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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2167/2023

ATA/398/2024 du 19.03.2024 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2167/2023-AIDSO ATA/398/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 mars 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé

 



EN FAIT

A. a. B______, né le ______ 1972, de nationalité suisse, et A______, née le ______ 1989, de nationalité suisse, ont sollicité et obtenu de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) des prestations d’aide sociale financière dès octobre 2019. Entre le 1er juin 2020 et le 30 juin 2022, l'hospice leur a versé un montant de CHF 113'431.30.

Le 14 novembre 2020, le couple s'est marié. Ils sont parents de plusieurs enfants.

b. Les 16 et 17 septembre 2019, le couple a complété et signé le document intitulé « Demande de prestations d’aide sociale financière » dans lequel il était indiqué que A______ percevait des revenus de son activité de secrétaire exercée pour C______Sàrl, que B______ n'avait pas de revenus provenant d'une activité lucrative dépendante, que les intéressés ne percevaient pas de revenus d'une activité indépendante et n'étaient pas inscrits au registre du commerce (ci-après : RC), qu'ils n'avaient pas d'autres revenus, que le montant de leurs poursuites se montait à CHF 170'000.-, que leurs dettes hypothécaires s'élevaient à CHF 950'000.- et qu'ils étaient titulaires d'un seul compte D______ (n°1______).

c. Le 17 septembre 2019, B______ a indiqué, lors de l'entretien d'accueil, que son couple avait pour seul revenu le salaire de CHF 3'500.- perçu par sa compagne A______. « Autodidacte » dans le domaine informatique, il était propriétaire d'une entreprise de gestion de réseau informatique, désormais en faillite, et avait des dettes s'élevant à CHF 180'000.-. Il détenait en copropriété avec son ex-conjointe une maison, laquelle avait été saisie à la suite de la faillite de son entreprise. Ce bien avait été estimé dans ce cadre à la baisse, suscitant son opposition.

d. Le 3 octobre 2019, le couple a signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », confirmant avoir pris acte de la subsidiarité des prestations d’aide financière versées par l’hospice à toute autre ressource provenant du travail, de la famille, de la fortune et de prestations sociales, s'engager à tout mettre en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière, s'engager à donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger, s'engager à informer immédiatement et spontanément l’hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations d’aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu’à l’étranger, et s'engager à rembourser à l’hospice toute prestation exigible perçue indûment, prendre acte qu'en cas de violation de la loi et en particulier de ses engagements, l'hospice se réservait le droit de réduire ou de supprimer les prestations d'aide financière accordées et, le cas échéant, de déposer une plainte pénale à leur encontre.

e. Sur demande, le couple a fait parvenir à l'hospice les documents suivants :

-          les fiches de salaires de juin à septembre 2019 ainsi qu'un avenant au contrat de travail de A______ du 1er octobre 2019, signé le 25 septembre 2019 ;

-          un extrait d'un compte bancaire E______n°2______détenu par A______ et sur lequel C______Sàrl versait ses salaires ;

-          une lettre de l'Office cantonal des assurances sociales du 25 septembre 2019 attestant que le compte d'indépendant de B______ avait été clos au 31 décembre 2019 ;

-          un extrait d'un compte bancaire F______ n°3______ clos le 12 décembre 2018, dont B______ était titulaire ;

-          un jugement (JTPI/12000/2017) du 25 septembre 2017 relatif aux mesures protectrices de l'union conjugale de B______ et son ex-épouse G______, dans lequel était mentionné qu'ils étaient copropriétaires de deux biens immobiliers, à savoir le logement familial grevé d'une hypothèque de CHF 970'000.- sis H______, à concurrence de 40% pour le premier et de 60% pour la seconde, ainsi qu'un immeuble grevé d'une hypothèque de CHF 920'000.- sis I______, à concurrence de 50% pour chacun ;

-          un procès-verbal d'audience de conciliation du 1er novembre 2018 tenue dans le cadre de la procédure de divorce faisant état de ce que les ex-époux avaient réalisé l'immeuble sis I______, en mars 2018, chacun ayant perçu un montant de CHF 320'000.-. B______ avait consacré une partie de celui-ci à l'acquittement de ses dettes ;

-          un courrier de l'office cantonal des faillites du 13 août 2019 indiquant que la part de copropriété de 40% portant sur le bien-fonds sis H______, était mise en vente et que G______ avait fait une offre chiffrée de CHF 142'000.- pour une acquisition dans le cadre d'une vente de gré à gré.

f. Le 8 octobre 2019, une enquête d'ouverture de dossier a établi que B______ avait été inscrit au RC en tant qu'associé gérant de la société J______ Sàrl du 19 janvier 2001 au 10 mars 2017, associé gérant de K______ Sàrl en liquidation dès le 23 janvier 2013, associé gérant liquidateur de K______ depuis le 21 août 2018 et associé, puis associé liquidateur de L______, en liquidation, du 22 août 2016 au 10 décembre 2018.

A______ figurait au RC en tant qu'associée gérante de C______Sàrl du 11 mars 2018 au 21 juin 2019 avec des parts à hauteur de CHF 10'000.-, associée gérante de M_____Sàrl dès le 14 mars 2019 et associée gérante sans pouvoir de signature depuis le 25 juillet 2019 avec des parts à hauteur de CHF 10'000.-.

g. Le 11 octobre 2019, B______ a, selon l'hospice, indiqué lors d'un entretien que son activité indépendante dans le domaine informatique l'avait amené à devoir sécuriser des sites par la mise en place de caméras et d'alarmes. Il avait à cet égard créé K______ Sàrl. Toujours selon l'hospice, il avait toutefois précisé qu'il ne pouvait plus travailler dans le domaine de la sécurité, en raison des poursuites dont il faisait l'objet.

h. Le 31 octobre 2019, A______ a fait parvenir à l'hospice une copie d'une plainte du 16 juillet 2019 déposée contre son associé dans M_____Sàrl, dans laquelle elle demandait sa sortie de cette société ainsi que sa mise en faillite avec effet immédiat.

i. Le 1er novembre 2019, le couple a été mis au bénéfice de prestations d'aide financière avec effet dès le 1er octobre 2019, versées à titre d'avances, dans l'attente de la liquidation du régime matrimonial de B______ avec son ex-épouse et de la liquidation des parts de A______ dans M_____Sàrl.

j. Le 4 décembre 2019, l'hospice a requis du couple la fourniture de plusieurs documents indispensables en lien avec divers comptes bancaires, le paiement du loyer ainsi que des informations concernant, notamment, plusieurs sommes d'argent figurant sur les relevés de comptes bancaires déjà en sa possession en application du principe de subsidiarité des prestations d'aide financière.

k. Le 31 janvier 2020, B______ a remis, lors de l'entretien périodique, une copie de son curriculum vitae à son assistant social, dans lequel il était indiqué qu'il avait été directeur de C______Sàrl de janvier 2018 à avril 2019. Selon l'hospice, il avait par ailleurs déclaré notamment que la liquidation des parts sociales de sa compagne dans M_____Sàrl était toujours en cours et que la villa sise H______, appartenait désormais en pleine propriété à son ex-épouse.

l. Le 2 avril 2020, A______ a fait parvenir à l'Hospice une copie de la lettre du 16 mars 2020 signée par N_____, par laquelle C______Sàrl mettait fin à ses rapports de travail pour le 29 avril 2020.

Étaient également transmis ses fiches de salaire ainsi que les relevés de son compte E______n° 1______, sur lesquels figuraient les versements de ses salaires.

m. Le 24 mai 2020, B______ a transmis à l'hospice un jugement du 9 avril 2020, rendu dans la procédure de divorce, duquel il ressort qu'il avait été déclaré en faillite personnelle par jugement du 12 novembre 2018 et les sociétés qu'il animait mises en liquidation, qu'il y avait indiqué se consacrer depuis lors à plusieurs activités et projets lucratifs dans le domaine du sport, de la restauration ou de la sécurité, pour des revenus non précisés et qu'aucune pièce n'établissait, de l'ordre de CHF 4'000.- à CHF 5'000.- par mois. Il avait perçu, en mars 2018, CHF 320'000.- de la vente d'un immeuble dont il était copropriétaire avec son ex‑épouse et semblait avoir pu préserver tout ou partie de ladite somme de la mainmise de ses créanciers ; sa part de copropriété de 40% de la maison familiale avait en revanche été saisie dans le cadre du prononcé de sa faillite.

Par courriel du 25 mai 2020, il a indiqué, en réponse aux interrogations de son assistant social, que les revenus mentionnés dans le jugement précité étaient erronés et devaient être considérés comme un salaire hypothétique. Au sujet de ses revenus et de la vente immobilière, il a ajouté avoir déjà transmis à l'hospice ses relevés bancaires et que rien n'avait changé.

Le même jour et selon l'hospice, B______ a affirmé, lors d'un entretien téléphonique, une fois de plus que le jugement précité était erroné, mais qu'il avait décidé de ne pas le remettre en cause afin de ne pas s'exposer à une décision judiciaire moins favorable. Le prix de la vente immobilière avait été utilisé par l'office des faillites, auquel il devait encore CHF 80'000.-.

n. Le 11 juin 2021, une procédure d’enquête a été ouverte par le « service des enquêtes et conformités » (ci-après : SEC) de l’hospice.

o. Le 31 août 2021, le couple a été entendu. Il a assuré percevoir uniquement les prestations de l'hospice et le montant de CHF 600.- au titre des allocations familiales. A______ percevait une pension alimentaire de CHF 1'040.- versée par son ex-époux.

B______ a déclaré avoir été salarié en 2014 chez J______ Sàrl, dont il était associé gérant jusqu'en mars 2017. Cette société, de même que d'autres dans lesquelles il avait été actif, avaient cessé leurs activités. Il avait vécu entre 2014 et 2017 sur les revenus de biens immobiliers dont il était copropriétaire avec son ex‑épouse. Celle-ci avait racheté ses parts de copropriété pour CHF 150'000.‑. Il continuait à travailler dans le domaine du matériel de sécurité, même s'il indiquait que la crise liée au Covid-19 ne lui permettait pas de développer ses activités. Il était par ailleurs membre du club de motards O_____ et exerçait la fonction de mercenaire pour le compte de dirigeants saoudiens. Il n'avait pas eu de mission depuis 2019 et la crise sanitaire affectait également les activités des armées privées. Il ne pouvait pas donner plus d'informations au SEC sur son activité de mercenaire.

A______ avait servi de prête-nom en tant qu'associée gérante pour les sociétés C______Sàrl du 11 mai 2018 au 21 juin 2019 et P_____ Sàrl dès le 2 juin 2020. Elle avait été uniquement rémunérée par la première, qui mettait à leur disposition des véhicules en prêt et fournissait un excellent appui pour le développement du futur « business » de B______.

p. Par courriers des 7 et 8 octobre 2021, les époux ont, en réponse à une demande d'informations, indiqué que P_____ Sàrl avait prêté à l'épouse, dès juin 2020, la somme de CHF 25'000.- sans intérêt par tranche mensuelle, remboursable sous 60 mois. Ils devaient rembourser un prêt à une tierce personne. Ils avaient « le couteau sous la gorge ». Cette société mettait à leur disposition un véhicule en échange des responsabilités légales de A______ et en vue d'intégrer dès que possible le couple dès le premier contrat couvrant leur salaire, ce qui était en cours d'aboutissement.

N_____, dirigeant de C______Sàrl, avait prévenu le couple avoir reçu de l'hospice un courrier le concernant. Il avait dû lui expliquer sa situation, ce qui était très gênant. Il craignait qu'il coupe son aide, car il ne pouvait « sortir du mauvais pas » sans le soutien de gens comme celui-ci. C______Sàrl lui avait payé un salaire jusqu'en janvier 2021.

Elle avait en outre payé des frais de prospection client à B______ – sur son compte Q_____ – pour des affaires qui pouvaient rapporter et lui permettre de « sortir » de l'hospice. Elle avait également effectué en sa faveur divers achats de matériel, frais de voyage et certaines facilités d'emprunt de véhicule pour se déplacer. Elle ne lui avait versé en aucun cas un salaire.

q. Selon un contrôle du 25 octobre 2021, A______ était connue au RC de Genève notamment en tant qu'associée gérante de C______Sàrl du 11 mai 2018 au 21 juin 2019, en tant qu'associée gérante de M_____Sàrl du 14 mars 2019 au 4 mai 2021. Elle figurait au RC du T______, en tant qu'associée gérante avec signature individuelle de P_____ Sàrl dès le 2 juin 2020.

r. D'après le rapport d'enquête du 27 octobre 2021, les époux étaient titulaires de plus d'une dizaine de comptes bancaires et postaux non déclarés à l'hospice, notamment :

-          le compte R_____ (ci-après : R_____) n° 4_____détenu par A______, lequel avait été ouvert le 8 mai 2020, avant d'être crédité de CHF 69'550.- en provenance de C______Sàrl et P_____ Sàrl entre le 18 mai 2020 et le 12 juillet 2021 ;

-          le compte D______ n° 5_____dont le titulaire était B______, avec adresse « c/o S_____SA ». Ouvert le 24 avril 2020, il avait reçu le 6 mai 2020 un montant de CHF 40'903.- provenant de U______SA au motif « 1376 / affaire V______SA », lequel avait été retiré intégralement en espèces le même jour par B______. Il avait été aussi crédité de CHF 10'150.- le 15 juin 2020 par S_____ SA, au motif « FACTURE ______ ». Ledit montant avait été intégralement retiré en espèces le même jour. Les montants de CHF 5'920.- et CHF 5'102.- avaient été virés sur le même compte par U______SA, le 3 juillet 2020, avant d'être quasi-intégralement retirés en espèces le même jour ;

-          le compte D______ n° 6______détenu par A______. Ouvert le 30 avril 2007, il avait accueilli plusieurs versements pendant la période d'aide financière, en particulier, un montant de CHF 10'416.- provenant de « W______ […] » le 1er décembre 2020 ;

-          un ou plusieurs comptes Q_____ LTD, dont la production des extraits avait été demandée.

s. Le 29 mars 2022, lors de l'entretien périodique, B______ s'est déterminé sur les résultats de l'enquête du SEC. Il exerçait son activité de mercenaire pour le groupe O_____ et effectuait des missions rémunérées en espèces. Par exemple, il avait « exfiltré deux personnes d'Ukraine, très récemment ». Grâce à cet argent – dont le montant n'était pas précisé –, il pouvait solder ses dettes et développer son projet d'activité lucrative indépendante dans le domaine de la sécurité.

Le crédit de CHF 10'416.- figurant sur le compte D______ n° 6______de son épouse correspondait à des remboursements de l'assurance-maladie. Les avoirs déposés sur ce compte avaient notamment servi à régler sa facture de chirurgie plastique.

Les montants crédités sur le compte D______ n° 5_____n'avaient fait que transiter sur ce compte et il n'en était pas le bénéficiaire.

L'acompte de CHF 5'976.15, constaté le 29 mai 2020 sur le compte R_____ n°4_____de son épouse, pour la location d'une villa en X______, correspondait au paiement de la location d'une villa pour une princesse dont il avait assuré la sécurité.

S'agissant enfin de son compte Q_____, il avait reçu de l'argent pour « fonctionner sur cette carte ». Il avait ainsi pu payer ou réduire ses dettes et poursuites.

t. Par courrier d'avertissement du 4 mai 2022, l'hospice a rappelé aux époux qu'ils ne lui avaient pas transmis mensuellement les relevés des comptes bancaires non déclarés dont la liste était précisée, ni communiqué si A______ était toujours enregistrée comme associée gérante de P_____ Sàrl depuis le 2 juin 2020. Il précisait qu'à défaut de production de ces documents dans le délai imparti au 15 juin 2022, ils seraient considérés comme indépendants, ce qui le contraindrait à mettre fin à son intervention financière, voire réclamer, le cas échéant, la restitution de la totalité des prestations versées.

u. Par courriel du 15 juin 2022, l'hospice a indiqué au couple être en attente des documents bancaires requis et rappelé que le droit aux prestations de juillet 2022 serait suspendu jusqu'à l'obtention de la preuve de la cessation de l'activité indépendante de l'épouse.

v. Par courrier de rappel du 12 juillet 2022, l'hospice a informé les intéressés qu'ils ne lui avaient toujours pas transmis certains relevés des comptes bancaires non déclarés demandés ainsi qu'une attestation de radiation de A______ de P_____ Sàrl auprès du RC T______. Un ultime délai était fixé au 31 juillet 2022 pour fournir les pièces manquantes.

w. Selon les documents transmis par le couple entre le 17 juillet et le 5 septembre 2022 et les données issues des registres publics, il a été constaté que la signature de A______ avait été radiée en tant que représentante de P_____ Sàrl et que certains comptes bancaires non déclarés avaient été clos.

M_____Sàrl avait été radiée d'office le 4 mai 2021. S______ SA, qui avait versé la somme de CHF 10'150.- sur un compte D______ appartenant à B______, était administrée par N______, lequel était par ailleurs l'associé gérant de C______Sàrl, dont B______ avait été le directeur entre janvier 2018 et avril 2019 et A______, associée gérante jusqu'au 21 avril 2019, puis employée jusqu'à son licenciement économique en avril 2020. Cette société avait néanmoins continué à verser des sommes d'argent sur son compte non déclaré R_____ jusqu'au mois de mai 2021. Elle avait également effectué des virements en faveur de B______ sur son compte Q_____ (IBAN 7______) non déclaré entre novembre 2021 et février 2022.

B. a. Par décision de restitution du 25 octobre 2022, l'hospice a demandé aux époux le remboursement des prestations perçues indûment à hauteur de CHF 113'431.30.

L'enquête conduite par le SEC avait mis en évidence de nombreuses informations non déclarées. Ils avaient omis d'annoncer notamment plusieurs comptes bancaires/postaux sur lesquels des sommes importantes avaient transité. Les comptes D______ (n° 5______), R_____ (n° 4______) et Q_____ portaient au crédit durant la période du 1er mai 2020 au 31 mars 2022 plus de CHF 133'545.- non déclarés en lien avec l'activité salariale de l'épouse pour C______Sàrl ainsi que son activité indépendante pour P_____ Sàrl. Ils avaient reconnu avoir reçu un prêt de CHF 25'000.- de celle-ci en juin 2020 pour des frais de prospection en vue d'une « sortie de l'hospice ». Malgré la convocation du SEC, A______ avait poursuivi son activité indépendante et ils avaient tardé à remettre les documents permettant de déterminer leur situation sociale et financière. Ce défaut de collaboration leur avait valu un avertissement émis le 4 mai 2022.

b. Les époux ont formé opposition contre cette décision.

A______ n'avait jamais eu le statut d'indépendant et n'avait servi que de prête-nom dans une société qui aurait pu leur permettre de changer de vie et de « sortir » de l'aide sociale, ce qui avait échoué en raison de la crise sanitaire et la situation personnelle et pénale de B______.

Comme expliqué à maintes reprises, les sommes d'argent litigieuses ne leur avaient pas été prêtées. B______ avait « servi à une passation financière pour un ami », en contrepartie d'une aide, de débouchés professionnels pour les « sortir » de l'aide sociale. Les allégations de l'hospice n'avaient aucun fondement et étaient erronées.

Ils avaient fait tout ce qui leur avait été demandé et se retrouvaient sans perspective professionnelle.

c. Par décision du 2 juin 2023, l'hospice a rejeté l'opposition et confirmé sa décision de restitution.

C. a. Par acte expédié le 28 juin 2023, les époux ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) contre cette décision sur opposition, sans prendre de conclusions formelles.

Ils s'opposaient à cette décision, reprenant les explications données dans leur opposition. Ils ont également élevé des griefs à l'encontre de leur assistant social.

b. L'hospice a conclu au rejet du recours.

Les recourants ne contestaient pas avoir omis de déclarer plusieurs comptes bancaires/postaux et les crédits qu'ils y avaient reçus. Dans la mesure où les revenus et les avoirs bancaires considérés avaient été déposés sur des comptes à leurs noms, ils leur appartenaient et devaient être déclarés. Les déclarations contradictoires des recourants relatives au prêt qui aurait été consenti à la recourante par P_____ Sàrl et la « passation financière » étaient dénuées de pertinence.

L'inscription de la recourante au RC à titre d'associée et de gérante avec signature individuelle de P_____ Sàrl du 2 juin 2020 au 7 juillet 2022 excluait le droit aux prestations d'aide sociale financière pour cette période, sans égard à la réalité économique de l'activité et au prétendu statut de « prête-nom » de la recourante.

Au-delà de l'omission initiale, ils avaient persisté à dissimuler l'existence de leurs activités lucratives et comptes bancaires et postaux litigieux durant une longue période, lors des entretiens avec leur assistant social ainsi que lors de l'audition par le SEC le 31 août 2021 notamment.

Ces manquements l'avaient conduit à leur verser des prestations auxquelles ils ne pouvaient prétendre puisqu'ils ne remplissaient pas les conditions posées par la LIASI et ce, pour la période du 1er juin 2020 au 30 juin 2022, à tout le moins.

c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 13 octobre 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 11 octobre 2023, l'hospice a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à formuler.

e. Les recourants ne se sont quant à eux pas manifestés.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 52 de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04).

2.             L’acte expédié à la chambre de céans par les recourants contre la décision litigieuse ne comporte pas de conclusions formelles.

2.1 L’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). Il contient également l’exposé des motifs, ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d’irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA).

La jurisprudence se montre assez large lorsqu’elle apprécie la réunion des diverses conditions que doit respecter le mémoire de recours. Toutefois, la volonté de recourir doit ressortir de l’acte de l’administré, sans qu’il soit exigé que le terme de « recours » y figure expressément (ATA/966/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3 ; ATA/182/2013 du 19 mars 2013 consid. 4).

2.2 En l’espèce, l’acte de recours mentionne que les recourants forment « opposition totale » contre la décision sur opposition, suivi de l'affirmation selon laquelle les allégations de l'hospice étaient sans fondement et erronées. Il apparaît ainsi qu'ils veulent remettre en cause cette décision sur opposition ou, du moins, voir ses effets annulés, si bien qu'il sera entré en matière sur le recours.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de restitution de CHF 113'431.30.

3.1 La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Elle vise à garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d’existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 2e phr.). Avec le règlement d’exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01), elle concrétise les art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00 ; ATA/256/2020 du 3 mars 2020 consid. 4b).

3.2 Aux termes de l'art. 8 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière les personnes majeures qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de la famille dont ils ont la charge (al. 1).

3.3 L'art. 9 al. 1 LIASI prévoit ainsi que les prestations d'aide financière versées sont subsidiaires à toute autre source de revenus, aux prestations découlant du droit de la famille, ainsi qu'à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit, en particulier aux prestations d'assurances sociales fédérales et cantonales, et aux prestations communales, à l'exception des prestations occasionnelles. Conformément à l'art. 9 al. 2 LIASI, le bénéficiaire et les membres du groupe familial doivent faire valoir sans délai leurs droits auxquels l'aide financière est subsidiaire et doivent mettre tout en œuvre pour améliorer leur situation sociale et financière.

La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d'auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/290/2017 du 14 mars 2017 ; ATA/343/2014 du 13 mai 2014). L'aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource, mais elle est aussi subsidiaire à tout revenu que le bénéficiaire pourrait acquérir par son insertion sociale ou professionnelle (MGC 2005-2006/I A p. 259 ; ATA/878/2016 du 18 octobre 2016 consid. 3d ; ATA/4/2015 du 6 janvier 2015).

3.4 En vertu de l’art. 11 al. 4 LIASI, le Conseil d’État fixe par règlement les conditions d’une aide financière exceptionnelle, qui peut être inférieure à l’aide financière ordinaire et/ou limitée dans le temps, en faveur notamment des personnes exerçant une activité lucrative indépendante (let. d). Peut être mise au bénéfice de prestations d’aide financière ordinaire, à l’exception des prestations à caractère incitatif, la personne qui exerce une activité lucrative indépendante (art. 16 al. 1 du règlement d’exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 - RIASI - J 4 04.01). Jusqu'au 31 décembre 2021, l’aide financière était accordée pour une durée de trois mois et, pour une durée maximale de six mois en cas d’incapacité de travail du bénéficiaire, (art. 16 al. 2 RIASI, dans son état avant le 1er janvier 2022). Depuis le 1er janvier 2022, cette durée maximale a été portée à six mois, respectivement neuf mois.

Selon les travaux préparatoires de la LIASI, entrée en vigueur le 19 juin 2007, le versement de prestations financières aux personnes indépendantes était nouveau, bien que cette modification soit une inscription formelle d'une pratique qui existait déjà partiellement. L'hospice leur accordait en effet une aide maximale d'une durée limitée, à l'échéance de laquelle elles ne pouvaient prétendre à une aide financière régulière que si elles renonçaient à leur activité indépendante et répondaient aux autres conditions de la loi (MGC 2005-2006/I A 260).

Ces dispositions ont codifié la pratique de la chambre de céans, retenant qu'il était conforme au but d'intérêt public inhérent au système des prestations sociales de préserver les deniers publics, lesquels ne sauraient servir à rémunérer des activités indépendantes non viables. Cette pratique répondait au principe de subsidiarité en vertu duquel la personne qui ne peut, par son travail indépendant, subvenir à ses besoins, doit faire valoir les droits qui sont les siens, notamment auprès de l'assurance-chômage, et auxquels l'assistance publique est subsidiaire (ATA/194/2006 du 4 avril 2006 consid. 6 et les références citées ; plus récemment ATA/450/2018 du 8 mai 2018 consid. 6b).

3.5 Le fait qu'une société soit inactive ou ne procure aucun bénéfice à son associé gérant président avec signature individuelle est sans incidence sur le statut d'indépendant dudit associé (ATA/117/2015 du 27 janvier 2015 consid. 8).

La chambre administrative a confirmé cette jurisprudence en rappelant que la question de savoir si la société en question était « dormante » ou non n’était pas pertinente. L’obligation du recourant consiste à informer l’hospice de tous ses éléments de fortune et de toute activité indépendante, sans égard à la valeur ou rentabilité de celles-ci. En effet, il appartient à l’hospice d’examiner l’éventuelle prise en compte de ces éléments dans le calcul du droit aux prestations et non au bénéficiaire des prestations, de sorte qu’à défaut, celui-ci doit se voir reprocher une violation de son devoir de renseigner. En outre, le recourant ne pouvait ignorer que son inscription auprès du RC constituait un motif de refus de prestations, dès lors que son assistante sociale avait exigé sa radiation du RC (ATA/1099/2022 du 1er novembre 2022 consid. 6 ; ATA/42/2019 du 15 janvier 2019 consid. 3).

3.6 Selon l’art. 32 al. 1 LIASI, le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière. Le bénéficiaire doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » concrétise l’obligation de collaborer et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1304/2021 du 30 novembre 2021 consid. 3a ; ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a). Il atteste notamment du fait que le bénéficiaire a été informé du caractère subsidiaire des prestations d’aide financière exceptionnelle et du fait que des prestations sociales ou d’assurances sociales ne peuvent se cumuler avec les prestations d’aide financière dont elles doivent être déduites (ATA/1231/2022 du 6 décembre 2022 consid. 4c). Ces obligations valent pour tous les membres du groupe familial (art. 32 al. 4 LIASI).

Les sommes figurant sur les comptes bancaires et postaux d'un bénéficiaire sont considérées comme lui appartenant, ce indépendamment des explications qu'il peut donner. Ainsi, dès lors qu’une somme est versée sur le compte d’un bénéficiaire, n'étant ni individualisée, ni individualisable et mélangée avec ses avoirs, elle doit être considérée comme lui appartenant (ATA/690/2023 du 27 juin 2023 consid. 2.8 ; ATA/405/2021 du 13 avril 2021 consid. 5).

3.7 L'art. 35 al. 1 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées. Tel est notamment le cas lorsque la personne bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (let. a) ou lorsqu'elle ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 (let. c) ou qu'elle refuse de donner les informations requises au sens des art. 7 et 32, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (let. d). Conformément à l’art. 35 al. 2 LIASI, l’hospice rend alors une décision écrite et motivée, avec les voies de droit (al. 2).

La suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 consid. 3b, in JdT 1998 I 562 ; ATA/1662/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7).

La chambre de céans a déjà considéré à plusieurs reprises qu'il n'appartenait pas à l'État, et indirectement à la collectivité, de désintéresser d'éventuels créanciers. En effet, tel n'est pas le but de la loi, qui poursuit celui de soutenir les personnes rencontrant des difficultés financières, en les aidant à se réinsérer socialement et professionnellement, étant rappelé que l'aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource. Il n'est ainsi pas acceptable d'être au bénéfice d'une aide sociale ordinaire et d'utiliser sa fortune personnelle et récemment acquise pour désintéresser ses créanciers (ATA/1001/2022 du 4 octobre 2022 consid. 5 ; ATA/815/2021 du 10 août 2021 consid. 5e ; ATA/26/2021 du 12 janvier 2021 consid. 4f ; ATA/479/2018 du 15 mai 2018 consid. 6 et les références citées).

3.8 Sous le titre « Prestations perçues indûment », l'art. 36 LIASI dispose qu'est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l'ont acceptée, le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3). L’action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l’hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s’éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 5).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/15/2023 du 10 janvier 2023 consid. 2g ; ATA/850/2022 du 23 août 2022 consid. 5b ; ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2).

Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l’enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d’une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l’obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/93/2020 précité consid. 3c et les références citées).

3.9 Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d’apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l’entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l’objet d’une demande de remboursement (ATA/947/2018 précité consid. 3d).

4.             En l'espèce, les recourants ont omis de déclarer plus d'une dizaine de comptes bancaires et postaux mentionnés dans le rapport d’enquête, dont ils étaient titulaires. On peut citer notamment le compte R_____ n° 4_____détenu par la recourante et crédité de CHF 69'550.- entre le 18 mai 2020 et le 12 juillet 2021 ; le compte D______ n° 5_____dont le recourant était titulaire, sur lequel avaient été effectués des virements de CHF 40'903.-, CHF 10'150.-, CHF 5'920.- et CHF 5'102 entre le 6 mai 2020 et le 3 juillet 2020 ; le compte D______ n°6______de la recourante qui avait été crédité de plusieurs montants pendant la période d'aide sociale, en particulier un montant de CHF 10'416.-; le compte Q_____ IBAN 7______ sur lequel avaient été versés plusieurs montants en faveur du recourant.

Dans leurs écritures, les recourants font valoir que le prêt de CHF 25'000.- octroyé par P_____ Sàrl et les sommes d'argent litigieuses n'avaient fait que transiter sur leurs comptes pour être remis à des tiers. Ils n'en étaient donc pas bénéficiaires. Une telle allégation n'emporte pas conviction. En sa qualité d'associée gérante avec signature individuelle de la société précitée, le fait que la recourante se soit octroyée le prêt en cause est propre à susciter des doutes sur la qualification juridique de la somme d'argent ainsi perçue. Outre l'absence de preuves établissant la réalité du prêt ou un début de son remboursement, les recourants n'attestent pas de la remise des sommes équivalentes à celles perçues à un ou des tiers. Il sera ainsi retenu que les recourants en ont été les bénéficiaires finaux, étant rappelé en outre que dans d'autres domaines du droit, les prestations à titre fiduciaire ne sont admises en tant que telles qu'à des conditions très strictes, en particulier celles d'être documentées (en matière fiscale, voir arrêt du Tribunal fédéral 2C_864/2020 du 8 mars 2021 consid. 5.2).

Pour ce qui est des sommes d'argent litigieuses, le prétendu transit en faveur de tiers n'est étayé par aucune preuve. Dès lors qu'ils ne démontrent pas que celles-ci étaient inscrites de manière individualisée au bénéfice de tiers sur leurs différents comptes et n'ont par conséquent pas été mélangées à leurs propres avoirs, il y a lieu d'admettre qu'elles leur appartenaient, conformément à la jurisprudence rappelée plus haut. Le fait que certains comptes non déclarés aient été par la suite clos ne change rien.

L'autorité intimée était ainsi fondée à prendre en considération les sommes d'argent litigieuses comme éléments de revenu et de fortune dissimulés dans la justification de sa décision de mettre fin aux prestations et de demander le remboursement des sommes perçues indûment.

En outre, selon les inscriptions aux RC genevois et T______, la recourante a été associée gérante de C______Sàrl du 11 mai 2018 au 21 juin 2019, associée gérante de M_____Sàrl du 14 mars 2019 au 4 mai 2021 et associée gérante avec signature individuelle de P_____ Sàrl dès le 2 juin 2020 jusqu'au 4 juillet 2022. En tant qu'associée inscrite dans les registres publics, l'exercice d'une activité indépendante lui a été à juste titre reconnu. À cette qualification, les recourants objectent qu'elle a uniquement servi de « prête‑nom », sans l'étayer davantage ou, à tout le moins, sans identifier le véritable ayant droit économique. Or, ils perdent de vue que les registres publics bénéficient d'une force probante accrue, si bien que la seule preuve de l'inexactitude des faits constatés permet de renverser la présomption de bonne foi qui leur est attachée (art. 9 CC). À cela s'ajoute que les recourants n'ont obtempéré à la demande de radiation de la recourante du RC T______ qu'après un avertissement suivi d'un rappel de la part de l'autorité intimée.

Quoi qu'en pensent les recourants, leurs liens avec certaines sociétés – à l'instar de P_____ Sàrl – plaident en leur défaveur. Il apparaît ainsi qu'ils ont mis en place ou, à tout le moins, pris part à un système impliquant C______Sàrl, P_____ Sàrl et S_____ SA auxquelles ils ont été associés à différents moments ou entretenu des rapports étroits avec leurs dirigeants, ce qui leur a permis d'en tirer des avantages financiers.

Compte tenu de ces circonstances, le fait que l'autorité intimée ait considéré que la recourante exerçait, depuis le 2 juin 2020, à savoir dès son inscription au RC T______, une activité indépendante propre à exclure le versement des prestations d'aide sociale ne prête pas le flanc à la critique.

La suppression des prestations d'aide sociale se justifiait enfin en raison des manquements au devoir de collaboration reprochés aux recourants. En effet, ils n'ont pas seulement omis de déclarer plusieurs comptes bancaires et postaux dans la demande de prestations signée les 16 et 17 septembre 2019, mais ils ont persisté à dissimiler leur existence ainsi que l'activité indépendante de la recourante pendant plusieurs mois en dépit du document « Mon engagement » signé le 3 octobre 2019 les engageant à informer immédiatement et spontanément l'autorité intimée de tout fait nouveau de nature à entraîner un réexamen de leur situation. Il a fallu l'ouverture d'une enquête par l'autorité intimée pour découvrir l'existence des faits dissimulés, suivie d'un avertissement, puis d'un rappel pour que les recourants fournissent certains documents bancaires et postaux ainsi que ceux en lien avec la radiation de la recourante du RC.

Pour les motifs précités, c'est à bon droit que l'autorité intimée a mis fin au versement des prestations d'aide sociale aux recourants et réclamé, en conséquence, le remboursement du montant de CHF 113'431.30 perçu indument.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu la nature du litige, aucun émolument sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, les recourants succombant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 juin 2023 par A______ et B______ contre la décision sur opposition de l'Hospice général du 2 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :