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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3698/2023

JTAPI/495/2024 du 23.05.2024 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : REMISE EN L'ÉTAT;AMENDE
Normes : LCI.137.al1.letc; LPA.16.al2; Cst
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3698/2023 LCI

JTAPI/495/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 mai 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Romain CANONICA, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Le ______ 2015, par le biais de son mandataire, Madame A______ a déposé une demande d'autorisation de construire portant sur la modification du taux d'utilisation du sol de sa villa à 40%, sise sur la parcelle n° 1______ de la commune de B______, ainsi que la construction de sept maisons mitoyennes HPE, avec parking souterrain et démolition d'un garage, enregistrée sous le n° DD 2______/1.

2.             Le ______ 2016, le département du territoire (ci-après : le département) a délivré l'autorisation précitée.

3.             La parcelle n° 1______, située en zone 5, a par la suite été morcelée en plusieurs parcelles distinctes (nos 3______, 4______, 5______, 6______, 7______, 8______ et 9______)

4.             En date du ______ 2018, suite à la dénonciation de plusieurs infractions par la commune de B______ dans le cadre de la construction du projet, Mme A______, par le biais de son mandataire, a déposé une demande d'autorisation de construire complémentaire, enregistrée sous le n° DD 2______/2.

5.             Par décision du ______ 2019, le département a refusé de délivrer ladite autorisation.

6.             Mme A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision de refus d'autorisation de construire. La décision a été confirmée par jugement du ______ 2020 (JTAPI/10_____).

7.             Parallèlement, une procédure d'infraction, enregistrée sous le n° I/11_____, a été ouverte à l'encontre de Mme A______.

Le ______ 2019, le département a ordonné à Mme A______ la remise en état des constructions, afin de les rendre conformes à la demande initiale (DD 2______/1) et lui a infligé une amende de CHF 150'000.-.

8.             Le recours formé par Mme A______ contre la décision précitée a été déclaré irrecevable par le tribunal le ______ 2020. Son jugement a été confirmé par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) du ______ 2020 (ATA/12_____).

9.             Le ______ 2021, par le biais de son mandataire, Mme A______ a déposé une seconde demande d'autorisation de construire complémentaire dans le but de régulariser la situation.

La requête a été enregistrée sous le n° DD 2______/3, avec pour objet la régularisation de l'infraction n° I/11_____ ainsi que la modification du taux d'utilisation du sol à 46,7% THPE, avec adjonction de panneaux photovoltaïques et pompe à chaleur.

10.         Par décision du ______ 2023, le département a délivré l'autorisation sollicitée.

11.         Par décision séparée du même jour, le département a ordonné à Mme A______ de rétablir une situation conforme au droit en procédant à la réalisation des travaux conformément à l'autorisation de construire complémentaire délivrée, y compris l'évacuation des brises vues sur les clôtures, ainsi que de fournir une attestation globale de conformité dans un délai de 90 jours.

Ladite décision n'a fait l'objet d'aucun recours.

12.         Par courrier recommandé du 19 juillet 2023, envoyé également par courriel, la société C______ SA a, sous la plume de ses conseils, relevé que le délai de 90 jours imparti par le département à Mme A______, compte tenu du délai de recours de 30 jours, n'était en réalité que de 60 jours. Elle avait entrepris des démarches pour permettre la réalisation des travaux dans le délai imparti une fois le délai de recours écoulé.

Des visites techniques étaient actuellement en cours pour obtenir les devis nécessaires; en raison de la pénurie de matériaux, la disponibilité de certains éléments demeurait incertaine et il ne lui était par conséquent pas possible de définir un calendrier précis des travaux.

Dès lors, elle estimait pouvoir être en mesure de communiquer un planning détaillé d'ici la fin du mois d'octobre 2023 au plus tard, en précisant que, dans l'intervalle, elle n'excluait pas être d'ores et déjà en mesure d'exécuter certains travaux et que les brises vues avaient déjà été retirés.

Une suspension du délai pour procéder aux travaux, ainsi que la fixation d'un nouveau délai au 31 octobre 2023 pour fournir un planning des travaux étaient requises.

13.         Par courriel du 10 août 2023, précisant qu'il faisait suite au courrier du 19 juillet 2023 relatif à une demande de prolongation du délai concernant l'ordre du ______ 2023, le département a octroyé un délai au 21 août 2023 pour fournir un planning estimatif des travaux.

14.         Par courrier du 18 août 2023, également transmis par courriel, les conseils de Mme A______ ont transmis un planning prévisionnel des travaux, prévoyant une fin de chantier dans la deuxième moitié du mois de juillet 2024.

La suspension planifiée entre les mois de décembre 2023 et avril 2024 s'expliquait par l'impossibilité de procéder aux travaux pendant la période hivernale, dans la mesure ils impliquaient une coupure de chauffage pendant toute la durée des travaux et qu'une telle coupure était inenvisageable pour les propriétaires, à plus forte raison pour ceux qui avaient ou s'apprêtaient à avoir de très jeunes enfants.

Des échanges de courriels avec des fournisseurs, relatifs aux délais de livraison d'éléments nécessaires aux travaux et évoquant la difficulté d'effectuer les travaux pendant la saison de chauffe ont été joints.

15.         Par courriel du 12 septembre 2023, le département a informé qu'il ne pouvait accorder à Mme A______ une prolongation de délai d'une année et l'a invitée à lui fournir rapidement un nouveau planning pour terminer les travaux dans un délai raisonnable.

16.         Par courriel du même jour, le conseil de Mme A______ a indiqué ne pas être certain de saisir la requête du département, précisant que le planning d'exécution des travaux, qui avait été envoyé en annexe du courrier du 18 août 2023, était très clair et qu'il était par ailleurs en cours d'exécution. Il restait à disposition du département pour en discuter.

17.         Le 6 octobre 2023, accusant bonne réception des courriers du 19 juillet et 18 août 2023, ainsi que du courriel du 12 septembre 2023 du conseil de Mme A______, le département a infligé à Mme A______ une amende de CHF 1'000.- dans la mesure où elle n'avait pas respecté l'ordre du ______ 2023.

Il lui a également ordonné la production d'une attestation globale de conformité, accompagnée des plans conformes à exécution, d'ici au 30 novembre 2023.

Enfin, il était précisé que s'agissant d'une mesure d'exécution d'une décision en force, la décision ne pouvait faire l'objet d'un recours. L'amende pouvait quant à elle faire l'objet d'un recours au tribunal dans un délai de 30 jours dès notification.

18.         Par acte déposé le 7 novembre 2023 auprès du tribunal, sous la plume de ses conseils, Mme A______ a interjeté recours à l'encontre de la décision du ______ 2023. La recourante a préalablement demandé l'audition des parties, ainsi que celle de plusieurs témoins. Elle a conclu principalement à l'annulation de la décision litigieuse, sous suite de frais et dépens.

S'agissant des auditions demandées, elles étaient nécessaires à la compréhension des contraintes techniques et organisationnelles, ainsi que des aspects humains. Y renoncer constituerait une violation du droit d'être entendu.

Quant à la décision querellée, elle violait manifestement les art. 129 et 130 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), l'art. 33A al. 2 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) ainsi que le principe de proportionnalité.

Le département avait fait abstraction de plusieurs éléments tels que : le fait que le délai initial de 90 jours était en réalité de 60 jours au vu du délai de recours de 30 jours, qu'elle n'avait par conséquent pu initier ses démarches qu'à partir du 30 mai 2023, que des visites techniques avaient été conduites avec des entreprises du secteur énergétique au cours du mois de juin, qu'au vu de la pénurie de matériaux les dates de disponibilité demeuraient incertaines ce qui l'avait empêchée de définir un calendrier précis, qu'elle-même et ses mandataires avaient toujours fait preuve de transparence vis-à-vis du département, que les travaux demandés impliquaient une coupure de chauffage et d'eau chaude pendant une relativement longue durée, que certains occupants des villas étaient parents d'enfants en bas âge, voire de nourrissons et qu'une entreprise avait confirmé que les travaux ne pouvaient être réalisés pendant la période hivernale. Si le département avait pris en considération les éléments précités, il aurait dû accepter le planning d'exécution du 18 août 2023.

Par ailleurs, aucun intérêt public impérieux ne justifiait la conduction des travaux dans le délai imparti par le département, cela au détriment d'intérêts privés, tels que la santé des occupants. Les villas neuves n'étaient par ailleurs pas au bord de l'effondrement et leur état actuel ne mettait pas en danger les personnes qui y habitaient, de sorte qu'une exécution des travaux prolongée de quelques mois ne pouvait justifier une décision telle que celle querellée.

S'agissant de l'amende, elle devait par conséquent être annulée.

19.         Par courrier du 11 janvier 2024, le département a transmis ses observations, concluant au rejet du recours. Il a produit son dossier.

S'agissant de la demande d'audition de divers témoins, une telle mesure n'était pas de nature à influer sur l'issue du litige qui portait sur la sanction administrative consécutive au non-respect de l'ordre, en force, donné par le département le ______ 2023 et non pas sur la pertinence du planning produit.

Elle rappelait que dans la présente procédure, seule était litigieuse la sanction administrative, à l'exclusion de l'ordre de produire l'attestation globale de conformité qui constituait une mesure d'exécution non sujette à recours. La décision du ______ 2023, ainsi que le délai qu'elle imposait, étaient entrés en force de chose décidée et ne pouvaient plus être remis en cause.

Les critiques de la recourante relatives au délai d'exécution des travaux étaient tardives et rien n'avait empêché cette dernière d'initier des démarches à la réception de la décision fin avril 2023, sans pour autant débuter les travaux avant l'échéance du délai de recours. Les conséquences des travaux pour les occupants relevaient de la seule responsabilité de la recourante puisqu'ils résultaient de sa violation de l'autorisation de construire initiale.

Quant à l'amende, elle se justifiait dans son principe dans la mesure où l'insoumission de la recourante à l'ordre du département dans le délai imparti était un fait non contesté et qu'elle constituait une faute. S'agissant de sa quotité, l'amende apparaissait conforme au principe de proportionnalité dans la mesure où elle se situait au bas de l'échelle et que la circonstance aggravante de la récidive était réalisée.

20.         Par courrier du 23 février 2024, sous la plume de ses conseils, la recourante a répliqué, persistant dans les conclusions prises en tête de son mémoire de recours du 7 novembre 2023.

La décision querellée ne se limitait pas au prononcé d'une amende mais clôturait également les échanges intervenus entre le département et les conseils de la recourante quant à la transmission d'un planning estimatif des travaux, sollicité par le département le 10 août 2023. Si le département avait accepté le planning proposé, aucune amende n'aurait été prononcée.

Elle relevait que si le département avait estimé que son initial délai de 90 jours était justifié, exécutable et en force, il n'aurait pas accepté d'échanger avec les conseils de la recourante et ne leur aurait pas demandé de fournir un nouveau planning de travaux. Le département avait par ailleurs attendu près d'un mois et demi pour prononcer une sanction en lien avec le non-respect du délai initial.

Le département avait privilégié un zèle mécanique plutôt qu'une approche pragmatique, au détriment d'intérêts privés tels que la santé des occupants, précisant que les villas étaient neuves et que leur était actuel ne mettait pas en danger les personnes qui les habitaient.

21.         Par courrier du 21 mars 2024, le département a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Il rappelait que la sanction avait été prononcée dans la mesure où la recourante n'avait pas respecté l'ordre du ______ 2023 dans le délai imparti, comme expressément précisé dans la décision litigieuse. Quant à la production du planning, elle était parvenue au département le 18 août 2023, soit postérieurement au délai.

Si le département ne s'était pas opposé à la production d'un planning, c'était qu'il avait estimé que cet élément pouvait lui permettre d'évaluer le nouveau délai à fixer pour l'exécution des travaux. Cela fait, il avait considéré que le planning produit par la recourante n'était pas raisonnable, de sorte qu'il en avait exigé un nouveau. Dans la mesure où la recourante avait estimé que cela n'était pas nécessaire, le département avait considéré que le nouveau délai pour l'exécution des travaux devait être fixé au 30 novembre 2023, en lieu et place de fin juillet 2024 comme l'avait demandé la recourante.

Enfin, l'affirmation de la recourante selon laquelle le département avait fait preuve de zèle mécanique et d'absence de pragmatisme était en contradiction avec son argumentaire où elle se plaignait que le département soit entré en discussion sur le planning et qu'il avait pris le temps d'évaluer la situation avant de fixer un nouveau délai.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             A titre préalable, la recourante sollicite divers actes d’instruction, soit la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties ainsi que l’audition de témoins.

4.             Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5.2.1). Ces principes s’appliquent également à la tenue d’une inspection locale en l’absence d’une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d’instruction, étant précisé qu’une telle disposition n’existe pas en droit genevois (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 2b).

5.             En l’occurrence, le tribunal estime que le dossier contient les éléments nécessaires et suffisants à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties.

En effet, concernant la demande d'audition des parties, la recourante a eu l’occasion de s’exprimer par écrit, d’exposer son point de vue et de produire toutes les pièces qu’elle estimait utiles à l’appui de ses allégués. Le dossier comporte en outre tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, permettant ainsi au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige.

Partant, il n’y a pas lieu de procéder à la comparution personnelle des parties, ni à l’audition de témoins, ces actes d'instruction n'étant au demeurant pas obligatoires.

6.             Il ne sera dès lors pas donné suite aux mesures d’instruction sollicitées.

7.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

8.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

9.             L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (cf. ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; 134 V 418 consid. 5.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_641/2018 du 3 août 2018 consid. 3 ; 2C_53/2017 du 21 juillet 2017 consid. 5.1 , 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b et l'arrêt cité ; ATA/590/2017 du 23 mai 2017 consid. 2b ; ATA/1050/2016 du 13 décembre 2016 consid. 3b). La contestation ne peut donc excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 et les arrêts cités ; ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b).

10.         En l’espèce, l'objet du litige porte sur l'amende de CHF 1'000.- prononcée le ______ 2023 en vertu de l'art. 137 LCI. Ladite amende a été infligée à la recourante au motif qu'elle n'avait pas respecté l'ordre donné le ______ 2023 par lequel le département lui ordonnait de rétablir une situation conforme au droit en procédant à la réalisation des travaux conformément à l'autorisation de construire complémentaire n° DD 2______/3, y compris l'évacuation des brises vues sur les clôtures, ainsi que de fournir une attestation globale de conformité dans un délai de 90 jours.

Il convient donc de déterminer si la recourante a satisfait ou non à ses obligations découlant de l'ordre précité dans le délai imparti et, en cas d'infraction, vérifier si l'amende est juridiquement fondée.

11.         Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

12.         Selon l'art. 137 al. 1 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant :

a) à la présente loi ;

b) aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi ;

c) aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci

13.         Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction ; la violation des prescriptions par cupidité ainsi que les cas de récidive constituent notamment des circonstances aggravantes (art. 137 al. 3 LCI).

14.         L'art. 137 al. 1 let. c LCI érige la contravention aux ordres donnés par le département en infraction distincte de la contravention à la LCI et à ses règlements d'application (let. a et b). De par sa nature, cette infraction est très proche de celle visée par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), soit l'insoumission à une décision de l'autorité, qui, d'une part, constitue un moyen d'exécution forcée, dans la mesure où elle permet d'exercer une certaine pression sur le destinataire d'une injonction de l'autorité afin qu'il s'y conforme et, d'autre part, en tant que disposition pénale, revêt un caractère répressif (cf. Alain MACALUSO/ Laurent MOREILLON/ Nicolas QUELOZ [éd.], Commentaire romand du Code pénal II, Art. 111-392 CP, 2017, n. 2 ad art. 292 p. 1887). À l'instar de cette disposition pénale, la condamnation de l'auteur pour infraction à l'art. 137 al. 1 let. a LCI n'a pas pour effet de le libérer du devoir de se soumettre à la décision de l'autorité. S'il persiste dans son action ou son omission coupable, il peut être condamné plusieurs fois pour infraction à l'art. 137 al. 1 let. c LCI, sans pouvoir invoquer le principe ne bis in idem, dès lors que l'on réprime à chaque fois une autre période d'action ou d'omission coupables. De plus, la sanction de l'insoumission peut être augmentée chaque fois qu'une menace de l'appliquer est restée sans effet (cf. ATA/147/2014 du 11 mars 2014 consid. 11 et les références ; ATA/455/2000 du 9 août 2000 consid. 3d).

15.         Selon la jurisprudence constante, les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (cf. not. ATA/1472/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/263/2016 du 22 mars 2016 ; ATA/163/2014 du 18 mars 2014 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013).

16.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG – E 4 05), les art. 1 à 110 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif aux infractions prévues par la législation genevoise, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal, comme notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP (not. ATA/1472/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/791/2013 du 3 décembre 2013).

Il est ainsi en particulier nécessaire que le contrevenant ait commis une faute (cf. not. ATA/1472/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014).

17.         L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine). La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure (cf. ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/1305/2015 du 8 décembre 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/791/2013 du 3 décembre 2013 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013) et ses capacités financières (cf. ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 ; Günter STRATRENWERTH, Schweizerisches Strafrecht - Allgemeiner Teil II : Strafen und Massnahmen, 2ème éd., 2006, p. 75 § 75 ; Sandro CHIMICHELLA, Die Geldstrafe in Schweizer Strafrecht, 2006, p. 39).

18.         Néanmoins, toujours selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et, selon l'art. 47 CP, jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014), le juge ne la censurant qu'en cas d'excès (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014). L'autorité ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

19.         Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (cf. ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3).

20.         En l'espèce, la recourante ne conteste pas ne pas avoir terminé les travaux autorisés dans le délai de 90 jours imparti par le département dans sa décision du ______ 2023. Elle n'a par ailleurs pas recouru contre cette décision lui ordonnant de réaliser les travaux. Elle reproche toutefois au département d'avoir privilégié une approche « mécanique », sans avoir pris en considération les circonstances du cas d'espèce. Selon la recourante, le département aurait dû accepter de prolonger le délai initialement imparti pour exécuter les travaux à la fin du mois de juillet 2024, selon le planning transmis en date du 18 août 2023.

21.         Selon l'art. 16 al. 2 LPA, le délai imparti par l’autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration. La demande doit être antérieure à l’échéance du délai (ATA/687/2010 du 5 octobre 2010 consid. 3). Si la requête est déposée le dernier jour du délai, l’administré porte alors seul le risque des conséquences du refus (arrêt du Tribunal fédéral 5D_87/2013 du 16 juillet 2013 consid. 6.2).

Il n’existe cependant pas un droit « automatique » à une prolongation de délai (arrêt du Tribunal fédéral 5D_87/2013 du 16 juillet 2013 consid. 6 ; Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, ad art. 16 n. 294 p. 83).

22.         En l'espèce, il est relevé que suite à la notification de la décision du ______ 2023 à la recourante, ce n'est qu'en date du 19 juillet, soit quelques jours avant l'échéance du délai de 90 jours, qu'une demande de suspension dudit délai, ainsi que la fixation d'un délai pour la production d'un nouveau planning des travaux est parvenue au département. Il est par ailleurs relevé que cette demande n'émanait non pas de la recourante elle-même, mais de la société C______ SA, par le biais de ses conseils.

Il ressort du dossier que l'octroi d'un délai supplémentaire a certes été sollicité avant l'échéance du délai initialement fixé. Aucune réponse n'a toutefois été apportée par le département avant l'échéance du délai de 90 jours. Dès lors qu'elle était tenue d'exécuter l'ordre prononcé à son encontre et d'en prouver la réalisation dans un certain délai, il incombait à la recourante de s'assurer que le département accorderait la prolongation requise ou prendre ses dispositions en cas de refus de prolongation.

Force est de constater que dans le délai initialement fixé, la recourante n'avait pas entièrement procédé à la réalisation des travaux conformément à l'autorisation de construire n° DD 2______/3, ni fait parvenir l'attestation globale de conformité accompagnée des plans conformes à exécution, ce qui justifie par conséquent le prononcé de l'amende administrative querellée dans son principe.

23.         Reste à déterminer si la quotité de l’amende respecte le principe de proportionnalité.

24.         S'agissant du montant de l'amende, fixé à CHF 1'000.-, rien ne permet de considérer que le département aurait pris en considération des critères ou éléments sans pertinence pour évaluer la faute et fixer ce montant. Au contraire, dans la décision querellée, le département a indiqué à la recourante les motifs qui l'ont poussé à infliger une telle amende, à savoir le fait de ne pas avoir respecté l'ordre du ______ 2023. En outre, le département a visiblement fait application du principe de proportionnalité dans ce cadre, en prononçant une amende somme toute modérée par rapport au maximum prévu par la loi, eu égard à sa pratique en la matière et dans la mesure où dans le cadre du même projet immobilier, une amende de CHF 150'000.-, non contestée, avait déjà été infligée à la recourante. Enfin, cette dernière ne démontre pas que le paiement de cette amende l'exposerait à des difficultés financières particulières.

25.         Au vu de ce qui précède, le département n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en fixant le montant de l'amende à CHF 1'000.-.

26.         En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

27.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 7 novembre 2023 par Madame A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Diane SCHASCA et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière