Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1190/2024 du 04.12.2024 ( MC ) , CONFIRME
REJETE par ATA/1503/2024
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 4 décembre 2024
|
dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Philippe CURRAT, avocat
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Monsieur A______ (alias A______), né le ______1999 et originaire du Maroc, mais démuni de tout document d'identité, a déposé en Suisse, le 26 janvier 2017, une demande d'asile, laquelle a fait l'objet d'une décision de rejet et de renvoi. Dans le cadre de cette procédure, l'intéressé avait été attribué au canton du Valais. Par deux fois (les 7 avril 2022 et 17 septembre 2024), l'intéressé a été transféré des Pays-Bas vers la Suisse dans le cadre des Accords Dublin.
2. Entre le 1er juin 2017 et le 3 mai 2023, M. A______ a été condamné pas moins de douze fois, en particulier pour délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), opposition aux actes de l'autorité, non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (pour avoir violé la mesure prise à son encontre par le commissaire de police le 8 mai 2021 et prolongée par le Tribunal administratif de première instance ; ci‑après : TAPI ou le tribunal le 5 mai 2022), vol (au sens de l'art. 139 ch. 1 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0), recel (au sens de l'art. 160 ch. 1 al. 1 CP) et rupture de ban - l'intéressé est sous le coup de deux mesures d'expulsion judiciaire prononcées, respectivement, par le canton de Berne le 22 mai 2018, puis par le canton de Genève, l'autorité administrative compétente genevoise ayant décidé de ne pas reporter la mesure d'expulsion ordonnée par le Tribunal de police le 31 octobre 2018.
3. La demande de soutien à l'exécution du renvoi initiée auprès secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) en mars 2018 a abouti à l'identification de l'intéressé par les autorités marocaines en février 2021, étant précisé qu'en raison de l'état d'urgence sanitaire qui avait été décrété par les autorités marocaines, le rapatriement de l'intéressé n'était alors pas possible. Selon la communication du SEM du 3 mai 2023, un laissez-passer peut désormais être délivré moyennant un délai de trois semaines à compter de l'émission du billet d'avion.
4. Par ordonnance du 18 octobre 2024, le Tribunal d'application des peines et des mesures (TAPEM) a refusé d'accorder la libération conditionnelle à
M. A______. À cet égard, l'autorité précitée a, notamment, retenu ce qui suit: « S'agissant du pronostic, il se présente sous un jour fort défavorable au vu des nombreux antécédents du cité. Il n'a pas su tirer profit des premières condamnations prononcées avec sursis, et les courtes peines privatives de liberté successives prononcées à son encontre ne l'ont pas dissuadé de récidiver. Il a par ailleurs récidivé après l'octroi d'une libération conditionnelle le 8 janvier 2019. Sa situation personnelle demeure inchangée et on ne perçoit aucun effort du cité pour modifier la situation, étant rappelé qu'il fait l'objet d'une mesure d'expulsion de Suisse. Aucun projet concret et étayé n'est présenté, de sorte qu'il se retrouvera à sa sortie de prison dans la même situation personnelle que celle ayant mené à ses dernières condamnations, à savoir en situation illégale en Suisse, sans travail, ni logement. Il indique en outre expressément vouloir rester en Suisse, où il n'a aucune garantie de pouvoir séjourner légalement. En l'état, rien n'indique que le cité saurait mettre à profit une nouvelle libération conditionnelle et le risque qu'il commette de nouvelles infractions apparaît très élevé, étant précisé qu'à teneur des dernières condamnations figurant à son casier judiciaire, ce risque ne se limite pas à des infractions à la LEI ».
5. Le 28 novembre 2024, la libération – initialement fixée au 25 décembre 2024 et ensuite au 6 décembre 2024 – de l'intéressé a été annoncée pour le 1er décembre 2024.
6. Durant la détention pénale de M. A______, la Brigade Migration et Retour a procédé, en faveur de l'intéressé, à la réservation d'une place sur un vol DEPA
(avec escorte policière) à destination de Marrakech, place confirmée pour le 15 janvier 2025, à 07h00 au départ de Genève.
7. À sa sortie de prison, le 1er décembre 2024, l'intéressé a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.
8. Le 1er décembre 2024 toujours, à 09h35, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. b, c et h LEI.
Il ressortait du dossier que l'intéressé n'avait aucun lieu de résidence fixe en Suisse, ni aucun lien particulier avec ce pays, ni non plus aucune source légale de revenu.
Lors de son audition, le précité a déclaré qu’il n’était pas d’accord de retourner au Maroc. Il n’était pas en bonne santé et prenait des médicaments.
9. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au tribunal le même jour.
10. Par courriel du 2 décembre 2024, le commissaire de police a informé le tribunal que M. A______ avait été acheminé la veille dans l’après-midi à Belle-Idée, où il avait passé la nuit sous dispositif de surveillance et demeurait ce jour encore.
11. Toujours le 2 décembre 2024, le conseil de M. A______ a transmis au tribunal un certificat médical du même jour des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) – service des mesures institutionnelles, duquel il ressort que l’intéressé n’était pas en état de comparaitre à l’audience du tribunal prévue le 3 décembre 2024, en raison de son état de santé.
12. Par courriel du 2 décembre 2024, le tribunal a informé les parties du report de l’audience au mercredi 4 décembre 2024, afin que le conseil de M. A______ ait le temps de s’entretenir avec ce dernier si son impossibilité de comparaitre devait être confirmée.
13. Lors de l’audience de ce jour devant le tribunal, à laquelle M. A______ était dûment représenté par son conseil qui a expliqué qu’un avocat de l’Etude l’avait rencontré la veille et qu’il était donc en mesure d’assurer sa défense. Le conseil de M. A______ a confirmé que ce dernier était toujours opposé à son renvoi au Maroc, ceci en raison de sa situation médicale, notamment psychiatrique, et de sa blessure au genou. A ce sujet, il souffrait d’une vieille déchirure ligamentaire (2018), non soignée, qui l’empêchait de marcher correctement et lui causait des douleurs. Il ne pouvait pas envisager un retour au Maroc dans cette situation car il savait qu’il ne pourrait pas y être soigné. L’actuelle hospitalisation de
M. A______ était en lien avec ses pensées suicidaires, qu’il avait clairement verbalisées. Ces dernières étaient exclusivement liées à son renvoi au Maroc. Afin de remédier au problème de genou de M. A______, une restructuration ligamentaire pourrait être envisagée comme cela avait été évoqué à l’époque. Il versait à la procédure un rapport médical de 2021 y relatif. Il n’avait pas de rapports médicaux plus récents. Il versait également à la procédure une lettre de
M. A______ du 28 novembre 2024 dans laquelle il faisait état de ses pensées suicidaires. Le précité avait été informé du vol DEPA réservé pour lui le 15 janvier 2025. A l’heure actuelle, son état de santé s’opposait à son renvoi dans les prochaines semaines à venir.
La représentante du commissaire de police a confirmé que le vol du 15 janvier 2025 était toujours d’actualité. Vu la situation de M. A______, une évaluation médicale quant à son aptitude au vol devrait être demandée. Pour ce faire, il n’était pas nécessaire que l’intéressé délie le médecin de son secret médical. Cas échéant, le processus serait toutefois plus simple et plus rapide. L’obtention de l’évaluation était parfaitement possible d’ici au 15 janvier 2025. A ce stade, le commissaire de police restait dans l’attente du laissez-passer des autorités marocaines. Elle a plaidé et conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative tant sur le principe que sur la durée de quatre mois requise. L’état de santé de
M. A______ ne saurait s’opposer à l’exécution de son renvoi. Dite exécution pourrait tout au plus être reportée si l’aptitude au vol ne devait pas être immédiatement confirmée.
Le conseil de l’intéressé a plaidé et conclu à ce que soit constatée l’inexigibilité du renvoi de M. A______ pour raison de nécessité médicale ainsi qu’à sa mise en liberté immédiate.
1. Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).
2. En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 1er décembre 2024 à 09h00.
3. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).
4. À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. b, c et h LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment, lorsque celle-ci quitte la région qui lui est assignées ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l'art. 74 (let. b), si elle franchit la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse et ne peut pas être immédiatement renvoyée (let. c) ou si elle a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (cf. art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a ; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4).
5. Une mise en détention est aussi possible si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b
ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).
Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/943/2014 du 28 novembre 2014 ; ATA/616/2014 du 7 août 2014).
Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).
Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/739/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/682/2015 du 25 juin 2015 ; ATA/261/2013 du 25 avril 2013 ; ATA/40/2011 du 25 janvier 2011).
6. Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).
7. Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3 ; 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).
8. Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a ; ATA/1367/2020 du 24 décembre 2020 consid. 7 et les références citées).
9. En l’espèce, M. A______ fait l’objet d’une décision de renvoi ainsi que de deux mesures d’expulsion de Suisse l’une prononcée le 22 mai 2018 par le canton de Berne et l'autre prononcée le 31 octobre 2018 par le Tribunal de police de Genève, définitives et exécutoires.
Il a par ailleurs été condamné pénalement à de nombreuses reprises, en particulier pour vol, soit un crime au sens de l’art. 10 al. 2 CP, et non-respect de la mesure d’assignation prononcée à son encontre. Sa détention administrative se justifie par conséquent sur la base des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 75 al. 1 let. b et g LEI déjà, sans qu’il soit nécessaire d’analyser si sa détention pourrait également se fonder sur un autre motif.
L'assurance de l'exécution de son refoulement répond à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devra être refoulé, étant rappelé que les autorités doivent s'assurer du fait qu'il quittera effectivement le territoire à destination de son pays (cf. not. art. 8 par. 6 de la Directive sur le retour et 15f de l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 - OERE - RS 142.281). L’on rappellera encore que le conseil de M. A______ a confirmé, lors de l’audience, que celui-ci n’était pas d’accord de retourner au Maroc, en raison notamment de son problème au genou, lequel ne l’a toutefois pas empêché ni de se mouvoir ni de récidiver dans ses activités délictuelles après sa libération conditionnelle en janvier 2019.
Par ailleurs, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité au sens de l'art. 76 al. 4 LEI, dès lors qu'elle a immédiatement entrepris des démarches en vue de l’exécution du renvoi de l’intéressé, ceci lors de sa détention pénale déjà, lesquelles ont abouti à la réservation d'un vol DEPA pour le 15 janvier 2025. Elles restent actuellement dans l’attente d'un laissez-passer des autorités marocaines et de l’évaluation médicale de M. A______ quant à son aptitude au vol.
Enfin, la durée décidée de quatre mois respecte l'art. 79 LEI et n'apparaît pas disproportionnée dès lors que le vol DEPA est organisé pour le 15 janvier 2025 et qu'il importe au cas où M. A______ ne serait pas encore apte au vol à ce moment là ou s'opposerait à monter dans l'avion, que l'OCPM dispose d'un délai suffisant pour demander une prolongation de sa détention s'il l'estime opportun.
10. Le conseil de M. A______ conclut au constat de l’inexigibilité du renvoi de son client pour nécessité médicale et, partant, à sa mise en liberté immédiate. Il invoque également une violation de l’art. 3 CEDH.
11. Selon l’art. 80 al. 4 LEI, l’autorité judiciaire qui examine la décision de détention administrative tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d’exécution de la détention. Celle-ci doit en particulier être levée lorsque son motif n’existe plus ou si, selon l’art. 80 al. 6 let. a LEI, l’exécution du renvoi s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, ou qu’elle ne peut être raisonnablement exigée, cette dernière disposition renvoyant à l’art. 83 al. 1 à 4 LEI.
12. En particulier, le renvoi ne peut être raisonnablement exigé si l’expulsion de l’étranger dans son pays le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée ou de nécessité médicale
(art. 83 al. 4 LEI).
Cette disposition ne saurait toutefois faire échec à une décision de renvoi au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical prévalant en Suisse correspondent à un standard élevé non accessible dans le pays d'origine ou le pays tiers de résidence. Si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine de l'étranger concerné, l'exécution du renvoi dans ce pays sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera toutefois plus si, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressée se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable et grave de son intégrité physique (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral E-3050/2014 du 1er février 2018 consid. 7.4 ; F-1282/2016 du 18 juillet 2016 consid. 7.2).
13. Selon la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral, les troubles psychiques sérieux - y compris avec un risque suicidaire - sont couramment observés chez les personnes confrontées à l'imminence d'un renvoi. Les autorités ne sauraient retenir, en l'absence de graves pathologies dont découlerait directement l'impossibilité d'exiger le renvoi, qu'une telle situation s'oppose d'emblée à l'exécution de cette mesure. L'on ne saurait de plus, de manière générale, prolonger indéfiniment le séjour d'une personne au seul motif que la perspective d'un retour exacerbe un état psychologique perturbé, et ni une tentative de suicide ni des tendances suicidaires (« suicidalité ») ne s'opposent en soi un obstacle à l'exécution du renvoi, y compris au niveau de son exigibilité, seule une mise en danger présentant des formes concrètes devant être prise en considération (arrêt du TAF E‑3188/2022 du 6 octobre 2022 et les arrêts cités).
14. L’art. 3 CEDH proscrit la torture ainsi que tout traitement inhumain ou dégradant. Une mise en danger concrète de l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine peut ainsi constituer une raison rendant impossible l'exécution du renvoi (ATF 125 II 217 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1). Pour apprécier l'existence d'un risque réel de mauvais traitements, il convient d'appliquer des critères rigoureux. Il s'agit de rechercher si, eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1et les références citées).
15. Le juge de la détention, dans le contrôle de celle-ci, doit en principe seulement s'assurer qu'une décision de renvoi existe, sans avoir à vérifier la légalité de cette dernière (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2 ; ATA/184/2017 du 15 février 2017 consid. 6). Les objections concernant ces questions doivent être invoquées et examinées par les autorités compétentes lors des procédures ad hoc et ce n'est que si une décision de renvoi apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, qu'il est justifié de lever la détention en application de l'art. 80 al. 6 LEtr, car l'exécution d'un tel ordre illicite ne doit pas être assurée par les mesures de contrainte (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; 125 II 217 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2 ; 2C_1178/2016 du 3 janvier 2017 consid. 4.2).
16. En l'occurrence, le tribunal ne peut que constater et prendre en compte le fait que M. A______ ne dispose pas de statut en Suisse et qu'il fait l'objet d'une décision de renvoi et de deux mesures d'expulsion définitives et exécutoires, lesquelles n'apparaissent ni arbitraires ni nulles.
Pour le surplus et sans minimiser la détresse de l'intéressé, il faut constater que celui-ci ne se trouve pas dans une situation psychologique ou médicale qui permettrait de retenir que son renvoi serait impossible ou inexigible. Il ne ressort en particulier pas des rapports médicaux versés à la procédure de contre-indication à sa détention administrative, respectivement à son renvoi, étant rappelé qu’il est actuellement pris en charge à Belle-Idée et qu’un suivi tant sur le plan psychiatrique que somatique est offert dans le centre de détention auquel il a été affecté. Un examen médical devra en tout état avoir lieu avant son départ pour s'assurer de son aptitude à voyager et un accompagnement médical lors du vol pourrait, au besoin, être envisagé. Quant à l’absence de prise en charge au Maroc de son problème au genou, au demeurant non démontrée, elle ne saurait pas plus faire obstacle à son renvoi pour les motifs exposés ci-dessus. Aucune violation de l’art. 3 CEDH n’est enfin à déplorer. En particulier, la perte d'un soutien familial ne constitue pas en soi un traitement contraire à l'art. 3 CEDH, d'autant moins qu'il existe au Maroc des associations venant en aide aux personnes précaires (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-681/2016 du 1er mars 2018 consid. 3.7).
Ainsi, l'inexigibilité du renvoi n'apparaît pas patente et ne peut être prise en compte par le tribunal, en sa qualité de juge de la détention. Partant, aucun motif au sens de l’art. 80 al. 6 let. a LEI ne permet la levée de la détention administrative de
M. A______.
17. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois.
18. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 1er décembre 2024 à 09h35 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 31 mars 2025 ;
2. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Marielle TONOSSI
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| Le greffier |