Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/614/2025 du 06.06.2025 ( LCI ) , REJETE
ATTAQUE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 6 juin 2025
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dans la cause
Monsieur A______, Madame B______, Monsieur C______, Monsieur D______, Madame E______ et Madame F______, représentés par Me Marie-Claude DE RHAM-CASTHELAZ, avocate, avec élection de domicile
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
1. Monsieur A______, Madame B______, Monsieur C______, Monsieur D______, Madame E______ et Madame F______ (ci-après : les copropriétaires), sont copropriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de ______[GE], sise en zone agricole et pour partie en zone d’assolement.
2. Selon l’extrait du registre foncier, sont cadastrés un bâtiment d’habitation à deux logements n° 2______ avec piscine extérieure, un bâtiment des SIG n° 3______ et une serre bâtiment n°4______.
3. Le ______ 2024, les copropriétaires ont déposé une requête en division et en désassujettissement selon la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11).
4. Dans le cadre de l’instruction de cette requête, la commission foncière agricole (ci-après : CFA) a procédé à un transport sur place le 23 avril 2024 afin d’établir un constat des constructions érigées sur la parcelle. Un procès-verbal a été établi.
5. Le 5 juin 2024, la CFA a transmis au département du territoire (ci-après : DT ou le département) le dossier, pour décision.
6. Par courrier du 20 septembre 2024, le département a indiqué aux copropriétaires que, selon les pièces reçues, la parcelle comportait neuf constructions et/ou installations en zone agricole, répertorieés sur un plan de situation.
La serre n° 4______ (objet C), le chemin et la terrasse à l’ouest de la parcelle d’environ 150 m2 (objet F), les cheminements situés au nord de la parcelle le long de la façade sud du bâtiment d’habitation d’environ 65 m2 (objet G) et les cheminements situés au nord de la parcelle reliant le bâtiment n°3______ à la serre n° 4______ (objet I) auraient été réalisés et/ou modifiés sans autorisation.
Cette situation était susceptible de constituer une infraction à l’art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).
Un délai de 10 jours leur était octroyé pour transmettre leurs observations et/ou explications éventuelles.
7. Les copropriétaires se sont déterminés par courrier du 2 octobre 2024.
Les constructions C, F, G et I avaient été réalisées en même temps que les bâtiments n°s 2______ et 3______, la piscine et ses abords, le chemin d’accès et la cour. Elles avaient été réalisées il y avait plus de 52 ans. La serre était inscrite au registre foncier et cadastrée. Le chemin et la terrasse (objet F) figuraient aussi sur le plan cadastral et avaient été réalisés à l’identique que le chemin d’accès et la cour. L’objet G était un espace qui « ceinturait » la façade sud du bâtiment n° 2______ et faisait partie de la cour (objet D).
Dans la mesure où les objets litigieux échapperaient, dès l’entrée en vigueur relativement future du nouvel art. 25 al. 5 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), elles étaient protégées par la prescription trentenaire.
8. Par décision du ______ 2024, le département a ordonné le rétablissement d’une situation conforme au droit d’ici au 31 janvier 2026.
La réalisation des éléments objets C, F, G et I était soumise à l’obtention d’une autorisation de construire. Toutefois, compte tenu de la situation de la parcelle hors zone à bâtir, le dépôt d’une requête en autorisation de construire serait superfétatoire et, dès lors, les objets litigieux ne pouvaient être maintenus en l’état.
Par conséquent, le département ordonnait :
- la suppression et l’évacuation de la serre n° 4______ (objet C) située au nord de la parcelle à l’est du bâtiment d’habitation n° 2______, de 58 m² ;
- la suppression et l’évacuation du chemin et de la terrasse (objet F) situés à l’ouest de la parcelle au nord de la piscine, d’environ 150 m² ;
- la suppression et l’évacuation des cheminements (objet G) situés au nord de la parcelle le long de la façade sud du bâtiment d’habitation n° 2______, d’environ 65 m² ;
- la suppression et l’évacuation des cheminements (objet I) situés au nord de la parcelle reliant le bâtiment n° 3______ et la serre n° 4______ et contre la façade sud-est de la serre ;
- la remise en état du terrain naturel après les réalisations précitées.
Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état devrait lui parvenir dans le même délai.
9. Par acte du 22 novembre 2024, les copropriétaires (ci-après également : les recourants), sous la plume de leur conseil, ont recouru auprès Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à l’annulation de la décision, sous suite de frais et dépens.
Les constructions C, F, G et I étaient de peu d’importance et n’avaient aucune emprise sur la surface d’assolement. À teneur de la jurisprudence actuelle du tribunal (JTAPI/934/2024 du 19 septembre 2024), ces constructions, qui existaient depuis plus de 52 ans, ne pouvaient pas faire l’objet d’un ordre de remise en état, lequel violait le principe de proportionnalité.
Dans la mesure où le département ne tenait pas compte de cette jurisprudence, l’ordre de remise en état était également arbitraire.
10. Le département s’est déterminé sur le recours le 27 janvier 2025, concluant à son rejet. Il a produit son dossier.
La jurisprudence invoquée par les recourants ne saurait être suivi et la future entrée en vigueur de l’art. 25 al. 5 LAT ne saurait avoir une influence dans le cadre de l’analyse des conditions de l’intérêt public et de la proportionnalité de l’ordre de remise en état, sauf à lui conférer, de manière détournée une application anticipée, ce que le Tribunal fédéral proscrivait spécifiquement (arrêt du Tribunal fédéral 1C_182/2023 du 16 août 2024).
Par ailleurs, les recourants reconnaissaient que les objets litigieux avaient été érigés sans autorisation, de sorte que la condition relative à l’intérêt public à préserver la zone agricole l’emportait.
Vu l’illicéité des aménagements objet de l’injonction de remise en état, ces aménagements ne pouvaient être autorisés en zone agricole. L’intérêt public lésé par la présence de ces constructions sur la parcelle, soit la préservation de la vocation agricole des parcelles, l’emportait ainsi sur celui, privé, des recourants à maintenir la situation en l’état actuel, ce d’autant plus que les intéressés se limitaient à invoquer l’entrée en vigueur du nouvel art. 25 al.5 LAT et n’invoquaient aucun argument pour le maintien des installations. Or, cette nouvelle disposition ne pouvait être appliquée de manière anticipée.
L’ordre de remise en état litigieux apparaissait ainsi être une mesure adéquate, apte à atteindre le but visé, portant à la propriété des recourant une atteinte limitée à la réalisation du but d’intérêt public. Il était ainsi conforme au principe de la proportionnalité.
11. Les recourant ont répliqué le 18 mars 2025, persistant dans leurs arguments et leurs conclusions.
12. Le 22 avril 2025, le département a dupliqué, maintenant également ses arguments et conclusions.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).
4. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).
5. Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3 et les arrêts cités).
6. Les recourants contestent l’ordre de remise en état rendu par le département le 22 novembre 2024.
7. Conformément à l'art. 129 let. e LCI, le département peut ordonner, à l'égard des constructions, des installations ou d'autres choses, la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition. Ces mesures peuvent être ordonnées lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).
8. Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).
9. De jurisprudence constante (ATA/1134/2022 du 8 novembre 2022 consid. 11b; ATA/463/2021 du 27 avril 2021 consid. 5b ; ATA/349/2021 du 23 mars 2021 consid. 7), pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur, par comportement ou par situation, étant précisé que le perturbateur par situation correspond avant tout au propriétaire, le critère déterminant étant le pouvoir de disposition, qui permet à celui qui le détient de maintenir la chose dans un état conforme à la réglementation en vigueur (ATA/ 432/2022 du 26 avril 2022 consid. 2c). Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux pour la zone à bâtir. L'autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l'administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi. Finalement, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé, purement financier, de l'intéressé, voire de ses clients, au maintien des installations litigieuses.
10. S'agissant de la dernière des cinq conditions auxquelles est soumis un ordre de remise en état, soit l'application du principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., celui-ci exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et qu’ils ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, ce principe interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 145 I 297 consid. 2.4.3.1 et les références citées).
11. Plus spécifiquement, l’art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d’appréciation à l’autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de proportionnalité, de l’égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c et l’arrêt cité ; ATA/336/2011 du 24 mai 2011 consid. 3b).
12. Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 24c ; ATA/700/2014 du 2 septembre 2014 consid. 5a ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).
13. Un ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis de construire et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée, n'est pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit, que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATA/213/2018 précité consid. 11 ; ATA/738/2017 précité consid. 8 ; ATA/829/2016 du 4 octobre 2016).
14. Même si la bonne foi du constructeur peut être reconnue, elle ne saurait le prémunir contre l'intervention de l'autorité de surveillance destinée à rétablir une situation conforme au droit, lorsque cette intervention respecte le principe de la proportionnalité (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_162/2014 du 20 juin 2014 consid. 6.2 ; 1C_250/2009 du 13 juillet 2009 consid. 4.2 ; 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.3).
15. L'autorité renonce à un ordre de démolition si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle.
16. Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel ; il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. (ATF 147 II 309 consid. 5.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.1). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte. Si des constructions illégales, contraires au droit de l'aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non-bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s'en trouve récompensé. S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole, ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.1 et les arrêts cités ; 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 7.1 et les références citées). A cet égard, l'absence de vocation agricole et la proximité d'habitations ne sont pas déterminantes (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_164/2007 du 13 septembre 2007 consid. 4.3 ; ATA/290/2016 du 5 avril 2016 consid. 7a ; ATA/1190/2015 du 3 novembre 2015 consid. 4b).
17. Dans son arrêt du 28 avril 2021 (ATF 147 II 309), le Tribunal fédéral a précisé qu'à l'inverse de ce qui prévaut pour les zones à bâtir, l'obligation de rétablir un état conforme au droit ne s'éteint pas après trente ans, s'agissant de bâtiments et installations érigés illégalement en dehors de la zone à bâtir (cf. consid. 4 et 5 ; cf. aussi not. arrêt 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.4). En particulier, s'il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d'un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale, qui contrevient au principe fondamental en matière d'aménagement du territoire de la séparation du territoire bâti et non bâti, ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (cf. consid. 5.5 et 5.6 ; cf. aussi not. arrêt 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.4), étant rappelé qu'en principe, une nouvelle jurisprudence doit s'appliquer immédiatement et à toutes les affaires pendantes au moment où elle est adoptée ou futures (ATF 142 V 551 consid. 4.1 ; 135 II 78 consid. 3.2 ; 132 II 153 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.5 ; 2C_199/2017 du 12 juin 2018 consid. 3.5).
18. Le Tribunal fédéral est particulièrement strict en zone agricole et a ainsi confirmé les ordres de démolition ou d'enlèvement des constructions ou installations suivantes érigées sans autorisation : une palissade en bois, un mobil home, un chalet, un sous-sol, des containers utilisés pour loger des employés d'une exploitation agricole, un appentis de 12,54 m2 et un cabanon de jardin de 10,29 m2 (ATF 1C_482/2017 précité), un paddock et un abri pour chevaux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_589/2017 du 16 novembre 2018). De manière générale dans l'examen de la proportionnalité, les intérêts des propriétaires sont, à juste titre, mis en retrait par rapport à l'importance de préserver la zone agricole d'installations qui n'y ont pas leur place. Le Tribunal fédéral a déjà énoncé concernant le canton de Genève, que « s'agissant de constructions édifiées dans la zone agricole dans un canton déjà fortement urbanisé où les problèmes relatifs à l'aménagement du territoire revêtent une importance particulière, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit l'emporte sur celui, privé, du recourant à l'exploitation de son entreprise sur le site litigieux » (arrêt du Tribunal fédéral 1C_446/2010 du 18 avril 2011, consid. 5.1.1 et les références citées ; ATA/68/2013 du 6 février 2013).
19. La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a, pour sa part, confirmé l'ordre de remise en état d'une clôture en zone agricole au motif que l'intérêt public à la préservation des terres agricoles, comprenant de plus des surfaces d'assolement, ainsi que l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doivent l'emporter sur l'intérêt privé du recourant à mettre en place diverses installations non autorisées et non autorisables sur la parcelle (ATA/1370/2018 du 18 décembre 2018 consid. 10). Dans un autre arrêt, elle a également confirmé un ordre de démolition, en zone à bâtir, s'agissant de travaux dans une villa qui ne figuraient pas dans l'autorisation de construire délivrée par l'autorité et relevant que le fait qu'une remise en état entraînerait aujourd'hui des contraintes, notamment en termes financiers, n'était pas déterminant, cette situation étant uniquement due à l'attitude de la recourante, qui s'était affranchie de l'obligation de solliciter au préalable une autorisation de construire pour les installations litigieuses (ATA/213/2018 précité consid. 12).
20. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le nouvel art. 25 al. 5 LAT, réintroduisant un délai de prescription de trente ans hors zone à bâtir ne saurait s'appliquer à titre anticipé, dès lors que cette modification n'est pas entrée en vigueur (arrêt du Tribunal fédéral 1C_182/2023 du 16 août 2024 consid. 3; 1C_667/2023 du 3 juin 2024 consid. 4.5.3). Un tel grief a été jugé comme irrecevable, faute d'entrée en vigueur de ladite norme (1C_452/2023 du 31 mai 2024 consid. 8).
21. Dans plusieurs jurisprudences récentes (JTAPI/44/2025 du 9 janvier 2025, JTAPI/194/ 2025 du 20 février 2025 et JTAPI/389/2025 du 10 avril 2025, tous trois actuellement contestés à la chambre administrative, et JTAPI/934/2024 du 19 septembre 2024, JTAPI/809/2024 du 22 août 2024 et JTAPI/650/2024 du 27 juin 2024, en force), le tribunal a annulé des ordres de remise en état, considérant notamment qu’ils étaient disproportionnés au vu de la modification de la LAT annoncée dans la FF 2023 2488 qui rétablissait la prescription trentenaire qu'avait supprimé l'ATF 147 II 309, laquelle n'entrerait certes en vigueur qu'en 2025, et ne saurait donc être appliquée de manière anticipée, mais devait cependant être prise en considération dans le cadre du principe de la proportionnalité, sauf à faire abstraction du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité et à s'en tenir à une application purement mécanique du droit (cf. notamment JTAPI/650/2024 précité consid. 14). Dans ces trois procédures dont les jugements sont devenus définitif, les objets en cause existaient depuis plus de 30 ans.
22. Cependant, dans son arrêt du 18 mars 2025 (ATA/278/2025 considérant 6.4), la chambre administrative a réaffirmé que la prescription trentenaire n’est actuellement pas applicable aux constructions incompatibles avec la zone agricole (arrêt du Tribunal fédéral 1C_182/2023 du 16 août 2024 consid. 3), et l’adoption d’une modification de la LAT non encore entrée en vigueur n’y change rien, la présente espèce devant être jugée à l’aune du droit en vigueur, comme la chambre de céans a continué à le faire pour des litiges récents portant sur des remises en état (ATA/160/2025 du 11 février 2025 ; ATA/258/2024 du 27 février 2024). Elle a ainsi confirmé la suppression d’un portail, d’une clôture périphérique, d’un jour supplémentaire en toiture, d’un escalier extérieur ainsi que la remise en état des aménagements extérieurs selon les autorisations en force ainsi que du terrain naturel.
23. En l’espèce, l'ordre de remise en état a été adressé aux recourants, qui sont propriétaires des parcelles concernées, et donc, à tout le moins, perturbateurs par situation. Le département était ainsi fondé à s’adresser à eux en vue de solliciter la remise en état des objets litigieux, ce qu'ils ne contestent pas.
En outre, les objets en cause n’ont manifestement jamais été autorisés, ce que les recourants ne contestent pas non plus.
La question de la prescription trentenaire ne se pose pas en l’espèce. En effet, une telle prescription ne s’applique actuellement pas, à teneur de la jurisprudence du Tribunal fédéral, hors de la zone à bâtir. Or, les parcelles en cause se situent en zone agricole. La future réintroduction de cette prescription trentenaire désormais validée par les deux chambres de l’Assemblée fédérale et contre laquelle aucun référendum n’a été déposé, n’y change rien du strict point de vue de la légalité. Par ailleurs, le Tribunal fédéral a, comme rappelé ci-avant, déjà exclu une éventuelle application anticipée du futur art. 25 al. 5 LAT et a jugé un tel grief irrecevable.
Il n’apparaît pour le surplus pas que l’autorité aurait suscité d’une quelconque façon des expectatives qu’il se justifierait de protéger sous l’angle de la bonne foi.
S'agissant de la cinquième condition, au vu de l’importance de l’emprise au sol des aménagements et constructions visés par l’ordre de remise en état et de la jurisprudence très récente de la chambre administrative, on ne conçoit pas quelle autre mesure moins incisive que la remise en état ordonnée aurait pu être adoptée pour rétablir une situation conforme au droit. L’ordre de remise en état querellé apparaît ainsi proportionné et propre à atteindre le but visé, soit notamment obtenir le respect de la séparation du bâti et du non-bâti en zone agricole. Aucune mesure moins incisive ne permettrait de préserver le principe de la séparation de l’espace bâti et non bâti, étant encore rappelé que la jurisprudence accorde une protection stricte de la zone agricole.
24. Mal fondé, le recours sera rejeté.
25. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, pris conjointement et solidairement, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 22 novembre 2024 par Monsieur A______, Madame B______, Monsieur C______, Monsieur D______, Madame E______ et Madame F______ contre la décision du département du territoire du ______ 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
| Genève, le |
| La greffière |