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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/967/2022

ATA/658/2022 du 23.06.2022 ( PRISON ) , REJETE

Descripteurs : ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE;DÉTENU;MESURE DISCIPLINAIRE;COMPORTEMENT;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT ACTUEL;PROPORTIONNALITÉ;POUVOIR D'APPRÉCIATION;EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : LPA.60.al1.letb; REPSD.42; REPSD.30; REPSD.44.letj; REPSD.46; Cst.5.al2
Résumé : Recourant sanctionné pour avoir pris dans ses bras sa fille lors d'une visite alors que le contexte et les règles liés à la crise sanitaire le lui interdisait. Le recourant, toujours incarcéré et les mesures sanitaires pouvant être réintroduites à l'avenir, la situation pourrait se reproduire. De plus, la sanction pourrait être considérée comme un antécédent. En prenant sa fille dans ses bras, il a violé les règles en vigueur, lesquelles avaient, au moment des faits, un but d'intérêt public certain, s'agissant d'éviter la propagation du Covid 19, en particulier dans un milieu carcéral fermé. L'établissement concerné avait en outre pris des mesures pour assurer des rencontres au parloir familial, sans plexiglas, mais avec port d'un masque pour les enfants de 12 ans révolus et respect de la distance entre individus. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/967/2022-PRISON ATA/658/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 juin 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

B______



EN FAIT

1) Monsieur A______, dans le cadre de l'exécution de la peine à laquelle il a été condamné, a été incarcéré à B______ (ci-après : B______), du 16 juin 2020 au 23 février 2022, avant d'être transféré dans la section fermée de C______ (ci-après : C______). Les deux tiers de sa peine seront atteints le 22 juillet 2026, tandis que la fin le sera le 21 novembre 2030.

2) Durant son séjour à B______, il a bénéficié de dix visites avec sa fille, née le ______ 2008, à savoir les 28 juin, 8 juillet, 5 août, 10 octobre et 12 décembre 2020, les 27 février, 23 juin, 5 août, 20 novembre 2021, et le 12 février 2022.

3) Il a fait l'objet d'une sanction disciplinaire le 27 juillet 2021 pour refus de travailler, sous la forme d'une suppression des visites, formations, sports, loisirs et repas en commun, pour un jour. La promenade quotidienne d'une heure et la possibilité de téléphoner étaient maintenues.

4) Le 12 février 2022, il lui a été reproché d'avoir adopté un comportement contraire au but de l'établissement, à savoir inapproprié lors d'un parloir familial avec sa conjointe et sa fille, et de ne pas avoir respecté les distances de sécurité imposées en raison de la pandémie de Covid-19, en refusant d'obtempérer aux règles en vigueur.

Selon le rapport d'incident établi le jour-même, M. A______ avait, à la fin du parloir, demandé à l'agent de détention présent s'il pouvait faire un câlin à sa fille. Malgré la réponse négative de cet agent à la demande du détenu et la remarque de la mère de l'enfant qui avait indiqué « mais c'est sa fille, il a le droit », il avait pris cette dernière dans ses bras un long moment tout en disant « je le fais quand même et au pire on me mettra à l'isolement ça en vaut la peine », puis « j'irai au cachot tant pis ».

M. A______ a été auditionné avant la notification de la sanction. Il a déclaré « Un courrier suivra avec les détails de la "sanction" suite au parloir de ce jour (démonstration d'affection filiale) ». Il a signé cette déclaration d'une croix.

5) Par sanction notifiée le 12 février 2022 à 18h10, M. A______ s'est vu supprimer les activités de formation, sports, loisirs et repas en commun pour une durée de deux jours, soit du 12 février au 14 février 2022, la promenade quotidienne d'une durée d'une heure étant maintenue, de même que la possibilité de téléphoner.

6) Cet incident a été filmé. Il ressort ainsi des images de vidéosurveillance, qui ne concernent que la fin du parloir, qu'au moment où le gardien a ouvert la porte du local, M. A______ était assis, tout comme sa fille et sa compagne, deux tables séparant le détenu de ses visiteuses. Tous trois portaient un masque et se sont levés à l'arrivée du gardien. Debout, ils se sont tenus dans un premier temps à distance avant que la fille de M. A______ ne rejoigne celui-ci, qui l'a entourée de ses bras, puis a enlevé son masque pour l'embrasser. Il n'a pas remis son masque avant que les visiteuses ne quittent, en premier, le parloir.

7) Par courrier adressé au service d'application des peines et des mesures (SAPEM) le 28 février 2022 et réceptionné par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 28 mars 2022, M. A______ a indiqué recourir contre cette sanction arbitraire pour avoir pris brièvement dans ses bras sa fille âgée de 13 ans à l'issue du parloir. Malgré plusieurs demandes pendant une semaine, il n'avait pas reçu de sanction précisant les faits.

Le gradé présent lui avait assuré qu'il ne s'agissait pas d'une mesure sanitaire liée au Covid-19, puisque dans ce cas, il aurait dû être isolé pendant dix jours. Il avait été « fermé » pendant deux jours pour refus d'obéir, « mais à quelle directive puisque celle-ci ne semblait figurer au règlement ». De plus, contrairement au « Code pénal », les fouilles corporelles étaient systématiques. Il demandait à ce qu'on l'informe sur la légitimité de cette sanction et le cas échéant « l'annuler de son dossier ».

8) La direction de B______ a conclu, le 3 mai 2022, au rejet du recours.

Le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, habilité à examiner le traitement des détenus dans les États contractants, avait, le 20 mars 2020, édicté des principes applicables dans les établissements de détention dans le contexte sanitaire lié à la pandémie de Covid-19. Il recommandait que toute restriction des contacts avec le monde extérieur, y compris les visites, soit compensée par un accès accru à d'autres moyens de communication, tels que le téléphone ou la communication par protocole de voix sur Internet. Le 6 avril 2020, la conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et de police avait édicté un guide sur la gestion du Covid-19 dans les établissements de détention, rappelant notamment que les mesures et recommandations de la Confédération, en particulier de l'office fédéral de la santé publique (OFSP), en matière de prescriptions d'hygiène et de distance s'y appliquaient également. Les établissements étaient donc, dans ce contexte sanitaire, encouragés à adopter des restrictions, notamment concernant l'accès aux visiteurs.

Depuis le mois de mars 2020, les règles sanitaires liées à la pandémie de Covid-19, notamment celles imposées lors de parloirs, avaient été indiquées aux détenus sous plusieurs formes. Il leur avait été clairement expliqué que les gestes barrière, les règles de distance physique, le port du masque pour les visiteurs (et non les détenus) et l'interdiction de contact physique avec ces derniers devaient être strictement respectés. La table et les chaises devaient en outre être nettoyées par le détenu et les visiteurs au moyen de la solution désinfectante mise à disposition. En cas de non-respect de ces règles, les détenus avaient été informés qu'ils risquaient un placement en isolement pour onze jours, par mesure de prévention sanitaire, afin de contenir une propagation éventuelle du virus. Le respect de ces mesures dans le cadre des parloirs était essentiel et permettait leur maintien afin que soient entretenues des relations avec la famille et les proches.

Les visiteurs étaient de leur côté et de même rendus attentifs au fait qu'ils ne devaient avoir aucun contact physique avec la personne détenue et devaient porter le masque, sans quoi le parloir serait interrompu. Une information écrite contenant les règles à respecter était disposée sur les tables des parloirs, en sus de différentes affiches, contenant des pictogrammes, apposées dans l'établissement.

Les détenus et les visiteurs portaient un masque lors des parloirs. Il ne devait y avoir aucun contact physique entre eux. Le respect de ces mesures sanitaires était essentiel et permettait le maintien de ces parloirs, afin d'entretenir des relations avec la famille et les proches.

M. A______ connaissait parfaitement ces règles pour avoir séjourné dans l'établissement depuis le 16 juin 2020, soit juste après le début de la pandémie. À compter du 14 février 2022, les mesures sanitaires avaient été allégées, puis complètement levées dès le 7 mars 2022.

Il ne remettait pas en cause l'établissement des faits, lesquels étaient clairs et attestés par les images de vidéosurveillance, quand bien même il les minimisait en alléguant avoir pris sa fille brièvement dans ses bras. Il avait fait fi de l'avertissement oral qui lui avait été formulé au cours du parloir. C'était délibérément qu'il avait persisté à prendre sa fille dans les bras.

La situation sanitaire et les règles strictes qu'elle engendrait ne constituaient pas des mesures de confort, mais bien de sécurité sanitaire, dans un but de santé publique, qui plus était dans un établissement où la population était particulièrement confinée et le risque de propagation du virus augmenté. Ces mesures de distanciation sociale reposaient notamment sur les recommandations émises par l'OFSP et applicables à l'ensemble de la population.

La santé publique constituait un intérêt public justifiant le prononcé d'une sanction disciplinaire. Il était exclu que la direction de l'établissement dans le contexte sanitaire prévalant laisse impunies des infractions aux règles sanitaires. L'intérêt du détenu à maintenir des contacts physiques avec sa fille au cours des parloirs n'apparaissait pas prépondérant par rapport à celui de protection de la santé de la population. Par ailleurs, la pesée des intérêts en présence devait être effectuée à l'aune du contexte, temporaire, prévalant au moment de la prise de décision querellée, où l'urgence de la crise sanitaire, son ampleur et son évolution justifiaient que l'intérêt public visant à endiguer la propagation du virus l'emporte sur celui d'entretenir des contacts physiques lors du parloir.

En l'espèce, la possibilité d'avoir bénéficié d'un parloir, en présentiel, sans plexiglas, permettait de favoriser le contact avec les proches, mais aussi de contenir la pandémie, puisqu'il était simplement demandé aux personnes de porter un masque et de respecter une distance sociale minimum. Ainsi, c'était dans une moindre mesure que les contacts avaient été restreints entre M. A______ et sa fille, alors qu'il avait pu bénéficier au total de dix parloirs.

La sanction était proportionnée.

Il ressort de la fiche « masque de protection » du 3 août 2020 produite par B______ que dès cette date, le port du masque et le respect de la distance sociale étaient obligatoires durant toute la durée du parloir « (enfants dès 12 ans) ».

9) Par réplique du 3 mai 2022, M. A______ a expliqué que la situation en question n'avait pas de rapport avec les informations très complètes fournies par B______ quant aux mesures « covid ». Son recours portait uniquement sur le point de savoir soit qu'il s'agissait d'une sanction à des fins sanitaires, dont le concept lui échappait, et dans ce cas il aurait dû être enfermé en cellule dix jours, soit, comme indiqué par la personne ayant prononcé la sanction, il ne s'agissait pas d'une sanction sanitaire, de sorte qu'elle n'avait pas lieu d'être, puisque le règlement n'interdisait pas de prendre brièvement son enfant dans les bras. Il notait que c'était à l'initiative de sa fille que tous deux s'étaient embrassés et qu'aucune sanction pouvant en découler ne l'aurait contraint à la repousser.

Son intention n'était pas de contester le règlement mais au contraire de le voir appliquer scrupuleusement et de manière honnête, à défaut d'être cohérent.

Il relevait, dans le cadre du traitement de la « situation Covid » par l'établissement, diverses « erreurs » de gravités diverses.

S'agissant de la sanction du 27 juillet 2021, le jour en question, ils avaient été informés que l'atelier serait fermé. Comme durant presque une année, la surprise leur était faite chaque matin ou après-midi de savoir, à la dernière minute, s'ils devaient travailler ou pas. Même les chefs d'atelier et surveillants avaient subi cette absence totale d'organisation et de considération. Les surveillants demandaient même l'aide des détenus pour se faire entendre de leur hiérarchie.

Le gardien du parloir avait eu un comportement inapproprié à son départ pour C______.

Il a joint en annexe à sa réplique un court article paru dans le 20 Minutes du 30 mai 2022 faisant état de deux arrêts de la chambre administrative selon lesquels les gardiens de la prison D______ mettaient trop facilement les détenus au cachot.

10) Les parties ont été informées, le 9 juin 2022, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/1272/2017 du 12 septembre 2017 consid. 2b).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 5.2). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1) ; si l'intérêt s'éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 ; ATA/322/2016 du 19 avril 2016 ; ATA/308/2016 du 12 avril 2016).

d. Il est toutefois exceptionnellement renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 140 IV 74 consid. 1.3 ; 139 I 206 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 5.2) ou lorsqu'une décision n'est pas susceptible de se renouveler mais que les intérêts des recourants sont particulièrement touchés avec des effets qui vont perdurer (ATF 136 II 101 ; 135 I 79). Cela étant, l'obligation d'entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l'absence d'un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal (ATF 135 I 79 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3).

e. Dans sa jurisprudence concernant le placement d'un prisonnier en cellule forte ou aux arrêts disciplinaires – applicable suivant les circonstances à d'autres sanctions disciplinaires –, compte tenu de la brièveté de la sanction, lorsque le recourant est encore en détention au moment du prononcé de la décision querellée, la chambre administrative fait en principe abstraction de l'exigence de l'intérêt actuel, faute de quoi un telle mesure échapperait systématiquement à son contrôle (ATA/135/2019 du 12 février 2019 consid. 3).

3) En l'espèce, le recourant a subi la sanction disciplinaire litigieuse à compter du 12 février 2022, pour une durée de deux jours. Il a quitté B______ le 23 février 2022. Il est toutefois depuis lors incarcéré dans la section fermée de C______, l'exécution de sa peine étant amenée à durer quelques années encore. Il n'est pas exclu que des mesures sanitaires doivent être réintroduites à l'avenir en fonction de l'évolution du Covid-19. Une situation identique pourrait donc se reproduire dans le futur dans le cadre des contacts que le recourant entretient avec sa fille. Par ailleurs, la sanction querellée pourrait être considérée comme un antécédent. Le recourant a donc un intérêt concret à ce que le litige soit tranché.

Son recours est recevable.

4) a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification résidant dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, pp. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence d'une faute (ATA/719/2021 du 6 juillet 2021 ; ATA/43/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1108/2018 du 17 octobre 2018 et les références citées).

b. Les personnes détenues ont l'obligation de respecter les dispositions du règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d'exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD - F 1 50.08), les instructions du directeur général de l'office cantonal de la détention, ainsi que les ordres du directeur de l'établissement et du personnel pénitentiaire (art. 42 REPSD).

c. Selon l'art. 30 REPSD, les personnes détenues ont le droit de recevoir deux visiteurs dans les locaux communs, en principe deux fois par semaine aux établissements de Villars et Le Vallon et une fois par semaine à l'établissement de B______ (al. 1). La durée de la visite est, en principe, d'une heure (al. 3). Pour le surplus, les modalités des visites sont fixées par le directeur de l'établissement (al. 4).

d. Selon l'art. 44 let. j REPSD, il est interdit, d'une façon générale, d'adopter un comportement contraire au but de l'établissement.

e. Aux termes de l'art. 46 REPSD, si une personne détenue enfreint le REPSD ou contrevient au plan d'exécution de la sanction pénale, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (al. 1). Avant le prononcé de la sanction, la personne détenue doit être informée des faits qui lui sont reprochés et être entendue. Elle peut s'exprimer oralement ou par écrit (al. 2).

Selon l'art. 46 al. 3 REPSD, le directeur de l'établissement et son suppléant en son absence sont compétents pour prononcer : un avertissement écrit (let. a), la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximum de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières (let. b) ; l'amende jusqu'à CHF 1'000.- (let. c) ; les arrêts pour dix jours au plus (let. d). À teneur de l'art. 46 al. 7 REPSD, le directeur de l'établissement peut déléguer la compétence de prononcer ces sanctions prévues à d'autres membres du personnel gradé de l'établissement. Les modalités de la délégation sont prévues dans un ordre de service.

f. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés sauf si des éléments permettent de s'en écarter (ATA/719/2021 précité ; ATA/1339/2018 du 11 décembre 2018 et les arrêts cités). Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/36/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1242/2018 du 20 novembre 2018).

g. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).

h. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/383/2021 du 30 mars 2021 consid. 4e ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c).

5) En l'espèce, le recourant admet avoir, le 12 février 2022, à l'issue de son parloir familial avec sa compagne et sa fille alors âgée de 13 ans, pris celle-ci dans ses bras, alors même que l'agent de détention lui avait indiqué que cela n'était pas permis, étant rappelé la situation de crise sanitaire qui prévalait alors. Il ressort des images de vidéosurveillance qu'il a enlevé son masque pour embrasser sa fille et ne l'a pas remis en place avant que ses visiteuses ne quittent le local.

Le recourant ne remet pas en cause les règles sanitaires mises en place par l'établissement pénitentiaire ni ne soutient qu'il n'en n'aurait pas eu connaissance ni qu'elles étaient toujours en vigueur le 12 février 2022. S'il indique que c'est sa fille de 13 ans qui est venue à lui pour l'embrasser, ce qui ressort effectivement des images précitées, il ne prétend pas que cette dernière n'aurait pas été en mesure de comprendre les instructions visibles notamment sur la table du parloir. En tout état, il lui appartenait de faire en sorte de respecter les règles de l'établissement et d'en instruire sa fille.

Ainsi, son comportement a violé lesdites règles et partant l'art. 44 let. j REPSD. Or, celles-ci avaient, au moment des faits, un but d'intérêt public certain, s'agissant d'éviter la propagation du Covid 19, en particulier dans un milieu carcéral fermé. À cet égard, l'établissement concerné a pris, nonobstant la crise en cours, des mesures pour assurer des rencontres au parloir familial, sans plexiglas, mais avec port d'un masque pour les enfants de 12 ans révolus et respect de la distance entre individus. Ainsi, le fait de ne pas permettre au recourant d'avoir des contacts physiques avec sa fille était certes douloureux pour tous deux, mais un moindre mal, puisque respectant l'intérêt privé des deux membres de cette famille de se parler dans la même pièce et l'intérêt public à ne pas voir la pandémie se propager davantage. Il sera au demeurant rappelé que les règles sanitaires étaient alors identiques dans les établissements hospitaliers et médico-social (EMS).

Le prononcé d'une sanction était donc justifié.

6) Le recourant ne soutient pas que la sanction ne serait pas proportionnée.

Dans la mesure où il s'agit de sa seconde sanction, étant relevé qu'il n'a pas contesté celle du 27 juillet 2021, de même nature, la privation pendant deux jours des visites, formations, sports, loisirs et repas en commun, sans suppression de la promenade quotidienne et des téléphones, est conforme au droit et ne consacre pas d'abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

7) La procédure est gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, il n'y a pas lieu d’allouer une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 février 2022 par Monsieur A______ contre la décision de B______ du 12 février 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à B______.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :