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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1661/2024

JTAPI/469/2024 du 17.05.2024 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.76.al1.letb.ch1; LEI.76.al1.letb.ch3; LEI.76.al1.letb.ch4; LEI.75.al1.letc; LEI.75.al1.leth
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1661/2024 MC

JTAPI/469/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 mai 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Paul COSMOVICI, avocat

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.            Monsieur A______, né le ______ 1975, est ressortissant roumain.

2.            Selon l’extrait de son casier judiciaire suisse du 14 mai 2024, il a été condamné à onze reprises entre le 31 juillet 2018 et le 26 mars 2024, essentiellement pour vol, dont par métier, (art. 139 ch. 1 et 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)), violation de domicile (art. 186 CP), rupture de ban (art. 291 al. 1 CP) et brigandage avec arme dangereuse (art. 140 ch. 1 al. 1 et ch. 2 CP).

3.            Une procédure à son encontre pour rupture de ban (art. 291 al. 1 CP) est actuellement en cours auprès de B______.

4.            M. A______ a également fait l'objet de plusieurs expulsions judiciaires, prononcées respectivement le 24 janvier 2018 pour une durée de 5 ans, le 31 juillet 2018 pour une durée de 7 ans, le 8 novembre 2021 pour une durée de 15 ans et le 26 mars 2024 à vie.

5.            Il a été renvoyé en Roumanie à onze reprises, soit le 12 février 2018, le 11 octobre 2018, le 12 novembre 2018, le 11 juillet 2019, le 8 février 2020, le 5 juin 2021, le 8 juillet 2021, le 15 juillet 2021, le 29 juillet 2022, le 27 juin 2023 et la dernière fois, le 10 mai 2024.

6.            Revenu en Suisse le 13 mai 2024, l'intéressé a été interpellé dans le canton de Saint-Gall. Lors de son audition subséquente par la police, il a déclaré vouloir se rendre à l'aéroport de Zurich et être démuni de moyens de subsistance.

7.            Le 14 mai 2024, les services de police ont sollicité la réservation d’un vol DEPU en faveur de l’intéressés, à destination de Bucarest.

8.            Acheminé le 15 mai 2024 à Genève, il a été remis entre les mains des services de police.

9.            Le 15 mai 2024, à 17h30, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre semaines.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il était d'accord de retourner au Luxembourg mais pas en Roumanie et souffrir de schizophrénie paranoïaque.

10.        Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

11.        Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré que s'il revenait en Suisse c'est car il avait beaucoup de problèmes. Personne ne l'accueillait. Il comprenait qu'il ne pouvait pas rester en Suisse mais n'était pas d'accord de retourner en Roumanie où beaucoup de personnes l'attendaient pour le tuer. Il voulait se rendre au Luxembourg où toute sa famille vivait, où il était domicilié et où il travaillait dans une compagnie de rénovation de maisons. Il possédait un permis de séjour luxembourgeois mais la police l'avait jeté.

Le représentant du commissaire de police a indiqué ne pas avoir connaissance d'un permis de séjour luxembourgeois en faveur de l'intéressé et que le vol en sa faveur, à destination de la Roumanie, devait avoir lieu le 27 mai 2024. Il n'avait toutefois pas encore reçu le billet d'avion. Il a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de quatre semaines

Le conseil de l'intéressé a conclu à l'admission de la requête déposée par le commissaire de police.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 15 mai 2024 à 17h00.

3.            Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

4.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

5.            L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art 75 al. 1 let. h de cette même loi, dispose qu'une mesure de détention administrative peut être ordonnée si une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée à l'intéressé, que celui-ci n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, de séjour ou d’établissement et a été condamné pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (cf. art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a ; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4).

6.            À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. c LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement. Il découle de la jurisprudence qu'une décision d'expulsion pénale au sens des art. 66a ou 66abis CP vaut comme interdiction d'entrée pour la durée prononcée par le juge pénal (ATA/615/2022 du 9 juin 2022 consid. 2a ; ATA/730/2021 du 8 juillet 2021 consid. 4 ; ATA/179/2018 du 27 février 2018 consid. 4).

7.            Enfin, une mise en détention administrative est aussi envisageable si des éléments concrets font craindre que la personne entend se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de l'art. 90 LEI (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI), ou encore si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

8.            Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/943/2014 du 28 novembre 2014 ; ATA/616/2014 du 7 août 2014).

9.            Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

10.        Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/739/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/682/2015 du 25 juin 2015 ; ATA/261/2013 du 25 avril 2013 ; ATA/40/2011 du 25 janvier 2011).

11.        En l'espèce, M. A______ ne dispose d’aucun statut légal en Suisse et a fait l’objet de pas moins de quatre expulsions judiciaires prononcées à son encontre dont la dernière, à vie. Il a par ailleurs été condamné pénalement à plusieurs reprises, en particulier pour vol et brigandage, soit des crimes au sens de l’art. 10 al. 2 CP. Il existe un intérêt public évident à l’éloignement de Suisse de M. A______, condamné à onze reprises depuis 2018, et qui y est revenu au mépris des décisions d’expulsion prononcées à son encontre. Il n'a manifesté aucune intention de se conformer à celles-ci, expliquant qu’il n’était pas d’accord de retourner en Roumanie mais souhaitait se rendre au Luxembourg. Sans domicile fixe ni source de revenu légal, son comportement dénote un mépris total de l’ordre juridique suisse et des décisions prises à son encontre. Son comportement laisse ainsi clairement apparaitre qu’il n’est pas disposé à retourner dans son pays d’origine et qu’il refuse d’obtempérer aux instructions des autorités. Il existe ainsi de nombreux éléments faisant craindre que M. A______ se soustraie à son renvoi en Roumanie et disparaisse dans la clandestinité s’il était remis en liberté, de sorte que toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devra monter dans l’avion devant le reconduire dans son pays d’origine.

12.        Les conditions de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1, 3 et 4 LEI cum 75 al. 1 let. c et h LEI sont ainsi réalisées.

13.        Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a ; ATA/1367/2020 du 24 décembre 2020 consid. 7 et les références citées).

14.        En l'espèce, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité, dès lors qu'elle a immédiatement sollicité la réservation d'une place sur un vol DEPU pour permettre le renvoi de M. A______ dans son pays d'origine, lequel pourra avoir lieu le 27 mai 2024. En l'absence d'autorisation de séjour luxembourgeoise, l'intéressé ne peut y être renvoyé comme il le souhaite. Libre à lui de s'y rendre une fois renvoyé vers son pays d'origine.

15.        Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

16.        En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

17.        En l’espèce, la durée de la détention de M. A______ respecte le principe de la proportionnalité étant rappelé qu’elle prendra fin rapidement s’il prend le vol qu’on lui réservera. Dans le cas contraire, elle permettra à l’autorité d’entreprendre de nouvelles démarches pour exécuter son renvoi et/ou solliciter la prolongation de la détention administrative.

18.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre semaines, soit jusqu'au 11 juin 2024 inclus.

19.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 15 mai 2024 à 17h30 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de quatre semaines, soit jusqu'au 11 juin 2024 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière