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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2987/2023

JTAPI/103/2025 du 30.01.2025 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

En fait
En droit
Par ces motifs

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2987/2023 LCI

JTAPI/103/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 30 janvier 2025

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Aurèle MULLER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

Monsieur C______, représenté par Me Claude ABERLE, avocat, avec élection de domicile


 

EN FAIT

1.             Monsieur C______ est propriétaire de la parcelle n° 2______ de la commune de F______ (ci-après : la commune), sise E______, située en zone agricole et qui abrite la brasserie O______ (ci-après : la BRASSERIE).

Trois bâtiments pour la production agricole, un dépôt et une ferme sont cadastrés sur cette parcelle.

2.             Madame A______ est propriétaire de la parcelle n° 3______, sise sur la commune, au G______, également située en zone agricole. Son fils, Monsieur B______ et la famille de ce dernier résident avec elle à cette même adresse.

3.             Le 31 août 2019, M. B______ a adressé au département du territoire (ci-après : DT ou le département) un courriel de dénonciation dans lequel il se plaignait des nuisances sonores causées par l’activité de la BRASSERIE.

Le bruit engendré par l’activité cette dernière avait considérablement augmenté depuis que M. C______ avait installé - 18 mois auparavant - un nouveau système de refroidissement constitué de quatre ventilateurs installés sur la façade donnant directement du côté de sa terrasse et des chambres à coucher, qui émettait un bruit continu, jour et nuit.

Durant l’automne 2018, suite à son mécontentement, M. C______ lui avait assuré qu’il allait installer un caisson d’insonorisation pour réduire drastiquement le bruit émis par les ventilateurs mais, à ce jour, il attendait toujours de pouvoir constater les effets de cette intervention sur les nuisances subies.

Il demandait dès lors l’intervention du département afin de déterminer si le niveau sonore et l’emplacement de ces ventilateurs étaient conformes à la législation en vigueur.

4.             Suite à ce courriel, le département a ouvert une procédure d’infraction (I-1______).

5.             Le 23 avril 2020, M. C______ a déposé une requête en autorisation de construire auprès du département portant sur une mise en conformité suite à une infraction - construction d’un dépôt (DD 4______/1).

6.             Le 3 mars 2021, le département a délivré cette autorisation, libellée « Régularisation INF 1______– construction d’un dépôt », laquelle est entrée en force.

7.             Le 23 février 2023, par l’intermédiaire de Monsieur H______, architecte, M. C______ a déposé une requête en autorisation de construire complémentaire afin de régulariser certains réaménagements intérieurs dans la partie habitation (sans augmentation de la surface brute de plancher) et 1’installation d’un compresseur avec ventilateurs en façade (DD 4______/2).

Concernant cette installation, selon le formulaire d’attestation du respect des exigences de protection contre le bruit pour pompe à chaleur air/eau, « Cercle de bruit » (ci-après : le formulaire Cercle-bruit) annexé à la requête, signé par M. H______ le 13 février 2023, la valeur limite d’exposition était respectée, soit 36.8 dB le jour et 32 dB la nuit avec une valeur de planification au récepteur DS III. Il était cependant également indiqué que les exigences de l’art. 7 de l’ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41) n’étaient pas respectées, d’autres mesures étant nécessaires pour garantir le respect des valeurs limites d’exposition et/ou d’autres mesures préventives devant être étudiées.

Dans le courrier d’accompagnement de la requête daté du 20 février 2023, M.  H______ a précisé qu’une protection phonique, à savoir un panneau isolant de 140 mm de type Pavatherm, avait été posée devant l’installation technique en question. Pour les calculs figurant dans le formulaire Cercle-bruit précité, il n’avait pas pris en compte l’affaiblissement phonique causé par cette protection. Pour le calcul de l’évaluation acoustique, c’était une pompe à chaleur (ci-après : PAC) qui avait été prise en exemple car le bruit produit par le ventilateur était de 46 dB mesuré à 10 m - valeur communiquée par le fournisseur DWM COPELAND - étant rappelé que le degré de sensibilité (ci-après : DS) pour la zone agricole était de III.

8.             Par courrier du 14 juin 2023, l’architecte a envoyé un nouveau formulaire Cercle-bruit daté du 13 juin 2023 et contresigné par I______, lequel indiquait une valeur de planification au récepteur DS II (zone d’habitation) et des valeurs de 37.4 dB le jour et 34.4 dB la nuit. Ce formulaire mentionnait également que la valeur limite était respectée, que les mesures préventives entrant en ligne de compte avaient été examinées et que les mesures proportionnées au but visé étaient mises en œuvre : le principe de prévention était donc respecté.

9.             Dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation DD 4______/2, toutes les instances consultées se sont déclarées favorables au projet, notamment :

-          le 24 mars 2023, la commune a rendu un préavis, sans condition ni dérogation ;

-          le 24 mars 2023, le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a rendu un préavis favorable, sans conditions ni observation. Il a rappelé qu’en DS II, les valeurs limites de planification (ci-après : VP) de jour étaient de 55dB et de nuit de 45 dB et en DS III de respectivement 60 dB et 50 dB. Selon les informations fournies, le compresseur respecterait les valeurs de planification (VP) et l’OPB.

-          le 3 avril 2023, l’office de l’urbanisme (ci-après : OU) a rendu un préavis favorable, avec dérogation selon l’art. 27C de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) ;

-          le 21 avril 2023, l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) a rendu un préavis favorable, sous conditions et dérogations à la zone agricole, notamment au regard des art. 24c de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), 41 et 42 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1), et 27C LaLAT, les aménagements projetés, à savoir des réaménagements intérieurs et l’installation d’un compresseur avec ventilateurs en façade ne portant pas atteinte à l’exploitation agricole des terrains avoisinants et aucun intérêt prépondérant de l’agriculture n’étant lésé ;

-          le 21 juin 2023, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a rendu un préavis favorable avec dérogation en application de la LaLAT (art. 27) après avoir demandé un projet modifié concernant les jours des chambres dans les combles ;

-          le 13 juillet 2023, l’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCE) a rendu un préavis favorable, sous conditions, et après avoir demandé un projet modifié le 23 mars 2023 concernant l’aménagement des combles.

10.         Le 8 août 2023, le département a délivré à M. C______ l’autorisation de construire complémentaire DD 4______/2 sollicitée, aux conditions figurant dans les divers préavis émis par les instances spécialisées, lesquels faisaient partie intégrante de l’autorisation. Cette autorisation dérogatoire était fondée sur les art. 24c LAT et 27C LaLAT.

Elle a été publiée dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : FAO) du même jour.

11.         Par acte du 14 septembre 2023, sous la plume de leur conseil, Mme A______ et M. B______ (ci-après : les recourants), ont interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant principalement à l’annulation de l’autorisation délivrée, sous suite de frais et dépens. A titre préalable, ils ont conclu à l’octroi d’un délai de trente jours pour compléter leur recours et à un transport sur place.

Si leur recours était dirigé contre la DD 5______/2, leurs griefs se dirigeaient exclusivement contre la régularisation de l’installation technique (compresseur avec ventilateurs) située sur la façade Est du bâtiment litigieux. Ils ne remettaient en revanche nullement en question les éléments portant sur les transformations intérieures de la ferme, lesquels ne les impactaient pas directement.

M. C______ avait déposé une requête autorisation de construire afin de régulariser l’infraction I-1______ le 23 avril 2020, laquelle avait été délivrée le ______ 2021 (DD 4______/1). Le compresseur avec ventilateurs, en place depuis 2018, ne figurait sur aucun des plans signés ne varietur. Il avait ensuite déposé une seconde requête, laquelle faisait référence à l’installation du compresseur avec ventilateurs en façade, qui avait été délivrée le 8 août 2023 et faisait l’objet du présent recours.

L’installation litigieuse violait les normes de l’OPB et était source d’inconvénients graves pour le voisinage au sens de l’art. 14 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), ce qu’un transport sur place pourrait démontrer. Enfin, cette installation n’était pas conforme à la zone agricole, étant précisé que l’exploitation d’une BRASSERIE devrait prendre place en zone industrielle et artisanale, de sorte que l’autorisation querellée violait les dispositions de la LAT et de la LaLAT.

12.         Les recourants ont complété leur recours le 2 octobre 2024.

Ils persistaient intégralement dans leurs conclusions, sollicitaient leur audition lors de la tenue d’un transport sur place et se réservaient le droit de demander une expertise judiciaire neutre.

Après avoir découvert que le SABRA avait totalement ignoré leurs diverses plaintes formées depuis 2019, ils avaient fait procéder en urgence à des mesures acoustiques, effectuées entre le 22 et le 27 septembre 2023, à l’aide de deux sonomètres placés sur leur parcelle. Faute d’avoir pu accéder directement aux abords de la BRASSERIE, le niveau de bruit de fond ambiant en journée n’avait pas permis d’exploiter correctement les mesures durant la période. Selon le rapport de la société J______, les niveaux sonores nocturnes relevés étaient inférieurs aux VP, lesquelles étaient ainsi respectées, mais il arrivait régulièrement que les niveaux de bruit dépassent ces standards. Les relevés avaient mis en évidence de soudaines variations du niveau sonore, de nature à créer des nuisances et un inconfort extrêmement marqué pour le voisinage. Les mesures relevées excédaient enfin d’environ 9 dB les valeurs annoncées dans le dossier d’autorisation, de sorte que les données fournies aux autorités compétentes, notamment le SABRA, s’avéraient gravement erronées. Faute de pouvoir accéder à l’installation, il leur était impossible de déterminer si cette différence s’expliquait par des données volontairement erronées transmises à l’OAC, par le fait que le modèle de machine n’était pas celui annoncé ou parce qu’il existerait d’autres installations génératrices de bruit qui ne ressortiraient pas des dossiers d’autorisation de construire.

Tant leur parcelle que celle de M. C______ se situaient en zone DS III, de sorte que les VP à respecter étaient de 60 dB (A) jour et 50 dB (A) nuit. Les formulaires Cercle-bruit produits les 15 févier et 22 juin 2023 retenaient des valeurs erronées. Les mesures qu’ils avaient effectuées mettaient en évidence que les niveaux de bruit annoncés dans le dossier étaient fantaisistes, alors que la puissance de l’installation avait manifestement été réduite durant les nuits de mesure, étant rappelé que l’intimé était au courant de ces dernières. De plus, les formulaires Cercle-bruit utilisés étaient en fait prévus pour les attestations de respect des exigences de protection contre le bruit pour les PAC air/eau, soit un autre type d’installation que celle en cause. Or, le SABRA avait délivré son préavis sur la base des documents fournis au dossier, manifestement viciés et il n’avait pas revu le dossier après la production du second formulaire Cercle-bruit. Au vu des valeurs relevées dans le rapport, il apparaissait que le compresseur et ses ventilateurs n’étaient pas autorisables.

Par ailleurs, les VP n’étaient certainement pas non plus respectées dans les nouveaux logements voisins, encore plus proches que leur propre habitation.

L’autorisation violait également l’art. 14 LCI. Le compresseur autorisé servait à rafraichir les locaux nécessaires à la production de bières, soit une activité incompatible avec la zone agricole. Dès lors, les nuisances provoquées par la BRASSERIE étaient par définition, incompatibles avec la zone. M. C______ avait installé sa BRASSERIE sans autorisation à son emplacement actuel ; s’il était exact que, suite à une procédure d’infraction, une partie de celle-ci avait été tolérée, il n’en demeurait pas moins qu’il avait mis le département devant le fait accompli et n’aurait jamais obtenu la possibilité d’implanter une BRASSERIE à cet endroit.

Enfin, l’autorisation violait les art. 24ss LAT et 27C LaLAT. Les services compétents avaient certes préavisé favorablement le projet avec dérogation en faisant référence à l’art. 27C LaLAT. Toutefois, elles n’avaient pas examiné de manière séparée la question du réaménagement des locaux, soit l’objet principal de l’autorisation de construire complémentaire litigieuse, et celle de l’installation du compresseur. Or, ces deux éléments ne répondaient pas à la même logique : il était logique d’admettre pour la partie logement, que les conditions des art. 24c LAT et 27C LaLAT fussent réalisées alors que cela n’était pas le cas du compresseur qui se rapportait à l’exploitation de la BRASSERIE, laquelle devait prendre place en zone industrielle.

Pour terminer, l’installation n’était pas munie d’un récupérateur d’énergie thermique, ce qui violait l’autorisation de construire.

13.         Le département s’est déterminé sur le recours le 20 novembre 2023, concluant à son rejet, sous suite de frais. Il a produit son dossier.

Il s’opposait à un transport sur place et à ce qu’une expertise judiciaire soit ordonnée.

Le SABRA avait rendu son préavis uniquement sur la base du formulaire Cercle-bruit du 23 février 2023 et avait constaté que les VP avaient été respectées. En effet, après analyse du formulaire d’évaluation des émissions sonores précité, le SABRA avait considéré, dans le cadre du respect des valeurs limites d’exposition, que le niveau de puissance acoustique de 55 dB le jour et 50 dB la nuit avait été correctement calculé.

Pour parvenir au niveau d’évaluation Lr, un calcul en deux temps devait être effectué : d'abord, le niveau de puissance acoustique avait été corrigé par un facteur de correction qui tenait compte de la réflexion des ondes sur la façade, pour arriver à un niveau sonore (au récepteur) de 19.8 dB(A) de jour et 14.8 dB(A) de nuit, représentant la pression sonore théorique chez la personne la plus exposée ; ensuite, ces valeurs avaient de nouveau subi des corrections de niveau, dont il ressortait précisément que pour la correction de niveau K2 et K3, le chiffre (de 6) correspondant à la valeur la plus péjorative, avait été retenu. Par l'application de ces facteurs de correction, le niveau d'évaluation Lr s'élevait à 36.8 dB(A) de jour et 32.0 dB(A) de nuit, valeurs considérées d'après le SABRA comme conformes à l'OPB.

D'après les explications données par le SABRA, la VP au récepteur, retranscrite dans le formulaire étant erronée, il ne l'aurait pas prise en considération dans l'analyse effectuée au regard des dispositions de l'OPB, seules les valeurs DS III de jour 60 dB(A) et de nuit 50 dB(A), étant applicables. Ainsi, contrairement à ce qui était indiqué dans le formulaire en page 2, le SABRA avait considéré, selon les calculs explicités supra, que les exigences de l'art. 7 OPB étaient respectées.

Les mesures effectuées par le bureau J______ dans son rapport acoustique du 28 septembre 2023, produit par les recourants, n’étaient à l'évidence pas assez précises au regard des nombreux paramètres qui n'avaient pas pu être pris en compte durant l'évaluation réalisée. Quant à la prétendue erreur d’utilisation d’un formulaire spécifique dédié aux bruits provenant des PAC air/eau, ce type de formulaire était utilisé pour toutes les installations fixes émettant une source ponctuelle de bruit.

S’agissant des habitations à proximité de la source de nuisances, les recourants ne disposaient d’aucun intérêt pratique à l’invocation d’un tel argument, sous peine d’admettre une action populaire.

Les recourants se plaignaient de l’exploitation de la BRASSERIE alors que celle-ci ne constituait pas l’objet de l’autorisation de construire complémentaire. De plus, selon la jurisprudence, une procédure d’autorisation de transformation d’un ouvrage pouvait se poursuivre en dépit de l’existence d’une procédure de régularisation de ce même ouvrage initial. Se fondant sur les préavis favorables rendus par les instances consultées, il n’avait pas excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation et aucune violation de l’art. 14 LCI ne pouvait être retenue.

Enfin, selon les préavis des instances compétentes, il était établi que l’impact éventuel de l’installation d’un compresseur avec ventilateurs en façade avait été intégré dans l’analyse globale du projet mais également que la compatibilité à la zone d’affectation de l’installation querellée avait été examinée dans le cadre de la demande déposée. Le département avait délivré l’autorisation sur la base de l’ensemble des préavis rendus et avait considéré qu’aucune atteinte à l’affectation de la zone ne pouvait être retenue et que l’implantation du compresseur avec ses ventilateurs en façade, soit des éléments techniques nécessaires à l’exploitation de la BRASSERIE, pouvaient être autorisés selon l’art. 24c LAT. En outre, aucun intérêt prépondérant lié à la protection de la nature de la zone agricole n’allait à l’encontre du projet sollicité : les instances avaient ainsi estimé que les conditions d’une dérogation étaient remplies.

Pour terminer, le grief du non-respect de la condition n° 14 liée au préavis de l’OCEN du 13 juillet 2023 était prématuré dans la mesure où l’autorisation de construire n’était pas en force ; le respect des conditions de l’autorisation litigieuse relevait en outre de la phase d’exécution qui ne faisait pas l’objet du recours et de ce fait était exorbitant au présent litige.

14.         Par décision du 14 décembre 2023, le tribunal a suspendu l’instruction de la cause d’entente entre les parties (DITAI/561/2023).

15.         Par courrier du 22 avril 2024, les recourants ont sollicité la reprise de l’instruction de la cause.

16.         Ils ont répliqué le 17 juin 2024, persistant intégralement dans leurs conclusions, et concluant à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire, comme ils s’en étaient réservé le droit dans leur mémoire de recours.

L’obligation de prendre des mesures adéquates afin de limiter le niveau sonore n’avait pas été examinée, que ce soit dans le cadre de la délivrance de l’autorisation de construire ou de celui des observations du département.

La question de l’implantation n’avait pas été examinée et le fait que l’installation était déjà construite ne pouvait impliquer qu’un déplacement des compresseurs à un endroit moins bruyant serait disproportionné. Or, si cette installation avait été placée sur l’autre façade du bâtiment, elle serait moins incommodante. De plus, les bâtiments construits à l’ouest de la ferme auraient pu faire écran.

Concernant les mesures propres à diminuer le niveau sonore de l’installation, elles n’avaient pas non plus été examinées : la pose d’un élément en Pavatherme avait été « bricolé » par M. C______ sans intervention d’un professionnel.

Enfin, le dossier d’autorisation ne contenait aucun descriptif précis de l’installation permettant de déceler les potentiels d’amélioration et déterminer quelles mesures pourraient être prises afin de l’optimiser et d’en réduire les nuisances. A cela s’ajoutait que l’instruction du dossier avait été menée de manière pour le moins surprenante. Il aurait en effet été simple de procéder à des mesures de l’installation in situ puisque cette dernière était en place, plutôt que de défendre une approche purement théorique, ce d’autant plus que le formulaire Cercle-bruit initial comportait des erreurs. Il était en outre incompréhensible que le SABRA n’ait pas lui-même procédé à des investigations et que le département corrige ses propres erreurs.

C’était bien les nuisances causées par les compresseurs qui entrainaient pour eux des nuisances et non pas l’exploitation de la BRASSERIE ; une installation technique de grande puissance, comprenant des ventilateurs et des compresseurs, n’avait pas sa place en zone agricole.

L’OU n’avait pas pris la peine de justifier la dérogation fondée sur l’art. 27C LaLAT et cette dernière avait manifestement été accordée pour la transformation de logements dans le corps de ferme et non en lien avec l’installation d’un compresseur. Quant à l’OCAN, il se bornait à constater que le projet ne nuisait pas à l’agriculture, ce qui n’était toutefois pas suffisant pour autoriser une construction hors de la zone à bâtir. De plus, aucune instance de préavis n’avait analysé les deux conditions cumulatives de l’art. 24 LaLAT.

Pour terminer, l’installation n’était pas équipée d’une installation de récupération de chaleur et la mise en place d’un tel système aurait dû figurer dans les documents d’autorisation, afin d’être contrôlés. Ils ne voyaient pas comment un tel système pourrait soudainement être mis en place.

17.         M. C______, sous la plume de son conseil, a répondu au recours le 24 juin 2024, concluant à son rejet.

Il ne voyait pas la nécessité de procéder à un transport sur place ni celle d’ordonner une expertise judiciaire.

Sur le fond, l’argumentation présentée par les recourants était contredite par les spécialistes des services étatiques concernés, qui seraient à même de répondre, si besoin, à d’éventuelles incertitudes technologiques. Il n’en avait lui-même pas la capacité.

18.         Il a par ailleurs dupliqué le 16 juillet 2024, persistant dans ses conclusions.

19.         Le département a dupliqué le 18 juillet 2024, renvoyant à ses observations du 20 novembre 2023 et concluant au rejet tant des mesures d’instruction sollicitées que du recours.

Les recourants estimaient qu'un emplacement alternatif ou d'éventuelles mesures de diminution sonores de l'installation autorisée n'auraient pas été examinées par le SABRA. Ces mesures ne pouvaient être exigées que dans le cadre défini par l'état de la technique et les conditions d'exploitation, et pour autant que cela fût économiquement supportable.

Le second formulaire Cercle-bruit avait effectivement été transmis au département dans le cadre de l'instruction de la requête et enregistré le 16 juin 2023 mais, par erreur, sous une mauvaise référence de dossier. Dans l’intervalle, il l’avait cependant soumis au SABRA qui avait confirmé que la conclusion de son préavis favorable du 24 mars 2023 n'était pas modifiée. Ce dernier avait refait le calcul selon les données fournies dans ce second formulaire et obtenu exactement les mêmes résultats que ceux qui y étaient proposés. Les valeurs limites de planification étaient donc toujours largement respectées.

Le document « Aide à l'exécution pour l'évaluation du bruit des pompes à chaleur (PAC) » publié par l'office cantonal de l'environnement (ci-après : OCEV) le 19 septembre 2017 - qu’il produisait en annexe - précisait en outre les mesures préventives à mettre en œuvre. Il s'agissait notamment d'activer le mode silencieux (réduction du niveau sonore en mode nuit) pendant la nuit ou de choisir une installation silencieuse correspondant à l'état de la technique. Or, en l'occurrence, il ressortait des deux formulaires Cercle-bruit que la réduction du niveau sonore en mode nuit était prévue. Les formulaires rappelaient en outre que ce réglage était obligatoire afin de respecter les exigences légales et ne pouvait être modifié. L'utilisateur et/ou le propriétaire de l'installation avaient été informés de l'importance de ce créneau horaire. Ainsi, non seulement les mesures préventives au sens de l'art. 11 al. 2 LPE avaient été prévues par le requérant, mais elles avaient été contrôlées et validées par le SABRA, ce que confirmait son préavis favorable. Le second formulaire indiquait en outre que le principe de prévention avait été respecté.

Selon les indications fournies par le SABRA, il apparaissait enfin que l'installation autorisée ne générait pas de nuisance acoustique dans le voisinage, le niveau du bruit de fond de l'ordre de L90, jour = 35 dB(A) et L90, nuit = 30 dB(A) (applicable dans une zone villa non exposée au bruit), étant respecté par les mesures des deux formulaires Cercle-bruit. En d'autres termes, le bruit que générait l'appareil autorisé ne dépassait pas le bruit ambiant et n'était donc pas perceptible. Dans ces circonstances, l'exigence de recherche d'un emplacement alternatif était disproportionnée.

20.         Par courrier spontané du 30 juillet 2024, les recourants ont transmis des observations complémentaires, persistant dans leur demande de mesures d’instruction. Ils ont outre produit deux relevés provenant d’une « application smartphone » permettant de déterminer le bruit ambiant. Les valeurs mesurées confirmaient que les niveaux de bruit annoncés dans les formulaires Cercle-bruit et repris par l’autorité intimée dans ses écritures, ne correspondaient pas à la réalité. Dans ces circonstances, les mesures d’instruction sollicitées étaient indispensables.

21.         Par écritures complémentaires du 26 août 2024, l’intimé a fait valoir que les conclusions des recourants formées après le délai de recours étaient irrecevables. Pour le surplus, un transport sur place ne serait d’aucune utilité.

22.         Par courrier du 7 novembre 2024, le tribunal a imparti au département un délai au 22 novembre 2024 pour produire copies des annexes mentionnées dans les formulaire Cercle-bruit des 13 février et 13 juin 2023.

23.         Par écritures du 21 novembre 2024, le département a indiqué au tribunal que la première annexe du formulaire Cercle-bruit du 13 février 2023 (« plan de situation avec emplacement de la pompe à chaleur ») était le plan du 1er étage visé ne varietur sur lequel était illustrée l'installation. Ce document correspondait aussi à la première annexe (« plan de situation avec emplacement de la pompe à chaleur ») du formulaire Cercle-bruit du 13 juin 2023.

Quant à la seconde annexe mentionnée dans le formulaire du 13 février 2023 (documentation sur les mesures de protection contre le bruit), elle ne semblait pas avoir été jointe au formulaire. Cela étant, renseignements pris auprès du SABRA, puisque les mesures de protection contre le bruit annoncées dans ce formulaire ne permettaient qu'une diminution de 0.1 dB, l'instance précitée avait considéré qu'il n'y avait aucune réduction sonore, de sorte qu'elle n'avait pas pris en considération cette option.

24.         Le 21 novembre 2024, M. C______ a déposé ses observations finales, persistant intégralement dans ses conclusions.

Pour le surplus, il a précisé que les groupes froids de la marque allemande HAFNER-MUSCHLER (entreprise M______) avaient été installés par la maison K______ (K______ GmbH) en 2011 et complétés en 2018. Ils se composaient d'un compresseur et d'un accumulateur de glace, installés en intérieur, et d'un évaporateur, installé en extérieur. Il s'agissait de réservoirs d'eau glycolée fournissant le froid primordial à la production de la bière.

Les condenseurs - ventilateurs (groupes de condensation) avaient été installés sur la façade Est du bâtiment. Cet emplacement avait été choisi conformément aux conditions nécessaires pour le bon fonctionnement de ces derniers, à savoir sous l'avant-toit, qui se trouvait être l'emplacement le moins ensoleillé, le mieux abrité et le mieux ventilé afin que les ventilateurs tournent le moins possible. Il réalisait de ce fait une économie d'énergie conséquente. Pour des raisons de contraintes techniques et de sécurité, cette installation devait en outre être accessible facilement pour pouvoir souffler et entretenir les grilles, ainsi que procéder au changement de pièces en cas de panne.

En complément à cette installation, il avait fait mettre en place un caisson phono-absorbant et de volets spécifiques de la marque STEICO afin de réduire et rediriger le souffle du vent des ventilateurs. Ces derniers groupes avaient été installés par des professionnels afin d'optimiser la production de froid tout en minimisant la consommation énergétique, de sorte que l'installation n'émettait plus qu'un vent par alternance et uniquement durant la période estivale, soit de mai à septembre.

Enfin, il avait à nouveau fait intervenir un professionnel afin de confirmer les valeurs annoncées par les fournisseurs et était en mesure de fournir le rapport établi par la société de L______ SA.

A l’appui de ses écritures, il a produit plusieurs pièces complémentaires, notamment un schéma de l’accumulateur de glace ; les caractéristiques de l’installation complète et la fiche technique de l’accumulateur de glace établies par l’entreprise M______ (2011-2018) ; les données techniques du panneau d’isolation phonique STEICO ; le schéma des installations frigorifiques de la BRASSERIE selon N______ SA ; un courriel du 18 janvier 2024 de M______ avec les références constructeur des condenseurs de 2011 et de 2018 ; les déclarations de conformité des installations de refroidissement à l’office fédéral de l’environnement, état de la machine au 15 novembre 2024 (années de construction 2011 et 2018, avec mises en service les 25 novembre 2011 et 6 avril 2024) ; des Déclarations de conformité de la société M______ pour le frigo, groupe 2011 et groupe 2018 ; des schémas de l’accumulateur de la glace glycolée, du refroidisseur à plaques, du maintien du froid et du maintien du froid fermenteur.

Il a également produit le rapport de L______ SA indiquant en substance que les niveaux sonores relevés à 10 m des condensateurs extérieurs au site, en date du 15 novembre 2024, avaient été de 53.5 dB avec ventilation à pleine puissance et sans variateur de vitesse en fonction (essai au « pire des cas ») ; 44 dB avec la ventilation variée par variateur de vitesse au démarrage des groupes de production de froid (fonctionnement normal) et de 37 dBb avec ventilation variée et pour une cuve remplie d’eau refroidie qui avait préalablement déjà atteint son point de consigne à 2 degrés. Au vu de ces éléments, le niveau sonore des installations actuelles se trouvait dans les limites fixées par les réglementations locales en matière de bruit et dans les règles de réalisation de froid en zone agricole.

25.         Par courrier du 25 novembre 2024, le tribunal a transmis copies des écritures du 21 novembre des parties intimées aux recourants, tout en leur impartissant un délai au 11 décembre 2024 pour produire leurs éventuelles observations,

26.         Le 11 décembre 2024, par l’intermédiaire de leur mandataire, les recourants ont transmis leurs observations finales au tribunal.

Ils se déclaraient abasourdis d'apprendre que seuls les formulaires Cercle-bruit -  sans leurs annexes - avaient été pris en compte par le SABRA pour fonder sa position, Or, pour rappel, le premier formulaire indiquait que les exigences de l'art. 7 OPB n’étaient pas respectées, alors que le second avait été rempli pour une PAC et mentionnait par erreur un degré de sensibilité II pour la zone. Ces éléments illustraient le peu de soin apporté à l'examen du dossier par le SABRA. Dans ces circonstances, il se justifiait d'écarter ce préavis et de mener une véritable instruction du dossier, ce qui n'avait encore jamais été fait.

Au vu de la configuration des lieux, il apparaissait en outre que l'autre façade du bâtiment, située à l'ouest, comportait également un avant-toit qui présentait exactement les mêmes avantages, tout en étant plus éloigné des habitations environnantes. Cet emplacement offrirait ainsi une meilleure protection phonique pour les voisins.

Quant aux « données fabricant » fournies par le requérant, elles n’avaient aucune utilité dans le cadre de la présente procédure, dans la mesure où ces documents ne contenaient aucune information quant au volume sonore émis par ses installations. Il apparaissait dès lors que l'intimé ne collaborait manifestement pas pleinement à l'établissement des faits pertinents.

En dernier lieu, s’agissant du rapport de la société L______ SA nouvellement produit, l'intimé s'opposait à la mise en œuvre d'une expertise judiciaire mais jugeait utile de mandater un frigoriste afin de procéder à des relevés. Or, si son installation respectait en tout point la législation en vigueur, il ne s'opposerait pas à la tenue d'une véritable expertise dont seuls les résultats seraient probants. En effet, la société L______ SA n'avait aucune qualification spécifique en matière acoustique, de sorte que les chiffres produits n’avaient pas une force probante comparable à des données recueillies par un ingénieur acousticien, notamment dans le cadre d'une expertise judiciaire. Enfin, malgré les réserves qui devaient entourer la production de ce document, fourni par une société mandatée et rémunérée par l'intimé, il apparaissait qu'à pleine puissance, l'installation produisait un volume sonore de 53,5 dB(A). Or, dans les zones dans lesquelles un degré de sensibilité III était attribué, comme en l'espèce, les valeurs limites étaient de 50 dB(A) de nuit. Ainsi, il ressortait de ce document produit spécifiquement pour les besoins de la cause, que le niveau sonore émis par les machines en question dépassait les valeurs admises dans l'OPB. En tout état, ce document nouvellement produit achevait de démontrer l'inexactitude des formulaires Cercle-bruit et le fait que l'autorité intimée ne disposait d'aucune information fiable lorsqu'elle avait rendu sa décision.

Si le fait que l'installation dépassait les valeurs limites d’immission ne suffisait pas pour admettre le recours, il appartiendrait au tribunal d'ordonner une expertise judiciaire, afin d'établir scientifiquement les faits pertinents. Dite expertise devrait être menée au printemps ou au début de l'été, lors d'une phase de chaleur importante, en procédant à des relevés durant un laps de temps suffisamment long, afin de s'assurer que l'intimé ne puisse réduire temporairement la puissance de ses installations, comme il avait pu le faire lors des mesures effectuées à leur initiative.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Il sera relevé en particulier que les recourants sont des voisins immédiats de la parcelle visée par l'autorisation litigieuse et qu’ils font valoir des griefs liés au droit de la construction (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 ; 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1 ; 1C_382/2017 du 16 mai 2018 consid. 1.2.1). La qualité pour recourir doit ainsi leur être reconnue au sens de l'art. 60 let. b LPA.

3.             L’admission de la qualité pour recourir ne signifie pas encore que toutes les conclusions, respectivement griefs, formulés par un recourant sont recevables.

En effet, un recourant ne peut pas présenter n’importe quel grief ; il ne se prévaut d’un intérêt digne de protection, lorsqu’il invoque des dispositions édictées dans l’intérêt général ou dans l’intérêt de tiers, que si ces normes peuvent avoir une influence sur sa situation de fait ou de droit. Tel est souvent le cas lorsqu’il est certain ou très vraisemblable que l’installation ou la construction litigieuse sera à l’origine d’immissions - bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée - atteignant spécialement les voisins. À défaut, il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur le grief soulevé (ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 5b). Ils doivent en outre se trouver dans le champ de protection des dispositions dont ils allèguent la violation et être touchés par les effets prétendument illicites de la construction ou de l’installation litigieuse (ATF 121 I 267 consid. 2 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1P.282/2005 du 7 juillet 2005 consid. 1 ; 1P.292/2004 du 29 juillet 2004 consid. 1.3 ; ATA/801/2014 du 14 octobre 2014 consid. 6d).

4.             L’application du droit d’office par les juridictions administratives ne saurait avoir un quelconque effet sur la question d’un refus d’examiner un grief. En effet, si la juridiction administrative arrive à la conclusion que l’administré ne dispose pas d’un avantage pratique par rapport au grief soulevé, les règles de procédure imposent à celle-ci de ne pas entrer en matière et de déclarer irrecevable le grief invoqué (ATA/17/2023 du 10 janvier 2023 consid. 11d ; ATA/881/2022 du 30 août 2022 consid. 3d).

5.             La question de la recevabilité de certains des griefs soulevés par les recourants sera examinée ci-après.

6.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

7.             Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1).

8.             A titre préalable, les recourants ont sollicité des mesures d’instruction, soit leur audition lors d’un transport sur place. Au stade de la duplique, ils ont par ailleurs formellement conclu à ce que le tribunal ordonne une expertise judiciaire.

9.             Des conclusions en mesures d’instruction peuvent être sollicitées même après l'échéance du délai de recours et jusqu'à la fin de l'instruction du recours (ATA/930/2023 du 29 août 2023, consid. 1.3 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 232 n. 872). Les requêtes en actes d’instruction des recourants sont donc recevables.

10.         Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

11.         Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion. Ce refus d’instruire ne viole le droit d’être entendu des parties que si l’appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d’arbitraire (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_68/2023 du 2 avril 2024 consid. 5.2.1 ; 1C_662/2023 du 2 avril 2024 consid. 2.1.1).

L’avis d’un ingénieur civil mandaté par une partie recourante ne constitue qu’un simple allégué de partie (ATF 142 II 355 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2022 du 13 juin 2022 consid. 3.2) et ne saurait, à lui seul, rendre insoutenable l’appréciation des preuves opérée par l’instance spécialisée.

Enfin, le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement ni celui d’entendre des témoins (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2022 du 26 octobre 2022 consid. 4.2 ; ATA/1021/2024 du 27 octobre 2024 consid. 4.1 ; ATA/1327/2024 du 12 novembre 2024, consid. 2.1) ni à la tenue d’une inspection locale, en l’absence d’une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d’instruction, ce qui n’est pas le cas à Genève (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 2b).

12.         En l’espèce, le tribunal considère disposer d’un dossier complet lui permettant de trancher le présent litige en toute connaissance de cause, étant noté que le projet litigieux a été soumis à l’examen minutieux du SABRA, en sa qualité d’instance spécialisée, qui a rendu un préavis favorable le 24 mars 2023. Certes, lors de la délivrance de l’autorisation litigieuse, le SABRA ne s’était pas prononcé sur le deuxième formulaire Cercle-bruit du 13 juin 2023. Cependant, à teneur du dossier, il en a pris connaissance dans l’intervalle et a confirmé sa position favorable au projet. La manière de procéder et les conclusions du SABRA ont par ailleurs été expliquées de manière détaillée par le département dans ses écritures, en particulier sa duplique du 18 juillet 2024. Dans ces circonstances, procédant à une appréciation anticipée des preuves, le tribunal considère qu’une expertise judiciaire ne serait pas de nature à influer sur l’issue du litige.

S’agissant de la demande d’audition des recourants lors d’un transport sur place, le tribunal relève que les parties ont eu l’occasion de s’exprimer par écrit, d’exposer leur point de vue et de produire toutes les pièces qu’elles estimaient utiles à l’appui de leurs allégués par le biais des écritures usuelles. De plus, les plans, les photographies et les documents versés au dossier ainsi que la consultation des données librement accessibles sur la plateforme du système d'information du territoire genevois (ci-après: SITG) permettent de visualiser le projet litigieux. Dès lors qu’un transport sur place aurait pour objet les mêmes éléments, cette mesure d’instruction ne fournirait pas d’informations pertinentes supplémentaires, étant souligné que, comme expliqué par les recourants, les ventilateurs s’enclenchent de manière inopinée en fonction de différents moments de la journée et qu’il serait dès lors impossible pour le tribunal de pouvoir constater in situ toutes les différentes variations de bruit de l’installation contestée. Enfin, le tribunal ne dispose manifestement pas des compétences techniques pour mesurer précisément le niveau des émissions sonores émises par l’installation contestée.

En conséquence, les mesures d’instruction requises, non obligatoires, seront rejetées.

13.         Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

14.         L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/902/2015 du 1er septembre 2015 consid. 3b). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b et les arrêts cités).

15.         En l’occurrence, la décision attaquée porte sur l’autorisation de construire complémentaires DD 4______/2 délivrée par le département à M. C______ en vue de régulariser des réaménagements intérieurs et l’installation d’un compresseur avec ventilateurs en façade. A teneur du recours, seule cette installation est contestée.

16.         Dans un premier grief, les recourants font valoir que la régularisation de cette installation violerait les prescriptions légales en matière de protection contre le bruit, dans la mesure où les valeurs de planification (VP) seraient dépassées.

17.         La loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement, LPE - RS 814.01) a pour but de protéger les hommes, les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes, et de conserver durablement les ressources naturelles, en particulier la diversité biologique et la fertilité du sol (art. 1 al. 1). Les atteintes qui pourraient devenir nuisibles ou incommodantes seront réduites à titre préventif et assez tôt (art. 1 al. 2).

18.         Par atteintes, on entend les pollutions atmosphériques, le bruit, les vibrations, les rayons, les pollutions des eaux et les autres interventions dont elles peuvent faire l'objet, les atteintes portées au sol, les modifications du patrimoine génétique d'organismes ou de la diversité biologique, qui sont dus à la construction ou à l'exploitation d'installations, à l'utilisation de substances, d'organismes ou de déchets ou à l'exploitation des sols (art. 7 al. 1 LPE). Les pollutions atmosphériques, le bruit, les vibrations et les rayons sont dénommés émissions au sortir des installations, immissions au lieu de leur effet (art. 7 al. 2 LPE).

19.         L'art. 11 LPE dispose que les pollutions atmosphériques, le bruit, les vibrations et les rayons sont limités par des mesures prises à la source (limitation des émissions) (al. 1). Indépendamment des nuisances existantes, il importe, à titre préventif, de limiter les émissions dans la mesure que permettent l'état de la technique et les conditions d'exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable (al. 2). Les émissions seront limitées plus sévèrement s'il appert ou s'il y a lieu de présumer que les atteintes, eu égard à la charge actuelle de l'environnement, seront nuisibles ou incommodantes (al. 3).

20.         Selon l'art. 12 LPE, les émissions sont notamment limitées par l'application des valeurs limites d'émissions (al. 1 let. a). Les limitations figurent dans des ordonnances ou, pour les cas que celles-ci n'ont pas visés, dans des décisions fondées directement sur la LPE (al. 2).

Des mesures de protection au sens de l'art. 12 al. 2 LPE ne doivent pas seulement être ordonnées lorsque les atteintes à l'environnement deviennent dommageables ou incommodantes, mais il faut, au contraire, en vertu du principe de prévention, éviter déjà toutes les émissions inutiles (ATF 126 II 366 ; 119 Ib 179 consid. 2 ; 115 Ib 446 consid. 3d ; 113 Ib 393 consid. 3). Il ne s'agit cependant pas d'en conclure que chaque bruit qui ne serait pas absolument nécessaire devrait être totalement interdit. Il n'existe pas de droit absolu à la tranquillité, des nuisances minimes (de peu d'importance) devant au contraire être tolérées (art. 15 LPE ; ATF 126 II 366 ; 123 II 325 consid. 4d/bb ; arrêt du Tribunal fédéral du 18 mars 1998, in DEP 1998, p. 529 consid. 5b/c ; C. ZÄCH / R. WOLF, Kommentar zum Umweltschutzgesetz, 2000, n° 13 ad art. 15).

21.         Le Conseil fédéral édicte par voie d'ordonnance des valeurs limites d'immissions applicables à l'évaluation des atteintes nuisibles ou incommodantes (art. 13 al. 1 LPE). Les valeurs limites d'immissions s'appliquant au bruit et aux vibrations sont fixées de manière que, selon l'état de la science et l'expérience, les immissions inférieures à ces valeurs ne gênent pas de manière sensible la population dans son bien-être (art. 15 LPE). De nouvelles installations fixes ne peuvent être construites que si les immissions causées par le bruit de ces seules installations ne dépassent pas les valeurs de planification dans le voisinage ; l'autorité qui délivre l'autorisation peut exiger un pronostic de bruit (art. 25 al. 1 LPE).

22.         L'OPB a pour but de protéger contre le bruit nuisible ou incommodant (art. 1 al. 1). Elle régit, entre autres, la limitation des émissions de bruit extérieur produites par l'exploitation d'installations nouvelles ou existantes au sens de l'art. 7 de la LPE (art. 1 al. 2 let. a).

23.         Selon l’art. 2 al. 1 OPB, les installations fixes sont les constructions, les infrastructures destinées au trafic, les équipements des bâtiments et les autres installations non mobiles dont l’exploitation produit du bruit extérieur. En font notamment partie les routes, les installations ferroviaires, les aérodromes, les installations de l’industrie, des arts et métiers et de l’agriculture, les installations de tir ainsi que les places permanentes de tir et d’exercice militaires.

24.         A teneur de l’art. 31 al. 1 OPB, lorsque les valeurs limites d’immission sont dépassées, les nouvelles constructions ou les modifications notables de bâtiments comprenant des locaux à usage sensible au bruit, ne seront autorisées que si ces valeurs peuvent être respectées par la disposition des locaux à usage sensible au bruit sur le côté du bâtiment opposé au bruit (let. a) ; ou des mesures de construction ou d’aménagement susceptibles de protéger le bâtiment contre le bruit (let. b).

25.         Les immissions de bruit sont déterminées sous forme de niveau d’évaluation Lr ou de niveau maximum Lmax sur la base de calculs ou de mesures (art. 38 al. 1 OPB). Pour les bâtiments, les immissions de bruit seront déterminées au milieu de la fenêtre ouverte des locaux à usage sensible au bruit. Les immissions de bruit des avions peuvent aussi être déterminées à proximité des bâtiments (art. 39 al. 1 OPB).

26.         Selon l’art. 40 al. 1 OPB, l’autorité d’exécution évalue les immissions de bruit extérieur produites par les installations fixes sur la base des valeurs limites d’exposition selon les annexes 3 et suivantes. Les valeurs limites d’exposition sont valables pour les bâtiments comprenant des locaux à usage sensible au bruit (art. 41 al. 1 OPB).

27.         A teneur du document « Aide à l'exécution pour l'évaluation du bruit des pompes à chaleur (PAC) », produit par le département et figurant au dossier, le niveau d’évaluation Lr doit être déterminé au milieu de la fenêtre du local sensible au bruit le plus exposé (p.3). La valeur limite d’exposition est la valeur de planification de l’Annexe 6 de l’OPB et dépend du degré de sensibilité DS de la parcelle où se situe le local le plus exposé.

En relation avec l’art. 11 al. 3 LPE (p. 5), si l’installation ne se trouve pas dans un secteur exposé au bruit, il faut vérifier que son niveau sonore n’émerge pas des valeurs du bruit environnemental proposé par le SABRA : pour une villa non exposée au bruit, le niveau de bruit de fond L90, jour est de 35 dB(A) et celui de L90, nuit de 30dB(A).

28.         L’art. 43 al. 1 let c. OPB dispose que le degré de sensibilité III est applicable dans les zones où sont admises des entreprises moyennement gênantes, notamment dans les zones d’habitation et artisanales (zones mixtes) ainsi que dans les zones agricoles.

A teneur de l’art. 2 Annexe 6 de l’OPB (relative aux valeurs limites d’exposition au bruit de l’industrie et des arts et métiers), les valeurs de planification Lr à respecter pour une zone située en degré de sensibilité III, sont de 60 dB (A) le jour et de 50 dB (A) la nuit. Quant à la valeur limite d’immission, elle est fixée à Lr 65 dB (A) de jour et de Lr 55 dB (A) de nuit.

29.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/448/2021 du 27 avril 2021 consid. 6a et les références citées).

30.         Selon une jurisprudence bien établie, la juridiction de recours observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Elle se limite à examiner si le département ne s’est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; ATA/888/2023 du 22 août 2023 consid. 2.8).

31.         En l’espèce, il n’est pas contesté que le compresseur litigieux est une installation fixe et que, s’agissant de la zone agricole, le DS III s’applique, de sorte que les valeurs limites d’immission - à savoir du bruit au lieu de ses effets - sont de Lr jour 60 dB(A) et de Lr nuit 50 dB(A). Quant aux valeurs de planification, elles ne doivent pas dépasser 55 dB(A) de jour et 45 dB(A) de nuit.

Or, force est de constater que les valeurs indiquées dans les deux formulaires Cercle-bruit sont en-dessous du maximum autorisé, tant pour la période diurne que pour nocturne. En outre, le SABRA, instance spécialisée en matière de contrôle des émissions sonores, a rendu un préavis favorable le 24 mars 2023 sans condition ni observation, relevant que « selon les informations fournies », le compresseur respecterait les valeurs de planification de l’OPB.

A juste titre, les recourants ont relevé que le SABRA ne s’était pas formellement prononcé sur le deuxième formulaire Cercle-bruit du 13 juin 2023, ce dernier ayant été enregistré par le département le 16 juin 2023 sous une référence de dossier erronée. Cependant, comme expliqué par l’autorité intimée dans sa duplique, le SABRA a, dans l’intervalle, pu prendre connaissance de ce deuxième formulaire et confirmer que la valeur de son préavis favorable du 24 mars 2023 n’était pas modifiée. A cet égard, il a tout d’abord relevé les informations figurant sur ce second formulaire étaient conformes aux données acoustiques disponibles dans la fiche technique de l’appareil Apha Innotec annoncé. De plus, la distance de 27 m mentionnée (distance jusqu’au récepteur) correspondait à la distance entre l’installation fixe et le bord de la terrasse. Par conséquent la distance avec le premier local sensible au bruit de la maison des recourants, soit l’intérieur de celle-ci, était supérieure à celle retenue, ce qui diminuait encore de facto le niveau sonore constaté.

D’autre part, le SABRA a refait le calcul selon les données fournies dans le deuxième formulaire et a obtenu les mêmes résultats que ceux mentionnés dans ce dernier. En particulier, le niveau de pression acoustique à 27 m était de 22.4 dB de nuit, et de 30.4 dB de jour pour le modèle annoncé utilisé conformément aux instructions du fabricant, soit un niveau d’évaluation de 34.4 dB de nuit et de 37.4 dB de jour.

Au vu de ce qui précède, les valeurs limite de planification en zone de degré de sensibilité III (60 dB de jour et 50 dB de nuit), sont largement respectées in casu.

De plus, il ressort des données transmises dans les deux formulaires Cercle-bruit précités qu’une réduction du niveau sonore en mode nuit est prévue, avec une puissance maximale acoustique nocturne moins élevée que celle de jour. Il prévoit en outre un « mode nocturne » actif de 19h à 07h, avec mention que ce réglage est obligatoire et ne peut être modifié. Ainsi, conformément à l’art. 11 al. 2 LPE, des mesures préventives ont été prévues par le requérant. Celles-ci ont en outre été contrôlées et validées par le SABRA. Enfin, le second formulaire indique expressément que le principe de prévention est respecté.

32.         Enfin, comme relevé par le département, il ressort du dossier que l’installation litigieuse ne génère aucune nuisance acoustique pour le voisinage. En effet, selon le premier formulaire produit, le niveau de pression acoustique calculé (à 32 m du récepteur) est de 19.8 dB de jour et 14.8 (de nuit), soit 15 dB de mois que le bruit de fond estimé selon le SABRA à 35 dB de jour et 30 dB de nuit pour une zone calme (indice L90), comme en l’espèce. On peut dès lors retenir avec l’autorité intimée, que le bruit généré par l’appareil litigieux ne dépasse par le bruit ambiant et ne cause pas de nuisance acoustique au voisinage. Les données du deuxième formulaire permettent d’aboutir à la même conclusion, le niveau de pression acoustique indiqué (à 27 m) étant de 30.4 dB de jour et 22.4 dB de nuit, soit des niveaux moins élevés que les normes du bruit de fond (L90) précitées.

Compte tenu de ces éléments, la recherche d’un lieu de pose alternatif ou l’exigence de déplacement de l’installation sur la façade Ouest du bâtiment, telle que formulée par les recourants, paraît injustifiée et disproportionnée.

33.         Par ailleurs, l’arguments des recourants relevant une erreur relative à l’utilisation d’un formulaire dédié aux bruits de PAC sera également rejeté, ce type de document pouvant être utilisé pour toutes les installations fixes émettant une source ponctuelle de bruit. Selon les explications du département, que le tribunal n’a aucune raison de remettre en cause, ce formulaire n’est pas limité aux PAC, nonobstant son intitulé. Quant à la mention erronée de zone DS II - au lieu de DS III - dans le deuxième formulaire, elle ne permet nullement de remettre en causes les mesures acoustiques effectuées sur place par l’entreprise I______.

Pour le surplus, le tribunal relèvera à l’instar du département que les données acoustiques produites par les recourants ne sont pas assez précises pour remettre en cause les mesures précitées, retenues par le SABRA, notamment au regard des multiples paramètres à prendre en compte durant une telle évaluation. Pour rappel, le rapport établi par la société J______, mandatée par les recourants, ne constitue qu’un simple allégué de partie et ne saurait, à lui seul, rendre insoutenable l’appréciation des preuves opérée par le SABRA, instance spécialisée.

Compte tenu de ce qui précède, le tribunal considère qu’aucune violation des prescriptions légales en matière de protection contre le bruit n’est à déplorer in casu. En soutenant le contraire, les recourants se contentent en réalité de substituer leur propre appréciation à celle effectuée par le SABRA, sans parvenir à démontrer en quoi celle-ci aurait émis un préavis dénué de pertinence ou fondé sur des motifs étrangers aux buts de la loi. Quoi qu'il en soi, le tribunal peut parfaitement adhérer au point de vue de cette instance spécialisée.

34.         Les recourants font encore grief au département d’avoir violé l’art. 14 LCI en autorisant une machinerie de refroidissement incommodante pour le voisinage, qui n’aurait pas sa place en zone agricole.

35.         L’art. 14 LCI stipule que le département peut refuser une autorisation lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a), ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (let. b), ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public (let. c), offre des dangers particuliers (notamment incendie, émanations nocives ou explosions), si la surface de la parcelle sur laquelle elle est établie est insuffisante pour constituer une zone de protection (let. d) ou peut créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation (let. e).

36.         Cette disposition appartient aux normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d’une zone déterminée (ATA/92/2003 du 25 février 2003 consid. 4b et les références citées). Elle n’a toutefois pas pour but d’empêcher toute construction dans une zone à bâtir, qui aurait des effets sur la situation ou le bien-être des voisins (ATA/448/2021 du 27 avril 2021 consid. 8a ; ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 7a). Ainsi, la construction d’un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe pas être source d’inconvénients graves, notamment s’il n’y a pas d’abus de la part du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/448/2021 du 27 avril 2021 consid. 8a ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 8b ; ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 7a ; ATA/758/2016 du 6 septembre 2016 ; ATA/699/2015 du 30 juin 2015 ; ATA/86/2015 du 20 janvier 2015 ; ATA/801/2014 du 14 octobre 2014).

37.         La notion d’inconvénients graves est une norme juridique indéterminée, qui doit s’examiner en fonction de la nature de l’activité en cause et qui laisse à l’autorité une liberté d’appréciation. Celle-ci n’est limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation. Le pouvoir d’examen du tribunal s’exerce dans les limites précitées, sous réserve du respect du principe de proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable et de l’intérêt public en cas d’octroi d’une autorisation (cf. not. ATA/811/2021 du 10 août 2021 consid. 6 ; ATA/448/2021 du 27 avril 2021 consid. 8a ; ATA/165/2018 du 20 février 2018 consid. 4b).

38.         En l’occurrence, toutes les instances consultées se sont déclarées favorables à la requête complémentaire sollicitée, avec ou sans condition. De plus, l’incompatibilité de l’exploitation d’une BRASSERIE en zone agricole, telle que sous-entendue par les recourant, sort du cadre de l’autorisation de construire complémentaire faisant l’objet de la présente procédure. Pour rappel, cette dernière ne porte que sur l’installation d’un compresseur avec ventilateurs, et sur le réaménagement intérieur du bâtiment, au demeurant non contesté. Enfin, hormis les nuisances sonores alléguées, mais écartées par le tribunal supra, les recourants ne font pas valoir d’autres inconvénients graves causés par le compresseur litigieux.

Le grief de violation de l’art. 14 LCI sera dès lors également rejeté.

39.         Enfin, les recourants se prévalent d’une violation des art. 24 ss LAT et 27C LaLAT, au motif que le département aurait accordé une dérogation pour autoriser l’installation querellée, qui n’aurait pas sa place en hors de la zone à bâtir.

40.         Selon la LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 LAT). L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT). Le droit cantonal règle les exceptions prévues à l'intérieur de la zone à bâtir (art. 23 LAT).

41.         En vertu de l'art. 24 LAT, des autorisations peuvent être délivrées pour des nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d'affectation si l'implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination et si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose. Ces conditions cumulatives sont reprises par l'art. 27 LaLAT.

42.         Selon cette disposition, hors des zones à bâtir, en dérogation à l’art. 20, une autorisation ne peut être délivrée pour une nouvelle construction ou installation ou pour tout changement d’affectation que : a) si l’emplacement de la construction prévue est imposé par sa destination, et b) si elle ne lèse aucun intérêt prépondérant, notamment du point de vue de la protection de la nature et des sites et du maintien de la surface agricole utile pour l’entreprise agricole.

43.         Selon la jurisprudence, l'implantation d'une construction était imposée par sa destination si elle était justifiée par des motifs objectifs, comme des raisons d'ordre technique, liées à l'économie d'une entreprise ou découlant de la configuration du sol (arrêt du Tribunal fédéral 1C_383/2010 du 11 avril 2011 consid. 4.1)

44.         Hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont plus conformes à l'affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise (art. 24c al. 1 LAT). L'autorité compétente peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction, pour autant que les bâtiments aient été érigés ou transformés légalement (art. 24c al. 2 LAT). Cette réglementation est reprise à l'art. 27C LaLAT.

45.         Les autorités de recours doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l'administration accorde ou refuse une dérogation. L'intervention des autorités de recours n'est admissible que dans les cas où le département s'est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l'octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu'elle est commandée par l'intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu'elle est exigée par le principe de l'égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public. Ainsi, cette disposition accorde au département un large pouvoir d'appréciation que le juge ne peut revoir qu'en cas d'excès ou d'abus, ou de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 et 2 LPA) (ATA/318/2017 précité consid. 6d et les références citées).

46.         En l’espèce, les recourants contestent la dérogation accordée et la régularisation de l’installation litigieuse en soulignant l’incompatibilité de l’exploitation d’une BRASSERIE en zone agricole.

Or, comme déjà dit supra, l’affectation et l’exploitation de la BRASSERIE en zone agricole est exorbitante à l’objet du présent litige qui se limite, comme la dérogation accordée, aux seules questions de l’installation d’un compresseur avec ventilateurs en façade du bâtiment sis sur la parcelle concernée.

Or, à cet égard, il n’est pas contesté que le compresseur litigieux est un élément technique nécessaire à la fabrication de bière et donc à l’exploitation de ladite BRASSERIE. De plus, toutes les instances compétentes, notamment l’OCAN, se sont déclarées favorables à la demande de régularisation de l’installation litigieuse tout en relevant que celle-ci ne portait pas atteinte à l’exploitation agricole des terrains avoisinants, qu’aucun intérêt prépondérant de l’agriculture n’était lésé et que les conditions d’une dérogation au sens des art. 24c LAT et 27 LaLAT étaient remplies. Les recourants ne font valoir - ni ne démontrent - aucun élément qui contredirait la position des instances consultées.

Il ressort en outre de la lecture des avis consultatifs figurant au dossier que « l’installation d’un compresseur avec ventilateur en façade » a bel et bien été prise en compte dans l’analyse du projet ayant mené à la délivrance de l’autorisation querellée.

Il découle de ce qui précède, qu’en accordant la dérogation prévue à l’art. 24c LAT et 27C LaLAT, le département, suivant l'avis favorable des instances spécialisées, n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation. Dans ces circonstances, le tribunal ne saurait, en application des principes jurisprudentiels rappelés plus haut, se substituer à l'appréciation de ces autorités.

Le grief tiré de la violation des art. 24 ss LAT et 27C LaLAT sera donc rejeté.

47.         Pour le surplus, les allégations des recourants relatives au manque d’analyse des deux conditions dérogatoires cumulatives de l’art. 24 LAT ne sont pas relevantes, seule la dérogation prévue aux art. 24c LAT et 27C LaLAT ayant été accordée in casu, comme expressément mentionné dans la décision querellée.

48.         Enfin, concernant le dernier grief invoqué par les recourants en lien avec la violation de la condition n° 14 du préavis de l’OCEN, à savoir l’installation d’un récupérateur thermique, le tribunal relève que l’autorisation de construire dont est recours n’est pas encore entrée en force et que cette condition devra être mise en place par le requérant dans la phase d’exécution de la décision, qui ne fait pas l’objet du présent recours.

49.         Ce grief doit donc également être écarté.

50.         Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

51.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’200.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

52.         Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge des recourants, sera allouée à Monsieur C______ (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision du département du territoire du 8 août 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Madame A______ et de Monsieur B______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’200.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             condamne Madame A______ et de Monsieur B______ à verser à Monsieur C______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Damien BLANC et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière