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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2331/2023

JTAPI/357/2024 du 17.04.2024 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;4E ZONE B
Normes : Cst.29.al2; LPA.67.al1; LPA.19; LPA.20; LaLAT.19.al2; LCI.46; LCI.106; LCI.14.al2
Relations : La demande d'autorisation a été déposée par la commune de Vandoeuvres qui est également la propriétaire de la parcelle. Les recourants invoquent la violation de leur droit d'être entendus dans la mesure où ils ont été privé de la possibilité de se prononcer sur la position de la commune qui n'a pas préavisé le projet, s'agissant notamment de la dérogation à l’art. 106 LCI. Grief rejeté car, avant de statuer, le TAPI a sollicité ce préavis et l'a transmis aux recourants. Le DT a suivi les préavis favorables de la commune, de la CMNS, du SMS et de l'OCT. Griefs relatifs à l'accroissement du trafic, aux nuisances sonores rejetés. Enfin, la loi n'imposait pas que l'office de l'urbanisme soit consulté et le DT pouvait de toute façon s'écarter du préavis de cette instance, même s'il était négatif. En tout état, l'avis de l'office de l'urbanisme n'est pas déterminant s'agissant de questions en lien avec le stationnement ou l'imperméabilisation des sols.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2331/2023 LCI

JTAPI/357/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 avril 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Madame B______ représentés par Me François BELLANGER, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

C______, représenté par Me Lucien LAZZAROTTO, avocat, avec élection de domicile

 


EN FAIT

1.             Madame B______ et Monsieur A______ sont, respectivement, propriétaire et usufruitier de la parcelle n° 1______ de C______ (ci-après : la commune), à l’adresse D______, où ils demeurent.

2.             La commune est propriétaire, des parcelles n° 2______ et n° 3______, adjacentes à la parcelle précitée, ainsi que de la parcelle n° 4______, sises E______.

Les parcelles sont situées quasi totalement en zone 4B protégée. Seule une surface de 34 m2 de la parcelle n° 3______ se trouve en zone agricole.

3.             Par requête du ______ 2023, enregistrée sous le n° DP 5______, la commune, par l’intermédiaire de son mandataire, a sollicité auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département), une autorisation préalable portant sur la « Construction d’une salle pour le conseil municipal et de locaux associatifs et polyvalents avec réfectoire – rénovation et changement d’affectation d’une habitation et d’un atelier – aménagement d’une place publique – réaménagement du stationnement » sur les parcelles précitées.

4.             Le 27 mars 2023, dans le cadre de l’enquête publique relative à cette demande, les époux, sous la plume de leur conseil, ont présenté leurs observations.

Le projet prévoyait la construction d’un bâtiment, soit la « Maison Nord », en limite de leur propriété et nécessitait la constitution d’une servitude de distance et de vue droite sur leur parcelle à laquelle ils s’opposeraient. Quant à la « Maison Sud », conçue sur deux niveaux, dont le volume complet de toiture d’une élévation de 13.81 m, elle était prévue à 7.95 m de la limite de leur propriété et n’était pas non plus compatible avec le caractère général des bâtiments du secteur. Enfin, l’affectation des futurs bâtiments n’était pas compatible avec la zone, compte tenu des nuisances en terme de bruit et de circulation que le projet pouvait engendrer.

5.             En lien avec cette requête, la commune a sollicité l’autorisation de démolir M 6______, délivrée le ______ 2023.

6.             Lors de l’instruction de la requête, les instances suivantes ont notamment été consultées :

-          l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) et l’office cantonal de l’eau (ci-après : OCEau) ont préavisé favorablement le projet, sous conditions, respectivement les 27 mars et 3 avril 2023 ;

-          le 6 mars 2023, le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a préavisé favorablement le projet, sous conditions, rappelant notamment que le cadre légal de la protection de l’air devait être respecté s’agissant de la cuisine indiquée sur les plans (COD-1), que le maître d’ouvrage devrait s’assurer du respect des exigences de la norme SIA 181/2020 (COD-2) et qu’en cas de mise en place d’installation fixe produisant du bruit vers l’extérieur, le requérant devrait produire un rapport acoustique démontrant que le cadre légal de la protection contre le bruit était respecté au droit des locaux sensibles au bruit les plus exposés (COD-3) ;

-          la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) s’est prononcée à deux reprises :

·         le 2 mars 2023, elle a préavisé favorablement le projet, avec dérogation acceptant, l’application de l’art. 27 loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), s’agissant d’aménagements hors zone à bâtir, et de l’art. 106 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), dès lors que le projet dérogeait aux dispositions régissant les distances entre bâtiments, ainsi que les distances aux limites de propriétés et les vues droites. Sous rubrique « Divers », elle a notamment indiqué : « M 6______ en cours ; projet de servitude de distance et de vue droite grevant les parcelles n° 7______ et n° 1______, établi le 18. 01. 2023… » ;

·         le 5 mai 2023, elle a émis un préavis identique au précédent, sous réserve de la mention au projet de servitude qu’elle a supprimée ;

-          l’office cantonal des transports (ci-après : OCT), s’est prononcé à deux reprises :

·         le 13 mars 2023, il a demandé un projet modifié, soit la création d’une place pour personne à mobilité réduite (ci-après : PMR) en surface (MOD-1) ; la mise en cohérence du formulaire N03 qui indiquait la création de huit places vélo, trois places dépose-minute et la suppression de quinze places en surface, avec le plan de masse N06 qui indiquait la création de cinq places de stationnement, la conservation de trois places, dont deux devenaient des places dépose-minute, la création d’une place de livraison et de dix places vélo (DOC-1) ; la production d’une analyse démontrant la capacité du parking souterrain à compenser la suppression des places de stationnement en surface (DOC-2) ;

·         le 1er juin 2023, il a émis un préavis favorable, à la condition qu’une attention particulière soit portée à l’interface entre le trottoir et l’entrée du parking souterrain par un traitement spécifique du revêtement, puisque le secteur verrait davantage de piétons dû à l’élargissement du trottoir qui risquaient de se trouver en conflit avec les véhicules souhaitant accéder aux espaces de stationnement (souterrain et en surface) ;

-          la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) s’est prononcée à deux reprises :

·      le 3 avril 2023, elle a préavisé favorablement le projet, avec dérogations et sous conditions. Estimant que la volumétrie générale du projet était en adéquation avec l'échelle des bâtiments environnants, elle n’était pas opposée à l'octroi de la dérogation selon l'art. 106 LCI nécessaire à la faisabilité du projet (distances et vues droites, distances entre bâtiments insuffisantes). Elle a également indiqué que le projet était situé dans la zone 4B protégée de F______, périmètre protégé au sens des art. 105 ss LCI. Elle prenait connaissance du dossier et des documents joints en complément d'information. Le déplacement des délégués, qui s’étaient rendus sur place pour une visite des bâtiments et des abords, avait permis de mieux évaluer l'impact des interventions sur le site et la substance bâtie des deux édifices prévus maintenus. Le projet intervenait sur une parcelle communale située au cœur du village de F______, à mi-chemin entre la place du temple et les bâtiments scolaires, en second front à l'arrière du tissu ancien organisé le long de G______. Le projet déposé en demande préalable s'inscrivait dans une démarche ayant pour objet la transformation de bâtiments existants ayant reçu la valeur « intéressant » au recensement architectural cantonal et la construction de deux bâtiments d’utilité publique, ainsi que la création d'une place et divers espaces publics venant lier l'ensemble. Considérant les spécificités du contexte, la commission appréciait l'intention de développer un projet d'activité publique au cœur du village, de réaffecter des bâtiments anciens avec une valeur à la fois patrimoniale, historique et sociétale, et de favoriser une circulation piétonne en second front. Concernant les nouvelles constructions, elle estimait que le projet répondait aux objectifs d'intégration dans le site par une implantation et une volumétrie en adéquation avec l'échelle des bâtiments environnants. Dès lors, la commission n'avait pas d'objection à formuler, à condition d'intégrer la déchetterie et l'abri vélo dans l'étude du projet définitif afin de revaloriser l'espace public et d'éviter la prolifération d'éléments étrangers au caractère villageois, au profit d'un espace public épuré. Enfin, si elle était favorable au principe de l'intervention déposé en demande préalable (implantation, destination, gabarit, volumétrie des bâtiments et dévestitures), elle précisait que les questions relatives à l'aspect, l'expression architecturale, les matériaux, les transformations intérieures et les aménagements extérieurs seraient étudiées dans le cadre de la demande définitive ;

·      le 30 mai 2023, elle a émis un préavis, favorable, avec dérogations et sous conditions, dont la teneur est quasi identique au précédent, ajoutant que, dans la mesure où le projet nécessitait un complément de dérogation à l’art. 106 LCI, elle était amenée à revoir le dossier et réitérait le contenu de son préavis du 3 avril 2023 ;

-          les 3 avril et 30 mai 2023, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS), renvoyant aux préavis du CMNS, a émis des préavis favorables, avec dérogations au sens de l’art. 106 LCI ;

-          l’office de l’urbanisme (ci-après : OU) s’est prononcé à deux reprises :

·         le 21 mars 2023, il a demandé un projet modifié. Saluant la qualité du dossier qui lui était soumis, y compris les documents historiques, il considérait que le principe de rénovation de la maison H______ ne posait pas de problème particulier. Le maintien et l'intégration dans le bâtiment de la rampe du parking souterrain était un moyen de réduire sa visibilité, même si la casquette actuelle permettait une lecture d'un petit édicule. Le principe de développement de deux bâtiments en arrière de front bâti semblait pertinente. Néanmoins, la présence de stationnement en surface (côté est) rendait très imperméable le secteur. De plus, la proximité de la « Maison Nord » côté fontaine rendait peu lisible le dégagement souhaité. Il souhaitait que les surfaces de stationnement en surface, côté est, soient réduites afin de permettre un alignement entre les deux maisons prévues, et un aménagement plus végétal de ce secteur. Une synergie avec les places de stationnement en souterrain à proximité devait être recherchée, afin de limiter les emprises imperméables. Sous rubrique « Remarques », il a indiqué que le plan de servitude n’était pas signé et donc pas en force ;

·         le 19 mai 2023, il a demandé un projet modifié, maintenant la demande de réduction de stationnements en surface, côté est, afin de conserver un angle perméable tout comme un dégagement d'espace public sur l'arrière de la parcelle. L'aménagement devait être plus végétal dans ce secteur afin de faire la liaison avec la propriété voisine. L'accès à ces places de stationnement n’était pas garanti, la servitude n'étant pas en force. Une synergie avec les places de stationnement en souterrain à proximité devait être recherchée, afin de limiter les emprises imperméables. Il a également repris la remarque figurant sur le préavis précité ;

L’analyse de ce document, a conduit l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) à retenir qu’il s’agissait d’un préavis favorable, avec souhaits.

7.             Dans l’intervalle, par courrier du 4 avril 2023, l’OAC avait informé le mandataire, que compte tenu des observations des époux, le projet de servitude de distance et de vue droite sur la parcelle n° 1______ ne pourrait pas être instrumenté et lui avait imparti un délai de 30 jours pour faire part d’éventuelles modifications du projet, et transmettre les compléments sollicités par les instances de préavis.

8.             Dans sa réponse du 3 mai 2023, le mandataire s’était déterminé sur le préavis de l’OU, espérant que ses explications lui permettraient de reconsidérer sa demande de modification.

9.             Par décision du ______ 2023, publiée le jour même dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : FAO), le DT a accordé l’autorisation préalable n° APA 8______, les conditions prévues dans les préavis devant être strictement respectées et faisant partie intégrante de la décision.

10.         Par acte du 11 juillet 2023, les époux (ci-après : les recourants), sous la plume de leur conseil, ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation.

Ils ont d’abord invoqué la violation des art. 34 et 45 LCI.

Il ressortait des plans visés ne varietur que la « Maison Nord » avait une hauteur de gabarit de 8.46 m. La distance minimale de 7.46 m, calculée selon l’art. 34 al. 1 LCI, entre cette construction et la limite de leur propriété n’était manifestement pas respectée. De plus, l’art. 106 LCI mentionné dans la décision litigieuse n’était pas applicable pour justifier une telle dérogation car le préavis de la commune faisait défaut. Cette dernière aurait en effet dû être invitée à se déterminer et ce, même si elle était également la requérante de l’autorisation. Le préavis de la CMNS était également muet à ce sujet, alors qu’une dérogation de cette importance nécessitait une détermination formelle.

Or, aucune autorité n’avait examiné cette disposition légale. Les conditions d’octroi d’une dérogation n’étaient ainsi pas remplies. L’OU avait d’ailleurs réclamé à deux reprises la confirmation de l’octroi d’une servitude de distance et de vue droite et il ressortait du courrier du 3 avril 2023 adressé au mandataire par l’OAC que le projet de servitude ne pourrait pas être instrumenté. Ce courrier était « la reconnaissance que la seule solution légale envisageable » était la constitution d'une servitude, faute de quoi, l’autorisation ne pouvait qu’être refusée. La commune elle-même avait déposé un plan de servitude.

Faute de servitude, l’autorisation aurait dû être refusée. Or, sur la seule base d’un plan cadastral, visé par la suite ne varietur, sur lequel la servitude avait été biffée sans la moindre justification, l’autorisation litigieuse avait été délivrée. L’OAC avait également, de manière arbitraire, « transformé » la demande de complément de l’OU du 19 mai 2023 en préavis favorable.

Le projet contrevenait à l’art. 19 al. 2 loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30). En effet, les futurs bâtiments seraient destinés à recevoir un nombre important de personnes et généreraient un trafic automobile élevé, causant d’importantes nuisances incompatibles avec une zone d’habitation.

Enfin, alors que le nouveau plan de stationnement déposé le 5 mai 2023 ne répondait pas à sa demande de modification du 13 mars 2023, l’OCT avait émis un préavis favorable, sous conditions, le 1er juin 2023. Ce nouveau plan n’avait toutefois pas été visé ne varietur dans l’autorisation litigieuse. Il n’y avait pas de plan de stationnement. Seul le plan original du 27 janvier 2023 traitait de cette question. Le plan adopté avec l’autorisation ne correspondait ainsi pas au préavis de l’OCT et ne répondait pas à ses demandes, compte tenu notamment de l’absence de places PMR. Cela étant, rien ne justifiait le maintien d’autant de places en surface, à proximité immédiate de la parcelle des recourants, alors que le parking communal n’était jamais rempli. Aucune explication n’avait d’ailleurs été fournie à cet égard et l’OCT ne semblait pas avoir examiné cette question.

Force était ainsi de constater d’importantes informalités en lien avec la problématique du stationnement et la demande de complément de l’OU du 19 mai 2023.

11.         Dans ses observations du 14 septembre 2023, le DT a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours, s’en rapportant à justice s’agissant de sa recevabilité.

Les recourants invoquaient à tort la violation des art. 34 et 45 LCI, dès lors qu’il ressortait clairement du dossier que le DT avait appliqué l’art. 106 LCI, conformément au pouvoir qui lui était octroyé. La commune ne s’était certes pas prononcée à cet égard. Il convenait toutefois de relever qu’elle était non seulement la requérante de l’autorisation sollicitée, mais également la propriétaire des parcelles sur lesquelles elle projetait de construire ou de rénover des bâtiments destinés à des activités d'ordre public. Il semblait ainsi évident qu’elle se serait prononcée en faveur du projet. Si le tribunal devait considérer que la commune devait tout de même se prononcer, il y aurait alors lieu qu’elle le fasse, par économie de procédure, dans le cadre de la présente procédure, conformément à la jurisprudence.

S’agissant des divers préavis, le DT s’est déterminé comme suit :

La CMNS avait clairement indiqué dans ses préavis les motifs pour lesquelles elle était favorable à l’octroi d’une dérogation en application de l’art. 106 LCI.

L’OU avait, « de manière fort surprenante », regretté la présence de places de stationnement en surface qui avaient, selon lui, pour effet de rendre le secteur très imperméable. En outre, il s’était référé aux servitudes qui devaient être obtenues, mais son « appréhension » des dispositions légales applicables n’était pas correcte et il ne lui appartenait pas de se prononcer sur cette problématique.

Il n’était pas contesté que dans son préavis du 2 mars 2023, l’OAC avait, par erreur, fait référence au plan de servitude fourni avec le dossier. Elle n’en avait toutefois plus fait mention par la suite, compte tenu de l’application de l’art. 106 LCI visé dans ses deux préavis.

Sous l’angle de l’art. 19 LaLAT, la zone 4B protégée n’était pas exclusivement destinée à l’habitation. Il était en effet très courant d’y trouver des locaux destinés à des activités privées ou publiques, d’autant plus au cœur d’un village qu’elles contribuaient à animer. S’agissant plus précisément du secteur de C______ où le projet était prévu, il y avait déjà une boulangerie et divers magasins. Il était ainsi inexact de prétendre que des activités publiques ne pourraient s’y déployer et les recourants n’avaient pas démontré les nuisances et inconvénients engendrés.

Quant aux informalités invoqués, l’OCT n’avait jamais remis en cause la création de cinq places de stationnement. Relevant des incohérences entre divers documents, il avait demandé leur mise en conformité et avait ensuite préavisé favorablement le projet. Il considérait ainsi que la commune avait donné suite à ses demandes de complément et de modification du projet, à savoir, la mise à disposition d’une place PMR. Le plan des rez-de-chaussée visé ne varietur n’avait effectivement pas été modifié, s’agissant des places de stationnement. Néanmoins, un tel document n’était utile au DT que dans le cadre de l’examen des nouvelles constructions proposées. L'analyse du stationnement se faisait exclusivement sur la base des plans idoines, soit en l'occurrence le formulaire N06, dont l’OCT avait sollicité la modification, lesquels n’étaient jamais visés ne varietur. La commune n’avait pas non plus à justifier la raison pour laquelle elle souhaitait maintenir les places de stationnement en surface. L’OCT lui avait demandé au contraire de démontrer, qu’en cas de suppression, elles seraient compensées avec celles disponibles dans le parking souterrain. Quant à l’OU, il ne disposait d’aucune compétence que ce soit dans ce domaine ou en matière d’imperméabilisation des sols, raison pour laquelle l’autorité intimée n’avait pas donné suite à ses préavis. Elle avait toutefois informé la commune que les exigences formulées pouvaient être considérées comme des souhaits qu’il lui était loisible de mettre en œuvre.

S’agissant de la question de l'imperméabilisation, l’OCEau avait préavisé favorablement le projet à la condition que certains points soient analysés dans le cadre de la demande définitive. Quant à la commune, elle avait expliqué que les places de stationnement en surface se situaient presque en totalité sur la dalle du parking souterrain communal.

12.         Le 14 septembre 2023, la commune (ci-après : l’intimée) s’est déterminée, sous la plume de son conseil.

En réponse aux observations des recourants, elle avait notamment indiqué, le 3 mai 2023, que les places de stationnements maintenues à l'est étaient quasiment toutes situées sur la dalle du parking communal souterrain existant, de sorte que la proportion de pleine terre sur le site n’était pas prétéritée. Quant au décalage entre les deux volumes bâtis, il s’agissait d’un parti pris du projet, fondé sur les qualités spatiales du cœur villageois de la commune. Le 4 mai 2023, elle avait également modifié le plan cadastral en supprimant le projet de servitude qui figurait sur le plan du 2 février 2023.

Pour faire suite à la demande de l’OCT, elle avait déposé un nouveau formulaire N03 le 5 mai 2023, indiquant notamment que le parking extérieur serait modifié par la création d'une place PMR, de deux places dépose-minute et d’une place livraison et que le parking communal avait une capacité de nonante-quatre places publiques pour voitures, dont deux places de recharge électrique, deux places PMR et dix-huit places pour les deux-roues motorisés. Elle avait également produit un nouveau plan de stationnement modifié daté du 4 mai 2023, conforme au formulaire précité.

Par ailleurs, le projet litigieux requerrait certes une dérogation aux dispositions des art. 34 et 45 LCI pour la construction de la « Maison Nord ». Cependant, la constitution d'une servitude n’était pas l'unique solution légale pour bénéficier d'une dérogation aux distances insuffisantes. Dans la mesure où il avait été fait application de l'art. 106 LCI, l'OAC n’avait pas à se déterminer sur l'absence de servitude.

S’agissant des conditions d’octroi de la dérogation selon l’art. 106 LCI, dans la mesure où la commune était la requérante de la demande d’autorisation, son préavis n’apparaissait pas nécessaire. Même à admettre le contraire, il ne faisait pas de doute qu’elle préaviserait favorablement le projet. En outre, la CMNS s’était prononcée à deux reprises. Il ressortait clairement de ses préavis favorables qu’elle n’était pas opposée à l’octroi d’une dérogation en application de l’art. 106 LCI. Elle avait également considéré que les nouvelles constructions répondaient aux objectifs d'intégration dans le site.

Par ailleurs, les recourants n’avaient pas démontré en quoi la parcelle serait surdensifiée et l'équilibre local des constructions bouleversé.

Concernant le préavis de l’OU, ce dernier avait mentionné la non-entrée en force d’une servitude qui n’avait plus lieu d’être, compte tenu de l’application de l’art. 106 LCI, raison pour laquelle l’OAC avait considéré, sans arbitraire, qu’il s’agissait d’un préavis favorable, avec souhaits.

En outre, les constructions projetées n’étaient certes pas des maisons d’habitations mais les activités qui y étaient prévues pouvaient tout de même être autorisées en zone 4B protégée. Quant aux nuisances alléguées, les recourants n’indiquaient pas en quoi elles seraient différentes ou plus importantes que celles liées à l'exploitation des bâtiments actuels, étant relevés que des locaux administratifs généreraient certainement moins de nuisances que la menuiserie et/ou la laiterie voisines sisês sur l’une des parcelles concernées.

Il était également douteux que l’exploitation de locaux administratifs engendre un accroissement de trafic pouvant être qualifié d’inconvénients graves ou de gêne durable. L’OCT avait d’ailleurs préavisé favorablement le projet qui avait été globalement requalifié comme espace public piétonnier, ce qui indiquait plutôt une baisse du trafic. Au demeurant, sur la parcelle n° 3______ se trouvait déjà un parking extérieur plus important que celui qui était prévu, de même qu’un parking communal.

Enfin, l’OCT n’avait nullement remis en cause la création de cinq places de stationnement supplémentaire. Il avait seulement demandé la mise en concordance du formulaire N03 daté du 21 février 2023 avec le plan de stationnement du 27 janvier 2023, ce qui avait été fait. Sous l’angle de l’imperméabilisation des sols, le projet se voulait très performant, notamment avec l’implantation de bâtiments pour moitié sur sous-sol déjà excavé. Le caractère des lieux serait également amélioré au sud de la parcelle par les nouvelles fonctions et l'usage du sol dévolus aux jeux d'enfants et à un potager. Il convenait également de relever que le nombre de places de stationnement avait déjà été réduit en comparaisons aux quinze places qui se trouvaient actuellement en extérieur.

Enfin, il était prématuré de se prononcer sur les espaces paysagers, au stade de la demande préalable. La CMNS avait d’ailleurs relevé que la question des aménagements extérieure serait examinée dans le cadre de la demande définitive. C’était ainsi à bon droit que l’OAC avait considéré le préavis de l’OU du 19 mai 2023 comme favorable, avec souhaits, et qu’aucun plan de stationnement n’avait été visé dans l’autorisation litigieuse.

13.         Les recourants ont répliqué le 3 novembre 2023, sous la plume de leur conseil, persistant dans leurs conclusions.

Le ______ 2022, le Conseil municipal de la commune avait délibéré sur le crédit relatif au projet et l’un des conseillers municipaux avait fait part de certaines inquiétudes à cet égard. Par la suite, lorsque la question de l’octroi de la dérogation selon l’art. 106 LCI s’était posée, la commune ne s’était pas prononcée par voie de délibération de son Conseil municipal et n’avait pas non plus rendu de préavis alors que l’alinéa 3 de cette disposition l’exigeait. Or, la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05) prévoyait que ce dernier était tenu de rendre une délibération lorsqu'il se prononçait sur les projets de construction d'immeubles communaux (art. 30 al. 1 let. m LAC). De plus, la dérogation au régime de la zone 4B par le biais de l'art. 106 LCI avait des effets matériels équivalents à une modification des limites de zone au sens de l'art. 30 al. 1 let. q LAC, raison pour laquelle le préavis y afférent devait faire l'objet d'une délibération spécifique. Le défaut de préavis motivé par la commune était ainsi un vice procédural qui ne pouvait être réparé par le tribunal, dès lors que les habitants n'avaient pas eu l'opportunité de demander un référendum contre le préavis censé motiver cette importante dérogation. Dans cette mesure, le droit d’être entendu des recourants avait été violé. Il convenait également de relever qu’il arrivait en pratique que le service communal chargé de déposer une autorisation de construire ne soit pas celui qui préavisait le projet.

Par ailleurs, la mise en œuvre de la dérogation en application de l'art. 106 LCI n'avait pas pour vocation de préserver le caractère architectural du village. Il s’agissait plutôt d’un « prétexte » pour déroger au régime légal ordinaire et de densifier à l'excès la parcelle adjacente à celle des recourants, en s'affranchissant de la nécessité d'obtenir des servitudes. En tout état, il paraissait absurde de soutenir que des constructions qui existaient depuis un siècle soient problématiques du point de vue de la sauvegarde du caractère architectural du village et que leur remplacement par deux bâtiments modernes, surdimentionnés et en conflit avec le caractère du site, puisse y apporter une solution. Contrairement à la position de la CMNS, les futures constructions ne s’intégreraient pas dans le site.

Enfin, compte tenu de l’ampleur du projet et des activités prévues, il ne faisait pas de doute que les futures constructions engendreraient d’importantes nuisances sonores, de jour comme de nuit, de même qu’un accroissement majeur du trafic routier, étant relevé que les habitants de la commune étaient particulièrement tributaires de leurs véhicules.

14.         Le 7 décembre 2023, le DT a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

À l’inverse d’autres dispositions de la LCI, l’art. 106 LCI n’exigeait pas que le Conseil municipal statue sous forme de délibération. Il ressortait clairement de l’art. 30 al. 1 LAC, qu’en matière de préavis, le Conseil municipal pouvait se prononcer dans trois situations bien définies, stipulées aux lettres q, r et y, étant précisé qu’une modification de zone au sens de l’art. 30 al. 1 let. q LAC ne pouvait pas être assimilée à l’octroi d’une dérogation selon l’art. 106 LCI. L’art. 48 let. h LAC précisait également qu'il appartenait au maire, après consultation de ses adjoints ou un adjoint dans le cadre de ses fonctions déléguées au sens de l'art. 44 LAC, de préaviser tous les objets qui n’étaient pas expressément de la compétence du Conseil municipal au sens de l’art. 29 al. 2 LAC. Quoi qu’il en soit, le DT était convaincu que le préavis de la commune, qui avait déposé la demande après avoir reçu l’aval du Conseil municipal, était en l’occurrence inutile.

Par ailleurs, contrairement aux allégations des recourants, l’art. 106 LCI avait pour but de permettre de déroger aux règles ordinaires applicables à la zone d'affectation concernée, afin justement de protéger les caractéristiques particulières de ces villages, dans la mesure où ces derniers proposaient un tissu, par définition ancien, qui ne correspondait pas au standard actuel en matière de construction. Or, ce n’était pas parce que le périmètre concerné était protégé qu’aucune construction ne pouvait être envisagée et le préavis de la CMNS avait précisément pour but de définir si un projet de construction répondait aux caractéristiques du tissu urbain à protéger.

De plus, dans les communes dans lesquelles, à l’instar de la commune concernée, les zones d'affectation étaient exclusivement constituées de zones agricoles, de zones de bois et forêts, de zones de verdure, de zones 4B protégées ou de zones 5, il était indispensable de prévoir un lieu où installer les bâtiments communaux. Or, la zone 4B protégée était manifestement la plus adaptée, étant rappelée qu’elle n’était pas exclusivement destinée à de l'habitation et que les règles légales en matière de construction régissant les autres zones étaient encore plus restrictives.

15.         Le 7 décembre 2023, la commune, persistant dans ses conclusions, a dupliqué, sous la plume de son conseil.

Le crédit relatif au projet litigieux avait été adopté à l'unanimité des votants, le ______ 2022, ce qui signifiait que le conseiller communal mentionné par les recourants s’était rallié à l'opinion majoritaire. Les études préliminaires permettant le dépôt de la demande préalable avaient déjà été financées et réalisées, en vertu d'une délibération du ______ 2022 également adoptée à l'unanimité. Le Conseil municipal avait ainsi conscience du caractère dérogatoire du projet, déjà en ______ 2022. Le libellé de la requête publiée dans la FAO du ______ 2023 qui concrétisait le vote du Conseil municipal de ______ 2022, soulignait d’ailleurs expressément l'existence d'une dérogation au sens de l'art. 106 LCI. Si la population avait voulu rejeter le projet pour son caractère surdimensionné, elle aurait pu le faire suite au vote du ______ 2022 ou à celui du ______ 2023 approuvant, tant la construction que son financement. L’art. 30 al. 1 let. m LAC était ainsi parfaitement respecté, étant précisé que l’octroi d’une dérogation en application de l’art. 106 LCI n’était pas assimilable à une modification des limites de zone.

En outre, pour octroyer cette dérogation, le DT s’était fondé sur le préavis favorable d’une commission spécialisée, soit la CMNS, qui avait considéré que la volumétrie et l’implantation du projet litigieux était en adéquation avec les bâtiments et les aménagements existants.

Par ailleurs, le grief tiré de l’absence de préavis de la commune relevait du formalisme excessif. La position de la commue ressortait clairement du document explicatif daté du 17 novembre 2022, joint à la demande.

Les recourants avaient évoqué l’éventualité d’une divergence d’opinion entre le service communal chargé de déposer un projet et celui chargé de le préaviser. La survenance d’une telle éventualité, déjà douteuse dans les communes de grande taille, l’était plus encore dans une commune de la taille de l’intimée, dont l’exécutif était composé uniquement du maire et de deux adjoints qui prenaient et signaient toutes les décisions et tous les préavis.

Enfin, sous l’angle de l’art. 19 al. 2 LaLAT, l'approche des recourants reviendrait à limiter la 4ème zone à l'habitation, contre le texte clair de la loi. Les nombreuses communes qui ne comportaient qu'une zone 4 et une zone 5 ou une zone agricole seraient également privées des installations nécessaires à la vie du village et de ses administrés, à l’instar des constructions projetées qui étaient directement destinées aux villageois, ce qui ne pouvait raisonnablement pas être la volonté du législateur.

16.         Par courrier du 19 mars 2024, le tribunal a invité la commune à préaviser le projet de construction et à se prononcer formellement sur l’octroi ou non de la dérogation au sens de l’art. 106 LCI, dans un délai au 28 mars 2024, conformément à la jurisprudence applicable en la matière.

17.         Dans son préavis favorable du 25 mars 2023, la commune a indiqué confirmer la position qui était la sienne lors de l’instruction de la demande d’autorisation. Elle n’avait pas rendu de préavis « spécifique », s’agissant notamment de la dérogation selon l’art. 106 LCI, dès lors que sa qualité de requérante lui semblait suffire pour exprimer son avis favorable à la demande qu’elle avait déposée. De son avis, le document explicatif du 17 novembre 2022 joint à sa requête faisait, si besoin, office de préavis motivé. Cela étant, le projet préservait le caractère architectural du village, tout en mettant à disposition des administrés des infrastructures utiles et la dérogation qu'il impliquait apparaissait justifiée. L'implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions projetées respectaient le caractère et l'échelle de l'environnement bâti dans lequel le projet s'insérait harmonieusement. Pour le surplus et afin d’éviter d’inutiles redites, elle renvoyait au document explicatif précité.

18.         Le tribunal a transmis ce préavis aux parties le 28 mars 2024.

19.         Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La recevabilité du recours suppose encore que ses auteurs disposent de la qualité pour recourir.

4.             La qualité pour recourir est reconnue à toute personne atteinte par la décision attaquée et qui dispose d’un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 60 let. b LPA).

Le recourant doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d’être prise en considération avec l’objet de la contestation et retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision en cause, qui permette d’admettre qu’il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général, de manière à exclure l’action populaire. Cet intérêt digne de protection ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 143 II 506 consid. 5.1 ; 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1).

5.             En matière de droit des constructions, le voisin direct de la construction ou de l’installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_164/2019 du 20 janvier 2021 consid. 1).

La proximité avec l’objet du litige ne suffit cependant pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir contre la délivrance d’une autorisation de construire. Les tiers doivent en outre retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision contestée, qui permette d’admettre qu’ils sont touchés dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_727/2016 du 17 juillet 2017 consid. 4.2.3 ; 1C_226/2016 du 28 juin 2017 consid. 1.1). Le recourant doit ainsi rendre vraisemblables les nuisances qu’il allègue et sur la réalisation desquelles il fonde une relation spéciale et étroite avec l’objet de la contestation (ATF 125 I 173 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_469/2014 du 24 avril 2015 consid. 2.2 ; 1C_453/2014 du 23 février 2015 consid. 4.2 et 4.3).

6.             En l'espèce, la recourante et le recourant sont domiciliés et, respectivement, propriétaire et usufruitier d’une parcelle directement voisine à celle concernée par le projet litigieux. Ils font par ailleurs valoir des griefs tirés du droit des constructions qui, s'ils sont admis, peuvent avoir une influence sur leur situation concrète. Leur qualité pour recourir contre l'autorisation préalable de construire sera donc admise.

7.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUE-REL, op. cit., n. 515 p. 179).

8.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

9.             Dans un grief d’ordre formel qu’il convient d’abord d’examiner, les recourants invoquent la violation de leur droit d’être entendu, reprochant au DT de les avoir privés de la possibilité de se prononcer sur la position de la commune, dès lors qu’elle n’avait pas préavisé le projet, particulièrement sous l’angle de l’octroi de la dérogation selon l’art. 106 LCI.

10.         Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à leur détriment, de produire des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à leurs offres de preuves pertinentes ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; ATF 142 II 218 consid. 2.3).

Ce droit ne peut toutefois être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l’issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsque le juge parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou, en procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/ 2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).

11.         En l’espèce, il est établi que le dossier n’a pas été soumis pour préavis à la commune, étant toutefois rappelé que cette dernière est propriétaire de la parcelle concernée par le projet et requérante de la demande d’autorisation contestée.

12.         Aux termes de l’art. 67 al. 1 LPA, dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en fait l’objet passe à l’autorité de recours. La jurisprudence admet que le tribunal, peut, sur la base des art. 19 et 20 LPA, demander toutes précisions écrites à une instance de préavis, au même titre qu’il peut l’entendre en audience de comparution personnelle ou la convoquer à un transport sur place pour qu’elle détaille sa position (ATA/888/2023 du 22 août 2023 consid. 2.8.3 ; ATA/414/2017 du 11 avril 2017 consid. 4a ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3b ; ATA/636/2015 du 16 juin 2015 consid. 4). La production d’un nouveau préavis ne viole le droit d’être entendu et ne contrevient au principe du double degré de juridiction que s’il est émis après la décision de la juridiction saisie. Il ne respecte pas non plus, dans ce cas, le principe de l’économie de procédure (ATA/927/2021 du 7 septembre 2021 consid. 6d).

Dans un arrêt relativement récent, confirmé par le Tribunal fédéral, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a admis, qu’avant de rendre son jugement, le tribunal exige du département la production du préavis de la commission d’urbanisme - qui manquait au dossier - au sujet de la dérogation à la hauteur de gabarit et au coefficient d’occupation du sol du bâtiment, à vocation industrielle et artisanale, envisagé et qu’il transmette ledit préavis - favorable dans ce cas - aux parties en donnant à celles-ci la possibilité de se déterminer à son sujet. La chambre administrative a estimé qu’il ne ressortait pas de la jurisprudence applicable en la matière que « seuls des compléments relatifs à des préavis déjà émis pourraient être demandés par le tribunal » (ATA/615/2020 du 23 juin 2020 consid. 3b, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_449/2020 du 26 août 2021 consid. 3.2).

13.         En l’espèce, dans la mesure où, avant de statuer, le tribunal a sollicité le préavis de la commune et qu’il l’a ensuite transmis aux parties qui ont ainsi eu l’occasion de se déterminer, il y a lieu de retenir, conformément à la jurisprudence précitée, que le droit d’être entendu des recourants a été respecté.

Dans cette mesure, les arguments des recourants en lien avec l’absence de préavis de la commune sont devenus sans objet et ne seront pas examinés.

14.         Aux termes de l’art. 14 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), les plans d’affectation règlent le mode d’utilisation du sol (al. 1). Ils délimitent en premier lieu les zones à bâtir, les zones agricoles, les zones à protéger et les autres zones et territoires, prévus par le droit cantonal (al. 2).

L’art. 17 LAT prévoit que les zones à protéger comprennent notamment les localités typiques, les lieux historiques, les monuments naturels ou culturels (let. c).

15.         À Genève, les zones protégées et les zones à protéger sont définies par la LaLAT.

Selon l’art. 19 al. 2 LaLAT, parmi les zones à bâtir, la quatrième zone est destinée principalement aux maisons d’habitation, comportant en principe plusieurs logements ; lorsqu’elles ne sont pas susceptibles de provoquer des nuisances ou des inconvénients graves pour le voisinage ou le public, des activités peuvent également y être autorisées. Elle est divisée en deux classes, la 4ème zone urbaine (zone 4A) et la 4ème zone rurale (zone 4B), applicable aux villages et aux hameaux.

Ces zones protégées constituent des périmètres délimités à l’intérieur d’une zone à bâtir ordinaire ou de développement et qui ont pour but la protection de l’aménagement et du caractère architectural des quartiers et localités considérés (art. 12 al. 5 LaLAT). Sont notamment désignées comme zones à protéger, au sens de l’art. 17 LAT, les villages protégés, selon les art. 105 à 107 LCI (art. 29 al. 1 let. f LaLAT).

16.         Les art. 34 et 45 LCI fixe les règles applicables, respectivement, aux distances aux limites de propriétés privées et aux distances entre constructions.

17.         L’art. 46 LCI prévoit que lorsque les distances aux limites de propriétés et les distances en constructions ne sont assurées que par un accord entre propriétaires voisins, sans modification des limites de leurs parcelles, cet accord doit faire l’objet d’une servitude inscrite au registre foncier (al. 1). L’autorisation de construire est subordonnée à la remise d’un extrait du registre foncier attestant que cette inscription a été opérée (al. 2). Le règlement d’application fixe les termes dans lesquels la servitude doit être établie (al. 3).

18.         En l’espèce, il n’est pas contesté que les parcelles concernées par le projet litigieux sont situées en zone 4B protégée. Il n’est pas non plus contesté que les distances aux limites de propriétés ne sont pas respectées.

Cela étant, dans la mesure où l’autorisation querellée a été délivrée par le DT, suite à l’octroi d’une dérogation en vertu de l’art. 106 LCI, les arguments des recourants en lien avec la violation des art. 34, 45 et 46 sont sans pertinence, la constitution d’une servitude de distance et de vue droite n’étant pas nécessaire. Il en va de même de leurs griefs à l’égard des préavis évoquant la constitution d’une telle servitude.

19.         Selon l’art. 106 LCI, dans les villages protégés, le département, sur préavis de la commune et de la CMNS, fixe dans chaque cas particulier l'implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l'échelle de ces agglomérations, ainsi que le site environnant (al. 1). Le département peut en conséquence, à titre exceptionnel, déroger aux dispositions régissant les distances entre bâtiments, les distances aux limites de propriétés et les vues droites. Les préavis sont motivés (al. 3 LCI).

20.         L'art. 106 al. 1 LCI renferme une clause d’esthétique particulière, plus précise que l’art. 15 LCI, soit une notion qui varie selon les conceptions de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d’espèce (cf. ATA/934/2019 du 21 mai 2019 consid. 8b ; ATA/1059/2017 du 4 juillet 2017 consid. 6c ; ATA/537/2017 du 9 mai 2017 consid. 4c ; ATA/305/2012 du 15 mai 2012 consid. 7). Il laisse un large pouvoir d'appréciation au département, qui peut fixer lui-même les règles applicables aux constructions dans le but de sauvegarder le caractère d'un village et le site environnant, déroger aux dispositions ordinaires et qui n’est limité que par l’excès ou l’abus de celui-ci (art. 61 al. 2 LPA) (ATA/1087/2020 du 3 novembre 2020 consid. 4c). Ce large pouvoir d'appréciation et de décision implique la possibilité de refuser un projet qui, ne respectant pas ces prescriptions spéciales, porterait une atteinte excessive au caractère d'un village protégé, soit que les bâtiments existants méritent une protection particulière, soit que le projet en lui-même n'est pas satisfaisant du point de vue de l'intégration (arrêt du Tribunal fédéral 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 5.1 ; 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 3.2 ; 1C_123/2010 du 25 mai 2010 consid. 3.3 ; ATA/934/2019 du 21 mai 2019 consid. 8b ; ATA/1059/2017 du 4 juillet 2017 consid. 6b s. ; ATA/141/2009 du 24 mars 2009 et les références citées).

21.         L'autorité chargée d'appliquer la loi dispose d'un pouvoir d'appréciation lorsque celle-ci lui laisse une certaine marge de manœuvre, laquelle peut notamment découler de la liberté de choix entre plusieurs solutions, ou encore de la latitude dont l'autorité dispose au moment d'interpréter des notions juridiques indéterminées contenues dans la loi. Bien que l'interprétation de notions juridiques indéterminées relève du droit, que le juge revoit en principe librement, le juge doit néanmoins restreindre sa cognition lorsqu'il résulte de l'interprétation de la loi que le législateur a voulu, par l'utilisation de telles notions, reconnaître à l'autorité de décision une marge de manœuvre que le juge doit respecter, étant précisé que cette dernière ne revient pas à limiter le pouvoir d'examen du juge à l'arbitraire. Viole le principe de l'interdiction de l'arbitraire le tribunal, qui, outrepassant son pouvoir d'examen, corrige l'interprétation défendable qu'une autorité disposant d'autonomie a opérée d'une norme déterminée (ATF 140 I 201 consid. 6.1 et les différents arrêts cités).

22.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_476/2015 du 3 août 2016 consid. 4.3.1). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l'autorité reste ainsi libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/486/2023 du 9 mai 2023 consid. 6.1.1 et les références citées). Néanmoins, la délivrance d'autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département, à qui il appartient de statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence (ATA/896/2021 du 31 août 2021 consid. 3c ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4b ; ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 4b).

23.         En l'état de la législation, les préavis, en particulier lorsqu'ils sont obligatoires, ont un poids certain. Toutefois, ce poids n'oblige jamais l'administration à les suivre, pour autant qu'elle ait des motifs d'agir ainsi. De plus, lorsque deux préavis obligatoires sont opposés, aucun d'entre eux n'a une prééminence automatique sur le second. Il appartient à l'autorité d'en apprécier globalement les motifs avant de rendre sa décision (ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3f). Néanmoins, dans le cadre de l'application de l'art. 106 al. 1 LCI, où la commune et la CMNS doivent être consultées, la chambre administrative a toujours jugé qu'en cas de préavis divergents, une prééminence est reconnue à celui de la CMNS, puisqu'elle est composée de spécialistes en matière d'architecture, d'urbanisme et de conservation du patrimoine (arrêt du Tribunal fédéral 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 5.2). Lorsque sa consultation est imposée par la loi, son préavis, émis à l'occasion d'un projet concret, revêt un caractère prépondérant (ATA/146/2021 du 9 février 2021 consid. 10a ; ATA/1358/2020 du 22 décembre 2020 consid. 18c). Elle a par ailleurs étendu cette règle aux cas soumis aux préavis du SMS (cf. ATA/1275/2018 du 27 novembre 2018 consid. 13).

24.         Selon une jurisprudence bien établie, les autorités de recours observent une certaine retenue pour éviter de substituer leur propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Elles se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1344/2023 du 12 décembre 2023 consid. 2.8 ; ATA/1205/2023 du 7 novembre 2023 consid. 4.3 et les arrêts cités).

25.         En l’espèce, le 25 mars 2024, la commune a préavisé favorablement le projet, considérant que la dérogation en application de l’art. 106 LCI était justifiée. Le projet permettait à la fois de préserver le caractère architectural du village et de mettre à disposition des administrés des infrastructures utiles. En effet, l'implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions projetées respectaient le caractère et l'échelle de l'environnement bâti dans lequel le projet s'insérait harmonieusement.

Pour sa part, la CMNS s’est rendue sur place pour une visite des bâtiments et de ses abords. Elle a procédé à une analyse approfondie du dossier d’autorisation, avant de préaviser, par deux fois, favorablement le projet, donnant ainsi expressément son aval à l’octroi de la dérogation selon l’art. 106 LCI.

La CMNS a notamment apprécié la volonté de l’intimée de développer un projet d'activité publique au cœur du village, de réaffecter des bâtiments anciens avec une valeur à la fois patrimoniale, historique et sociétale, et de favoriser une circulation piétonne en second front. S’agissant des nouvelles constructions, elle a considéré qu’elles s’intégraient dans le site, retenant que leur implantation et leur volumétrie étaient en adéquation avec l'échelle des bâtiments environnants.

Les préavis de la CMNS ont été suivis par les préavis favorables du SMS.

Ces instances étant formées de spécialistes disposant des connaissances techniques requises à même d'évaluer les impacts du projet sur le site, leur préavis apparaissent essentiels et rien ne laisse supposer qu’elles auraient pris en compte ou omis des éléments sans pertinence, ou qu'elles n'auraient pas procédé avec soin et diligence. Dans ces conditions, au vu de la jurisprudence précitée, le tribunal n'a pas à substituer sa propre appréciation à celle de ces entités.

26.         Les recourants ont également invoqué la violation de l’art. 19 al. 2 LaLAT, alléguant que le projet ne serait pas conforme à la zone et qu’il serait source d’importantes nuisances en termes de bruit et d’accroissement du trafic automobile. Ils n'apportent toutefois aucun élément permettant concrètement de remettre en cause l'analyse faite par l'autorité intimée et les instances spécialisées.

Selon l’art. 19 al. 2 LaLAT, la 4ème zone est destinée principalement aux maisons d’habitation, comportant en principe plusieurs logements, étant précisé que lorsqu’elles ne sont pas susceptibles de provoquer des nuisances ou des inconvénients graves pour le voisinage ou le public, des activités peuvent également y être autorisées.

Il ressort ainsi du texte clair de la loi que des activités peuvent être autorisées en zone 4.

La règle de l’art. 19 al. 2 LaLAT rejoint celle de l'art. 14 al. 1 let. a LCI (cf. ATA/80/2009 du 17 février 2009 consid. 8) qui prévoit que le département peut refuser de délivrer l'autorisation de construire lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public.

L'art. 14 al. 2 LCI réserve toutefois l’application de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41).

Cette disposition appartient aux normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d’une zone déterminée. Elle n’a toutefois pas pour but d’empêcher toute construction dans une zone à bâtir qui aurait des effets sur la situation ou le bien-être des voisins (ATA/1103/2021 du 19 octobre 2021 consid. 18b). La construction d’un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe pas être source d’inconvénients graves, notamment s’il n’y a pas d’abus de la part du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 8b).

27.         La notion d’inconvénients graves est une norme juridique indéterminée, qui doit s’examiner en fonction de la nature de l’activité en cause et qui laisse à l’autorité une liberté d’appréciation. Celle-ci n’est limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation. Le pouvoir d’examen s’exerce dans les limites précitées, sous réserve du respect du principe de proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable et de l’intérêt public en cas d’octroi d’une autorisation (ATA/1101/2022 du 1er novembre 2022 consid. 5b et les références citées).

Selon une jurisprudence constante, l'accroissement du trafic routier, s'il est raisonnable, ne crée pas une gêne durable pour la circulation au sens de l'art. 14 LCI ; de fait, l'accroissement du trafic engendré par de nouvelles constructions conformes à la destination de la zone ne constitue pas un inconvénient grave au sens de l'art. 14 LCI (ATA/1086/2023 du 3 octobre 2023 consid. 4.5 et l'arrêt cité).

28.         En l’espèce, l’allégation des recourants selon laquelle les futurs bâtiments, induiraient un trafic automobile élevé n’est nullement étayé et ne repose que sur des conjectures. Le projet a été soumis à l’OCT, instance spécialisée en la matière, qui a émis un préavis favorable le 1er juin 2023, sans formuler de remarque à cet égard.

En tout état, pour ce qui concerne le restaurant scolaire et les locaux parascolaires, il ne fait aucun doute que les écoliers s’y rendront à pied, l’école de la commune étant située à moins de 100 m, ce qui n’entrainera aucune augmentation du trafic automobile. Quant aux activités en lien avec l’administration communale, même à admettre qu’elles induisent une augmentation du trafic automobile, ce qui n’a pas été démontré, elle ne dépasserait de toute façon pas ce qui peut être qualifié de raisonnable et demeurerait compatible avec les caractéristiques de la zone. Il y a ainsi lieu de retenir, conformément à la jurisprudence précitée, qu’un éventuel accroissement du trafic ne constituera pas un inconvénient grave pour le voisinage. Au demeurant et comme déjà relever par le tribunal dans d’autres affaires, les recourants ne disposent pas d’un droit acquis à ce que la fréquentation de la route demeure telle qu’elle est.

Sous l’angle des nuisances sonores, aucun élément n’indique que les futures activités entraineraient nécessairement des nuisances supplémentaires et rien n'amène à penser que celles-ci seraient dans une mesure telle, qu'elles constitueraient des inconvénients graves pour les recourants. Il convient en effet de rappeler, qu’à l’heure actuelle, une menuiserie se trouve sur l’une des parcelles concernées, et qu’il est patent qu’une telle activité génère un bruit conséquent. Le projet a également été soumis à l’expertise du SABRA qui a émis un préavis favorable, sous conditions. Il n’a formulé aucune réserve quant au bruit engendré par les futures activités, se bornant à demander, en cas d’installation fixe produisant du bruit vers l’extérieur, tel qu’une ventilation ou une pompe à chaleur, la production d’un rapport acoustique démontrant le respect des règles en matière de protection contre le bruit.

29.         S’agissant de l’OU, il ressort du dossier qu’il a demandé la modification du projet, le 21 mars 2023, considérant notamment que la présence du stationnement en surface, côté est, rendait très perméable le secteur et que la proximité de la « Maison Nord » du côté de la fontaine rendait peu lisible le dégagement voulu. Il souhaitait ainsi une réduction des surfaces de stationnement en surface afin de permettre un alignement entre les deux maisons prévues, un aménagement plus végétal du secteur, ainsi que la recherche d’une synergie avec les places de stationnement en souterrain à proximité pour limiter les emprises imperméables. Le 19 mai 2023, en dépit des explications fournies par le mandataire de l’intimée le 3 mai 2023, il a maintenu sa demande relative à la réduction du stationnement en surface, à un aménagement plus végétal du secteur et à la limitation des emprises imperméables.

Dans ses explications, le mandataire a notamment indiqué que l’implantation de la « Maison Nord » était issue d’une analyse multifactorielle qui prenait particulièrement en compte le contexte bâti et les espaces libres, tirant parti de la présence de la trémie du parking pour mieux l'intégrer à la volumétrie, comme cela est préconisé par la CMNS en zone 4B protégée. Elle cherchait également à dialoguer avec « la Maison H______ » qui avait un gabarit analogue, tout en délimitant la nouvelle cour publique en pleine terre. Concernant l’imperméabilisation du secteur, les places de stationnements maintenues à l'est de la « Maison Nord » étaient presque toutes situées sur la dalle du parking communal souterrain existant, ce qui ne prétéritait pas la proportion de pleine terre. Sur ce point, le projet se voulait d’ailleurs très performant, avec des implantations de bâtiments pour moitié sur sous-sol déjà excavé. Enfin, le décalage entre les deux volumes bâtis était un parti pris du projet et le maître d’ouvrage ne souhaitait pas réviser le nombre de places de stationnement en surface.

L’OAC a ensuite procédé à une analyse du préavis de l’OU du 19 mai 2023, qui l’a amené à considérer qu’il s’agissait d’un préavis favorable, avec souhaits.

C’est le lieu de rappeler, qu’en l’absence d’une disposition légale contraire et expresse, les avis des instances spécialisées n’ont qu’un caractère consultatif. Les autorités demeurent libres de s’en écarter et ce, même lorsqu’un préavis est obligatoire.

Dans le cas d’espèce, la loi n’imposait pas que l’OU soit consulté. Ainsi, même dans l’hypothèse où il aurait rendu un préavis négatif, ce qui n’est pas le cas, le DT aurait été libre de l’écarter, pour des motifs pertinents, étant rappelé que la délivrance de l’autorisation relève de sa compétence exclusive.

Or, l’avis de l’OU ne paraît pas déterminant s’agissant de questions en lien avec le stationnement ou l’imperméabilisation des sols, étant rappelé que l’OCT, l’OCAN et l’OCEau ont préavisé favorablement le projet, sous conditions, sans émettre de réserve sur ces questions.

Au vu de ce qui précède, il apparaît que c'est sur des motifs fondés et sans avoir versé dans l'arbitraire que le DT a considéré que l’OU avait rendu un préavis favorable, avec souhaits.

30.         S’agissant enfin du plan de stationnement, suite au préavis de l’OCT du 13 mars 2023, l’intimée a déposé un nouveau formulaire N03 et un nouveau plan de stationnement, respectivement les 5 et 4 mai 2023. L’OCT a ensuite préavisé favorablement le projet, sous condition, le 1er juin 2023, sans émettre de réserve quant au stationnement, ce qui indique que l’intimée a satisfait à ses exigences. De son côté, le DT a expliqué que l’examen du projet sous l’angle des places de stationnement se faisait exclusivement sur la base des plans idoines, soit en l'occurrence le formulaire N06, et qu’ils n’étaient jamais visés ne varietur.

31.         Dans ces circonstances, en présence de préavis favorables, il ne peut pas être reproché au DT d'avoir délivré l'autorisation querellée. Le fait qu’il a, en tenant compte de tous les intérêts en présence, procédé à une appréciation différente de celle des recourants - qui entendent avant tout opposer leur propre appréciation à celle de l’autorité intimée - ne permet pas de retenir qu'il se serait fondé sur des critères et considérations dénuées de pertinence et étrangères au but visé par la règlementation en vigueur.

Le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité de décision, en particulier dans les domaines faisant appel à des connaissances techniques, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA). Il convient ainsi, à l’instar du DT, de s’en remettre aux avis émis par les instances spécialisées, telles que la CMNS, l’OCT et le SABRA, aucun élément ne justifiant de mettre leurs préavis favorables en cause.

32.         Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision entreprise confirmée.

33.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’200.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

34.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1’200.-, à la charge des recourants, sera allouée à la commune (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 11 juillet 2023 par Monsieur A______ et Madame B______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’200.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             condamne les recourants à verser à la commune de C______ une indemnité de procédure de CHF 1'200.-.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MULLER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties

Genève, le

 

La greffière