa situation économique (NGUYEN, op. cit, p. 682). A défaut de mention expresse de la négligence, l'incitation au séjour illégal, qui constitue un délit, ne peut être commise qu'intentionnellement; le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_129/2009 du 17 juillet 2009 consid. 2.2; ANDREAS ZÜND, in Kommentar Migrationsrecht, 5e éd., 2019, n° 4 ad art. 116 LEI).

1.7.2. Selon l'art. 117 al. 1 LEI quiconque, intentionnellement, emploie un étranger qui n'est pas autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse ou a recours, en Suisse, à une prestation de services transfrontaliers d'une personne qui n'a pas l'autorisation requise est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire. Dans les cas graves, la peine sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire.

Le cas doit être qualifié de grave notamment lorsque l'auteur agit sur une longue période, lorsque l'emploi d'un étranger en situation irrégulière s'effectue à des conditions inférieures au salaire habituel du domaine d'activité concerné ou à des conditions abusives de travail, ou en fonction du nombre de travailleurs sans autorisation employés (StGB/JStG Kommentar-Maurer, Art 117 LEI N 6 ; ZÜND-Migrationsrecht Kommentar, no 3 ad art. 117) ou encore si l'auteur agi par cupidité au sens de l'art. 23 LSEE (MERIBOUTE, op. cit, p. 128; Florence ROUILLER, Code annoté de droit des migrations, Vol. II, 2017, p. 1324 no 9).

Le cas grave semble avoir été retenu a contrario par le Tribunal fédéral qui considère que "l'emploi de travailleurs en violation du droit des étrangers, qui plus est sur près de dix ans et sans interruption notable en dépit de condamnations pénales régulières, est loin d'être une infraction mineure" (arrêt du Tribunal fédéral 2C_881/2012 consid. 4.3.2).

Le cas grave a été retenu pour un prévenu, mû par l'appart du gain, qui avait employé sur une longue période des employés d'origine serbe, sans autorisation de travail, à des conditions jugées inacceptables et en violation de la convention collective de travail applicable (arrêt de la Cour suprême du canton de Berne BK 20 200 du 3 juin 2020 consid. 7; BK 20 462 du 25 novembre 2020 consid. 7), en raison de la durée pluriannuelle continue de l'infraction et le mobile d'exploitation d'une travailleuse clandestine consistant à obtenir des avantages illicites s'assimilant à de la cupidité (arrêt 2022/318 de la Cour d'appel pénale du canton de Vaud du 13 juin 2022 consid. 4.7), ou encore à la lumière de l'ensemble des circonstances objectives et subjectives du cas, notamment lorsque l'auteur emploie un grand nombre d'étrangers sans autorisation, lorsqu'il impose des conditions de travail inacceptables ou lorsqu'il profite d'une situation de gêne ou de dépendance pour contraindre l'étranger à travailler (ATA/971/2023, consid. 3.3).

Selon l'art. 117 al. 2 LEI, quiconque, ayant fait l'objet d'une condamnation exécutoire en vertu de l'al. 1, contrevient de nouveau, dans les cinq années suivantes, à l'al. 1, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

1.7.3. Le terme "employer" doit être compris de manière large, comme consistant non seulement à conclure et exécuter un contrat de travail (au sens des art. 319ss CO), mais également à faire exécuter une activité lucrative à quelqu'un, quelle que soit la nature du rapport juridique entre l'auteur et la personne employée. Le point de savoir si le travailleur est lié à l'employeur par un contrat de travail ou s'il a été "prêté" par une tierce personne n'est pas déterminant au regard de l'art. 117 LEI (arrêt du Tribunal fédéral 6B_511/2017 du 16 novembre 2017 consid. 2.1 et les références citées).

Ainsi, la notion d'employeur au sens de l'art. 117 al. 1 LEI est autonome. Elle est plus large que celle du Code des obligations et englobe l'employeur de fait (ATF 128 IV 170, consid. 4.1 in JdT 2004 IV 89; arrêt du Tribunal fédéral 6B_815/2009 du 18 février 2010 consid. 2.3). Celui qui bénéficie effectivement des services d'un travailleur est un employeur nonobstant l'intervention d'un intermédiaire et, peu importe qu'une rémunération soit versée et par qui. Est un employeur de fait celui qui occupe de fait un étranger et, par conséquente, en accepte ses services (ATF 99 IV 110 consid. 1 à 3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_815/2009 du 18 février 2020 consid. 2.3). Il n'est pas nécessaire que l'auteur ait la compétence de donner des instructions à ce travailleur étranger. Il suffit qu'il entre dans ses attributions de décider qui peut, ou non, participer à l'exécution de la tâche et que sa décision conditionne l'activité lucrative de l'intéressé (ATF 137 IV 159 consid. 1.4 in JdT 2012 IV 107; 128 IV 170 consid. 4.2).

1.7.4. L'infraction n'est réalisée que si l'employeur a agi intentionnellement, ce qui comprend le dol éventuel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_184/2009 du 20 mai 2009 consid. 1.2.2).

1.8. Infraction à la LAVS

1.8.1 D'après l'art. 87 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (ci-après : LAVS ; RS 831.10), celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, aura éludé, en tout ou en partie, l'obligation de payer des cotisations, sera puni d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus lourde.

1.8.2. Selon l'art. 87 al. 3 LAVS, entré en vigueur le 1er janvier 2018, celui qui, en sa qualité d'employeur, omet de s'affilier à une caisse de compensation et de décompter les salaires soumis à cotisation de ses salariés dans le délai fixé par le Conseil fédéral en vertu de l'art. 14, sera puni d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus lourde.

1.8.3. Il ressort du message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi fédérale contre le travail au noir du 18 décembre 2015 (FF 2016 141) que selon l'art. 87 al. 2 LAVS, est punissable toute personne qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, élude, en tout ou en partie, l'obligation de payer des cotisations. Cette infraction suppose une manœuvre frauduleuse active, qui ne saurait être constituée par une simple omission (ATF 89 IV 167 consid. 1). Ainsi, un employeur qui est affilié à une caisse de compensation AVS et qui effectue des décomptes pour un travailleur, mais n'en déclare pas un deuxième ou fournit à son sujet des indications fausses ou incomplètes, se rend passible d'une peine aux termes de cette disposition. Par contre, celui qui d'emblée ne s'affilie pas à une caisse de compensation se rend coupable non pas d'une manœuvre frauduleuse active, mais d'une simple omission, et ne peut donc être puni sur la base du seul alinéa 2. Les éléments constitutifs de cette nouvelle infraction seront réputés réunis si l'employeur a par deux fois violé ses obligations au moment où expire le délai de décompte. Il faut ainsi, d'une part, qu'il ne se soit pas affilié à temps à la caisse de compensation compétente, comme le prescrit l'art. 64 al. 5 LAVS, et d'autre part, qu'il n'ait pas fourni le décompte des salaires dans les 30 jours qui suivent le terme de la période de décompte. Il aura par-là manifesté sa volonté d'éluder l'obligation de payer des cotisations (FF 2016 160ss).

1.8.4. Sont tenus de payer des cotisations tous les employeurs occupant dans leur ménage des personnes obligatoirement assurées (art. 12 al. 2 LAVS). Est considéré comme employeur quiconque verse à des personnes obligatoirement assurées une rémunération au sens de l'art. 5 al. 2 LAVS (art. 12 al. 1 LAVS). Le salaire déterminant, au sens de l'art. 5 al. 2 LAVS, comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé. Selon l'art. 14 al. 1 LAVS, les cotisations perçues sur le revenu provenant de l'exercice d'une activité dépendante sont retenues lors de chaque paie. Elles doivent être versées périodiquement par l'employeur en même temps que la cotisation d'employeur. Selon l'art. 64 al 5 LAVS, les employeurs en particulier doivent s'annoncer auprès de la caisse de compensation cantonale. Selon l'art. 22 RAVS, les cotisations sont versées pour chaque année de cotisation. Selon l'art. 24 RAVS, pendant l'année de cotisation, les personnes tenues de payer des cotisations doivent verser périodiquement des acomptes de cotisations, qui sont fixées sur le revenu probable de l'années en cours. Selon l'art. 25 RAVS, les caisses de compensation fixent les cotisations dues pour l'année de cotisation dans une décision de cotisation et établissent le solde entre les cotisations dues et les acomptes versés, les cotisations encore dues devant être payées dans les 30 jours dès la facturation.

1.8.5. S'agissant de l'élément subjectif, l'infraction doit être intentionnelle ou commise au moins par dol éventuel, la simple négligence ne suffisant pas (ATF 113 V 256 consid. 4c).

1.9.1. Est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux; il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas; il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Ce qui est déterminant c'est que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 130 IV 58 consid. 9.2.1 p. 66; 125 IV 134 consid. 3a p. 136). Ce concept de coactivité montre qu'une personne peut être considérée comme auteur d'une infraction, même si elle n'en est pas l'auteur direct, c'est-à-dire si elle n'a pas accompli elle-même tous les actes décrits dans la disposition pénale; cela résulte naturellement du fait qu'une infraction, comme toute entreprise humaine, n'est pas nécessairement réalisée par une personne isolée, mais peut procéder d'une action commune avec une répartition des tâches (ATF 120 IV 17 consid. 2d p. 23 s.).

1.9.2. Selon l'art. 25 CP, le complice est celui qui aura intentionnellement prêté assistance pour commettre un crime ou un délit. La complicité est une forme de participation accessoire à l'infraction. Elle suppose que le complice apporte à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cet acte de favorisation ; il n'est toutefois pas nécessaire que l'assistance du complice soit une condition sine qua non à la réalisation de l'infraction (ATF 109 IV 149 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 108 Ib 302 consid. 3a et les arrêts cités). L'assistance prêtée par le complice peut être matérielle, intellectuelle ou consister en une simple abstention (ATF 79 IV 146). Le complice peut apporter sa contribution jusqu'à l'achèvement de l'infraction. Le complice doit avoir l'intention de favoriser la commission de l'infraction, mais le dol éventuel suffit (ATF 109 IV 150 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 108 Ib 302 consid. 3b).

1.9.3. La complicité par omission est en soi concevable, mais elle suppose que le complice ait eu l'obligation juridique d'agir (ATF 79 IV 147). De façon générale, on admet qu'une infraction de résultat peut également être réalisée lorsque l'auteur omet par sa faute l'accomplissement d'un acte qu'il était juridiquement tenu d'accomplir et qui, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, aurait évité la survenance du dommage (délit d'omission improprement dit). Un tel délit est réalisé lorsque la survenance du résultat par une action est expressément menacée d'une sanction pénale, que l'accusé par son action aurait effectivement pu éviter le résultat et qu'en raison de sa situation juridique particulière il y était à ce point obligé que son omission apparaît comparable au fait de provoquer le résultat par un comportement actif. L'obligation d'agir doit donc découler d'une situation juridique particulière, appelée situation de garant (ATF 117 IV 132 s. consid. 2a, 113 IV 72 consid. 5a et les références citées).

2. S'agissant de CB______, DB______, EB______ et FB______

2.1.1. En l'espèce, s'agissant de l'infraction d'usure, les employés travaillaient au service de tous les prévenus B______, même si certains étaient plus particulièrement rattachés au service de l'un ou de l'autre, ce qui explique que LESE 3______ considérait DB______ et CB______ comme ses employeurs, que LESEE 1______ disait que son employeuse était FB______ alors que LESEE 4______ estimait qu'il s'agissait de DB______.

Les instructions étaient certes données essentiellement par DB______ et FB______, mais aussi par CB______ s'agissant de son employé personnel, et il leur arrivait à tous de leur confier un travail c'est à dire de donner des instructions, y compris EB______. DB______ et FB______ n'avaient pas de revenus propres, mais cela n'est pas déterminant car tant les salaires des employés indiens que les dépenses de toute la famille B______ étaient payés au débit du compte AP_____ global. Au surplus, tant CB______ que EB______ ont signé des ordres de paiement de ces salaires. Les quatre prévenus B______ revêtent ainsi la qualité de celui qui se fait accorder l'avantage, soit le travail fourni. Ils ont agi en coactivité.

2.1.2. Les salaires effectivement versés en espèces et en roupies aux employées équivalaient à CHF 325.- par mois en moyenne. Pour la nourriture, le montant du salaire en nature de CHF 600.- puis CHF 645.- prévu par le CTT-Edom peut être retenu. Pour le logement par contre, il sera réduit à CHF 100.- par mois au lieu de CHF 300.- puis CHF 345.- selon le CTT-Edom compte tenu des conditions misérables de logement, ne respectant pas l'exigence d'une chambre individuelle par employé, fermée à clef et disposant de la lumière du jour. S'agissant des prestations en nature, le coût annuel des uniformes de travail allait de CHF  75.- à CHF 250.- par an, mais l'uniforme de travail obligatoire doit être fourni et payé par l'employeur. Le coût des déplacements allait de CHF 30.- à CHF  1'200.- par an, mais les frais de déplacement de l'employé qui voyage avec ses employeurs pour travailler pour eux sur leur lieu de vacances ne peuvent pas être mis à sa charge. Les frais médicaux n'étaient pas entièrement payés et parfois déduits du salaire des employés, les assurances étant conclues dans le seul but d'obtenir les visas et des attestations de travail et dans la mesure où ces assurances ne couvraient pas effectivement les frais de maladie des employés, il ne s'agit pas d'un salaire en nature. Les cadeaux et les pourboires ne sont pas non plus des prestations en nature. Les seules autres prestations en nature, outre le logement et la nourriture, sont le billet d'avion annuel pour le mois de vacances en Inde dont le coût maximum était de CHF 1'200.- et les quelques produits de soins et de toilette fournis. Le tout peut être évalué à CHF 150.-/mois, soit 100.- pour le billet d'avion et CHF 50.- pour les produits évoqués. A ce propos, un avis de droit suisse est un allégué de fait de sorte que le Tribunal ne retiendra pas les montants mentionnés par le prof. AJ_____ dans son avis de droit. Le Tribunal n'est pas non plus lié par les allégués des parties ressortant de la convention conclue à propos de la couverture de leur minimum vital.

Le salaire minimum moyen entre 2009 et 2018 selon le CTT est de CHF 3'870.-, salaire en nature inclus. Ainsi, le salaire en espèces minimum, en tenant compte du salaire en nature précité et des charges sociales, peut être établi ainsi:

[(CHF 3'870.-) - [(100.- (logement) - 645.- (nourriture) - 150.- (billet d'avion pour aller en Inde et autre frais)) = 2'975.-)] - (2'975.- x 15% = 446.25) = CHF 2'528.75].

Aussi, les lésés auraient dû être payés en moyenne CHF 2'528.75 en espèces, mais ils percevaient en moyenne CHF 325.- par mois.

La différence se calcule ainsi: [(CHF 2'528.75) – (CHF 325.-) = 2'203.75] ; [(2'203.75 x 100 / 2'528.75) = 87%].

Ainsi, la différence entre le salaire minimum de la branche et le salaire versé était de 87% et de plus de 90% en tenant compte des heures supplémentaires.

Il y avait donc une disproportion évidente, sur le plan économique, entre les prestations de travail fournies par les employés indiens au service de la famille B______ et la contre prestation fournie en salaire par l'employeur.

2.1.3 Dans ce cadre, l'inexpérience des employés a été exploitée. En effet, ceux-ci étaient peu solarisés, voire pas du tout, ils venaient d'Inde, ne parlaient pour la plupart que le hindi et n'avaient aucune connaissance de leurs droits en matière de droit du travail et de rémunération en Suisse, n'ayant jamais quitté leur pays auparavant, si ce n'est pour travailler à Abu Dhabi ou au Koweït. Ils n'étaient pas en mesure de réaliser que leur travail méritait un salaire plus important, vu les conditions salariales existantes dans leur pays d'origine et ce n'est que postérieurement et pour certains d'entre eux qu'ils ont appris les salaires des chauffeurs et des femmes de ménage.

Leur gêne a aussi été exploitée, dans la mesure où leur situation financière en Inde était précaire, ils travaillaient en Suisse en étant en situation irrégulière, sans être déclarés et pour un salaire très inférieur aux minima du CTT-Edom. Les maigres possessions acquises par certains en Inde après des années de labeur ne modifient en rien leur état de gêne.

Leur dépendance a également été exploitée, dès lors qu'ils ne connaissaient personne en Suisse, ni la langue du pays, étaient maintenus dans la crainte d'une arrestation par la police et privés de leurs passeports, ils percevaient leur salaire tous les trois à six mois en Inde, se trouvant ainsi dans un rapport de soumission à leurs employeurs.

2.1.4. Le fait que, même démunis de leurs papiers d'identité, les plaignants auraient théoriquement pu fuir le domicile des prévenus B______ n'est pas déterminant dans le cadre de l'usure. Il en va de même de l'appréciation subjective que se faisaient les employés indiens de la valeur de leur salaire par rapport au travail fourni. Le fait que les victimes consentent à conclure un tel contrat n'est pas déterminant, mais au contraire une condition de l'usure.

Sur le plan de la causalité, si les lésés ne s'étaient pas trouvés dans les situations de faiblesse retenues, ils n'auraient pas accepté un tel contrat.

2.1.5. Du point de vue subjectif, les quatre prévenus B______ connaissaient la situation de faiblesse de leurs employés. Ils connaissaient aussi les règles applicables en Suisse, résidant en Suisse depuis le début des années 1980 et respectivement 1996 pour FB______ et étant tous de nationalité suisse. EB______ a été scolarisé en Suisse, les prévenus étaient entourés de nombreux employés et d'un juriste en tout cas au sein de SOCIETE 4______, de LB______, avocate au barreau de ______, et ils étaient assistés en 2007 déjà par Me Robert ASSAEL. Au surplus, FB______ a déclaré qu'elle versait de la main à la main le salaire de O______, de sorte qu'elle en connaissait le montant. Ils connaissaient en effet tous le montant des salaires versés en Inde aux employés indiens.

Le quatre prévenus B______ connaissaient ainsi tous la disproportion des prestations.

2.1.6. Les prévenus ne peuvent pas être suivis lorsqu'ils prétendent que suite à la procédure de 2007, ils pensaient, de bonne foi, qu'ils ne commettaient pas d'infraction.

Ils ne sauraient en effet invoquer leur attachement à la culture indienne pour justifier leur méconnaissance, au vu de la durée de leur résidence en Suisse soit depuis les années 1980 et 1996 pour FB______ et de leur nationalité suisse. Au surplus, en 2007, DB______ et CB______ n'ont pas été acquittés et ne peuvent se targuer d'une décision assimilée à un acquittement, étant rappelé que la procédure de 2007 a été conduite sous l'empire de l'ancien code de procédure genevois (cf. motivation, PV 35ss). Les prévenus ne peuvent donc pas se prévaloir d'une erreur sur l'illicéité dans la mesure où ils n'ont pas reçu une assurance d'une autorité judiciaire que leur comportement n'était pas pénalement répréhensible.

2.1.7. Aussi, c'est en exploitant la situation de faiblesse des employés que les prévenus ont pu obtenir un avantage pécuniaire disproportionné. Ils savaient d'une part, que les employés n'étaient pas en mesure de remettre en cause la situation dans laquelle ils ont été placée et, d'autre part, que le travail accompli par ceux-ci méritait un salaire bien plus élevé, eu égard au montant du salaire versé aux autres employés non indiens et au fait que, étant de nationalité suisse, ils connaissaient le niveau de rémunération dans ce pays. Les prévenus ont dès lors envisagé et accepté que l'état de dépendance des employés fût à l'origine de leur soumission aux conditions de travail imposées, de sorte que l'élément intentionnel est réalisé.

En versant intentionnellement un salaire de 87%, voire de 90% inférieur au salaire minimum de la branche à des employés en situation de faiblesse, les prévenus B______ se sont rendus coupables d'usure.

2.1.8. Compte tenu du système mis en place depuis toujours, de la fréquence des actes, soit l'emploi en permanence de quatre ou cinq employés dans ces conditions, pendant la période pénale non atteinte par la prescription du 21 juin 2009 au 12 avril 2018, ainsi que des économies ainsi réalisées, de CHF 2'600'000.- et du fait que les prévenus B______ étaient disposés à continuer à employer du personnel dans ces conditions à un nombre indéterminé de reprises à l'avenir, ainsi que du temps consacré pour les démarches administratives y relatives, il y a lieu de retenir l'aggravante du métier.

Il apparaît ainsi que les éléments constitutifs de l'infraction réprimée à l'art. 157 ch. 1 et 2 CP sont réunis.

2.2.1. S'agissant de l'infraction de traite d'êtres humains, il a été retenu que DB______ et FB______, voire CB______ recrutaient les employés indiens et les faisaient venir en Suisse. Le fait que FB______ ait peut-être agi avec l'accord d'EB______ ne donne pas à ce dernier la qualité de recruteur. Si certains prévenus B______ ne sont pas les recruteurs ou les transporteurs, ils sont à tout le moins les destinataires au sens de la loi, soit ceux qui reçoivent l'employé. En effet, ceux-ci étaient destinés à travailler au service des membres de la famille B______ de Genève, certes affectés parfois plus spécifiquement au service de DB______ ou de CB______ ou alors aux soins des enfants de FB______ et EB______, mais ils étaient tous amenés à se remplacer et à travailler pour les autres membres de la famille B______ au besoin.

Ces employés ont également été hébergés, soit logés dans la villa de ______[GE] par les quatre prévenus B______.

Ainsi, les prévenus B______ ont recruté, engagé en Inde, puis fait venir en Suisse et hébergé des employés exclusivement indiens, pour travailler en qualité de cuisiniers, nurses et employés de maison chargés des soins des enfants, du ménage, de la cuisine et du linge notamment, au service de tous les membres de la famille B______. Tous les prévenus revêtent donc la qualité d'auteur de traite, à un titre ou à un autre. La première condition de l'infraction est ainsi réalisée.

2.2.2. Les prévenus B______ ont agi afin de faire travailler ces ressortissants indiens en qualité d'employés domestiques et dans le dessein d'exploiter leur travail, les faisant œuvrer 12 à 18 heures par jour à des conditions salariales certes légèrement supérieures à celles appliquées en Inde mais extrêmement faibles en Suisse, soit des salaires de CHF  1'000.- à 1'400.- par mois, toutes prestations en nature incluses, soit la nourriture, le logement et tous les autres frais.

2.2.3. S'agissant du moyen employé pour exploiter leur travail, soit l'existence d'un moyen de contrainte, il doit s'apprécier sous l'angle de la mesure des restrictions aux droits fondamentaux des lésés, en d'autres termes, il faut se demander si les lésés ont été privés de leur droit à l'autodétermination.

Si les employés n'ont pas été trompés sur leurs conditions de travail, il a été retenu que certains de leurs droits fondamentaux avaient été violés par les prévenus B______. Pour que le crime de traite d'êtres humains soit retenu, il n'est pas nécessaire, en plus, que les employés aient été frappés, maltraités, menacés et gardés par des gardes armés, ces circonstances aggravant cependant l'illicéité du comportement. Au surplus, les lésés étaient incontestablement dans une situation de vulnérabilité certaine. Ils étaient très pauvres, issus des castes les plus basses en Inde, parfois illettrés, la plupart ne parlant que le hindi, sauf exception, LESEE 1______ ayant appris l'anglais au contact des deux jumelles qu'elle a élevées.

Ainsi, les conditions du crime de traite d'êtres humains sont réalisées sous réserve ce que qui suit. Il s'agit d'une infraction contre la liberté, contre l'autodétermination. Il convient donc de déterminer si la mesure de la privation des droits fondamentaux des lésés voulue par les prévenus B______ les privait de leur droit à l'autodétermination ou pas. En d'autres termes si leur consentement à travailler dans ces conditions était valable ou pas. Or, les lésés qui ont été entendus sont tous revenus travailler en Suisse, en toute connaissance de cause des conditions de travail qui seraient les leurs à leur retour. Plus particulièrement, LESEE 1______ avait entre début 2009 et fin 2010 un emploi rémunéré pour une autre famille en Inde pour un salaire de INR 15'000.-.

Elle est revenue dans le but de revoir les enfants qu'elle avait élevés et parce qu'elle obtenait un salaire de INR  20'000.-. En 2013, LESEE 4______ est revenue après une année en Inde pour s'occuper de sa fille à l'issue de laquelle DB______ lui a proposé de revenir à Genève, ce qu'elle a accepté car elle avait besoin d'argent, après avoir passé un an sans travailler. LESE 3______ a été renvoyé en Inde en 2008 sans explication ni perspective claire avec un préavis de deux heures seulement avant son départ. Il a travaillé pour la famille B______ en Inde de l'été 2009 au début 2017 et, sur proposition de DB______, a accepté de revenir travailler à Genève car le salaire proposé était du double de celui perçu en Inde. LESE 5______ est revenu travailler à Genève après 6 semaines de vacances payées en Inde.

La question qui se pose alors est de savoir si leur consentement à leur exploitation était valable sous l'angle du droit à l'autodétermination ou s'il résultait de conditions de vulnérabilité telles, en particulier s'agissant de leur situation économique, qu'ils n'avaient aucune autre possibilité que de revenir travailler dans la famille B______ à Genève aux conditions connues. Or, les éléments de la procédure ne permettent pas de retenir que leur situation était telle que leur capacité d'autodétermination était totalement annihilée. LESEE 1______ et LESE 3______ avaient un travail et un revenu en Inde et il n'est pas établi que celui-ci ne leur permettait pas de faire vivre leur famille. D'ailleurs, si LESEE 1______ a pu acheter un logement certes modeste à l'aide de son salaire en Suisse, cela démontre que son salaire en Inde ne la plaçait pas en dessous du minimum vital dans son pays. LESEE 4______ a pu vivre un an sans salaire en Inde et elle n'a pas cherché à trouver un autre travail en Inde avant de revenir en Suisse. Il en va de même de LESE 5______. Il n'est donc pas établi que les lésés étaient donc pas dans une situation telle qu'il faudrait considérer que leur consentement était nul et sans effet. Ce consentement constitue donc un motif justificatif qui exclut toute punissabilité de traite d'êtres humains.

Les prévenus B______ seront donc acquittés de traite d'êtres humains.

2.3.1. S'agissant des infractions à la LEI et à la LAVS, il sera préalablement relevé que les quatre prévenus B______ revêtent la qualité d'employeur, tant au sens de la LAVS que de celui de la LEI, puisque le terme "employer" doit être compris de manière large, comme consistant non seulement à conclure et exécuter un contrat de travail (au sens des art. 319ss CO), mais également à faire exécuter une activité lucrative à quelqu'un, quelle que soit la nature du rapport juridique entre l'auteur et la personne employée et peu importe que les employés soient salariés par des versements au débit du compte AP_____ dont les ayants droit économiques sont les membres de la famille B______ au sens large.

2.3.2. En les faisant venir en Suisse grâce à un visa Suisse ou Schengen, mentionnant faussement un but de tourisme, en les hébergeant dans la villa de ______ [GE] et en les faisant entrer et sortir de Suisse, grâce notamment aux attestations françaises délivrées, les prévenus ont intentionnellement facilité l'entrée, la sortie et le séjour illégaux en Suisse des lésés, dont les prévenus savaient qu'ils étaient en situation irrégulière.

Les quatre prévenus B______ ont agi dans le but d'obtenir un enrichissement illégitime. En procédant ainsi, ils évitaient de devoir employer des personnes au bénéfice d'un titre de séjour, séjournant légalement en Suisse et exigeant donc le paiement d'un salaire à tout le moins décent. Ils seront donc reconnus coupables d'incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux sous la forme aggravée au sens de l'art. 116 al. 1 et 3 let. a LEI.

2.3.3. Les prévenus B______ ont employé les lésés qui n'étaient pas au bénéfice d'une autorisation de travail valable en Suisse. Les diverses hypothèses plaidées par leur défense ne sont pas réalisées. Les quatre prévenus B______ sont suisses et résidaient essentiellement à Genève, là où travaillaient les employés indiens. Il ne s'agit donc pas de riches familles étrangères qui passent quelques semaines par année en vacances à Genève et dont le personnel de maison est autorisé à les suivre et à travailler pour eux durant cette brève période. Il ne s'agit pas non plus de travailleurs détachés. Du point de vue subjectif, les quatre prévenus B______ ont agi intentionnellement. Ils sont suisses, entourés de juristes et de responsables RH ainsi que de nombreux avocats. CB______ et DB______ ont été condamnés en 2007 pour ces mêmes faits et EB______ a été entendu dans la cadre de cette procédure, laquelle a indubitablement été discutée en famille. Ils sont indirectement employeurs à Genève par le biais de diverses sociétés et connaissaient donc les obligations des employeurs. Au vu du nombre d'employés, le cas est grave. Ils seront par conséquent reconnus coupables d'emploi d'étrangers sans autorisation sous la forme aggravée au sens de l'art. 117 al. 1 LEI.

DB______ et CB______ ont certes été condamnés en 2007. Toutefois, les faits objets de la présente procédure sont prescrits pour la période du 20 novembre 1997 au 31 décembre 2013, de sorte que la condamnation de 2007 n'intervient pas dans les 5 ans précédant les faits retenus. Ainsi, l'aggravante de l'art. 117 al. 2 LEI ne sera pas retenue.

2.3.4. Jusqu'au 1er janvier 2018, la LAVS ne réprimait pas le fait de ne pas déclarer ces employés, ce qui a été le cas, mais seulement de donner de fausses indications, ce qui n'a pas été le cas. Dès le 1er janvier 2018 en revanche, les employeurs B______ devaient, sans délai, s'affilier à une caisse AVS et annoncer le salaire probable pour l'année 2018 de leurs employés ou celui qui avait été versé l'année précédente, et payer, dès le 31 mars 2018, des acomptes, ce qu'ils n'ont pas fait. Cependant, pour être punissables, il faut cumulativement qu'ils n'aient pas payé le montant des cotisations dues, alors que le décompte de celles-ci est établi au début du mois de janvier de l'année suivante, soit en 2019. Durant la période pénale limitée du 1er janvier au 12 avril 2018, ils n'ont pas réalisé la 2ème condition de l'infraction. Ils seront donc acquittés de ce chef.

2.4. S'agissant de C______

2.4.1. En l'espèce, C______ doit également être acquitté des infractions à la LAVS et de traite d'êtres humains dont les auteurs principaux ont été acquittés.

C______ n'était pas l'employeur des lésés, ni à titre personnel ni en qualité de directeur de SOCIETE 4______. Il ne les avait pas engagés et ces employés ne travaillaient pas à son service, ni au service de SOCIETE 2a______ ou de SOCIETE 4______. Par contre, C______ a donné des ordres de virement concernant le paiement des salaires des employés en Inde, il a rédigé de nombreuses attestations indiquant faussement et en toute connaissance de cause qu'ils logeaient à la villa D______ à Cannes, voyageaient et faisaient du tourisme avec la famille B______ en Europe, alors qu'ils vivaient et travaillait à Genève, sauf pour de courtes périodes lors desquelles ils accompagnaient et travaillaient pour l'un ou l'autre des prévenus B______, en voyage ou en vacances à Cannes, à ______[VD], à Londres ou ailleurs. S'il est très vraisemblable qu'il a agi pour tous les employés indiens travaillant à Genève, les pièces figurant à la procédure démontrent qu'il l'a fait pour l'ensemble des lésés visés par l'acte d'accusation entre juillet 2011 et avril 2018, sous réserve de deux d'entre eux, dans le but qu'ils obtiennent des visas suisse ou Schengen puis des titres de séjours provisoires en France. C______ a aussi, à tout le moins à une reprise, requis et obtenu lui-même un visa pour un employé indien travaillant à Genève.

2.4.2. C______ prétend qu'il ignorait le montant du salaire des employés indiens de la famille B______. Or, il travaillait aux côtés de CB______ puis d'EB______ depuis 1988 et il a déclaré être en contact quotidien avec EB______. Il s'occupait du Family Office de la famille B______ depuis 2004, d'abord au sein de SOCIETE 1______, puis de SOCIETE 2a______, de SOCIETE 4______ et finalement de SOCIETE 17______. Il s'occupait des salaires des employés de ces sociétés et connaissait donc les obligations d'un employeur. S'agissant des employés indiens, la première attestation de séjour française figurant à la procédure date d'ailleurs de 2004. Il ressort de pièces datant de 2004 à 2009 déjà que C______ donnait des ordres de paiement et recevait en copie des pièces mentionnant expressément le montant en roupies des salaires des employés indiens, de sorte qu'au début de la période pénale le concernant telle que retenue par l'acte d'accusation, soit dès juillet 2011, il en avait une parfaite connaissance. Le fait qu'il y ait aussi eu des virements concernant d'autres dépenses faites pour les employés n'y change rien. C______ était au courant de la procédure prud'homale de E______, puisqu'il y a représenté DB______ et CB______ lors d'une audience, et il avait aussi connaissance de la procédure pénale de 2007 puisque c'est lui qui a remis le classeur concernant les employés indiens à la police lors de la perquisition de SOCIETE 1______. Il a également signé des demandes de remise aux HUG pour la facture de LESE 14______ en indiquant qu'il s'agissait d'un domestique soumis à la loi genevoise concernant les domestiques et en prétendant qu'il réalisait un salaire de CHF 1'200.- nourri et logé. Il avait donc une parfaite connaissance du système mis en place par la famille B______ pour faire venir en Suisse des employés indiens à des conditions ne respectant pas les normes en Suisse. Ses dénégations lors de l'instruction et lors de l'audience de jugement sont dénuées de toute crédibilité. Ayant connaissance des règles applicables aux travailleurs domestiques à Genève et du montant des salaires versés en espèces en Inde, il connaissait la disproportion des prestations.

2.4.3. S'agissant de l'infraction d'usure, C______ a participé de façon déterminante à la venue en Suisse de ces employés indiens en signant les attestations nécessaires à l'obtention d'un visa, qui était un préalable nécessaire à leur venue en Suisse. Il était alors conscient de l'intention usuraire des membres de la famille B______ et assumait que cette infraction serait consommée. Il a signé des attestations pour tous les employés visés par l'acte d'accusation et retenus, durant la période pénale du 1er juillet 2011 au 12 avril 2018, sous réserve de ce qui suit.

A défaut d'attestation signée par C______ figurant à la procédure concernant les employés LESE 2______ et LESE 17______, le prévenu sera acquitté d'usure pour ces cas. Il a aussi été acquitté par erreur s'agissant de LESEE 12______, car il s'avère que C______ avait également signé une attestation pour ce dernier (C4-30'384).

C______ ne réalise par contre pas les conditions du métier pour l'infraction d'usure puisqu'il n'en retire aucun bénéfice personnel.

2.4.4. S'agissant des infractions aux art. 116 et 117 LEI, C______ ne peut pas être reconnu coupable de ces infractions pour avoir omis de demander des autorisations de séjour et de travail pour des employés qui n'étaient pas les siens car il n'était pas le garant de leurs employeurs, soit les prévenus B______. Cela étant, l'établissement des attestations d'hébergement et de tourisme en Europe contraires à la réalité, signées par C______, étaient nécessaires pour l'obtention de visas Suisse ou Schengen et pour l'obtention d'attestations de résidence françaises, de sorte qu'il a contribué de façon déterminante à faciliter l'entrée en Suisse, grâce à ces visas. Il a également facilité le séjour illégal en Suisse grâce aux attestations françaises, en limitant le risque en cas de contrôle non seulement à Genève, mais aussi à ______ [VD], ______ [VD] ou lorsqu'un cuisinier accompagnait CB______ à ______ pour le Y______. Il a de la même manière facilité la sortie des employés indiens de Suisse pour se rendre à Cannes et à Monaco où ils travaillaient parfois pour la famille B______. Or, ces faits sont décrits dans l'acte d'accusation car celui-ci se réfère, aux points E.3 et E.4, aux faits décrits sous point E.1, et notamment à la rédaction et/ou la signature des attestations en question. C______ réalise l'aggravante de l'art. 116 al. 3 LEI, dès lors qu'il a agi pour procurer un enrichissement illégitime aux prévenus B______.

Il en va de même de sa participation à l'infraction visée à l'art 117 LEI, soit l'emploi d'étrangers démunis d'autorisation de travail. Le cas grave est également réalisé en ce qui le concerne au vu du nombre de cas et du nombre d'années concernés.

C______ sera donc reconnu coupable de complicité d'usure (art. 25 CP cum art. 157 al. 1 CP), de complicité d'incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux sous la forme aggravée (art. 25 CP cum art. 116 al. 1 et 3 let. a LEI) et de complicité d'emploi d'étrangers sans autorisation sous la forme aggravée (art. 25 CP cum art. 117 al. 1 et 2 LEI).

3. Violation du principe de célérité

3.1.1. Les art. 5 CPP et 29 al. 1 Cst. garantissent notamment à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Le caractère raisonnable de la procédure s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes (ATF 135 I 265 consid. 4.4 p. 277). On ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3 p. 56; 130 I 312 consid. 5.2 p. 332).

La violation du principe de célérité peut être réparée par la constatation de cette violation et la mise à la charge de l'Etat des frais de justice (ATF 137 IV 118 consid. 2.2 in fine et les références citées; 147 I 259 consid. 1.3.3; 138 II 513 consid. 6.5; 136 I 274 consid. 2.3; arrêts du Tribunal fédéral 6B_402/2022 du 24 avril 2023 consid. 4.4.3; 6B_380/2016 du 16 novembre 2016 consid. 8; 6B_1399/2021 du 7 décembre 2022 consid. 4.3; 6B_1147/2020 du 26 avril 2021 consid. 2.4; arrêt AARP/191/2023 de la Cour de justice de Genève du 8 juin 2023 consid. 6).

3.1.2. Il appartient au justiciable d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié (ATF 130 I 312 consid. 5.2 p. 332; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1066/2013 consid. 1.1.2). Cette règle découle du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.), qui doit présider aux relations entre organes de l'Etat et particuliers. Il serait en effet contraire à ce principe qu'un justiciable puisse valablement soulever ce grief devant l'autorité de recours, alors qu'il n'a entrepris aucune démarche auprès de l'autorité précédente afin de remédier à cette situation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1066/2013, consid. 1.1.2. et réf. cit.: 2A.588/2006 du 19 avril 2007 consid. 2 et la référence à l'ATF 125 V 373 consid. 2b/aa p. 375 s.).

3.2.1. En l'occurrence, la procédure a connu des périodes d'inactivité entre février 2019 (CRI en Allemagne) et octobre 2020, puis de mars 2021 à mars 2023, et le Ministère public a, durant ces périodes, procédé à très peu d'actes d'instruction, même si en novembre 2022, la défense a reçu les images de vidéo-surveillance de la villa. Il y a donc lieu de constater une violation du principe de célérité.

3.2.2. Toutefois, cette violation est légère pour les motifs qui suivent. En premier lieu, les prévenus ne se sont jamais plaints avant l'audience de jugement du retard pris durant l'instruction et n'ont pris aucune mesure auprès du Procureur, ni déposé de recours pour déni de justice, afin que la procédure accélère. Au contraire, en 2018, ils ont systématiquement demandé, en vain, le report des audiences. Ils ont encore demandé un report d'audience en mars 2021. En second lieu, la seconde période d'inactivité de mars 2021 à mars 2023 doit être tempérée dès lors qu'elle s'explique par les négociations en cours, qui ressortent des états de frais des avocats.

Finalement, ce retard n'a eu qu'un impact limité sur les prévenus. Ils ont été libérés après deux jours de détention et les mesures de substitution ont pris fin en octobre 2019. Au contraire, les prévenus ont pu en tirer profit, dès lors qu'une partie des infractions s'est prescrite en raison de l'écoulement du temps. En conséquence, la prise en compte de cette violation ne justifie qu'une très faible réduction de la peine.

4. Peine

4.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). Comme sous l'ancien droit, le facteur essentiel est celui de la faute.

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1; ATF 129 IV 6 consid. 6.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_198/2013 du 3 juin 2013 consid. 1.1.1).

4.1.2. L'art. 42 al. 1 CP prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

Si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et il l'augmente dans une juste proportion, sans pouvoir excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction, tout en étant lié par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement (al. 2).

4.1.3. Selon une jurisprudence constante, le droit de ne pas s'auto-incriminer, reconnu au prévenu par la loi (art. 113 CPP), n'exclut pas la possibilité de considérer comme un facteur aggravant de la peine le comportement du prévenu qui persiste dans des dénégations opiniâtres, dont on peut déduire une absence de remords et de prise de conscience de sa faute (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1387/2021 du 29 septembre 2022 consid. 4.1.2 et les références citées; 6B_1176/2020 du 2 juin 2021 consid. 2.3; 6B_123/2020 du 26 novembre 2020 consid. 8.2.2; 6B_222/2020 du 10 juin 2020 consid. 4.2 et les arrêts cités).

4.1.4. Aux termes de l'art. 48 let. e CP, le juge atténue la peine si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle. Cette disposition ne fixe pas de délai. Selon la jurisprudence, l'atténuation de la peine en raison du temps écoulé depuis l'infraction procède de la même idée que la prescription. L'effet guérisseur du temps écoulé, qui rend moindre la nécessité de punir, doit aussi pouvoir être pris en considération lorsque la prescription n'est pas encore acquise, si l'infraction est ancienne et si le délinquant s'est bien comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps relativement long se soit écoulé depuis l'infraction. Cette condition est en tout cas réalisée lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés (ATF 140 IV 145 consid. 3.1 p. 148).

4.1.5. A teneur de l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure.

4.1.6. Selon l'art. 53 CP, lorsque l'auteur a réparé le dommage ou accompli tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour compenser le tort qu'il a causé, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine, s'il encourt une peine privative de liberté d’un an au plus avec sursis, une peine pécuniaire avec sursis ou une amende (a); si l'intérêt public et l'intérêt du lésé à poursuivre l'auteur pénalement sont peu importants (b), et si l'auteur a admis les faits (c).

4.2.1. En l'espèce, la faute des prévenus B______ est très lourde. Ils ont commis plusieurs infractions et porté atteinte à deux biens juridiques protégés soit le patrimoine et les buts poursuivis par les règles sur la migration.

La période pénale est longue, puisqu'elle court sur 9 ans, du 21 juin 2009 au 12 avril 2018, les faits antérieurs étant prescrits. Le nombre de biens lésés, la longue période pénale, le nombre d'actes commis et le nombre de lésés dénotent d'une volonté criminelle marquée.

Ils n'ont pas hésité à continuer à employer des ressortissants indiens démunis de titre de séjour et facilité leur entrée et séjour illégaux, malgré la condamnation de 2007, ce qui montre un mépris de la législation en question.

4.2.2. Sous l'angle de l'usure, l'abus de situation de faiblesse des lésés était caractérisé, étant rappelé que les lésés réalisent les trois motifs de faiblesse, soit la gêne, l'inexpérience et la dépendance. La disproportion était extrême et la multiplication des cas démontrent qu'un véritable système d'exploitation de la situation des employés avait été mis en place.

En exploitant leur faiblesse, les prévenus ont fait travailler des employés indiens peu éduqués voire illettrés dans des conditions de logement inacceptables, les privant de toute intimité, de vie sociale, de loisirs et de liberté. L'usure est réalisée par la seule disproportion des prestations, mais ici, en sus, les circonstances dans lesquelles elle s'exerçait sont inadmissibles.

Le système mis en place de la part de citoyens suisses, entourés de personnes compétentes, notamment de leur fille avocate au barreau ______ et la multiplication des démarches, notamment s'agissant d'envoyer tous les six mois tous les employés à Nice pour renouveler leurs attestations de séjour, démontre que les prévenus B______ agissaient en toute connaissance de cause et dénote encore de l'intensité de leur activité criminelle.

4.2.3. Les prévenus B______ se sont enrichis durant la période pénale allant du 21 juin 2009 au 12 avril 2018 de CHF 2.6 millions au détriment d'employés indiens, enrichissement réduit suite aux indemnisations versées.

Les prévenus B______ ont agi par métier, circonstance aggravante.

4.2.4. La faute de CB______ et de DB______ est plus grave, en cela que DB______ choisissait la plupart des employés et les faisait venir en Suisse, négociait les salaires et refusait parfois de les verser avant le départ en vacances des employés, instruisait ceux-ci et conservait leurs passeports. CB______ participait activement et régulièrement aux formalités concernant les employés, en signant des attestions, en se rendant à la préfecture à Nice pour continuer à bénéficier de ce régime dérogatoire et bienveillant. Tous deux s'occupaient du paiement des salaires. Ce sont eux qui ont organisé ce système en Suisse. FB______ s'occupait avec sa belle-mère de la gestion des employés au quotidien, remplaçait celle-ci en son absence pour conserver les passeports voire négociait les augmentations de salaire. Elle est certes entrée dans un système déjà établi en 1996, mais elle y avait adhéré pleinement au début de la période pénale en juillet 2009. EB______ a eu une activité moins intense, en ne signant que des ordres de paiement mais il occupait une position plus élevée que son épouse au sein de la famille. Si son rôle concret dans la commission des infractions apparait moindre, cela s'explique par la répartition des tâches au sein du couple uniquement, ce qui n'amoindrit ainsi pas sa culpabilité. En outre, il vivait en Suisse depuis le début des années 1980 et il y avait fait ses études, ce qui rend sa faute équivalente à celle de son épouse.

4.2.5. Les mobiles des prévenus sont égoïstes. Ils tendent au seul appât du gain, alors que leur situation financière est des plus aisées. Leurs agissements sont d'autant plus graves qu'ils pouvaient sans difficultés verser à leurs employés des salaires décents, au vu du budget de fonctionnement de la famille B______ à Genève de plus de CHF 200'000.- par mois et de leur fortune. Ils ont fait preuve du mépris le plus complet pour la législation suisse en matière d'étrangers.

4.2.6. La collaboration des prévenus a été très mauvaise. Ils se sont obstinés à contester les faits, y compris ceux afférents au séjour illégal. Ils ont fait des déclarations variables, peu précises et contradictoires avec les éléments à la procédure. Ils avaient le droit absolu de garder le silence lors d'une audience au Ministère public, mais ne peuvent pas, au vu des circonstances, se prévaloir ensuite d'une bonne collaboration. Ils ont demandé la récusation de deux procureures, des policiers, des juges, pour un total de 16 demandes et ont formé de nombreux recours qui ont retardé la procédure.

4.2.7. La prise de conscience des prévenus B______ est mauvaise. CB______ et DB______ n'ont montré aucune empathie, ni exprimé de regrets. Malgré la procédure par défaut engagée, ils pouvaient comparaitre et s'exprimer devant leurs juges en juin 2024. A l'audience de jugement pour la première fois, FB______ et EB______ ont remercié LESEE 1______ pour son travail. Ils ont déclaré qu'ils auraient pu faire mieux s'agissant du montant des salaires et des formalités administratives, mais sans concéder pour autant avoir adopté des comportements illicites. Ils ont reporté encore une fois la responsabilité de la procédure sur les lésés. Si on ne peut exclure que les regrets exprimés par les précités lors de l'audience relèvent pour partie d'une tactique procédurale, ceux-ci seront retenus comme une ébauche de prise de conscience, concrétisée aussi par la réparation du tort moral et du dommage des lésés, même si le moment de la conclusion de la convention, à la fin de l'audience de jugement seulement, a aussi pour but d'améliorer leur situation procédurale.

4.2.8. Les prévenus ont indemnisé les parties plaignantes à la procédure. Les conditions de l'exemption de peine de l'art. 53 CP ne sont toutefois pas réalisées car l'intérêt public à les poursuivre demeure important en raison de la gravité des faits et les prévenus n'ont pas admis ces faits. Le montant de l'indemnité versée en Inde à LESE 5______, LESE 2______ et LESE 6______ est inconnue mais, il convient de relever que les prévenus ont indemnisé LESEE 1______, LESEE 4______ et LESE 3______ de manière correcte. En cela, les conséquences de l'infraction sur ces six lésés ont été réparées.

Cela étant, trois des six lésés initialement parties plaignantes à la procédure ont dû attendre six ans pour être indemnisés correctement, alors que des négociations ont eu lieu en 2018 et à nouveau, selon les états de frais des avocats, entre 2021 et 2022 et pouvaient alors aboutir. L'argument de la défense consistant à dire que l'accord ne pouvait pas intervenir avant l'audition des plaignants lors de l'audience de jugement ne fait pas de sens et est par ailleurs infirmé par les négociations antérieures. Rien n'empêchait donc les prévenus B______ de dédommager les lésés plus tôt. Certes, la famille d'EB______ et de FB______ a souffert de la procédure et les liens très forts qui unissaient HB______, NB______ et IB______ à LESEE 1______, leur deuxième mère, ont été très abimés. Cela étant, les prévenus pouvaient mettre un terme à toute cette souffrance entre avril et juin 2018 déjà. La prise en compte de la réparation du dommage dans la fixation de la peine sera donc limitée eu égard à ce qui précède.

4.2.9. La situation personnelle des prévenus n'explique en rien leurs agissements. Confortablement installés à ______ [GE] depuis de nombreuses années, avec des enfants et petits-enfants scolarisés, voire ayant fait des études à Genève, ayant obtenu la nationalité suisse, ce qui les empêche de s'abriter derrière des usages en Inde, mariés et tous parents, membres d'une grande famille unie, à la tête d'une colossale fortune, leurs actes apparaissent hautement répréhensibles. Ils pouvaient en effet très facilement agir autrement.

L'âge et l'état de santé de DB______ et CB______ les rendent certainement plus vulnérables à la peine, ce qui justifie une réduction de celle-ci.

Les prévenus n'ont pas d'antécédent, facteur neutre sur la fixation de la peine.

4.2.10. La circonstance atténuante de l'art. 48 let. e CP n'est pas réalisée. Si les deux tiers du délai de prescription sont atteints pour certains cas, tant en matière d'usure que d'infractions aux art. 116 et 117 LEI, il ne peut pas être retenus que les prévenus se seraient comportés correctement dans l'intervalle puisqu'ils ont continué tous leurs agissements coupables, jusqu'en 2017 s'agissant de l'usure et jusqu'en avril 2018 s'agissant de la facilitation de l'entrée et du séjour illégaux et de l'emploi d'étrangers sans autorisation.

La mesure de l'exposition médiatique ne justifie pas non plus de réduction de peine.

4.2.11. Dans ces conditions, seule une peine privative de liberté entre en considération. L'usure par métier est passible d'une peine de 6 mois à 10 ans. Il sera tenu compte du concours avec les autres infractions. Il a été retenu que la faute de CB______ et de DB______ était plus lourde, ce qui justifie une peine de 5 ans et 6 mois, réduite d'un an pour tenir compte de la violation du principe de célérité, de l'indemnisation des lésés et de l'âge et l'état de santé des prévenus. Une peine de 5 ans se justifie pour EB______ et FB______, mais elle sera réduite de six mois pour tenir compte de la violation du principe de célérité et de l'indemnisation précitée.

En conséquence, la peine sera fixée à 4 ans et 6 mois s'agissant de CB______ et de DB______ et à 4 ans s'agissant de EB______ et de FB______.

4.3.1. La faute de C______ est importante mais bien sûr moindre que celle des prévenus B______. Il a contribué de façon déterminante à l'infraction d'usure et aux infractions à la LEI. Son rôle a été celui d'un complice.

La période pénale retenue par l'acte d'accusation est limitée de juillet 2011 à avril 2018, soit un peu moins de 7 ans, mais C______ a agi à de nombreuses reprises.

Il a agi dans le cadre de son emploi et par fidélité à la famille à laquelle il était lié par un contrat de travail, mais il avait tout de même la liberté d'agir autrement.

Sa collaboration a été mauvaise. Il a contesté toute participation et s'est obstiné lors de l'audience de jugement, même confronté aux pièces de la procédure. Lors de l'instruction, il était employé de la famille B______ et n'était certainement pas libre de ses déclarations. Il n'en demeure pas moins qu'il aurait pu collaborer dans une certaine mesure.

Sa prise de conscience est inexistante et il n'a formulé aucun regret, ni montré d'empathie, ne serait-ce que pour la situation des employés indiens.

Sa situation personnelle n'explique ni n'excuse ses agissements.

Il y a concours d'infractions. C______ n'a pas d'antécédents, facteur neutre sur la peine. Il y a lieu de tenir compte dans une mesure limitée de la violation du principe de célérité. C______ est certes formellement partie à la convention d'indemnisation, mais rien n'indique qu'il aurait financièrement participé à l'indemnisation des lésés, dont il n'était pas l'employeur.

4.3.2. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, C______ sera condamné à une peine privative de liberté de 18 mois, avec sursis dont il remplit les conditions et un délai d'épreuve de 3 ans.

5. Créance compensatrice et séquestres

5.1.1. Selon l'art. 70 al. 1 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits. Inspirée de l'adage selon lequel « le crime ne paie pas », cette mesure a pour but d'éviter qu'une personne puisse tirer avantage d'une infraction (ATF 132 II 178 consid. 4.1; 129 IV 322 consid. 2.2.4; 117 IV 107 consid. 2a).

Lorsque l'avantage illicite doit être confisqué, mais que les valeurs patrimoniales en résultant ne sont plus disponibles - parce qu'elles ont été consommées, dissimulées ou aliénées -, le juge ordonne le remplacement par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant équivalent; elle ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l'art. 70 al. 2 CP ne sont pas réalisées (art. 71 al. 1 CP). Le but de cette mesure est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés (ATF 129 IV 107 consid. 3.2; 123 IV 70 consid. 3; 119 IV 17 consid. 2a); elle ne joue qu'un rôle de substitution de la confiscation en nature et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient (ATF 124 I 6 consid. 4b/bb; 123 IV 70 consid. 3). Le juge du fond doit prendre en considération, au moment du prononcé de la créance compensatrice, la situation personnelle, notamment financière, du prévenu (art. 71 al. 2 CP).

Le montant de la créance compensatrice correspond à la différence entre le produit de l'infraction (l'enrichissement) et les montants payés aux lésé (ATF 139 IV 209 consid. 5).

5.1.2. Contrairement à ce qui prévaut sur le plan civil (art. 50 al. 1 CO), la solidarité entre plusieurs prévenus est exclue dans le cas d'une condamnation au paiement d'une créance compensatrice faute de disposition légale en ce sens (ATF 140 IV 57 consid. 4.3; 119 IV 17 consid. 2b; HIRSIG-VOUILLOZ, in Commentaire Romand, Droit pénal, 2e éd. 2021, no 18 ad art. 71 CP; NICOLET/MOREILLON, La créance compensatrice, RPS 135/2017, p. 416, 427). La créance compensatrice doit être prononcée à l'encontre de chaque participant en fonction de la part qu'il a reçue. Si les parts ne peuvent être déterminées, le montant doit être divisé par tête (ATF 119 IV 17 consid. 2b). Si un seul des participants a reçu l'avantage illicite et en a disposé pour lui-même, il est certain que c'est lui qui doit être astreint à une créance compensatrice et que l'on ne saurait s'adresser aux autres, puisque cela reviendrait à les désavantager du seul fait que le bien n'a pas été conservé en nature. Cela irait à l'encontre du but de la créance compensatrice, qui n'est qu'un substitut de la confiscation en nature, et qui ne doit, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient (ATF 129 IV 107 consid. 3.2; 123 IV 70 consid. 3; 119 IV 17 consid. 2a). C'est en particulier le cas lorsque deux prévenus sont condamnés solidairement au paiement d'une créance compensatrice, alors qu'il eut fallu la répartir entre les protagonistes en incluant le fait que plusieurs individus, jugés en partie dans des procédures parallèles, avaient également participé aux brigandages commis et que ceux-ci avaient eu ou auraient eu droit à une part du butin (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1166/2023 du 13 juin 2024 consid. 2.3). En cas d'arrangement entre les parties, le tribunal doit prononcer une créance compensatrice pour le solde non couvert par l'arrangement (ATF 139 IV 209 consid. 5.3).

5.1.3. Jusqu'au 31 décembre 2023, l'art. 71 al. 3 CP permettait à l'autorité d'instruction de placer sous séquestre des valeurs patrimoniales et au juge du fond de maintenir le séquestre, en vue de l'exécution d'une créance compensatrice. Le 1er janvier 2024, cette disposition a été abrogée, mais l'art. 263 al. 1 let. e CPP a été adopté simultanément et prévoit que des objets ou valeurs appartenant au prévenu peuvent être mis sous séquestre, s'il est probable qu'ils seront utilisés pour couvrir les créances compensatrices de l'Etat selon l'art. 71 CP.

Selon l'art. 267 al. 1 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le Ministère public ou le Tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit. La restitution à l'ayant droit des objets et des valeurs patrimoniales séquestrés qui n'ont pas été libérés auparavant, leur utilisation pour couvrir les frais ou leur confiscation sont statuées dans la décision finale (art. 267 al. 3 CPP).

5.2.1. En l'espèce, LESEE 1______ et LESEE 4______ avaient plus de quatre ans d'expérience lorsqu'elles ont commencé leur emploi en janvier 2011, respectivement en avril 2009. LESE 3______ n'avait pas d'expérience dans le domaine du travail domestique en 2008, mais avait en revanche quatre ans d'expérience lors de son retour le 20 février 2017, ce qui détermine le salaire à retenir selon le CTT-Edom. La situation des autres lésés à ce propos n'est pas déterminée.

Aussi, c'est le salaire minimum de la branche, pour un employé sans expérience, qui sera retenu pour tous les lésés. Les employés indiens travaillaient entre 12 et 18 heures par jour, soit en moyenne 15 heures par jour, tous les jours de la semaine, sauf durant les périodes de vacances (un mois par année) et les périodes durant lesquelles toute la famille B______ était absente (un mois à Noël et un mois l'été). Le calcul du salaire dû doit donc être effectué pour trois mois sans heures supplémentaires et neuf mois avec heures supplémentaires. De ces salaires doit être déduit le salaire en nature tel qu'il a été retenu dans le cadre de l'examen de l'infraction d'usure.

Le calcul s'effectue comme suit, en prenant pour exemple l'année 2010:

  1. Salaire mensuel sans heures supplémentaires:

-          [salaire mensuel minimum selon CTT (CHF 3'575.-)] – [frais de repas (CHF 645.-)] – [frais de logement (100.-)] – [autres frais (150.-)] = CHF 2'680.- (salaire en espèces)

  1. Salaire mensuel avec heures supplémentaires:

-          Durée du travail hebdomadaire de 45h, soit de 195h08 par mois (45h x 4.335 jours) et salaire horaire de CHF 18.33 [salaire mensuel (CHF 3'575.-)] ./. [(heures mensuelles (195.08 heures)];

-          15h de travail par jour = 456 heures par mois (15h x 30.4 jours), soit 260.93 d'heures supplémentaire (456 heures – 195.08 heures), dont 37.25 heures supplémentaires le dimanche [total des heures supplémentaires mensuelles (260.93) ./. nombre de jours par mois (30.4) x nombre de dimanches par mois (4.34)] et 223.67 heures la semaine [total des heures supplémentaires (260.93) – heures supplémentaires du dimanche (37.25)] ;

-          Coût des heures supplémentaires du lundi au samedi = 125% du salaire horaire de CHF 22.91 [jusqu'au 31.12.2011: heures supplémentaires de la semaine = 125%, soit CHF 22.91, dès le 01.01.2012 100%] et coût des heures supplémentaires du dimanche = 150% soit CHF 27.49 (CHF 18.33 x 150%) ;

-          Salaire mensuel dû pour les heures supplémentaires: ([semaine (223.67 h x CHF 22.91)] + [dimanche (37h25 x CHF 27.49) = CHF 6'147.90]);

-          Salaire mensuel dû au total avec heures supplémentaires ([salaire mensuel de base (CHF 3'575.-)] + [salaire afférent aux heures supplémentaires (CHF 6'147.90)] = CHF 9'722) - ([frais de repas (CHF 645)] - [frais de logement (CHF 100.-)]) - [autres frais (150.-)] = CHF 8'827.90.-

 

  1. Salaire annuel dû en espèces:

-          (9 mois avec heures supplémentaires x CHF 8'827.90 = CHF 79'451.10.-) + (3 mois sans heures supplémentaires x CHF 2'655.- = CHF 7'965.-)

  1. Salaire perçu:

-          INR 13'000.- au taux de change de 0.022438 en 2009 = CHF 291,70 x 12 mois = CHF 3'500.-

 

  1. Solde dû:

-          CHF 79'451.10 + CHF 7'965.- - CHF 3'500.- = CHF 83'916.-

 

Le taux de change et les calculs basés sur ce qui précède pour chaque année sont détaillés dans des tableaux Excel annexés au jugement (cf. annexes 5 et 6).

5.2.2. L'enrichissement total du 1er juillet 2009 au 12 avril 2018 doit être calculé en tenant compte du nombre de lésés pour lesquels les faits ne sont pas prescrits, ce qui limite le nombre à zéro en 2009, un en 2010 et trois en 2011, alors qu'il y a ensuite en permanence en tout cas quatre employés (cf. annexe 7). Cet enrichissement s'élève ainsi à CHF  2'651'721.-. De ce montent, il faut déduire les indemnités déjà versées aux divers lésés en réparation de leur dommage matériel mais exclusivement la part afférente aux salaires.

S'agissant de LESEE 1______, LESE 3______ et LESEE 4______, le montant versé en exécution de la convention conclue le 13 juin 2024 inclut non seulement les salaires dus mais aussi les intérêts, les honoraires de leurs avocats, au tarif de CHF 450.- conformément aux conclusions prises par ces derniers, le tort moral et la prévoyance professionnelle des lésés. Ainsi, après déduction des montant afférents à ces postes, le montant versé au titre de salaires est de CHF 1'532'253.04. A ce montant s'ajoute les indemnités versées aux plaignants LESE 5______, LESE 2______ et LESE 6______ au cours de l'instruction. Ces derniers avaient conclu à des montants respectivement de l'ordre de CHF 367'000.-, CHF 767'000.- et de CHF 166'000.- au titre du salaire dû, soit en tenant compte des intérêts, environ CHF 1'325'000.-. Ces derniers étant déjà rentrés en Inde lors des accords convenus, on peut estimer qu'ils ont obtenu au maximum 20% de leurs prétentions, soit CHF 265'000.- compte tenu également de ce qui était proposé à l'époque par un représentant des prévenus, soit CHF 100'000.- pour LESEE 1______, qui réclamait pourtant, à l'époque déjà, plus de CHF 2'000'000.-.

Après déduction de ces montants, le solde de l'enrichissement pour la période du 1er juillet 2009 au 12 avril 2018 et pour les cas non atteints par la prescription durant cette période est de CHF 850'000.- en chiffres arrondis (cf. annexe 8).

5.2.3. Au vu de la structure financière de la famille B______, à savoir que toutes leurs charges sont assurées par les revenus du groupe B______ et que la fortune de la famille au sens large est indivise, ainsi que du système mis en place par les quatre prévenus B______ pour abuser de la faiblesse d'employés indiens "au noir", il s'avère que les quatre participants à l'infraction, coauteurs des infractions retenues par métier, soit CB______, DB______, EB______ et FB______, ont reçu l'avantage illicite.

Celui-ci n'a pas été individualisé, mais a profité à tous les membres de la famille indistinctement. Dans cette mesure, la situation est différente de celle visée par le Tribunal fédéral et par la doctrine de sorte qu'il convient de s'écarter du raisonnement précité et de prévoir une solidarité entre les quatre membres de la famille dans le cadre de la créance compensatrice.

Ainsi, une créance compensatrice sera prononcée à hauteur de CHF 850'000.- et CB______, DB______, EB______ et FB______ seront condamnés, conjointement et solidairement, au paiement de celle-ci.

5.3.1. Afin de garantir le paiement de cette créance compensatrice, il y a lieu de maintenir les séquestres des comptes auprès de SOCIETE 3b______ dont les prévenus B______ sont titulaires, de même que les avoirs saisis lors de la perquisition du 12 avril 2028 et virés sur le compte du pouvoir judiciaire et le contenu des divers coffres. Compte tenu d'une part de la valeur actuelle indéterminée des bijoux séquestrés, l'estimation datant de 1987, et de la collaboration incertaine de SOCIETE 3b______, ayant contraint l'AFC et l'OP à faire transférer sur une banque tierce les fonds saisis, il se justifie d'élargir l'assiette du séquestre au-delà de CHF 850'000.- et de maintenir des valeurs sous séquestre à hauteur de CHF 1'482'837.67 (cf. annexe 3). Cela fait, les autres séquestres seront levés.

6. Frais et indemnités

6.1.1. Le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné, sous réserve des frais de traduction concernant les prévenus (art. 426 al. 1 et al. 3 let. b CPP). Lorsque la procédure fait l'objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 426 CPP).

Selon l'art. 418 al. 1 CPP, lorsque plusieurs personnes sont astreintes au paiement des frais, ceux-ci sont répartis proportionnellement entre elles. Selon l'art. 418 al. 2 CPP, l'autorité peut ordonner qu'elles soient astreintes au paiement des frais qu'elles ont occasionné ensemble, conjointement et solidairement.

6.1.2. Si la condamnation n'est que partielle, les frais ne doivent être mis à la charge du condamné que de manière proportionnelle, en considération des frais liés à l'instruction des infractions pour lesquelles un verdict de culpabilité a été prononcé (MOREILLON/PAREIN-REYMON, Petit commentaire du Code de procédure pénale, 2016, n° 6 ad art. 426 CPP; JEANNERET/KUHN, Précis de procédure pénale, 2013, n° 5054, p. 117). Dans ce cas, une certaine marge d'appréciation doit être laissée à l'autorité dès lors qu'il est difficile de déterminer avec exactitude les frais qui relèvent de chaque fait imputable ou non au condamné (arrêts du Tribunal fédéral 6B_45/2011 du 12 septembre 2011 consid. 3.1; 6S.421/2006 du 6 mars 2007 consid. 2.1.2).

Il s'agit de réduire les frais, sous peine de porter atteinte à la présomption d'innocence, si le point sur lequel le prévenu a été acquitté a donné lieu à des frais supplémentaires et si le prévenu n'a pas, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (arrêts du Tribunal fédéral 6B_136/2016 consid. 4.1.1; 6B_1085/2013 du 22 octobre 2014 consid. 6.1.1 et les références citées).

6.1.3.1. Les frais de procédure doivent être fixés selon le principe de la couverture des frais et de l'équivalence, à savoir, d'une part, qu'ils ne doivent pas excéder l'ensemble des dépenses que l'Etat a consenti pour fournir la prestation en cause et, d'autre part, qu'ils doivent être dans un rapport raisonnable avec la valeur objective de la prestation fournie (arrêt du Tribunal fédéral 6B_753/2013 du 17 février 2014 consid. 3.1; JEANNERET/KUHN, op. cit, n° 5053, p. 116). Ce principe concrétise la protection contre l'arbitraire et le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 4A_207/2016 du 19 mai 2016 consid. 6; 2C_717/2015 du 13 décembre 2015 consid. 7.1).

6.1.3.2. Selon l'art. 10 du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale du 22 décembre 2010 (RTFMP; E 4 10.03), le Tribunal correctionnel peut prélever, outre les émoluments généraux, un émolument de jugement de CHF 400.- à CHF 10'000.- (let. e). Selon l'art. 15 RTFMP, en cas de circonstances exceptionnelles liées notamment au volume et à la durée de la procédure, à l'ampleur des débats ou à la situation financière des parties ou des autres participants à la procédure, l'autorité pénale ou, si elle est compétente, la direction de la procédure, peut déroger au plafond des émoluments prévus aux articles 4 à 13, et augmenter ceux-ci dans une juste mesure.

6.1.4. Selon l'art. 429 al. 1 CPP, le prévenu qui est acquitté totalement ou en partie a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c). Outre la détention, peut constituer une grave atteinte à la personnalité, par exemple, une arrestation ou une perquisition menée en public ou avec un fort retentissement médiatique, une durée très longue de la procédure ou une importante exposition dans les médias, ainsi que les conséquences familiales, professionnelles ou politiques d'une procédure pénale, de même que les assertions attentatoires aux droits de la personnalité qui pourraient être diffusées par les autorités pénales en cours d'enquête. En revanche, il n'y a pas lieu de prendre en compte les désagréments inhérents à toute poursuite pénale comme la charge psychique que celle-ci est censée entraîner normalement chez une personne mise en cause (ATF 143 IV 339 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 5.1).

6.1.5. La question de l'indemnisation du prévenu doit être traitée en relation avec celle des frais. Si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue. En revanche, si l'Etat supporte les frais de la procédure pénale, le prévenu a en principe droit à une indemnité selon l'art. 429 CPP (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2). La question de l'indemnisation doit être tranchée après la question des frais. Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation (arrêts du Tribunal fédéral 6B_620/2016 du 17 mai 2017 consid. 2.2.1 et les références; 6B_792/2016 du 18 avril 2017 consid. 3.3).

6.2.1. En l'espèce, malgré les acquittements prononcés, il n'y a pas lieu de laisser une partie des frais à la charge de l'Etat, dans la mesure où l'instruction des faits de traite d'êtres humains se confond avec celle des faits d'usure et n'a donc pas donné lieu à des frais supplémentaires. Par ailleurs, l'instruction n'a pas porté sur l'infraction à la LAVS, sous réserve d'un courrier adressé aux caisses AVS. Au demeurant, en violant plusieurs droits fondamentaux des lésés, les prévenus B______ ont, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure, ce qui exclut également la réduction des frais.

6.2.2. Tous les critères de l'art. 15 RTFMP sont en l'espèce remplis, compte tenu de l'ampleur de la procédure, du nombre de requêtes, recours et demandes de récusation de la défense, du nombre de jours d'audience et de la situation financière des prévenus B______. Il y a donc lieu de fixer l'émolument de jugement à CHF 250'000.-, montant qui respecte le principe de la couverture des frais [(178 jours de travail pour 3 juges) x CHF 1'500.-) = (CHF 267'000.-) arrondi à CHF 250'000.-]. Le total des frais, y compris ceux afférent aux frais d'interprètes lors de l'audience de jugement pour les parties plaignantes, s'élève à CHF 277'813.25.

Doivent être retranchés de ce total les frais mis à charge de C______. L'ampleur de la procédure permet en ce qui le concerne de déroger à l'émolument maximum de l'art. 10 RTMPF, mais sa situation financière commande de le faire dans une faible mesure. Il convient aussi de tenir compte du fait que l'instruction a été plus limitée à son égard, de sorte que les autres frais seront mis à sa charge à raison de 15% au lieu de 20%. Ces frais seront fixés au total à CHF 8'000.-, en tenant comptes des éléments suivants: [émolument de jugement de CHF 4'000.- (CHF 2'000.- x 10 jours d'audience ./. 5 prévenus)] + [frais du Ministère public et autres frais du Tribunal de CHF 4'171.- (CHF 27'813.- x 15%)].

Le solde de CHF 272'813.25 sera mis à charge de CB______, DB______, EB______ et FB______, conjointement et solidairement.

6.2.3. Corolairement, C______ sera débouté de ses conclusions en indemnisation.


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL

statuant par défaut s'agissant de CB______ et de DB______,

statuant contradictoirement s'agissant de EB______, FB______ et C______:

Préalablement:

Déclare irrecevables les réquisitions de preuve de FB______ formées après la clôture de la procédure probatoire.

Au fond:

1) Classe la procédure à l'égard de CB______, DB______, EB______ et FB______ s'agissant des faits visés aux points A.2, A.3, B.2, B.3, C.2, C.3, D.2 et D.3 de l'acte d'accusation (art. 157 CP; art. 116 LEI) concernant LESE 13______, LESE 2______, LESE 14______, LESE 15______, LESE 16______, LESE 19______, LESE 20______, LESE 21______, LESE 22______ ainsi que, pour la période de novembre 1997 à octobre 2008 concernant LESEE 1______, pour la période du 30 mai 2008 au 11 juillet 2009 concernant LESE 3______ et pour la période du 27 mars 2009 au 31 décembre 2011 concernant LESEE 4______ (art. 329 al. 5 CPP – prescription).

Classe la procédure à l'égard de CB______, DB______, EB______, FB______ et de C______ s'agissant des faits visés aux points A.4, B.4, C.4, D.4 et E.4 (art. 117 LEI) pour tous les employés visés par l'acte d'accusation sauf, dès le 1er janvier 2014, LESE 5______, LESE 3______, LESE 6______, LESE 10______, LESE 9______ et LESE 11______ (art. 329 al. 5 CPP – prescription).

Classe la procédure à l'égard de CB______, DB______, EB______, FB______ et de C______ s'agissant des faits visés aux points A.5, B.5, C.5, D.5 et E.5 (art. 87 LAVS) pour tous les employés visés par l'acte d'accusation sauf, dès le 21 juin 2017, LESEE 1______, LESE 5______, LESE 3______ et LESE 6______ (art. 329 al. 5 CPP – prescription).

2) Déclare CB______ coupable d'usure par métier (art. 157 ch. 1 et 2 CP), d'incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux sous la forme aggravée (art. 116 al. 1 et 3 let. a LEI) et d'emploi d'étrangers sans autorisation sous la forme aggravée (art. 117 al. 1 LEI).

Acquitte CB______ de traite d'êtres humains (art. 182 CP), d'usure s'agissant de LESE 17______ (art. 157 CP) et d'infraction à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (art. 87 al. 2 et 3 LAVS).

Constate la violation du principe de célérité (art. 5 CPP).

Condamne CB______ à une peine privative de liberté de 4 ans et 6 mois, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

3) Déclare DB______ coupable d'usure par métier (art. 157 ch. 1 et 2 CP), d'incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux sous la forme aggravée (art. 116 al. 1 et 3 let. a LEI) et d'emploi d'étrangers sans autorisation sous la forme aggravée (art. 117 al. 1 LEI).

Acquitte DB______ de traite d'êtres humains (art. 182 CP), d'usure s'agissant de LESE 17______ (art. 157 CP) et d'infraction à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (art. 87 al. 2 et 3 LAVS).

Constate la violation du principe de célérité (art. 5 CPP).

Condamne DB______ à une peine privative de liberté de 4 ans et 6 mois, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

4) Déclare FB______ coupable d'usure par métier (art. 157 ch. 1 et 2 CP), d'incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux sous la forme aggravée (art. 116 al. 1 et 3 let. a LEI) et d'emploi d'étrangers sans autorisation sous la forme aggravée (art. 117 al. 1 LEI).

Acquitte FB______ de traite d'êtres humains (art. 182 CP), d'usure s'agissant de LESE 17______ (art. 157 CP) et d'infraction à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (art. 87 al. 2 et 3 LAVS).

Constate la violation du principe de célérité (art. 5 CPP).

Condamne FB______ à une peine privative de liberté de 4 ans, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

5) Déclare EB______ coupable d'usure par métier (art. 157 ch. 1 et 2 CP), d'incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux sous la forme aggravée (art. 116 al. 1 et 3 let. a LEI) et d'emploi d'étrangers sans autorisation sous la forme aggravée (art. 117 al. 1 LEI).

Acquitte EB______ de traite d'êtres humains (art. 182 CP), d'usure s'agissant de LESE 17______ (art. 157 CP) et d'infraction à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (art. 87 al. 2 et 3 LAVS).

Constate la violation du principe de célérité (art. 5 CPP).

Condamne EB______ à une peine privative de liberté de 4 ans, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

6) Déclare C______ coupable de complicité d'usure (art. 25 CP cum art. 157 al. 1 CP), de complicité d'incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux sous la forme aggravée (art. 25 CP cum art. 116 al. 1 et 3 let. a LEI) et de complicité d'emploi d'étrangers sans autorisation sous la forme aggravée (art. 25 CP cum art. 117 al. 1 et 2 LEI).

Acquitte C______ de complicité de traite d'êtres humains (art. 25 CP cum art. 182 CP), de complicité d'usure (art. 25 CP cum 157 CP) s'agissant de LESE 2______, LESE 9______ et LESE 17______ et de complicité d'infraction à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (art. 25 CP cum art. 87 al. 2 et 3 LAVS).

Constate la violation du principe de célérité (art. 5 CPP).

Condamne C______ à une peine privative de liberté de 18 mois (art. 40 CP).

Met C______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit C______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de C______ (art. 429 CPP).

7) Prononce à l'encontre de CB______, DB______, EB______ et FB______, en faveur de l'Etat de Genève, une créance compensatrice à hauteur de CHF 850'000.- et les condamne, conjointement et solidairement, à la payer, celle-ci s'éteignant automatiquement dans la mesure du paiement par l'un ou l'autre des prévenus (art. 71 al. 1 CP).

Ordonne le séquestre des valeurs patrimoniales déposées sur le compte du Pouvoir judiciaire dans le cadre de la présente procédure, en vue de l'exécution de la créance compensatrice et du paiement des frais (art. 71 al. 3 CP recte: art. 263 al. 1 let. b et e et art. 268 CPP).

Ordonne le maintien, en vue de l'exécution de la créance compensatrice (art. 71 al. 3 CP) et du paiement des frais (recte: art. 263 al. 1 let. b et e et art. 268 al. 1 let. a CPP), des séquestres :

-          des bijoux se trouvant dans le compartiment no ______ à AH______, soit du platinum necklace set with rubies 69.86 and diamonds 67.52 cts, des earring platinum set with rubies 20.32 cts and diamonds 18.96 cts, du 18k white gold set with rubies and diamonds, de la platinum emerald ring 20 cts and diamonds 10 cts et du Marina B necklace black gold 167 gms and diamonds 239.22 cts, entreposés au nom de EB______;

-          du contenu des coffres no ______, no ______, no ______ et no ______ au nom de DB______ auprès de AG_____;

-          des comptes no ______, no ______, no ______, no ______, no ______ et no ______ auprès de SOCIETE 3b______.

Ordonne la levée des séquestres:

-          sur les immeubles n° ______ de la commune d'______ [VD], propriété individuelle de CB______, n° ______ et n° ______ de la commune d'______ [VD], propriétés communes de DB______ et CB______;

-          des comptes bancaires n° ______ au nom de CB______, n° ______ au nom de CB______ et n° ______ et no ______ au nom d'EB______ auprès de AC_____, en Allemagne;

-          de tous les autres comptes auprès de SOCIETE 3b______, dont le compte n1______ au nom de A______.

8) Ordonne la confiscation et l'apport à la procédure des objets et documents:

-          figurant sous chiffres 182710 à 182712 de l'inventaire n° 12759220180412, sous chiffres 182470 et 182471 de l'inventaire n° 12740820180412, sous chiffre 182466 de l'inventaire n°12735020180412, sous chiffres 182771, 182798, 182804, 182806, 182807 de l'inventaire n° 12735020180412, sous chiffres 182752, 182773, 182777, 182778, 182786, 182799, 182801 à 182803, 182809 à 1828112, 1828116 à 1828119, 182821, 182822, 182857, 182858, 182787 de l'inventaire n° 12760920180412, sous chiffres 182530 à 182537 de l'inventaire n° 12742820180412;

-          figurant dans les classeurs et sous pièces J5-300'013 à 300'015, C2-30'201 à 30'583, C3-42'023 à 42'241, C3-40'700 à 41'222, 41'369 à 41'425 et 41'426 à 41'467, C3-41'225 à 41'271, 41'272 à 41'357 et 41'358 à 41'364, C3-41'511 à 41'568, 41'569 à 41'582, 41'583 à 41'670 et 41'671 à 42'022, C4-50'060 à 50'163.

Ordonne la restitution:

-          à SOCIETE 4______ des documents figurant sous chiffres 182713 et 182714 de l'inventaire n° 12759220180412;

-          à DB______ et CB______ des passeports à leur nom figurant sous chiffre 182472 de l'inventaire n° 12740820180412;

-          à EB______ du disque dur figurant sous chiffre 182753 de l'inventaire n°12761020180412;

-          à ______ du disque dur figurant sous chiffre 182770 de l'inventaire n°12761020180412;

-          à SOCIETE 3b______ SA des documents et objets figurant sous chiffres 182772, 182779, 182783, 182808 et 182805 de l'inventaire n°12761020180412;

-          à SOCIETE 2a______ des documents et objets figurant sous chiffres 182774 à 182776, 182785, 182787, 182800, 182813, 182814, 182820, 182823 à 182826, 182830, 182831, 182833 à 182836, 182839, 182840, 182851, 182852 à 182854, 182859 et 182860 de l'inventaire n° 12760920180412;

-          à AG_____ des documents bancaires au nom de ______ figurant dans le classeur 3, pièces 41'366 à 41'368;

-          à son ayant-droit lorsqu'il sera connu de la sacoche noire, du sachet contenant des roupies et dirhams, de la lettre manuscrite figurant sous chiffres 182455, 182456 et 182459 de l'inventaire n° 12735020180412.

9) Condamne CB______, DB______, EB______ et FB______, conjointement et solidairement, aux frais de la procédure à hauteur de CHF  269'813.25 (art. 418 al. 2 et 426 al. 1 CPP).

Compense à due concurrence la créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure mis à charge de CB______, DB______, EB______ et FB______ avec les valeurs patrimoniales séquestrées (art. 442 al. 4 CPP).

Condamne C______ aux frais de la procédure à hauteur de CHF 8'000.- (art.  426 al.  1 CPP).

10) Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Secrétariat d'Etat aux migrations, Office fédéral de la justice, Service des contraventions, Direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (PCTN) (art. 81 al. 4 let. f CPP).

La Greffière

Meliza KRENZI

La Présidente

Sabina MASCOTTO

 


 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

La personne condamnée par défaut peut demander un nouveau jugement au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans les 10 jours dès la notification du jugement, par écrit ou oralement. Dans sa demande, la personne condamnée expose brièvement les raisons qui l'ont empêchée de participer aux débats. Le Tribunal rejette la demande lorsque la personne condamnée, dûment citée, a fait défaut aux débats sans excuse valable (art. 368 CPP). La personne condamnée peut également faire une déclaration d'appel en adressant une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 371 al. 1 et 399 al. 3 et 4 CPP). Un appel n'est recevable que si la demande de nouveau jugement a été rejetée (art. 371 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

21'876.25

Indemnité payée au traducteur (ordre dépôt Emirates)

CHF

80.00

Indemnités payées aux interprètes des parties plaignantes

CHF

5'440.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

255.00

Frais postaux (convocation)

CHF

112.00

Emolument de jugement

CHF

250'000.00

Etat de frais

CHF

50.00

Total

CHF

277'813.25

 

Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets

Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances.palais@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.

Séquestre des objets et valeurs

Selon l'art. 393 al. 1 let. b CPP, le recours est recevable contre les ordonnances, les décisions et les actes de procédure des tribunaux de première instance, sauf contre ceux de la direction de la procédure.

Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié; constatation incomplète ou erronée des faits; inopportunité (art. 393 al. 2 CPP).

Le recours contre les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit, dans le délai de dix jours, à la Chambre pénale de recours (art. 396 al. 1 CPP et 128 al. 1 let. a LOJ).

 

Notification postale à EB______, soit pour lui son conseil

Notification à DB______, soit pour elle son conseil

Notification à FB______, soit pour elle son conseil

Notification à CB______, soit pour lui son conseil

Notification à C______, soit pour lui son conseil

Notification postale au Ministère public

Notification postale à A______ soit pour elle son conseil