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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/22085/2021

AARP/185/2024 du 03.06.2024 sur JTCO/82/2023 ( PENAL ) , ADMIS

Recours TF déposé le 08.07.2024, 6B_558/2024
Descripteurs : CONTRAINTE SEXUELLE;ACTE D'ORDRE SEXUEL SUR UN INCAPABLE DE DISCERNEMENT;APPRÉCIATION ANTICIPÉE DES PREUVES
Normes : CP.189; CP.191; CPP.10
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22085/2021 AARP/185/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 3 juin 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me B______, avocate,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelants,

 

contre le jugement JTCO/82/2023 rendu le 30 juin 2023 par le Tribunal correctionnel,

et

C______, domicilié ______ [GE] comparant par Me D______, avocat,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ et le Ministère public (MP) appellent du jugement du 30 juin 2023, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO), après avoir classé la procédure en ce qui concerne l'infraction de violation de domicile (art. 186 du Code pénal [CP]), a acquitté C______ des chefs de contrainte sexuelle (art. 189 CP) et d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP).

b. A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à la condamnation de C______ pour les infractions non classées et à l'allocation en sa faveur d'un indemnité pour tort moral de CHF 15'000.-, avec intérêts à 5% dès le 4 janvier 2019, ainsi que CHF 800.- avec intérêt à 5% dès le 1er juillet 2022 pour le dommage matériel subi.

Le MP entreprend partiellement ce jugement, concluant à la condamnation de C______ pour contrainte sexuelle et actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, ainsi qu'au prononcé d'une peine privative de liberté de trois ans avec sursis partiel durant trois ans, la partie ferme devant être de 18 mois, sous suite de frais.

C______ conclut au rejet des appels et à la confirmation du jugement entrepris.

b. Selon l'acte d'accusation du 28 mars 2023, il est encore reproché à C______ ce qui suit :

Le 4 janvier 2019, au domicile de A______ sis à Genève, après l'avoir immobilisée en la tenant de force contre lui, C______ l'a embrassée avec la langue, ignorant son refus. Il l'a ensuite saisie par les cuisses et portée sur le meuble de sa cuisine, où il a continué à l'embrasser tout en se frottant à elle, outrepassant, grâce à sa force physique, ses refus clairement exprimés et le fait qu'elle l'avait repoussé plusieurs fois avec les mains. Puis, il l'a déplacée en direction de sa chambre, l'a plaquée contre la porte, l'a embrassée à nouveau en se frottant contre elle et en lui caressant la poitrine, la bloquant dans ses gestes de défense. Enfin, après l'avoir couchée sur le lit et malgré ses oppositions verbales, il l'a déshabillée pour lui prodiguer un cunnilingus, l'a maintenue par les hanches pour résister à ses tentatives de se dégager et a introduit plusieurs doigts dans son vagin alors qu'elle le suppliait d'arrêter et signalait qu'elle avait mal. Il n'a cessé ses agissements et quitté les lieux que lorsqu'elle lui a indiqué ne pas disposer de préservatif.

Peu après, alors que A______ avait toléré qu'il dorme chez elle en l'avertissant qu'il ne devait rien se passer, il a profité du fait que celle-ci s'était endormie, dos à lui, pour lui baisser la culotte, lui caresser le sexe en cherchant l'entrée de son vagin, la réveillant de ce fait, puis l'a immédiatement pénétrée vaginalement avec une partie de son pénis, étant précisé qu'elle s'est de suite retournée pour le repousser. Il a cependant réitéré ses actes quelques instants plus tard, alors qu'elle était toujours dos à lui, introduisant cette fois son pénis dans son vagin jusqu'à ce qu'elle réussisse à l'écarter d'elle.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. A______ et C______ se connaissent depuis 2012 ou 2013 pour avoir évolué dans le même cercle d'amis, composé de notamment E______, F______ et G______. Des liens d'amitié et de complicité se sont rapidement tissés entre eux.

F______ est la meilleure amie de A______ ; elle a entretenu une brève relation sentimentale avec C______ entre 2017 et le printemps 2018.

A______ a, pour sa part, fréquenté G______, qui est également le meilleur ami de C______.

a.b. Aux yeux de A______, sa relation avec l'intéressé était purement amicale, malgré leur forte proximité. Elle avait toute confiance en lui et se sentait en sécurité en sa présence, du fait notamment de son statut de policier et de son comportement protecteur, envers elle et ses amies, lorsqu'ils sortaient en boîte de nuit, les tenant notamment écartées des hommes trop entreprenants et les raccompagnant généralement jusqu'à leurs domiciles.

a.c. Le jeudi 3 janvier 2019, A______ a rejoint C______ et E______ dans un bar où ils ont très vite discuté de sexe, sans tabou. Dans ce contexte, la jeune femme leur avait confié qu'au vu de sa récente rupture, les relations sexuelles et les orgasmes lui manquaient. Ils avaient ensuite abordé divers autres sujets jusqu'à la fermeture de l'établissement, avant de poursuivre leur soirée en discothèque, où E______ leur avait rapidement faussé compagnie sans les prévenir. Vers 02h35, A______, qui travaillait le lendemain, avait souhaité rentrer chez elle et C______ l'avait raccompagnée à son domicile. Arrivés au pied de son immeuble, elle avait constaté qu'elle n'avait pas ses clés ; ses deux colocataires absentes, elle n'avait aucun moyen de rentrer chez elle. C______ était alors retourné de sa propre initiative dans la boîte de nuit pour vérifier si elle ne les y avait pas égarées, en vain. A______ avait finalement contacté un serrurier.

Les versions des parties divergent quant à la suite des évènements.

a.d.a. Selon A______, C______ s'était proposé de lui tenir compagnie en attendant la venue du serrurier, en échange d'un verre, ce qu'elle avait accepté en lui rappelant qu'elle ne s'attarderait pas, dès lors qu'elle devait se rendre au travail plus tard dans la matinée.

Une fois la porte ouverte, elle avait tenu parole et offert une boisson alcoolisée, tout en réitérant le vœu d'aller se coucher, vu l'heure tardive. C______ l'avait alors embrassée de force et elle l'avait immédiatement repoussé, indiquant qu'elle ne voulait pas et que ce n'était pas une bonne idée. Faisant fi de son refus, il l'avait soulevée et posée sur un meuble, se pressant contre son corps pour l'immobiliser pour mieux continuer à l'embrasser et se frotter à elle. Elle lui avait à nouveau signifié son désaccord et demandé d'arrêter, tout en tentant de l'écarter d'elle de ses mains, à plusieurs reprises. Elle l'avait alors interrogé pour savoir s'il connaissait la vidéo sur le "tea consent" et, comme tel était le cas, l'avait sommé de respecter sa volonté, en vain. Il avait poursuivi ses agissements, l'amenant cette fois jusque dans sa chambre, où il l'avait plaquée longuement contre la porte et commencé à lui caresser, en sus, la poitrine. Pendant tout ce temps, elle avait maintenu ses gestes de défense et répété qu'elle ne voulait pas entretenir de relation sexuelle avec lui. Ignorant ses demandes, il l'avait ensuite déposée sur le lit, lui avait retiré pantalon et culotte, pour lui caresser le sexe, ce à quoi elle s'était opposée, tant verbalement que physiquement. Il lui avait alors prodigué un cunnilingus avant d'introduire ses doigts dans son vagin. Elle avait vainement réitéré qu'elle ne souhaitait pas qu'il la touche et ne sachant plus que faire, avait prétexté ne pas disposer de préservatif pour refroidir ses ardeurs. Il s'était alors levé et avait quitté les lieux ; elle s'était pour sa part empressée de fermer les verrous de la porte derrière lui, avant d'aller se coucher, épuisée et choquée.

Alors qu'elle tentait de se calmer, C______ l'avait appelée, prétendant avoir oublié quelque chose pour lui demander de lui rouvrir la porte. Elle avait rétorqué que tel n'était pas le cas et qu'il était exclu qu'il revînt. Elle avait néanmoins fini par lui rouvrir, de crainte qu'il ne réveillât ses voisins, dès lors qu'il s'était mis à tambouriner avec force contre la porte. Faute de chaînette de sécurité de la porte palière, elle avait pris le soin de caler son pied contre celle-ci pour l'empêcher d'entrer. Par l'entrebâillement, il lui avait tendu un préservatif en déclarant "c'est ça que j'avais oublié". En dépit de ses protestations, C______ avait ensuite violemment forcé son passage. Comme elle maintenait sa position, il avait alors insisté pour rester dormir, arguant qu'il était fatigué et qu'elle ne pouvait le laisser rentrer jusqu'à H______ [GE]. Croyant pouvoir lui faire confiance, elle avait fini par accéder à sa requête, précisant qu'elle devait absolument tenter de se reposer avant de se rendre au travail et qu'il était hors de question qu'il pose à nouveau les mains sur elle. Dans son lit, couchée dos à lui, elle avait fini par s'endormir d'épuisement, avant de s'être brutalement réveillée par les mains de C______ qui lui caressaient le sexe. Puis, sans lui laisser le temps de réagir, il avait retiré sa culotte pour la pénétrer de son prépuce, sans protection. Elle s'était immédiatement retournée pour se dégager et lui avait signifié de manière claire son désaccord. Il lui avait présenté des excuses avant de recommencer, introduisant cette fois-ci son pénis en entier. Elle l'avait à nouveau repoussé et sommé de partir, ce qu'il avait fait, s'excusant encore. Le réveil avait sonné peu après son départ. Elle avait toutefois été si choquée et anéantie qu'elle n'était pas parvenue à se rendre au travail pour 09h00. Elle n'avait gardé que des souvenirs flous du reste de sa journée, fonctionnant machinalement.

Ne pouvant se résoudre à dormir seule après son agression, elle s'était réfugiée pour le week-end à la montagne, où C______ lui avait envoyé de nombreux messages pour s'assurer qu'elle se portait bien et que leur amitié demeurait intacte. Ecœurée de son absence de prise de conscience, elle avait supprimé leurs échanges de messages. Au début de la semaine suivante, elle s'était confiée à son amie I______, laquelle l'avait encouragée à porter plainte. Elle n'avait cependant pas pu s'y résoudre, de crainte de ne pas être crue, en raison du statut de C______ au sein de la police, ainsi que de perdre leurs amis communs. I______ lui avait toutefois conseillé de confronter C______ à ses actes, ce qu'elle avait fait par message du 9 janvier 2019 (A – 13). Par la suite, elle avait tenté d'enfouir cette agression au plus profond d'elle en n'en parlant plus à quiconque. En février 2020, elle avait toutefois immédiatement paniqué en croisant C______ inopinément. Ce n'était toutefois que lorsque l'une de ses amies lui avait confié, fin juillet 2021, avoir été victime d'abus sexuels, que tout était "ressorti" : elle avait commencé à faire des cauchemars, à revivre sans cesse les évènements du 4 janvier 2019 et à avoir peur des hommes. Elle était détruite psychologiquement et il en allait de sa santé de dénoncer les faits, ce qu'elle a fait en date du 12 novembre 2021.

a.d.b. Devant la police, A______ a confirmé sa plainte pénale, précisant qu'elle avait laissé C______ se servir lui-même un verre d'alcool, car elle ne désirait plus boire. Elle n'arrivait pas à se souvenir de certains détails avec précision, tels que, par exemple, la manière dont elle avait été amenée de la cuisine à la chambre ou encore été déshabillée, ni comment son agresseur était vêtu. Elle se rappelait en revanche qu'il lui avait caressé la poitrine par-dessus ses vêtements, lorsqu'il l'avait adossée contre le montant de sa porte, de la même manière qu'elle se souvenait avoir verrouillé la porte palière lorsqu'il était parti la première fois. Elle estimait entre cinq à dix minutes l'intervalle séparant le départ et le retour de C______, qui devaient se situer aux alentours de 05h00. Lorsqu'il avait réussi à pénétrer de force dans son appartement, il n'avait eu de cesse de répéter "ok on ne couche pas ensemble, est-ce que je peux dormir là ?" ou encore "tu ne vas pas me faire rentrer jusqu'à H______ maintenant", si bien que, déboussolée et de guerre lasse, elle avait fini par céder. Il restait l'ami en qui elle avait confiance et elle pensait que plus rien n'allait se produire ; de plus, il avait déjà réussi à "briser toute [sa] résistance". Tout ce dont elle avait envie était que cela s'arrêtât pour qu'elle pût enfin se coucher avant d'aller au travail. De plus, vu sa stature, elle pouvait difficilement le mettre à la porte. Il n'y avait pas d'autres pièces que sa chambre qui pût l'accueillir pour la nuit et ce, même si ses colocataires étaient absentes à ce moment. La première fois, il l'avait rapidement pénétrée avec un bout de son sexe alors qu'elle venait tout juste d'être tirée de son sommeil, de sorte qu'elle ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait. Elle s'était néanmoins immédiatement dégagée pour l'empêcher de s'enfoncer davantage en elle. Lors de la seconde pénétration qui s'était déroulée peu de temps après, il était allé plus loin. Bien que "sonnée", elle avait réussi à se retirer. Il n'avait pas éjaculé. Elle ignorait à quelle heure il avait finalement quitté les lieux. Par message, elle avait répondu à C______ que tout allait bien pour couper court à la discussion.

a.e. Entendu à la police, C______ a d'emblée contesté les faits reprochés. Il ressort du procès-verbal de son audition qu'il était sous le choc et nauséeux tout au long de sa déposition. Le soir des faits, il avait attendu avec elle l'arrivée du serrurier, en l'enlaçant contre lui. Une fois la porte ouverte, il avait pensé prendre congé d'elle mais elle lui avait proposé de prendre un verre, en remerciement d'avoir attendu avec elle, ce qu'il avait accepté. Elle lui avait fait visiter l'appartement et ils s'étaient installés dans la cuisine où ils avaient bu du vin. A______ avait ensuite mis de la musique ; ils avaient dansé ensemble avant de partager un baiser. Elle avait souri avant de déclarer qu'ils ne "devrai[en]t pas faire cela", sûrement en référence au fait qu'elle était sortie avec son meilleur ami et que lui-même avait fréquenté la sienne. Ils avaient continué de danser, puis il était parti. Ainsi, ils ne s'étaient embrassés qu'à une seule reprise. Dehors, il avait soudain réalisé qu'il était passablement alcoolisé, de sorte qu'il avait préféré renoncer à prendre le volant de son véhicule et était retourné chez son amie pour lui demander l'hospitalité. De plus, il traversait une période difficile avec sa compagne de l'époque, avec laquelle il vivait à J______ [GE], si bien qu'il ne souhaitait pas rentrer à la maison. Sa requête acceptée, il s'était installé dans le lit de A______, laquelle avait posé sa tête contre son épaule. Ils avaient commencé à s'embrasser et à se caresser. Ils s'étaient ensuite mis en position du "69", se prodiguant mutuellement un rapport sexuel oral. Il y avait peut-être eu des pénétrations digitales, mais il n'avait en aucun cas introduit son pénis, ni dans le vagin, ni dans l'anus de son amie, ajoutant être circoncis de surcroît. Il ignorait combien de temps cela avait duré ; ils avaient néanmoins fini par dormir ensemble. Il n'avait pas été question de préservatif puisqu'ils n'avaient pas "couchés" ensemble. Après cette soirée, ils s'étaient échangés des messages. Il lui avait demandé comment elle se portait, ce qu'il avait pour habitude de faire lorsqu'il sortait avec des amis, et assuré que cette nuit ne changerait rien entre eux, en référence à leur amitié au sein du groupe. Plusieurs jours après, il avait reçu avec surprise un message de sa part sous-entendant qu'il aurait eu des gestes déplacés et qu'elle avait mal vécu cette soirée. Il avait dû lui répondre être choqué par son message et se sentir désolé de son ressenti.

a.f. I______ a confirmé à la police que A______ lui avait rapporté avoir été agressée sexuellement quelques temps après les faits. Elle ne se souvenait plus en détails son discours en raison de l'écoulement du temps mais pouvait restituer clairement que son amie avait à un moment donné signifié à C______ qu'elle était fatiguée et qu'elle voulait dormir. Il était alors parti, pour revenir aussitôt ; il avait mis son pied dans l'entrebâillement de la porte pour l'empêcher de la refermer avant de forcer son passage à l'intérieur de l'appartement. Il l'avait plaquée contre un mur pour l'embrasser et s'était montré très insistant. A______ avait tenté à plusieurs reprises de repousser ses assauts et formulé son désaccord, en vain. Épuisée, elle n'avait pas eu d'autre choix que d'accepter de le laisser dormir chez elle, de sorte qu'ils s'étaient couchés dans son lit, où elle s'était aussitôt endormie. Elle avait été néanmoins réveillée par les mains de C______ qui caressaient son entrejambe, avant d'être partiellement pénétrée par ce dernier. Son amie avait réussi à se dégager. Comme A______ n'arrivait pas à se résoudre à déposer plainte pénale, elle lui avait suggéré de signifier à C______ l'inadéquation de son comportement. Elles avaient rédigé ensemble un message à son attention en joignant une vidéo sur le "tea consent". Ce dernier avait ensuite répondu par des excuses bancales, qui laissaient entendre qu'il n'avait pas compris ce qu'il avait fait de mal. Devant le MP, I______ a maintenu ses précédentes déclarations. A______ était en état de choc lorsqu'elle lui avait raconté les faits et ne semblait pas réaliser le caractère pénal de la situation. À l'époque, elle était proche de la victime qui n'était pas du genre à inventer des histoires ou extrapoler. Elle n'avait à aucun moment douté de son amie, qui était très affectée. Cela étant, elles n'en avaient plus jamais discuté dans les détails, puis elles s'étaient éloignées en raison d'un conflit.

a.g.a. La conversation retrouvée dans le téléphone portable de C______ confirme le déroulement de la soirée, tel que décrit par les intéressés.

À 03h39, C______ informe A______ qu'il n'a pas trouvé ses clés à K______ [night club]. Entre 03h39 et 03h49, celle-ci lui indique qu'elle va faire appel à un serrurier et qu'il peut donc rentrer chez lui, ce à quoi ce dernier répond : "Et non! Je ne te laisse pas et tu me dois un verre de thé chaud". A______ insiste sur le fait qu'elle n'a pas besoin d'aide. Par la suite, les intéressés s'échangent des messages sur un ton complice ; l'on comprend que C______ se rend finalement à son domicile.

À 06h41, C______ écrit à A______ : "J'ai vraiment oublié un truc", message demeuré sans réponse. À 08h13, C______ la relance : "Bon, il y a juste mon collier et je n'ai VRAIMENT pas fait exprès, je ne le trouvais pas". A______ lui propose de laisser le collier dans sa boîte à lait et corrige C______ lorsqu'il lui demande de confirmer le digicode de l'immeuble qu'il avait retenu à un chiffre près. Dans l'après-midi, C______ demande à A______ comment elle va ; elle lui répond que tout se passe bien. Le ton des messages est poli et cordial. À 20h44, C______ lui adresse un message pour s'assurer que les évènements de la nuit n'avaient rien changé à leur amitié : "Je veux que tu saches que peu importe ce qu'il s'est passé hier soir, ça ne changera rien à comment je te vois […] Je ne veux pas que cette soirée nous éloigne". A______ le rassure et ajoute : "Je refuse juste que F______ l'apprenne". C______ rebondit et exprime ses inquiétudes quant aux tensions pouvant surgir entre A______ et F______ en raison des évènements de la nuit.

Le 6 janvier 2019, à 21h19, C______ efface un message qu'il adresse à A______ et ajoute : "Désolé…". Celle-ci lui demande des explications par un simple point d'interrogation, puis écrit : "C______, si tu veux que les choses soient normales, il faut que tu agisses normalement. Oui, tout va bien pour moi, mais apparemment pas toi?". C______ fait part à A______ de ses doutes et du fait qu'il se sent encore plus perdu depuis la nuit passée avec elle. Elle lui rétorque : "perdu, tu l'es depuis longtemps".

Le 9 janvier 2019, A______ adresse à C______ le message suivant : "J’ai beaucoup réfléchi à l’autre jour et il y a quelque point sur lesquels j’aimerais revenir. Pour commencer, si, ça changera notre relation et ma vision de toi. Pour moi, tu étais un ami, donc il n’était pas question qu’on couche ensemble. C’est un peu un pacte tacite. Oui, on avait notre ambiguïté parce qu’on était proche mais c’était plus de l’ordre du jeu. Tu m’avais d’ailleurs dit la même chose quand on avait discuté des tensions avec F______. Je pensais que tu respectais davantage cette amitié et que le cap ne serait pas franchi. J’avais confiance en toi. Comme quand j’ai dit à E______ que je ne coucherai pas avec lui, j’ai ce lien d’amitié et de confiance avec lui, et je tiens à ce qu’il soit respecté par les deux, même ivres à 3h du matin. Je conçois que ce que j’ai pu dire ce soir-là ait pu laisser croire que la porte était ouverte, mais en fait c’était juste parler de cul entre potes, ce qui devrait être normal et ne pas porter à confusion. Ce n’est pas parce que je dis que je veux un orgasme que je le veux avec la personne en face de moi. Tu as été insistant quand on était chez moi. J’ai dit non et tu as continué. Je t’ai demandé de partir plusieurs fois et tu ne l’as pas fait. Peut-être que tu as pris ses non pour un jeu, un défi, mais ce n’était pas le cas. Je t’ai dit que je n'allais pas rouvrir la porte, que je ne voulais pas et que j’avais besoin de dormir. Tu es revenu quand même, a insisté à la porte, prétexté que tu avais vraiment oublié quelque chose et tu en as profité pour rentrer. Je t’ai dit que tu pouvais dormir parce que tu as insisté, mais que je devais vraiment dormir. Et mec, dormir c’est dormir. Je ne comprends pas de quel droit tu as osé continuer à me toucher, alors que je dormais? Pourquoi tu m’as réveillée alors que j’avais dit non ? Concrètement j’aurais dû faire quoi pour que tu comprennes? J’étais soulagée que tu partes enfin quand mon réveil a sonné. Alors oui on était deux, mais insister pour avoir quelque chose avec une fille ce n’est pas normal C______. Tu n’as pas le droit, et ce n’est pas un jeu. Le pire de tout ça c’est que je sais que je ne suis pas la première mais j’aimerais honnêtement être la dernière. Ce comportement n’est pas ok. Ce n’est pas respecter l’autre, me respecter. Ce message n’est pas là pour ouvrir un débat, ou te demander des justifications (car il n’y en a pas) mais pour que tu réalises que ce qui se passe et change en conséquence. Je pense que pour le moment, je n’ai pas très envie de te voir. Bien sûr notre relation restera cordiale mais ça ne sera fatalement pas comme avant. Je t’en ai parlé ce soir-là, et tu m’as dit que tu la connaissais, mais je crois que tu devrais revoir cette vidéo [tea consent]".

C______ répond à ce message comme suit : "Je ne sais pas quoi te dire A______. Je vais respecter ta demande de ne pas lancer de débat et où de justification. Merci pour ton message et désolé si mon comportement t’a blessé, sincèrement".
Il s'agit de leur dernier échange.

a.g.b. Le rapport de police met également en évidence deux séries de messages échangés par les intéressés en 2018, soit quelques mois avant les faits :

- (A______) "Tu ne te souviens pas du moment où tu m'as embrassé je suppose du coup?"

- (C______) "Tu plaisantes?"// " !?!?"// "Tu me fais marcher"

- (A______) "Ça se pourrait!"

- (C______) "Non sérieusement?"

- (A______) "Mais noooon t'inquiètes"

- (C______) "C'est pas drôle!!! J'étais en panique!!"

- (A______) "J"

[… ]

- (C______) "Que se passe-t-il chouchou?";

- (A______) "Bah hormis le fait qu'on vient de se faire agresser par 2 gars (…). Je ne sais pas comment on fait pour ne plus avoir peur après une première agression dans la rue C______" (…) ; "[Hier] On a beaucoup dansé ensemble mais on le faisait en amis. On était collés serrés mais sans arrières pensées. Ou étais-je dans la séduction? Est-ce que tu as senti un moment de glissement entre nous un jour, un moment où tu aurais pu te dire qu'on aurait couché ensemble?"

- (C______) "Je pense que tu dois être encore toute secouée après la nuit que tu as passée. Si seulement j'avais pu t'accompagner jusqu'à chez toi " // "Concernant ta question (…) durant cette danse, vu comme on est proche, n'importe qui aurait pu traduire un regard, un rire ou une caresse derrière ton dos à sa manière (…)" // "notre jeu de séduction, le même que F______ peut de temps en temps avoir avec E______ [surnom] [soit E______], est drôle, amical et reposant. Je ne veux pas perdre ça "

- (A______) "Moi non plus" (…)

- (C______) "Mais je pense que certaines discussions qu'on a eu dans le passé (notamment le fait que tu dises que tu voudrais quand même essayer de coucher avec un black et que la seule personne qui te venait à l'esprit c'était moi il y a deux ans J) et le rapprochement qu'on a pu avoir ces derniers mois ont pu mettre un doute sur notre relation concernant F______".

a.g.c. La conversation WHATSAPP entre A______ et I______ a également été versée à la procédure. Il en ressort que le 4 janvier 2019, à 03h33, A______ indique à sa copine qu'elle est enfermée dehors. I______ lui répond à 04h51, lui demandant si elle a pu trouver une solution.

À 05h41, A______ lui explique avoir fait appel à un serrurier et ajoute : "On se parle demain? J'aurai besoin de toi. T'aime". À 13h48, I______ revient vers A______ et lui demande de quoi elle a besoin. A______ lui répond le lendemain, indiquant qu'elle lui expliquera de vive-voix. Par la suite, les intéressées changent de sujet et s'écrivent des messages sur un ton amusé et complice. A______ réagit avec enthousiasme à l'annonce que I______ a passé la nuit chez une personne ("Whaaaaaaat Il faut qu'on s'appelle"). Le 8 janvier 2019, I______ envoie la vidéo du "tea consent" à son amie avec pour commentaire : "tu devrais lui envoyer ça". A______ répond : "oui. Ahaha. ALORS?". I______ rebondit : "on mettra en lien dans le message demain", avant de se confier sur son aventure amoureuse, ce à quoi A______ réagi : "MEUF meuf meuuuuf OSEF DES CONNARDS ON VEUT DU TORRIDE ". Le lendemain, A______ envoie une capture d'écran de la réponse de C______ à son amie, laquelle rétorque "Honnêtement c'est parfait comme réponse. Tant mieux".

b.a.a. Devant le MP, C______ confirmé ses précédentes déclarations. Il a ajouté ne pas avoir pour habitude de raccompagner ses amis jusqu'à leur domicile et l'avoir fait ce soir-là uniquement parce que son véhicule se trouvait dans la même rue. Il a confirmé qu'au bar, A______ leur avait confié ne pas avoir eu d'orgasmes depuis longtemps. Lors de leur rapprochement intime, elle avait été consentante et n'avait jamais formulé d'opposition. Confronté au message du 9 janvier 2019, il a nié avoir été insistant, avoir fourni un prétexte pour revenir ou encore outrepassé sa volonté ; tout était faux. Sa propre réponse n'était pas un acquiescement au comportement reproché. Dans les autres messages retrouvés dans son téléphone, ses réponses se référaient au fait que les événements n'auraient jamais dû se produire, par respect pour leur amitié, d'une part, et celle entre A______ et F______, d'autre part ; de plus, il était perdu dans sa relation de couple et devait régler ses problèmes. Enfin, il avait quitté son appartement après que son propre réveil eut sonné aux environs de 06h00 ; A______ était quant à elle encore endormie. Il était revenu sur les lieux vers 17h00, pour récupérer un collier qu'il avait oublié.

b.a.b. Devant le premier juge, il a persisté à nier tout comportement illégal ou irrespectueux de sa part. Grâce à son expérience professionnelle, il pouvait comprendre que l'on pût regretter certaines "choses", survenues en soirée ; cela lui était d'ailleurs déjà arrivé. Mais il ne pouvait concevoir déclencher une telle procédure pour cela. Selon lui, elle se culpabilisait d'avoir trahi sa meilleure amie en entretenant des rapports intimes avec lui. Ainsi, son vécu avait pu influencer l'accusation. L'analyse des messages échangés permettait en outre de souligner que le discours de la plaignante avait évolué avec le temps pour en arriver au reproche d'actes barbares. De plus, elle avait été ambivalente arguant avoir dit "non" tout en reconnaissant qu'ils " [avaient été] deux" dans cette situation. Il n'avait pas contesté plus clairement les allégations contenues dans le message du 9 janvier 2019 pour respecter la demande de A______ de ne pas rouvrir le débat ; cela ne signifiait cependant pas qu'il les reconnaissait. De plus, elle proposait de poursuivre leurs relations de manière cordiales uniquement. Or, il ne pouvait imaginer que l'on pût continuer à fréquenter ainsi son violeur. La plainte contenait également des erreurs, notamment du fait qu'il était circoncis, de sorte qu'il ne pouvait l'avoir pénétrée avec son prépuce.

S''il connaissait la vidéo sur le "tea consent", A______ ne l'avait cependant jamais évoquée lors des faits.

Il n'avait pas non plus été question de boire un verre lorsqu'il l'avait raccompagnée chez elle. C'était cette dernière qui lui avait fait cette invitation oralement lorsqu'il était parti à la recherche de ses clés. Ils avaient attendu si longtemps le serrurier qu'il avait oublié sa proposition, qu'elle lui avait toutefois rappelée une fois la porte déverrouillée. Pour lui, cette offre était sans engagement. Il ne l'avait pas interprétée comme une opportunité d'explorer autrement leur relation, même si son amie était charmante et qu'il n'aurait jamais repoussé ses avances ; il n'en était toutefois pas question pour lui à ce moment. Il partageait l'avis de A______ lorsqu'elle avait qualifié, en souriant, leur premier baiser de "mauvaise idée", mais estimait qu'ils ne faisaient alors "rien de mal". Ses souvenirs étaient flous quant au déroulement exacts des faits, dû à l'écoulement du temps. Cependant, il pouvait imaginer l'avoir soulevée pour la poser sur un meuble, pendant qu'ils s'embrassaient, car c'était un geste qu'il pouvait faire. En revanche, il ne plaquait pas les femmes contre un mur lors d'une étreinte. Il reconnaissait que les actes de la première partie s'étaient tous déroulés dans la cuisine. De manière générale, il se fiait à ce que ses partenaires verbalisaient durant un rapprochement, notamment si les baisers ou les caresses étaient partagés ; il les questionnait également beaucoup au moment du rapport pour s'assurer de leur bien-être. À la moindre gêne, il arrêtait ses gestes ; il ne ressentait de plaisir que si celui-ci était partagé.

Il avait quitté les lieux dès qu'elle lui avait signifié son envie d'aller dormir, sans insister. S'il se savait alcoolisé lors du trajet à sa voiture, ce n'était qu'au moment de la déverrouiller qu'il avait réalisé que son comportement était déraisonnable et qu'il ne souhaitait pas prendre ce risque. Par la suite, il avait écrit qu'il avait "vraiment oublié un truc" et ne "VRAIMENT pas [avoir] fait exprès", pour que la plaignante ne pensât qu'il se fût agi d'un prétexte pour revenir chez elle ; il contestait cependant avoir usé d'un tel subterfuge plus tôt. Cela étant, il n'était pas rentré en transport en commun ou en appelant un taxi, comme il lui était déjà arrivé de le faire, car il avait privilégié l'option de dormir chez son amie, au vu de la bonne soirée passée avec elle. Revenant sur ses déclarations, il a indiqué qu'il n'avait pas mis de réveil ; en réalité, c'était le téléphone portable de la plaignante qui les avait tirés de leur sommeil, car elle devait se lever à 06h00. Même s'il n'avait pas complètement dessoûlé, dès lors qu'une heure seulement s'était écoulée, il avait quitté l'appartement de A______ et était rentré chez lui pour respecter sa volonté.

C______ a expliqué vivre très mal la présente procédure. Il avait été amené au poste de police par des collègues pour des faits en totale contradiction avec ses valeurs et son éducation, ayant été élevé par des femmes. Il avait été sali par la presse et tous les collaborateurs étaient au courant. De plus, toute nouvelle rencontre avait été compliquée de ce fait. Il avait dû renoncer à certaines spécialisations professionnelles, soit celle de ______ en prise d'otage et en situation à haut risque, car il n'était pas en état psychologique de pouvoir assumer ces tâches. Il avait dû baisser son taux d'activité durant trois mois et avait été suivi par un psychologue. Il était terrorisé à l'idée de perdre son travail, qui était sa vocation et une véritable ressource pour lui. Le seul soulagement qu'il éprouvait était que sa mère, qu'il avait perdue en février 2021, n'avait pas été témoin de ces accusations.

b.b.a. Devant le MP, A______ a ajouté que, tout comme E______, C______ était quelqu'un de séducteur et de tactile ; elle avait cependant toujours été claire quant à la nature de leur relation.

Lors du premier épisode, elle était adossée contre le meuble de la cuisine lorsque C______ avait commencé à l'embrasser, puis, malgré son opposition, l'avait saisie par les cuisses pour la déposer contre celui-ci et continuer ses agissements si bien qu'au bout d'un moment, après ses vaines tentatives pour se dégager, elle lui avait demandé s'il connaissait la vidéo sur le "tea consent", ce à quoi il avait répondu en rigolant "oui, oui, bien sûr", sans toutefois cesser. Tout au long de cette épisode, elle n'avait eu de cesse de dire "non" et de le repousser de ses mains, mais C______ était un policier musclé. Elle se souvenait de l'interrupteur de lumière dans son dos lorsqu'elle avait été plaquée contre le montant de la porte de sa chambre. Il lui caressait alors la poitrine à travers ses vêtements. Lorsqu'il lui prodiguait le cunnilingus, elle essayait de repousser sa tête mais il l'agrippait fermement par les hanches. Elle a continué de se débattre et il s'est arrêté pour introduire rapidement ses doigts dans son vagin, si bien qu'elle avait eu mal ; elle en gardait d'ailleurs une sensation très précise. Elle ne se souvenait pas si elle l'en avait informé. Elle avait été soulagée lorsqu'il était parti, faute de préservatif. Il l'avait appelée plusieurs fois, insistant, si bien qu'elle avait fini par décrocher ; il lui avait dit avoir oublié quelque chose, sans plus de précision. Lorsqu'il était revenu plus tard en tambourinant contre la porte, elle lui avait rétorqué qu'il n'avait rien oublié et lorsqu'il lui avait présenté un préservatif elle avait riposté "c'est mort…non". Elle-même n'avait pas quitté l'appartement car il était tard et elle n'avait nulle part où aller. Elle avait finalement accepté qu'il reste dormir, face à son insistance et du fait qu'elle n'avait alors plus aucune résistance.

Les deux fois, il l'avait pénétrée vaginalement alors qu'elle était dos à lui, après avoir cherché l'entrée du vagin, puis écarté les lèvres de ses doigts ; il ne la tenait pas de sorte qu'elle avait réussi à se dégager facilement. Elle était épuisée et ne comprenait pas ce qu'il se passait, s'étant sentie sortir de son sommeil par la pénétration. Au vu de leurs positions respectives, elle n'avait pas aperçu son pénis. La première fois, elle avait dit "mais c'est n'importe quoi, tu es complètement fou". Il s'était confondu en excuses et ils s'étaient tous les deux retournés, chacun de son côté. Le réveil avait sonné lorsqu'il était encore présent, peu de temps après son deuxième assaut, et elle l'avait sommé de partir. Elle ne se souvenait pas si elle était endormie la seconde fois. Son message du 9 janvier 2019 était un bon résumé de la situation vécue. Elle considérait la réponse de son agresseur comme un aveu et une prise de conscience de ses actes. Elle ne voulait pas que F______ apprenne l'existence de son agression par peur que celle-ci ne la croit pas, lui en veuille ou encore que "des choses" puissent remonter et faire écho avec son vécu. En effet, cette dernière étant sa meilleure amie, elle se serait, en temps normal, immédiatement confié à elle. Cependant, à l'époque des faits, la sœur de F______ était plaignante dans une procédure pour viol et agression sexuelle, ce qui était émotionnellement très dur. Elle ignorait pourquoi elle avait craint de ne pas être crue ; il s'agissait d'un sentiment très général. Lorsque les souvenirs de l'agression avaient refait surface, elle avait ressenti le besoin vital de partager son fardeau avec une autre de ses amies, L______, également avocate. Depuis lors, elle fonctionnait en "mode automatique" : elle était coupée de ses émotions, sa mémoire à court terme était impactée, elle se levait le matin, s'endormait le soir, mangeait si elle le pouvait et travaillait à défaut. En outre, elle souffrait d'agoraphobie et demeurait constamment en alerte. Elle avait des plans suicidaires précis, lesquels étaient particulièrement actifs lorsqu'elle devait se rendre à des audiences ; elle devait ainsi être accompagnée pendant 48 heures pour chacune d'entre elles. Si elle était encore en vie, c'était grâce à son suivi psychothérapeutique et à son traitement médicamenteux ; elle prenait plusieurs antidépresseurs, des anxiolytiques et des somnifères. Elle avait traversé des phases de mutilation diverses et nécessité une hospitalisation en psychiatrie de deux mois durant laquelle elle avait été placée en isolement à deux reprises pour sa survie. Elle avait beaucoup de difficultés à terminer sa formation d'avocate et nécessitait des aménagements spéciaux ; arrêtée à 50%, elle avait dû faire une demande à l'assurance-invalidité. Bien qu'en couple, sa vie sexuelle était quasiment inexistante et elle ignorait si elle pourrait réaliser un jour son désir d'enfant.

b.b.b. En première instance, elle a précisé que sa vie avait été extrêmement chargée de 2019 à 2021, en raison notamment de sa formation, raison pour laquelle elle n'avait pas eu le temps de réfléchir au passé. Lorsque ses souvenirs avaient ressurgi à l'évocation d'abus sexuels, elle avait encore attendu trois mois avant de déposer plainte car son avocate lui avait conseillé de penser d'abord à sa santé, ce qu'elle avait fait en s'entourant d'une psychologue spécialisée et en informant ses proches, un à un, de sa démarche.

Le soir des faits, C______ avait mis de la musique sur son téléphone et ils avaient effectivement dansé ensemble. Puis, il avait débuté un jeu de séduction torride digne d'un film, notamment en la prenant par les cuisses. Il ne semblait pas réaliser sur le moment qu'elle refusait véritablement ses avances. Elle aurait aimé le frapper mais ce n'était pas dans sa nature. De plus, il était plus grand et plus musclé qu'elle. Elle n'arrivait pas à concevoir les événements du 4 janvier 2019 comme un grand malentendu entre eux ; elle avait été plus qu'explicite. Cependant, elle ignorait ce que C______ avait compris ou pas. Elle avait l'espoir que cette procédure lui ferait réaliser qu'elle n'avait pas souhaité ce qu'il s'était produit.

Lorsqu'elle lui avait dit ne pas disposer de préservatif, il avait eu un air surpris. Sinon, il avait été d'humeur égale durant toute la durée des actes, ne semblant pas particulièrement vexé par ses tentatives de le repousser. Les messages de C______ situés à 06h41 et 08h13 concernaient deux "oublis" différents, le premier étant un prétexte pour revenir et le second se référant au collier réellement égaré. Celui adressé à I______ à 05h41 était contemporain à celui du prétendu oubli, avec un fuseau horaire UTC +1. Enfin, elle n'utilisait jamais son téléphone comme réveil et programmait généralement sa radio pour 07h30 ou 08h00.

b.c. A______ a produit notamment les documents suivants :

-        un rapport de suivi psychothérapeutique du [centre] M______ du 6 juin 2023, dont il ressort que A______, qui n'avait pas d'antécédents psychiatriques, présentait les principales manifestation d'un état de stress post-traumatique, à savoir les symptômes de reviviscence, l'évitement, l'altération de son humeur et l'activation neurovégétative. Cette symptomatologie avait nécessité une longue hospitalisation et entraîné une souffrance cliniquement significative et un impact sur son fonctionnement au niveau personnel, familial, social et professionnel ;

-        la lettre de sortie de la Clinique N______ du 14 avril 2022, à teneur de laquelle A______ souffrait, au début de son hospitalisation, de troubles du sommeil et de crises d'angoisse, accompagnés d'un état d'hyper vigilance et d'un sentiment de honte et culpabilité. Elle était envahie par des idées suicidaires précises, sans toutefois velléité de passage à l'acte, sauf le 3 mars 2022, date à laquelle un contact PEC 1:1 avait été mis en place pendant 24 heures. Au cours de son hospitalisation, elle avait bénéficié, en sus d'un traitement psychiatrique et psychothérapeutique individuel et médicalisé, d'un suivi spécialisé "burnout", dès lors que la recherche de la perfection et le surinvestissement professionnel avaient pu être mis en évidence chez elle ;

-        un rapport psychiatrique du Dr O______ du 9 juin 2023, lequel fait état, chez A______, d'un état de stress post-traumatique (PTSD) caractérisé par la reviviscence répétée de l'évènement traumatique, des "flash-back" envahissants, des cauchemars, une anesthésie psychique et un émoussement émotionnel ou parfois, à l'inverse, des attaques de panique lors des moments rappelant l'évènement, ainsi que d'une hyper vigilance, des insomnies et des idées suicidaires. A______ avait par ailleurs décrit l'état de sidération dans lequel elle s'était trouvée lors de l'agression, lequel était typique d'un PTSD et empêchait les victimes de réagir. Elle présentait encore une amnésie dissociative, symptomatique du PTSD, comportant la difficulté à se souvenir des parties importantes de l'évènement traumatique. Depuis le début du suivi, en avril 2022, son état avait connu une amélioration globale, sauf dans les périodes d'auditions judiciaires. Comme il était souvent le cas pour les PTSD, son pronostic était favorable. Néanmoins, il ne pouvait pas exclure des séquelles chroniques et irréversibles sous la forme d'une modification durable de sa personnalité ;

-        une attestation datée du 12 juin 2023 établie par le cabinet d'avocats P______, étude où A______ a effectué son stage d'avocat du 1er octobre 2021 au 31 mars 2023, laquelle met en évidence notamment la demande faite par celle-ci, à contrecœur, de ne pas être amenée à traiter des affaires de mœurs, ainsi que les conséquences directes de son arrêt maladie prolongé sur l'étendue de son apprentissage du métier d'avocat ;

-        des documents de l'OCAS faisant état de sa demande de rente invalidité.

c.a. Entendu en qualité de témoin, E______ a indiqué connaitre les protagonistes depuis une dizaine d'année. Il ne pouvait apporter aucune précision utile en ce qui concernait les faits, dès lors qu'il était souvent sorti en soirée avec eux. De son point de vue, tant C______ que lui-même auraient souhaité plus qu'une relation d'amitié avec A______, qui était ravissante, et ils leur arrivaient d'échanger à son sujet ; le précité l'avait d'ailleurs certainement draguée. Il avait été surpris d'apprendre l'existence d'une procédure à son encontre, ne le croyant pas capable de viol. C'était un garçon gentil et respectueux, qui ne mentait pas.

c.b. F______ a aussi confirmé ses liens d'amitié avec les intéressés. En 2016, 2017 et 2018, elle avait entretenu quelques rapports sexuels avec C______, lequel lui avait confié souhaiter construire une relation plus stable mais ne pas le pouvoir du fait qu'il était déjà en couple ; elle n'avait alors plus souhaité le voir et s'était limitée à lui écrire à son anniversaire, puis au décès de sa mère. À ses yeux, il lui avait menti et ce, à deux reprises. Elle était restée en revanche très proche de A______, qu'elle n'avait plus quittée depuis l'Université. Cette dernière lui avait fait part du viol subi, en août 2021. Elle a relaté dans les grandes lignes les propos de son amie sur le déroulement des faits du second épisode, tel qu'il figure dans la plainte, ajoutant que cette dernière avait été réveillée à deux reprises, de sorte qu'elle avait dû se rendormir entre-temps. Elle croyait sincèrement A______ car on n'accusait pas ainsi à la légère. Cela étant, elle-même n'avait jamais eu de relation sexuelle qui ne fût pas complètement consentie avec C______. Les occasions où elle l'avait invité à boire un verre chez elle avaient parfois débouché sur un rapport intime. C______ pouvait se montrer irrespectueux : elle se rappelait en particulier d'un épisode durant lequel il avait tenté à deux reprises de l'embrasser alors qu'elle ne le souhaitait pas et l'avait repoussé ; il avait été alors très insistant. F______ a encore ajouté avoir soutenu moralement A______ à chaque stade de la procédure, sans discuter du contenu de celle-ci. Elle avait été accablée d'apprendre que C______ avait violé son amie. Cependant, elle n'avait pas été surprise de ce déroulement dans la mesure où il avait préalablement proposé de boire un verre chez la victime, ce qui lui était déjà personnellement arrivé avant d'entretenir des relations sexuelles avec lui. Depuis son dévoilement, A______ allait de mal en pis : elle faisait toutes les nuits des cauchemars, ne s'alimentait plus assez, allait très mal et avait dû être hospitalisée pour une dépression sévère liée majoritairement aux faits.

c.c. Q______ a expliqué connaitre C______ depuis une dizaine d'année avant d'entamer une brève relation sentimentale, de mars à novembre 2021. Celui-ci était à l'écoute, présent, bienveillant et respectueux. Dans l'intimité, il se montrait très prévenant et respectueux, faisant passer le plaisir de sa partenaire en premier. Bien qu'elle n'ait jamais refusé de rapport sexuel avec lui, elle le savait en mesure de respecter ses choix. Elle avait été choquée par les accusations portées à son encontre, qui ne correspondait en rien à sa personnalité.

c.d. R______ a déclaré n'entretenir que des liens amicaux avec C______, depuis 2017 ou 2018. Il s'agissait de son meilleur ami. Il était authentique, dévoué, généreux, loyal, honnête, protecteur et passionné par son travail. Elle avait partagé quelques rapports intimes avec lui, qui s'étaient tous très bien déroulés ; c'était un amant drôle et respectueux. À une ou deux reprises, elle n'avait pas voulu aller au bout, si bien qu'ils s'étaient arrêtés pour regarder un film à la place. Pour lui, le plaisir de l'autre était primordial. Enfin, ils avaient dormi dans le même lit durant leurs vacances en République dominicaine et il n'avait pas tenté la moindre approche. Les comportements reprochés ne "collaient pas du tout" avec l'homme qu'elle connaissait et elle savait que cette situation le faisait souffrir.

c.e. S______, amie proche de C______, a exposé le connaitre depuis trois ans. Il était avenant, drôle et rassurant. Ils avaient dormi ensemble durant un week-end à T______ où il ne s'était rien produit. Elle n'avait jamais eu de rapport sexuel avec lui. Il était toujours très respectueux avec les femmes et les faisaient se sentir en sécurité. Elle avait été estomaquée d'apprendre les graves accusations portées à son encontre ; selon elle, il était impossible que son ami se soit rendu coupable d'un tel comportement. Il était très peiné et fâché par ces reproches.

c.f. U______ a déclaré être l'ami intime de A______. Ils avaient eu une première relation en 2014 qui s'était terminée deux mois avant les faits, avant de se remettre ensemble en 2022. Avant les événements, c'était une heureuse nature et leurs relations sexuelles étaient se déroulaient bien. Depuis lors, elle était constamment triste, même lorsqu'elle souriait, avait perdu l'appétit et le sommeil. Hypervigilante, elle sursautait au moindre bruit et avait développé une peur des hommes qui ressemblaient à son agresseur ; elle avait d'ailleurs fait une crise de panique dans un bus au Cap Vert pour ce motif en 2023. De nombreux mois s'étaient écoulés avant qu'ils ne puissent reprendre une relation intime. Leurs rapports avaient cependant perdu en légèreté et subissaient la moindre contrariété ou rappel aux faits de plein fouet.

c.g. V______, inspectrice principale à la brigade W______, a exposé connaitre C______ depuis qu'il était entré dans les forces de l'ordre. Elle l'avait d'ailleurs recruté au poste de ______, dont les prérequis étaient l'écoute active, l'empathie et la disponibilité ; il s'agissait en effet d'un véritable don de soi, la personne pouvant être appelée à n'importe quelle heure pour prendre en charge un suicidaire. C______ était un collègue auprès duquel on pouvait se tourner. Il était très investi dans son travail, qui était toute sa vie. Lorsqu'il leur avait annoncé, au bureau, faire l'objet d'une procédure pénale, ils avaient tous été choqués. Il était visiblement affecté par la situation, avait perdu du poids et ses yeux étaient cernés.

c.h. X______, gendarme au sein de la brigade Y______, a expliqué être avant tout un ami de C______ et ce, depuis plusieurs années. Celui-ci était passionné, tant avec ses amis que dans le cadre de son métier. C'était un homme bon, appliqué et impliqué. De nature joviale et doté d'une grande intelligence sociale, il s'adaptait à tous les milieux. Il était à l'écoute et toujours soucieux du bien-être d'autrui. Ses amis savaient pouvoir compter sur lui. Lorsqu'il avait appris que C______ faisait l'objet d'une affaire de mœurs, il avait été incrédule. Il voyait que son collègue avait été profondément impacté par cet événement, tant moralement que professionnellement.

d. C______ a été arrêté le 25 janvier 2022 à 7h00 et libéré le jour-même à 16h30, avec des mesures de substitution lui interdisant tous contacts avec la victime et les témoins de l'affaire, mesures levées le 15 juillet 2022 (172 jours).

C. a. Devant la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), A______ a confirmé ses précédentes explications. Elle ne pouvait apporter de nouvelles précisions quant au déroulement des faits, car elle avait toujours les mêmes zones d'ombre dans ses souvenirs. À l'inverse, les moments dont elle se rappelait avec précision étaient toujours les mêmes. Elle ne comprenait toujours pas comment C______ avait pu continuer en faisant fi de son opposition. Le plus dur dans le cadre de sa thérapie était le constat que rien de ce qu'elle avait ou aurait pu faire n'aurait permis de la tirer de cette situation. Ce soir-là, elle n'était pas soûle, étant précisé qu'elle n'avait pas pour habitude de consommer beaucoup d'alcool et n'avait jamais eu de "trous noirs" par le passé. Lorsque dans son message du 9 janvier 2019 elle écrivait "même ivres", elle faisait référence au fait que quelles qu'eussent été les circonstances, C______ n'aurait jamais dû insister comme il l'avait fait.

Le surinvestissement professionnel et le divorce de ses parents n'avaient pas pu être la cause, ni de près ni de loin, des symptômes qu'elle présentait. En ce qui concernait le premier, il s'agissait au contraire d'un mécanisme de protection qui l'empêchait de penser à son vécu. De plus, elle disposait des outils nécessaires pour se prémunir d'un burn-out, ayant suivi un cours à cette fin. À ce propos, ses premières crises d'angoisse avaient commencé au semestre de printemps 2021, lorsque son taux d'activité avait baissé pour le suivi de [la formation] Z______. Elle avait alors consulté une psychologue qu'elle avait déjà vue par le passé, au mois de mars, mais ne se souvenait encore de rien ; lorsque ses souvenirs avaient resurgi en août, elle était retournée la voir pour lui faire part des événements de 2019. Sa thérapeute lui avait indiqué que les angoisses qui la submergeaient lorsque des personnes se trouvaient dans son dos et qu'elle lui avait rapportées avaient du sens, compte tenu de l'épisode de janvier 2019. Enfin, la thématique de sa place au sein de sa famille était régulièrement abordée en thérapie.

Depuis la dernière audience, son état de santé s'était péjoré, au point qu'elle avait été placée en arrêt maladie et avait perdu son travail ; sa demande AI avait été réactivée. En effet, elle avait croisé de manière inopinée son agresseur le 3 janvier 2024, ce qui avait déclenché en elle une importante crise de panique et fortement ravivé sa symptomatologie. Elle avait de la chance d'être bien entourée médicalement et socialement, sans quoi elle ne serait plus là.

b. Rebondissant sur les propos de l'appelante, C______ a indiqué avoir été estomaqué de la croiser, cinq ans après les faits, là où tout avait commencé, ce d'autant qu'elle avait toujours indiqué ne plus pouvoir fréquenter ce secteur, ni les lieux publics.

Le soir des faits, aucun d'eux n'étaient ivres. En tout état, son propre comportement demeurait inchangé en cas d'alcoolisation. Il n'avait pas perçu la moindre opposition de la part de l'appelante pour la simple raison qu'il n'y en avait jamais eue. Il n'expliquait pas cette profonde divergence dans leurs vécus respectifs. Il était révolté par l'ambivalence du discours de A______, laquelle n'avait eu de cesse de le décrire comme une personne protectrice et de confiance mais également proféré des accusations en l'air, alléguant qu'il aurait fait d'autres victimes sans divulguer le moindre nom, instiguant par-là un doute quant à sa probité et le privant de toute possibilité de se défendre. Il était écœuré de l'instruction du dossier, qui avait été uniquement à charge.

Revenant sur ses précédentes déclarations, il a indiqué l'avoir raccompagnée chez elle, comme il en avait l'habitude avec ses amis. Il se souciait de son sort, raison pour laquelle il avait attendu avec elle la venue du serrurier. La plaignante avait proposé de lui offrir un thé chaud au moment où il avait décidé de partir à la rechercher des clés ; la contradiction relevée par le TCO n'avait donc pas lieu d'être.

c. Entendu en qualité de témoin, le Dr O______ a confirmé le contenu de son rapport psychiatrique.

L'état de sidération faisant partie des symptômes de stress post-traumatique. Il devait être mis en relation avec la description des faits opérée par le patient qui décrivait être bloqué et incapable de réagir. Dans le cas d'espèce, l'appelante lui avait décrit le déroulement des faits de la même manière que cela ressortait de la procédure, selon les passages cités en audience. Il situait la survenance de l'état de sidération constaté chez elle à un autre moment que les pénétrations, soit lorsque l'intimé était chez elle et qu'il essayait de l'embrasser et de la toucher ; c'était à ce moment-là qu'elle lui avait relaté avoir été bloquée et ne pas avoir pu agir. L'état de sidération fluctuait ; il n'était pas figé dans le temps, si bien que la victime pouvait reprendre une capacité de se défendre après avoir été en état de sidération comme dans tout traumatisme. Il précisait que le mot "sidération" n'était pas celui qui avait été utilisé par A______. Dans le cadre de son évaluation psychiatrique, il avait également tenu compte du mode de fonctionnement de l'appelante, de son histoire familiale et de son vécu dans son ensemble. Toutefois, ces facteurs n'avaient eu aucune incidence sur les symptômes qu'il avait mis en évidence.

L'amnésie dissociative était un mécanisme de défense adopté par l'individu pour mettre de côté ses souvenirs traumatisants. Cet état était observé lorsque la personne, pendant un certain laps de temps, n'avait pas ou peu de souvenirs de cet événement, avant qu'il n'y ait tout à coup une résurgence de ceux-ci, avec un "effet boule de neige" pouvant conduire à un épisode de dépression réactionnel, ce qui avait été le cas de sa patiente. Toutefois, tous les souvenirs ne ressurgissaient pas d'un coup. Dans le cas de l'appelante, il n'avait pas la certitude, actuellement, que d'autres souvenirs ne réapparaitraient pas avec le temps, raison pour laquelle il avait indiqué que cet état était toujours en cours.

Il n'avait pas été le seul à diagnostiquer un syndrome de stress post-traumatique chez l'appelante ; ils avaient été trois médecins et une psychologue à l'avoir retenu. Il y avait un lien de causalité entre l'événement décrit par l'appelante et les symptômes observés ; ce constat était posé en cas de confrontations répétées à un élément précis, déclencheur des symptômes. Sa patiente lui avait relaté sa rencontre fortuite du 3 janvier 2024 avec l'intimé. Or, du jour au lendemain, un symptomatologie anxieuse massive avec des idées suicidaires, ainsi que des troubles du sommeil et de la concentration avait de nouveau été présente. Différentes mesures avaient dû être mise rapidement en place, dont un arrêt maladie. Il s'agissait d'un élément typique qui permettait de retenir un lien de causalité entre l'événement vécu et le traumatisme subi. La réexposition entrainait une augmentation des symptômes.

Cela étant, il n'était pas anormal que la rencontre inopinée de 2020 ou la confrontation à d'autres victimes dans le cadre de son activité professionnelle n'avaient pas amené la plaignante à se remémorer des faits. Dans le premier cas, il s'agissait d'un événement à mettre en lien avec l'amnésie dissociative ; il avait sans doute contribué à amorcer progressivement le processus mnésique qui avait finalement conduit à une résurgence des souvenirs en 2021, une seule confrontation ne suffisant pas. Dans la seconde hypothèse, cela s'expliquait du fait qu'il y avait une distance qui était automatiquement prise dans le cadre du travail, de sorte qu'il n'y avait aucune confusion entre ce qui ressortait de la vie personnelle et ce qui était du domaine professionnel. De manière générale, des situations similaires ne conduisaient pas toujours à un rappel de ce qui avait été vécu.

L'absence des termes "viol" ou "agression sexuelle" dans le message adressé par l'appelante à l'intimé s'expliquait par le fait qu'il était souvent difficile pour une victime d'assumer ce nouveau statut, car cela changeait son histoire.

N'ayant pas eu accès à la procédure, il était exact qu'il se fondait sur les dires de sa patiente. Son travail ne consistait pas à établir les faits, mais à examiner comment la personne avait vécu l'événement traumatique décrit. Cependant, en se basant sur les symptômes et leurs observations, les psychothérapeutes parvenaient à développer un certain degré de certitude par rapport à ce qui leur était rapporté. Enfin, A______ ne présentait aucun trouble de la personnalité.

d. A______ et le MP persistent tous deux dans les conclusions de leur appel.

e. C______ a conclu à leurs rejets. Il sollicite, en cas de confirmation de son acquittement, une indemnité de CHF 14'872.50 pour ses frais de défense en appel, soit 30h25 d'activité de chef d'étude à CHF 450.- de l'heure.

e. Les arguments plaidés seront discutés, dans la mesure de leur pertinence, au fil des considérants qui suivent.

D. a. C______, ressortissant suisse né le ______ 1989 en Ethiopie, est célibataire et sans enfant. Il perçoit un revenu mensuel net de CHF 7'500.- en qualité d'inspecteur principal adjoint à la brigade AA_____. Son loyer s'élève à CHF 1'285.- et ses primes d'assurance-maladie à environ CHF 500.-. Il a une dette d'environ CHF 45'000.-, comprenant des arriérés d'impôts, qu'il rembourse par acomptes. Il a sollicité l'aide de la Fondation AB______ pour le surplus.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné le 23 mars 2015 par le MP à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à CHF 180.- l'unité, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 2'000.- pour conduite en état d'ébriété qualifiée (art. 91 al. 2 let. a de la loi fédérale sur la circulation routière), ainsi que le 21 juillet 2020 par l'Administration cantonale des impôts du canton de Genève à une amende en CHF 5'733.- pour soustraction consommée d'impôts (art. 175 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct).

E. Me B______, conseil juridique gratuit de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 34h35 d'activité de cheffe d'étude, hors débats d'appel, lesquels ont duré 09h00, dont 11h00 d'"examen de la procédure en préparation de l'audience", 20h30 de "préparation de l'audience et de la plaidoirie", 0h30 de "bordereaux de pièces", et 0h45 de "rédaction des conclusions civiles".

En première instance, elle avait été taxée pour plus de 30 heures d'activité.

 

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP. Il concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).

Ce principe signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence ou encore lorsqu'une condamnation intervient au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve. Le juge ne doit pas non plus se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; 127 I 38 consid. 2a).

2.1.2. Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1).

L'appréciation des preuves implique donc une appréciation d'ensemble. Le juge doit forger sa conviction sur la base de tous les éléments et indices du dossier. Le fait que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit insuffisant ne doit ainsi pas conduire systématiquement à un acquittement. La libre appréciation des preuves implique que l'état de fait retenu pour construire la solution doit être déduit des divers éléments et indices, qui doivent être examinés et évalués dans leur ensemble (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1169/2017 du 15 juin 2018 consid. 1.1 ; 6B_608/2017 du 12 avril 2018 consid. 3.1).

2.1.3. Les cas de "déclarations contre déclarations", dans lesquelles les déclarations de la victime en tant que principal élément à charge et les déclarations contradictoires de la personne accusée s'opposent, ne doivent pas nécessairement, sur la base du principe in dubio pro reo, conduire à un acquittement. L'appréciation définitive des déclarations des participants incombe au tribunal du fond (ATF 137 IV 122 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1306/2017 du 17 mai 2018 consid. 2.1.1).

Les déclarations de la victime constituent un élément de preuve. Le juge doit, dans l'évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires rassemblés au dossier, les apprécier librement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_942/2017 du 5 mars 2018 consid. 2.1.2 ; 6B_614/2012 du 15 février 2013 consid. 3.2.5), sous réserve des cas particuliers où une expertise de la crédibilité des déclarations de la victime s'impose (ATF 129 IV 179 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1306/2017 du 17 mai 2018 consid. 2.1.1).

Les déclarations successives d'un même témoin ne doivent pas nécessairement être écartées du seul fait qu'elles sont contradictoires ; il appartient au juge de retenir, sans arbitraire, la version qui lui paraît la plus convaincante et de motiver les raisons de son choix (arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2013 du 13 juin 2013 consid. 1.2 ; 6B_429/2008 du 7 novembre 2008 consid. 4.2.3). Dans le cadre du principe de libre appréciation des preuves, rien ne s'oppose non plus à ne retenir qu'une partie des déclarations d'un témoin globalement crédible (ATF 120 Ia 31 consid. 3).

2.2.1. Selon l'art. 189 al. 1 CP, quiconque, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister l'aura contrainte à subir un acte analogue à l'acte sexuel ou un autre acte d'ordre sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

2.2.2. Constitue un acte d'ordre sexuel, une activité corporelle sur soi-même ou sur autrui qui tend à l'excitation ou à la jouissance sexuelle de l'un des participants au moins (arrêts du Tribunal fédéral 6B_732/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3.1.3 ; 6B_180/2018 du 12 juin 2018 consid. 3.1). Il faut distinguer les actes n'ayant aucune apparence sexuelle, qui ne tombent pas sous le coup de la loi, des actes clairement connotés sexuellement du point de vue de l'observateur neutre, qui remplissent toujours la condition objective de l'infraction, indépendamment des mobiles de l'auteur. Dans les cas équivoques, il convient de tenir compte de l'ensemble des éléments d'espèce (ATF 125 IV 58 consid. 3b). Une caresse insistante du sexe, des fesses ou des seins, même par-dessus les habits, constitue un acte d'ordre sexuel (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1019/2018 du 2 novembre 2018 consid. 3.3 ; 6B_35/2017 du 26 février 2018 consid. 4.2). La pénétration vaginale ou anale par le pénis, les doigts ou un objet constitue un acte clairement connoté sexuellement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_231/2020 du 25 mai 2020 consid. 3.1).

2.2.3. Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'une contrainte sexuelle, il faut procéder à une appréciation globale des circonstances concrètes déterminantes. Une appréciation individualisée est nécessaire, laquelle doit reposer sur des éléments suffisamment typiques (ATF 131 IV 107 consid. 2.2 ; 128 IV 97 consid. 2b ;
106 consid. 3a/bb).

2.2.4. La violence désigne l'emploi volontaire de la force physique sur la personne de la victime dans le but de la faire céder. Il n'est pas nécessaire que la victime soit mise hors d'état de résister ou que l'auteur la maltraite physiquement. Une certaine intensité est néanmoins requise. Selon le degré de résistance de la victime ou encore en raison de la surprise ou de l'effroi qu'elle ressent, un effort simplement inhabituel de l'auteur peut la contraindre à se soumettre contre son gré (ATF 87 IV 66 consid. 1). Selon les circonstances, un déploiement de force relativement faible peut suffire. Ainsi, peut déjà suffire le fait de maintenir la victime avec la force de son corps, de la renverser à terre, de lui arracher ses habits ou de lui tordre un bras derrière le dos (ATF 148 IV 234 consid. 3.3 : arrêts du Tribunal fédéral 6B_367/2021 consid. 2.1 et 2.2.1; 6B_995/2020 consid. 2.1).

La victime n'est pas obligée d'essayer de résister à la violence par tous les moyens. En particulier, elle n'a pas à engager un combat ou à accepter des blessures. Elle doit néanmoins manifester clairement et énergiquement à l'auteur qu'elle ne consent pas à des actes sexuels (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1260/2019 du 12 novembre 2020 consid. 2.2.2 : 6B_1149/2014 du 16 juillet 2015 consid. 5.1.3).

2.2.5. Sur le plan subjectif, la contrainte sexuelle est une infraction intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant. L'auteur doit savoir que la victime n'est pas consentante ou, du moins, en accepter l'éventualité, et il doit vouloir ou, à tout le moins, accepter qu'elle soit contrainte par le moyen qu'il met en œuvre ou la situation qu'il exploite (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1306/2017 du 17 mai 2018 consid. 2.1.2 ; 6B_35/2017 du 26 février 2018 consid. 4.3). Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé ou accepté relève de l'établissement des faits (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3). L'élément subjectif se déduit d'une analyse des circonstances permettant de tirer, sur la base des éléments extérieurs, des déductions sur les dispositions intérieures de l'auteur (arrêts du Tribunal fédéral 6B_267/2016 du 15 février 2017 consid. 5.2).

2.3.1. Selon l'art. 191 CP, celui qui, sachant qu'une personne est incapable de résistance, en aura profité pour commettre sur elle l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

2.3.2. Est incapable de résistance la personne qui n'est pas apte à s'opposer à des contacts sexuels non désirés. Cette disposition protège les personnes qui ne sont pas en mesure de former, exprimer ou exercer efficacement une volonté de s'opposer à des atteintes sexuelles. L'incapacité de résistance peut être durable ou momentanée, chronique ou due aux circonstances. Elle peut être la conséquence d'un état mental gravement anormal, d'une sévère intoxication due à l'alcool ou à la drogue, ou encore d'entraves matérielles. Il faut cependant que la victime soit totalement incapable de se défendre. Si l'inaptitude n'est que partielle – par exemple en raison d'un état d'ivresse – la victime n'est pas incapable de résistance (ATF 133 IV 49 consid. 7.2 ; 119 IV 230 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_69/2018 du 11 juin 2018 consid. 4.1 ; 6B_1142/2017 du 23 mars 2018 consid. 2.1 ; 6B_996/2017 du 7 mars 2018 consid. 1.1).

L'exigence jurisprudentielle d'une incapacité de résistance ou de discernement "totale" ne recouvre pas exclusivement des états de perte de conscience complète mais délimite les situations visées par l'art. 191 CP de celles dans lesquelles, par exemple en raison de l'alcoolisation de la victime, celle-ci est simplement désinhibée. Une incapacité de résistance peut être retenue lorsqu'une personne, sous l'effet de l'alcool et de la fatigue ne peut pas ou que faiblement s'opposer aux actes entrepris (ATF 133 IV 49 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_238/2019 du 16 avril 2019 consid. 2.1).

La jurisprudence a ainsi notamment admis une incapacité de résistance lorsqu'une personne est endormie (arrêts du tribunal fédéral 6B_1204/2017 du 17 mai 2018 consid. 2.1 ; 6B_685/2010 du 4 avril 2011 consid. 2.3).

Une telle incapacité de résistance est également reconnue lorsque du fait de la position particulière de son corps, la victime se trouve dans l'incapacité de discerner l'atteinte faite à son intégrité sexuelle, de sorte qu'elle est abusée sexuellement par surprise. En effet, l'expression de la volonté dépend d'une perception extérieure préalable transmise par les sens. Si la vision disparaît, il ne reste aux femmes que la sensation physique au niveau de leur sphère intime et elles ne peuvent alors réagir que lorsque l'auteur est déjà en train d'abuser d'elles (ATF 133 IV 49 consid. 7.3 in JdT 2009 IV 17 ; 103 IV 165).

2.3.3. Sur le plan subjectif, l'art. 191 CP définit une infraction intentionnelle. La formule "sachant que" signifie que l'auteur a connaissance de l'incapacité de discernement ou de résistance de la victime. Il appartient par conséquent au juge d'examiner avec soin si l'auteur avait vraiment conscience de l'état d'incapacité de la victime. Le dol éventuel suffit. Agit donc intentionnellement celui qui s'accommode de l'éventualité que la victime ne puisse pas être, en raison de son état physique ou psychique, en situation de s'opposer à une sollicitation d'ordre sexuel, mais lui fait subir malgré tout un acte d'ordre sexuel (arrêt du Tribunal fédéral 6S.359/2002 du 7 août 2003 consid. 5.2).

2.4.1. En l'espèce, il est établi que les parties partageaient une relation d'amitié et de complicité particulièrement forte, empreinte de taquineries et de jeux de séduction. Il est également admis que les protagonistes se sont retrouvés le soir des faits pour partager quelques verres en compagnie d'une tierce personne, avant de poursuivre la soirée en discothèque jusqu'à ce que l'appelante décide de rentrer chez elle, car elle travaillait tôt le lendemain.

Le récit de l'appelante s'oppose à celui de l'intimé s'agissant de leurs agissements respectifs et du caractère consenti des actes d'ordre sexuels survenus par la suite. Ces faits se sont déroulés à huis-clos et sans témoin direct de sorte que l'on se trouve dans une situation de "déclarations contre déclarations". La théorie du "grand malentendu" plaidé par la défense ne saurait être l'explication à cette situation, dès lors que la nature-même des actes diffère de part et d'autre. Il sied dès lors d'apprécier et de confronter la crédibilité de chacun de leur récit.

2.4.2.1. Il peut être concédé tant à l'appelante qu'à l'intimé que leur version est restée constante sur l'essentiel.

L'appelante a toujours expliqué avoir eu le projet de rentrer chez elle pour se coucher car elle travaillait le lendemain. L'intimé l'avait ramenée jusqu'à chez elle et s'était spontanément proposé de retourner à la discothèque lorsqu'elle avait constaté qu'elle n'avait pas ses clés. Il avait encore insisté pour attendre avec elle la venue d'un serrurier. Elle avait fini par accepter de lui offrir un dernier verre, non sans lui rappeler qu'elle ne souhaitait pas s'attarder car elle voulait aller dormir. L'intimé avait ensuite été entreprenant, l'avait embrassée de force, l'avait portée, puis immobilisée pour la caresser et se frotter à elle, faisant fi de son opposition tant verbale que physique. Il l'avait emmenée sur le lit, l'avait déshabillée puis lui avait prodigué un cunnilingus et introduit ses doigts dans son vagin, en lui faisant mal. Il n'était parti que lorsqu'elle avait prétexté ne pas disposer de préservatif. Il était ensuite revenu, avait forcé son passage dans l'appartement et insisté pour rester dormir. Il l'avait ensuite pénétrée à deux reprises tandis qu'elle était positionnée dos à lui, la première fois partiellement alors qu'elle était encore endormie. L'appelante a également été constante dans sa description du processus de dévoilement qui s'est déroulé en trois temps. Elle s'était tout d'abord confiée à une amie juste après les faits, avant de complètement refouler ses souvenirs jusqu'à sa rencontre inopinée avec l'intimé en 2020, où des angoisses étaient alors apparues sans qu'elle en comprît leur origine, avec finalement une résurgence des souvenirs à l'été 2021, après avoir reçu les confidences d'une autre amie quant aux actes sexuels non désirés qu'elle avait elle-même subis. À cet égard, le processus tel que décrit ne présente aucune particularité suspecte, de sorte que les critiques formulées par la défense doivent être écartées (arrêt du Tribunal fédéral 6B_257/2020 du 24 juin 2021, consid. 5.4.1). En outre, il est documenté médicalement à teneur du dossier. Enfin, son discours contient aussi plusieurs détails périphériques constants (interrupteur, verrous, stores).

L'intimé a, pour sa part, toujours contesté les faits qui lui étaient reprochés, arguant avoir été invité par l'appelante à boire un dernier verre chez elle. Cette dernière avait mis de la musique, de sorte qu'ils s'étaient mis à danser ensemble et à s'embrasser. Après qu'elle lui eut dit en souriant qu'ils ne devraient pas faire cela, ils avaient poursuivi leur danse, puis il s'en était allé, avant de revenir demander le gîte pour la nuit. Une fois alités, ils s'étaient échangés des baisers et des caresses, avant de pratiquer une relation sexuelle orale réciproque en position du "69". Cela étant, si l'intimé a fini par donner, en cours de procédure, plus de détails quant au déroulement de la fin de chaque épisode, soit en particulier les impulsions l'ayant conduit à quitter les lieux, il n'a jamais expliqué les raisons pour lesquelles ils n'étaient pas allés jusqu'à l'acte sexuel, indiquant simplement qu'ils avaient "fini par dormir ensemble".

2.4.2.2. Dans la même mesure, leurs discours comportent quelques inconsistances et contradictions.

2.4.2.2.1. L'intimé a tout d'abord nié avoir l'habitude de raccompagner ses amis jusqu'à leur domicile et l'avoir fait ce soir-là uniquement parce que son véhicule était parqué non loin de l'appartement de l'appelante (MP), avant de finalement l'admettre, insistant sur le fait qu'il se souciait du sort de l'appelante (CPAR). Il a également varié quant au moment précis où l'appelante lui aurait proposé de lui offrir un verre, soit une fois la porte déverrouillée (police et MP), soit lorsqu'il était parti à la recherche des clés (TCO et CPAR). Cette évolution semble s'expliquer par le fait qu'il a été confronté au message retrouvé dans son téléphone, où il indique à l'appelante "je ne te laisse pas et tu me dois un verre de thé chaud". Pour justifier cette variation, l'intimé se retranche derrière le fait qu'ils avaient longuement attendu l'arrivée du serrurier, si bien qu'il avait oublié cette proposition (TCO). Les motifs invoqués évoluent également, puisqu'à la police il s'agit d'une forme de remerciement pour avoir attendu la venue du serrurier, tandis qu'en appel il s'agit clairement d'un dédommagement pour la quête des clés. Dans ses seules déclarations à la police, l'intimé se contredit en affirmant de manière catégorique qu'ils ne s'étaient embrassés qu'à une seule reprise, soit lorsqu'ils dansaient ensemble (premier épisode), avant de faire état de baisers et de caresses réciproques précédant le rapport oral (second épisode).

L'intimé a en outre fini par déclarer devant le TCO pouvoir imaginer avoir soulevé l'appelante par les cuisses, se reconnaissant dans ce geste, tout en se retranchant derrière l'écoulement du temps pour justifier ses souvenirs flous. La distinction qu'il opère entre ce geste et celui de plaquer les femmes contre une paroi – qui ne serait, selon lui, pas dans son caractère – interroge, dans la mesure où tous deux semblent ressortir du même registre décrit par l'appelant comme "torride".

Outre le fait que les explications de l'intimé ont évolué quant au motif avancé pour solliciter le gîte, arguant tour à tour avoir soudain réalisé ne pas être en état de conduire au moment de se retrouver dehors et vouloir fuir sa compagne de l'époque pour s'en tenir à la première hypothèse, il n'en demeure pas moins qu'il a fini par reprendre le volant peu de temps après, en totale contradiction avec ce qui précède. De plus, sachant que l'appelante se levait tôt pour aller travailler, il est d'autant moins compréhensible qu'il ait préféré demander à l'appelante de l'héberger, plutôt que d'opter pour un taxi comme à son habitude.

Au surplus, son discours contient encore quelques imprécisions qui ne portent pas plus à conséquence et peuvent s'expliquer par l'écoulement du temps, notamment en ce qui concerne la question de savoir qui avait programmé le réveil.

2.4.2.2.2. Le discours de l'appelante n'est pas non plus exempt de variations et d'évolutions. En effet, elle a indiqué que l'intimé lui avait caressé la poitrine tantôt par-dessus les vêtements (police), tantôt à travers ceux-ci (MP). Au MP, elle a ajouté avoir repoussé physiquement la tête de son agresseur lors du cunnilingus, alors qu'elle n'avait fait état jusqu'alors que d'opposition verbale. Enfin, la plaignante a également rejoint l'intimé quant au fait que de la musique avait été mise (TCO).

Elle a également été peu claire dans la chronologie présentée durant toute la procédure : elle a d'abord indiqué que l'intimé avait quitté les lieux peu avant l'alarme de son réveil (plainte pénale) avant d'affirmer qu'il était parti après celle-ci (MP). Devant le TCO, elle a déclaré être persuadée que les messages de l'intimé concernaient deux oublis distincts, dont un prétexté pour revenir chez elle, avant de déclarer dans le cadre de sa plaidoirie en appel qu'elle s'était fourvoyée.

La contradiction soulevée par la défense sur l'absence de prépuce doit être considérée tout au plus comme un abus de langage dans la mesure où la plaignante a allégué de manière constante n'avoir été pénétrée, la première fois, qu'avec une partie seulement du pénis. Cela étant précisé, il s'agit d'un indice qui renforce sa crédibilité et met à mal la version de l'appelant. En effet, si elle avait prodigué une fellation, telle qu'alléguée par l'intimé, elle aurait alors constaté qu'il était circoncis.

Enfin, la Cour ne voit pas de variation dans les déclarations de l'appelante s'agissant de savoir à quel moment elle a été réveillée par les gestes de l'intimé, dès lors qu'elle explique clairement avoir été tirée de son sommeil par les caresses sur son sexe, mais n'avoir été réveillée qu'au moment de réaliser qu'elle se faisait pénétrer.

2.4.2.3. Au vu de ces constatations, la CPAR considère que les deux versions, diamétralement opposées, comportent toutes deux des composantes vraisemblables, mais également contradictoires ou évolutives, si bien qu'il convient de s'appuyer sur les autres éléments au dossier.

2.4.3. Les témoignages recueillis dans le cadre de la procédure permettent d'apporter les éclairages suivants.

F______ et I______ confirment toutes deux que la plaignante leur a confié avoir été agressée sexuellement par l'intimé ; leurs déclarations se recoupent sur de nombreux éléments ressortant de la version de l'appelante, même si la chronologie des événements diffère parfois sensiblement. En effet, toutes deux font état de baisers forcés, d'oppositions tant verbales que physiques, d'un aller-retour de l'intimé dans l'appartement en forçant son passage, ainsi que d'une pénétration durant le sommeil de l'appelante. I______ a été la première à recevoir ses révélations, étant précisé qu'elle-même n'a été entendue que deux ans plus tard : elle a décrit son amie comme étant sous le choc et ne semblant pas réaliser le caractère pénal de la situation ; selon elle, il n'y avait pas eu de mention d'un cunnilingus, ni d'une quelconque contrainte physique autre que le placage contre le mur. Cette différence importante pourrait cependant s'expliquer tant par l'écoulement du temps que par l'état de choc de l'appelante. F______ a, quant à elle, été informée des faits après la résurgence alléguée des souvenirs chez l'appelante. Toutes deux ont affirmé la croire et attesté de son caractère intègre. En outre, F______, si elle a assuré n'avoir jamais connu de relation sexuelle non consentie avec l'intimé, a tout de même relevé que ce dernier pouvait se montrer insistant et irrespectueux puisqu'il avait tenté de lui arracher ses faveurs à deux reprises ; il n'avait aussi aucun scrupule à tromper ses partenaires. Ses deux témoignages appuient donc favorablement la version de l'appelante.

Les témoins de moralité entendus pour le compte de l'intimé s'accordent tous à le décrire comme étant respectueux et incapable de commettre les faits reprochés. Deux de ses anciennes partenaires ont déclaré avoir d'abord tissé des liens d'amitié avant de partager des relations intimes avec lui pour revenir à une relation purement amicale. Leurs seules déclarations ne suffisent cependant pas à lever tout soupçon de comportement inapproprié de sa part.

Enfin, U______ a attesté du traumatisme affectant la plaignante et de son changement de personnalité depuis l'agression. Il a constaté par ailleurs qu'elle avait développé une phobie des hommes au physique identique à celui de l'intimé et que son mal-être s'aggravait au moindre rappel des faits.

2.4.4. Les autres éléments périphériques du dossier permettent en outre d'apprécier leurs versions de la manière suivante.

La question de savoir si l'appelante a proposé un verre à l'intimé ou si ce dernier s'est invité chez elle peut demeurer ouverte dans la mesure où les messages envoyés entre 03h39 et 03h40 démontrent que l'appelante ne souhaitait pas sa compagnie dans l'attente du serrurier. Au contraire, même après l'évocation du "verre de thé chaud" dû, elle essaie de le convaincre de rentrer chez lui mais celui-ci insiste pour la rejoindre, de sorte qu'elle finit par céder. Cet échange est plutôt compatible avec sa volonté d'aller se coucher le plus tôt possible et crédibilise d'autant sa version. Par opposition, l'intimé n'est pas convaincant lorsqu'il indique à la police avoir pensé prendre congé de l'appelante sitôt la porte déverrouillée, si l'appelante ne lui avait pas proposé de prendre un dernier verre. Il sera en outre rappelé qu'il a, par la suite, passablement varié dans ses explications (cf. consid. 2.4.2.2.1., premier paragraphe), ce qui ajoute à son discrédit.

La chronologie des faits présentée par l'intimé n'est désormais plus contestée, l'appelante ayant admis dans le cadre de sa plaidoirie s'être trompée dans l'analyse des messages et de l'indication UTC+1. Le TCO a par ailleurs exclu, à juste titre, tout décalage technique d'une heure, dans la mesure où la temporalité des messages envoyés depuis le téléphone de l'intimé correspondait à celle de ceux échangés avec I______. Il est donc établi que le message envoyé à 06h41 l'a été après le départ définitif de l'intimé. Dans celui-ci, l'intimé explique avoir "vraiment oublié" quelque chose et, n'obtenant aucune réponse, relance l'appelante une heure et demie plus tard en détaillant l'objet de l'oubli et soulignant qu'il n'avait "VRAIMENT pas fait exprès". Cette formulation et cette façon d'insister pour être cru tend à crédibiliser le fait qu'il aurait utilisé une excuse auparavant pour revenir chez elle et/ou qu'elle aurait des raisons de ne pas le laisser la rejoindre, étant précisé que la situation ne souffrait d'aucune urgence puisqu'il était question de récupérer un collier. L'intimé a par ailleurs expliqué devant le TCO, même s'il a nié que ce fût le cas, que son intention en rédigeant ces messages de la sorte était bel et bien de la convaincre qu'il ne s'agissait pas d'un prétexte. Ses dénégations toutes générales n'emportent ainsi pas conviction.

Le fait qu'il se rappelât de son digicode à un chiffre près le lendemain expliquerait également comment il a pu entrer à nouveau dans l'immeuble ; à cet égard, il faut souligner que si la version de l'appelante détaille l'arrivée de l'intimé et ses tambourinements contre la porte précédant le second acte, la version de ce dernier reste quant à elle très vague, puisqu'il indique simplement être retourné chez elle. On peut certes s'interroger sur le fait que l'appelante accepte de livrer le bon code à son potentiel agresseur ; cependant, cela peut s'expliquer par le fait qu'elle était alors en état de choc, de sorte qu'elle n'avait pas les idées lucides. En tout état, l'argument de la défense qui voudrait qu'elle aurait pu se borner à lancer le collier de l'intimé par la fenêtre ne saurait être suivi dès lors qu'il s'agissait d'un objet de grande valeur aux yeux d'une personne qu'elle considérait alors comme son ami, étant encore rappelé qu'elle était choquée. Cette difficulté à prendre des décisions rationnelles s'applique également aux autres reproches formulés par la défense quant au comportement qu'elle aurait dû adopter pour être crédible en tant que victime et qui n'ont pas lieu d'être (ne pas rouvrir la porte à son agresseur, fuir son domicile ou se réfugier dans la chambre de l'une de ses colocataires absentes), tant il est vrai que la réaction d'une victime à l'autre diffère grandement, en fonction de sa constitution interne et de son mode de réaction à un événement traumatique.

À cet égard, le témoignage du Dr O______ renforce la crédibilité de l'appelante dès lors qu'il établit clairement un lien de causalité entre les symptômes traumatiques observés et les faits rapportés. De plus, outre un état de stress post-traumatique, il a aussi relevé chez sa patiente un état de sidération et une amnésie dissociative, typiques chez les victimes, notamment de tels actes. Ses développements aux débats d'appel ont apporté un éclairage significatif de la situation et des étapes du dévoilement. Elles expliquent, notamment, les raisons pour lesquelles l'appelante a pu se défendre à certains moments seulement et pourquoi elle n'a pas connu de résurgence des souvenirs la première fois qu'elle a revu l'intimé. En ce qui concerne l'état de sidération, il a indiqué ne pas le situer au moment des pénétrations mais lorsque sa patiente avait décrit s'être figée, soit lorsque l'intimé l'embrassait et essayait de la toucher. Or, à teneur des déclarations de l'appelante, celle-ci a exposé que l'intimé avait réussi à briser toute sa résistance au terme du premier épisode, si bien qu'elle avait cédé à la demande insistante de ce dernier pour dormir sur place ; en revanche, elle a indiqué s'être opposée avec véhémence jusqu'alors. Cela étant, compte tenu du fait que les propos de l'appelante et du témoin sont relativement vagues, d'une part, et que l'état de sidération peut fluctuer, d'autre part, il n'est pas exclu que leurs versions ne se recoupent pas à quelque endroit. Enfin, la théorie exposée concernant l'acceptation et la verbalisation de leur vécu par les victimes explique également la raison pour laquelle les reproches contenus dans le message que l'appelante a adressé à l'intimé le 9 janvier 2019 ne sont pas formulés plus explicitement.

En ce qui concerne justement ce message, envoyé quatre jours après les faits, il sied de souligner que bien qu'il demeure pudique, il évoque toutefois sans équivoque un reproche d'actes sexuels, de nature diverse, non consentis. L'appelante écrit en effet qu'il "n'était pas question de coucher ensemble", "tu as été insistant quand tu étais chez moi. J'ai dit non et tu as continué", "et mec, dormir c'est dormir. Je ne comprends pas de quel droit tu as osé continuer à me toucher, alors que je dormais ? Pourquoi tu m'as réveillée alors que j'avais dit non? Concrètement, j'aurais dû faire quoi pour que tu comprennes?". La vidéo jointe sur le "tea consent" achève de lever tout doute à cet égard. La réponse de l'intimé est surprenante en ce qu'il ne conteste nullement son contenu pourtant suffisamment explicite ; elle l'est d'autant plus que dans leurs précédents échanges, il avait été paniqué à l'idée de ne plus se souvenir avoir embrassé la plaignante lorsque celle-ci le lui avait fait croire, pour le taquiner manifestement. L'argument selon lequel il se serait borné à répondre de manière laconique pour respecter la volonté de l'appelante de ne pas "ouvrir de débats" n'est pas convaincant, au vu de la gravité des reproches formulés. La tournure des phrases démontre également tout le soin pris pour éluder la question dès lors qu'il se retranche sobrement derrière un "comportement blessant", pour lequel il lui adresse des excuses. Il n'a ultérieurement plus jamais tenté de la recontacter et n'a jamais cherché à comprendre ce qui avait pu faire qu'elle ait vécu la soirée de manière aussi diamétralement opposée, alors même qu'ils entretenaient jusqu'à cette soirée une relation amicale forte. Son absence de réaction est peu compatible avec une personne qui sait n'avoir rien à se reprocher et évoque de bonne foi des actes librement consentis, à plus forte raison lorsque cette personne n'ignore rien des procédures de mœurs de par sa profession.

Les messages des 5 et 6 janvier 2019, même s'ils ne font aucune allusion aux faits, démontrent que l'intimé s'enquérait alors régulièrement de l'état de l'appelante. Si la phrase "peu importe ce qu'il s'est passé hier soir, ça ne changera rien à comment je te vois (…) Je ne veux pas que cette soirée nous éloigne" peut être interprétée comme le besoin d'être rassuré quant au statut de leur amitié, elle est également compatible avec des remords en raison de la survenance d'un incident. À cet égard, il ressort de la procédure, notamment des déclarations de F______, Q______ et R______ que l'intimé n'éprouve aucune réticence ou embarras à entretenir des relations sexuelles avec des amies, ni à tromper ses compagnes avec ces dernières. E______ a au demeurant témoigné qu'avec l'intimé, ils auraient tous deux souhaité plus qu'une relation d'amitié avec l'appelante, ce qu'ils avaient du reste évoqué entre eux. Sans être décisifs, il s'agit d'indices supplémentaires en faveur de l'appelante, en ce qu'ils mettent à mal les arguments de l'intimé. Il est vrai que les réponses de cette dernière tempèrent quelque peu la gravité de la situation ; cependant, l'on ne saurait leur accorder trop d'importance dans la mesure où il est possible qu'elle faisait, comme allégué, des efforts pour refouler son traumatisme, hypothèse qui ne peut être écartée au vu des déclarations du Dr O______. Enfin, l'appelante n'a porté plainte et ne s'est confié à sa meilleure amie que bien après les faits, soit à un moment où F______ ne côtoyait même plus l'intimé, de sorte que la théorie de la culpabilité et de l'amitié sacrée évoquée par la défense ne saurait être l'explication de l'ouverture de cette procédure et du message "je refuse que F______ l'apprenne".

De manière générale, la plaignante apparait sincère : elle n'en a pas rajouté, ni n'a accablé l'intimé outrancièrement. En outre, elle n'avait aucun intérêt secondaire à déclencher une telle procédure, ce d'autant moins qu'elle fréquentait les juridictions de par son statut d'avocate. En ce qui concerne l'intimé, sa qualité de policier respecté, son implication totale dans son métier et sa droiture professionnelle, louées par divers témoins, ne suffisent pas à le disculper et à ôter tout soupçon. Le désarroi qu'il a manifesté durant toute l'instruction est tout autant conciliable avec des regrets pour avoir fauté et l'inquiétude pour son propre sort, qu'avec l'incompréhension face à des accusations infondées, de sorte qu'il n'est possible d'en tirer aucune conclusion probante.

À la bonne crédibilité de l'appelante et outre l'échange de messages du 9 janvier 2019 s'ajoutent, notamment, les conclusions médicales, particulièrement accablantes. Les réflexes traumatiques développés, soit les angoisses surgissant du fait de sentir une présence derrière son dos ou de croiser des personne d'apparence et de morphologie similaires à l'intimé, concourent également à retenir l'existence de pénétrations non consenties intervenues toutes deux par surprise, la première lorsque l'appelante était endormie, la seconde lorsqu'elle se trouvait à nouveau le dos tourné à son agresseur, de sorte qu'elle ne pouvait anticiper l'abus.

Au vu de ce qui précède, la version soutenue par l'appelante emporte la conviction de la Cour.

2.4.5. Cela étant précisé, en ce qui concerne l'infraction de contrainte sexuelle, si l'intimé n'a pas fait usage de violence sur la victime pour la contraindre à subir des actes d'ordre sexuel, il appert néanmoins qu'il a employé sa force physique, en la plaquant notamment contre une porte pour lui caresser la poitrine et en la maintenant fermement par les hanches pendant le cunnilingus, étant précisé que le seuil d'intensité requis par la jurisprudence n'est pas très élevé et dépend surtout des circonstances. Or, manifestement, l'intimé avait suffisamment de force pour la soulever et la poser sur un meuble, ce qu'il admet à demi-mot. L'appelante n'a eu de cesse de rappeler la disproportion existant entre eux, accentuée par le fait que l'intimé est un inspecteur de police entrainé. En outre, leurs liens d'amitié très forts ont pu rendre la défense de celle-ci plus difficile. À cela s'ajoute l'état de sidération retenu par le Dr O______ : en effet, quand bien même les explications du témoin n'ont pas permis de mettre en évidence les moments précis où il était apparu, il en ressort que cet état, qui est fluctuant par nature, a été situé de manière générale dans cet épisode et n'est pas incompatible avec les réactions défensives de la victime.

Le fait que l'appelante a ajouté, lors de son audition au MP, avoir tenté de repousser la tête de son agresseur lors du rapport sexuel oral imposé ne suffit pas à ôter toute crédibilité à ses déclarations. Il peut s'agir d'un détail réapparu entre temps, étant précisé que son amnésie dissociative est toujours présente, ou s'expliquer par le fait qu'il ne lui a pas été demandé à la police d'expliciter le processus de défense évoqué dans sa plainte pénale. Elle a été au surplus constante pour le reste, décrivant de manière identique le déroulement de l'assaut, le passage d'une pièce à l'autre, le déshabillement et les douleurs ressenties lors des pénétrations digitales, notamment. L'amnésie dissociative peut également expliquer les raisons pour lesquelles elle n'a relaté ni à I______, ni à F______, avoir subi un cunnilingus imposé, mais seulement à son thérapeute. En tout état, le fait que les témoins précités n'en ont pas eu connaissance ne suffit pas à instiller un doute suffisamment important pour renverser le faisceau d'indices convergents.

L'élément subjectif est à l'évidence réalisé, dès lors que l'appelante a signifié de manière claire et répétée son refus, ce que l'intimé ne pouvait ignorer, à plus forte raison compte tenu du contexte et de sa volonté de dormir.

Au vu de ce qui précède, l'intimé sera condamné pour contrainte sexuelle.

2.4.6. En ce qui concerne l'infraction d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de résistance, il existe bel et bien un faisceau d'indices convergents en faveur de la culpabilité de l'intimé qu'aucun doute suffisamment sérieux ne permet d'écarter.

L'intimé a agi avec conscience et volonté dans la mesure où il savait que sa victime dormait et, qu'en tout état, elle souhaitait dormir avant de se rendre au travail et ne voulait pas entretenir de rapport sexuel avec lui, vœux qu'elle a formulés à réitérées reprises.

Au vu de ce qui précède, l'intimé sera aussi condamné de ce chef et le jugement réformé dans ce sens.

3. 3.1. Les infractions de contrainte sexuelle (art. 189 CP) et d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP) sont passibles d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1).

3.3.1. Selon l'art. 43 al. 1 CP, le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins ou die trois ans au plus afin de tenir compte de manière appropriée de la faute de l'auteur. La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2). La partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins (al. 3).

3.3.2. Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis – ou du sursis partiel –, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; 134 IV 1 consid. 4.2.2).

La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner le prévenu de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère du prévenu et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1). Le sursis est la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; 134 IV 140 consid. 4.2. ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1339/2016 du 23 mars 2017 consid. 1.1.1).

3.4. D'après l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il y a plusieurs peines identiques lorsque le tribunal prononce dans le cas d'espèce, pour chaque norme violée, des peines du même genre (méthode concrète) ; le fait que les dispositions pénales applicables prévoient, de manière abstraite, des peines d'un même genre ne suffit pas (ATF 138 IV 120 consid. 5.2).

3.5. Aux termes de l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée.

Les mesures de substitution doivent être imputées sur la peine à l'instar de la détention avant jugement. Afin de déterminer la durée à imputer, le juge prendra en considération l'ampleur de la limitation de la liberté personnelle découlant pour l'intéressé des mesures de substitution, en comparaison avec la privation de liberté subie lors d'une détention avant jugement. Le juge dispose à cet égard d'un pouvoir d'appréciation important (ATF 140 IV 74 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_906/2019 du 7 mai 2020 consid. 1.1).

3.6. En l'espèce, la faute de l'intimé est très importante. Il n'a pas respecté la libre détermination de l'appelante en matière sexuelle – bien juridique essentiel –, lui imposant des actes d'ordre sexuel (baisers, attouchements, cunnilingus, pénétrations digitales) en brisant sa résistance par sa force physique et lui faisant subir, par deux fois, un acte sexuel alors qu'elle était incapable de résister. Les actes subis ont été perpétrés par un ami en qui l'appelante avait toute confiance et avec lequel elle se sentait protégée. Il a aussi profité de sa fatigue et abusé de sa confiance pour assouvir ses pulsions sexuelles, alors même qu'elle avait signifié sa volonté de dormir. Il a arrêté ses agissements uniquement car l'appelante a prétexté, la première fois, ne pas disposer de préservatif et, la seconde fois, s'est soudainement réveillée et a manifesté son désaccord en se dégageant, à deux reprises.

Son mobile est éminemment égoïste, en ce qu'il a profité de la vulnérabilité de sa victime pour assouvir ses pulsions sexuelles.

Sa collaboration a été mauvaise. Il a en effet minimisé les faits et allégué que les actes d'ordre sexuel commis étaient consentis, allant jusqu'à nier toute pénétration, inventer un tout autre scénario et se retrancher derrière sa théorie du "grand malentendu". S'il indique reconnaître les souffrances de l'appelante, il persiste cependant à nier sa responsabilité, arguant que l'appelante aurait mal vécu sa propre culpabilité. Sa prise de conscience n'est ainsi pas même entamée.

Sa responsabilité pénale est pleine et entière. Sa situation personnelle est sans lien avec les faits et ses antécédents, non spécifiques, ne sont pas pertinents.

L'infraction abstraitement la plus grave est celle de l'art. 191 CP, commise à deux reprises, laquelle justifie, à elle seule, une peine privative de liberté de base de 18 mois, auxquels s'ajoutent 12 mois supplémentaires pour réprimer la contrainte sexuelle commise à réitérées reprises (peine hypothétique de 18 mois), soit un total de 30 mois.

Cette peine sera assortie du sursis partiel durant trois ans, le pronostic n'apparaissant pas défavorable, et la partie ferme fixée à six mois, vu l'absence de récidive dans l'intervalle. La question de la révocation du sursis antérieur ne se pose pas, au vu de l'ancienneté de la condamnation. Le jour de détention subi avant jugement sera en outre déduit de cette peine. En revanche, il n'y a pas lieu d'imputer une partie des mesures de substitution, dans la mesure où elles n'ont eu qu'un faible impact sur sa liberté, étant précisé qu'elles consistaient en une interdiction de contact, avec des personnes qui, pour la plupart, ne le côtoyaient déjà plus de surcroît.

Les appels seront par conséquent admis et le jugement réformé en ce sens.

4. 4.1.1. Dans le cadre de l'appel, les frais de la procédure sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé (art. 428 al. 1 CPP). Pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1261/2017 du 25 avril 2018 consid. 2 et 6B_363/2017 du 1er septembre 2017 consid. 4.1).

4.1.2. Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné. La répartition des frais de procédure repose sur le principe, selon lequel celui qui a causé les frais doit les supporter. Ainsi, le prévenu doit supporter les frais en cas de condamnation, car il a occasionné, par son comportement, l'ouverture et la mise en oeuvre de l'enquête pénale (ATF 138 IV 248 consid. 4.4.1 p. 254 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_108/2018 du 12 juin 2018 consid. 3.1). Un lien de causalité adéquate est nécessaire entre le comportement menant à la condamnation pénale et les coûts relatifs à l'enquête permettant de l'établir (arrêts du Tribunal fédéral 6B_136/2016 du 23 janvier 2017 consid. 4.1.1 ; 6B_53/2013 du 8 juillet 2013 consid. 4.1, non publié in ATF 139 IV 243 ; 6B_428/2012 du 19 novembre 2012 consid. 3.1).

Si sa condamnation n'est que partielle, les frais ne doivent être mis à sa charge que de manière proportionnelle, en considération des frais liés à l'instruction des infractions pour lesquelles un verdict de culpabilité a été prononcé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_753/2013 du 17 février 2014 consid. 3.1). Il s'agit de réduire les frais, sous peine de porter atteinte à la présomption d'innocence, si le point sur lequel le prévenu a été acquitté a donné lieu à des frais supplémentaires et si le prévenu n'a pas, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (cf. art. 426 al. 2 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1085/2013 du 22 octobre 2014 consid. 6.1.1). Il convient de répartir les frais en fonction des différents états de fait retenus, non selon les infractions visées. Comme il est difficile de déterminer avec exactitude les frais qui relèvent de chaque fait imputable ou non au condamné, une certaine marge d'appréciation doit être laissée au juge (arrêts du Tribunal fédéral 6B_136/2016 du 23 janvier 2017 consid. 4.1.1 ; 6B_1085/2013 du 22 octobre 2014 consid. 6.1.1).

4.2. L'intimé, qui succombe, sera condamné à l'intégralité des frais de la procédure préliminaire et de première instance, ainsi qu'à ceux de la procédure d'appel, lesquels comprendront un émolument de jugement en CHF 3'000.-.

5. 5.1.1. En vertu de l'art. 126 al. 1 let. a CPP, le tribunal statue sur les prétentions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu.

En qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale (art. 122 al. 1 CPP), en particulier en réparation de son tort moral (art. 47 du Code des obligations [CO]) ou en réparation de son dommage matériel (art. 41 CO).

5.1.2. Aux termes de l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Les circonstances particulières évoquées dans la norme consistent dans l'importance de l'atteinte à la personnalité du lésé, l'art. 47 CO étant un cas d'application de l'art. 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé. Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l'application de l'art. 47 CO, figurent avant tout le genre et la gravité de la lésion, l'intensité et la durée des répercussions sur la personnalité de la personne concernée, le degré de la faute de l'auteur ainsi que l'éventuelle faute concomitante du lésé (ATF 141 III 97 consid. 11.2). À titre d'exemple, une longue période de souffrance et d'incapacité de travail, de même que les préjudices psychiques importants sont des éléments déterminants (arrêt 4A_373/2007 du 8 janvier 2008 consid. 3.2, non publié in ATF 134 III 97 ; 132 II 117 consid. 2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1066/2014 du 27 février 2014 consid. 6.1.2).

En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 130 III 699 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1066/2014 du 27 février 2014 consid. 6.1.2).

5.1.3. Le guide relatif à la fixation du montant de la réparation morale selon la loi sur l'aide aux victimes établi le 3 octobre 2019 par l'Office fédéral de la justice (OFJ) propose les fourchettes suivantes :

-        jusqu'à CHF 8'000.- pour les atteintes graves (tentative de viol, [tentative de] contrainte sexuelle, harcèlement sexuel à la fréquence ou à l’intensité particulières, acte sexuel avec un enfant) ;

-        entre CHF 8'000.- à CHF 20'000.- pour les atteintes très graves (viol, contrainte sexuelle grave, actes d'ordre sexuel graves commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, acte sexuel grave ou répété avec un enfant) ;

-        entre CHF 20'000.- et CHF 70'000.- pour les atteintes à la gravité exceptionnelle (agressions répétées et particulièrement cruelles, actes sexuels à la fréquence ou à l’intensité particulières avec un enfant sur une longue période).

5.1.4. Les montants accordés en cas de viol ou de contrainte sexuelle par les autorités judiciaires, sur la base des art. 41ss CO, se situent généralement entre CHF 10'000.- et CHF 30'000.- (arrêts du Tribunal fédéral 6B_898/2018 du 2 novembre 2018 ; 6B_129/2014 du 19 mai 2014 ; AARP/116/2017 du 3 avril 2017 ; AARP/266/2016 du 28 juin 2016 ; AARP/92/2012 du 26 mars 2012). D'une manière générale, la jurisprudence récente tend à allouer des montants de plus en plus importants au titre du tort moral (ATF 125 III 269 consid. 2a).

Toute comparaison avec d'autres affaires doit intervenir avec prudence, dès lors que le tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Une comparaison avec d'autres cas similaires peut cependant, suivant les circonstances, constituer un élément d'orientation utile (ATF 130 III 699 consid. 5.1 ; 125 III 269 consid. 2a).

À titre d'exemple, une indemnité de CHF 18'000.- a été accordée à une femme ayant subi un viol, soit une pénétration pénienne dans son vagin jusqu'à l'éjaculation, sans protection, alors qu'elle demandait à l'homme avec lequel elle avait tissé des liens amicaux d'arrêter, qu'elle criait et se débattait en tentant de le repousser (AARP/111/2018 du 8 mars 2018).

5.2.1. En l'espèce, l'intimé n’apparaît avoir remis en cause les conclusions civiles de la plaignante que dans la mesure où il sollicitait son acquittement des infractions reprochées à son encontre, n'ayant du reste émis aucune critique précise à ce sujet. Au vu des verdicts de culpabilité retenus en appel contre lui et des conséquences avérées de ses actes sur la santé de la plaignante, l’allocation à celle-ci d’une indemnité pour tort moral se justifie.

5.2.2. Les souffrances de l'appelante sont importantes et attestées médicalement (état de stress post-traumatique, sentiment d'insécurité constant et intense, désespoir, crises d'angoisse, troubles du sommeil, idées suicidaires, difficultés de s'alimenter, etc.). Leur impact est considérable sur sa vie tant personnelle que professionnelle : elle a ainsi dû être hospitalisée, rallonger considérablement sa formation, limiter son champ d'activité, voir les arrêts maladie se cumuler et se faire licencier, sans compter les séquelles qu'elle continue à déplorer du côté de son intimité, de son couple et de son désir de fonder une famille.

Au vu de ce qui précède, compte tenu de la gravité des actes subis, de l'importance du traumatisme, des conséquences sur sa santé psychique et des dommages sur sa vie quotidienne et future, une indemnité de CHF 20'000.- serait équitable en l'espèce. Cependant, la Cour étant liée par la maxime de disposition, s'agissant de conclusions civiles, l'intimé sera condamné à verser à l'appelante le montant réclamé de CHF 15'000.- avec intérêts à 5% l'an à compter du 4 janvier 2019.

5.2.3. La plaignante demande les sommes de CHF 800.-, avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2022, au titre de remboursement des frais médicaux en lien avec son hospitalisation en 2022, dont la part à sa charge s'est élevée à CHF 840.-, selon la documentation produite. En vertu de la maxime de disposition, il ne sera fait droit à sa demande qu'à hauteur du montant demandé au titre de réparation de son dommage matériel (art. 41 CO), qui est en relation de causalité avec les faits et justifié.

6. Vu l'issue de l'appel, l'intimé sera débouté de ses conclusions en indemnisation pour ses frais de défense, ainsi que pour son tort moral (art. 429 CPP a contrario).

7. 7.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit (cf. art. 138 al. 1 CPP) est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire de CHF 200.- pour un chef d'étude, débours de l'étude inclus (let. c). En cas d'assujettissement, l'équivalent de la TVA est versé en sus.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS / F. BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA), 2ème éd. Bâle 2022, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

7.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3).

7.3. Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3). La rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice ou au et du bâtiment du Ministère public est arrêtée à CHF 100.- pour les chefs d'étude, dite rémunération étant allouée d'office par la juridiction d'appel pour les débats devant elle.

7.4. En l'espèce, l'activité facturée apparait excessive compte tenu du fait que le dossier était maîtrisé par l'avocate, expérimentée, qui l'avait plaidé en première instance, étant précisé que la procédure n'a connu aucune évolution particulière dans l'intervalle. Ainsi, le temps consacré à la préparation de l'audience et de la plaidoirie sera réduit à 10h00, en tenant compte des 11h00 déjà dédiées à l'étude du dossier à cette fin. Seront également retranchées de l'état de frais 0h30 rattachées à la confection du bordereau de pièce, activité couverte par le forfait, et les 0h45 de rédaction des conclusions civiles, reprises pour l'essentiel de la première instance.

En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 7'786.85 correspondant à 31h50 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 6'366.70) plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 636.70), deux vacations en CHF 100.- chacune (CHF 200.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% en CHF 583.45.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit les appels formés par le Ministère public et A______ contre le jugement JTCO/82/2023 rendu le 30 juin 2023 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/22085/2021.

Les admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Classe la procédure s'agissant de l'infraction de la violation de domicile (art. 329 al. 5 CPP et 31 CP).

Déclare C______ coupable de contrainte sexuelle (art. 189 CP) et d'acte d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP).

Le condamne à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction d'un jour de détention avant jugement.

Dit que la peine est prononcée sans sursis à raison de six mois.

Met pour le surplus C______ au bénéfice du sursis partiel et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans.

L'avertit de ce que, s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine.

Condamne C______ à verser à A______ la somme de CHF 15'000.- avec intérêts à 5% dès le 4 janvier 2019, à titre de réparation de son tort moral (art. 47 et 49 CO).

Condamne C______ à verser à A______ la somme de CHF 800.- avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2022, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).

Déboute C______ de ses conclusions en indemnisation (art. 429 al. 1 let. a et c CPP a contrario).

Condamne C______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance arrêtés à CHF 4'689.-, y compris un émolument de jugement en CHF 1'500.-.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 3'475.-, lesquels comprennent un émolument d'arrêt en CHF 3'000.- et les met à la charge de C______.

Prend acte de ce que l'indemnité de procédure due à Me B______, conseil juridique gratuit de A______, a été fixée pour la première instance à CHF 15'826.50 (art. 138 CPP).

Arrête à CHF 7'786.85, TVA comprise, le montant des honoraires de Me B______, conseil juridique gratuit, de A______ pour la procédure d'appel (art. 138 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel et au Service de l'application des peines et mesures (SAPEM).

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

4'689.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

200.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

200.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

3'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

3'475.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

8'164.00