Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1264/2025 du 11.11.2025 ( AMENAG ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1658/2025-AMENAG ATA/1264/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 11 novembre 2025 3e section |
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dans la cause
A______ SA recourante
représentée par Me Andreas FABJAN, avocat
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE
et
B______
représentée par Me Alain MAUNOIR, avocat intimés
A. a. A______ SA (ci-après : A______ SA) est une société anonyme, inscrite au registre du commerce du canton de Genève (ci‑après : RC) depuis le 21 juillet 2015 et dont le but est notamment, en Suisse et à l'étranger, l'offre de tous conseils, services et prestations, de même que l'exercice de toutes activités dans le domaine immobilier, notamment l'acquisition, le développement et toutes transactions de projets immobiliers, ainsi que la promotion, l'acquisition, l'administration et la gestion d'affaires financières et immobilières. Elle a son siège à C______.
B______ (ci-après : B______) est une association d’importance cantonale se consacrant, par pur idéal, à l’étude des questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement et à la protection des monuments, de la nature et des sites.
b. Depuis juin 2022, A______ SA est propriétaire de la parcelle n° 688, feuille 38, de la commune de C______ (ci-après : la commune), sise à l’adresse 3, chemin D______, C______. La parcelle est située en partie en zone bois et forêt (environ 1/3) et pour partie en cinquième zone de construction (environ 2/3), dans un secteur appelé à être densifié au moyen d’une modification de zone, selon le plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030).
Sur cette parcelle, d’une surface de 14'623 m2, sont érigés, selon l’extrait de la mensuration officielle et du registre foncier, une tour (bâtiment n° 6______) de 6 m2, une maison de maître (bâtiment n° 7______) de 275 m2, un garage privé (bâtiment n° 8______) de 26 m2, une serre (bâtiment n° 9______) de 40 m2, une cabane (bâtiment n° 10______) de 9 m2 et un autre bâtiment de 16 m2 (bâtiment n° 11______).
D’autres constructions non cadastrées sont également érigées sur ladite parcelle, soit notamment des murs d’enceinte, des murets, deux bancs en demi-cercle, un pont, un bassin et un portail.
Une grande partie de la parcelle et la maison de maître se trouvent dans le périmètre d’un site inscrit à l’inventaire des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse (ci-après : ISOS), avec un objectif de sauvegarde A, soit le plus élevé (« Sauvegarde de la substance »).
c. Selon le recensement architectural de la commune, entériné par la plénière du service des monuments et des sites (ci-après : SMS) le 28 février 1983, l’échelle de valeur de la maison de maître (bâtiment n° 7______) et du garage privé (bâtiment n° 8______) était de 3 sur 7.
d. Selon le recensement du patrimoine architectural et des sites du canton de Genève, préavisé le 27 novembre 1991 par la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS), la parcelle n° 688 et le bâtiment n° 7______ étaient considérés comme « Exceptionnel ».
e. Le 20 août 2005, le conseil international des monuments et des sites (ci‑après : ICOMOS) a établi une fiche de recensement du jardin paysager. La conservation de la substance historique était bonne, l’entretien était bon et l’environnement était intact.
f. Le 27 octobre 2015, le département et la commune ont établi un document intitulé « Stratégie d’aménagement, C______-Sud, E______-F______, G______ ». La parcelle n° 688 était incluse dans une zone où le potentiel de mutabilité était important (parcellaire plutôt grand, bâti ancien et quelques propriétaires intéressés). Un déclassement en zone de développement 4A était envisagé.
g. Entre 2016 et 2025, A______ SA a déposé plusieurs demandes auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : le département) notamment :
- le 3 octobre 2016, elle a remis une demande d’autorisation de construire portant sur la construction de 27 villas et des abattages d'arbres (DD 1______). Le dossier a été renvoyé ;
- le 9 décembre 2021, elle déposé une demande préalable d’autorisation de construire portant sur la construction de trois habitats groupés et maintien d'un habitat existant (51.5%) avec un parking souterrain (DP 2______). Le projet a été refusé ;
- le 26 septembre 2022, le département a constaté que des travaux sans autorisation étaient en cours dans la maison de maître. Ces travaux, consistant en une rénovation et transformation d'une bâtisse (4.3%) à plusieurs logements et suppression de la chaudière à mazout, ont été régularisés le 9 février 2024 par la délivrance d’une autorisation de construire APA 3______ et ont donné lieu à une amende de CHF 8'000.- infligée par décision du 1er mars 2024 (I 12______) ;
- le 6 décembre 2024, elle a remis une demande préalable d’autorisation de construire portant sur la construction d'habitats groupés avec garage souterrain et abattage d'arbres (DP 4______). Le dossier a été renvoyé ;
- le 16 janvier 2025, elle a déposé une demande préalable d’autorisation de construire portant sur la construction d'habitats groupés (30%) avec garage souterrain et abattage d'arbres (DP 5______). L’instruction de cette demande est suspendue.
h. Entre 2018 et 2019, une étude pour le développement du secteur H______‑E______ a été menée entre la commune, le département, les propriétaires, les associations et les habitants concernés. L’objectif de l’étude était de développer un avant-projet d’aménagement intégrant les exigences environnementales, paysagères et de mobilité, en cohérence avec la stratégie d’aménagement C______‑Sud.
Il était prévu la construction de nouveaux immeubles sur la parcelle n° 688 et un avant-projet de PLQ a été élaboré dans un atelier. Celui-ci prévoyait la construction d’immeubles sur ladite parcelle avec des gabarits R + 1, R + 6 et R + 7.
i. Le 20 août 2021, le département a élaboré un projet de loi modifiant les limites de zone sur la commune, au lieu-dit « H______-D______ » comprenant notamment la parcelle n° 688. La partie de la parcelle précitée classée en cinquième zone de construction serait classée en zone de développement 3.
j. Selon le recensement architectural du Canton de Genève (RAC-2020) du 23 septembre 2021, la tour (bâtiment n° 6______), la maison de maître (bâtiment n° 7______), le garage privé (bâtiment n° 8______), la serre (bâtiment n° 9______), la cabane (bâtiment n° 10______) et l’autre bâtiment (bâtiment n° 11______) avaient une valeur « Exceptionnel ».
De haute ancienneté, la maison de maître était remarquablement bien conservée, malgré la transformation de l’avant-corps central côté parc et le mauvais état d’entretien général du bâtiment. Depuis 1856, sa volumétrie n’avait guère été modifiée. Les travaux du milieu du XIXe siècle étaient de qualité remarquable. Le fait qu’ils aient préservé des éléments antérieurs empêchant la création d’une image parfaitement symétrique ne réduisait en rien leur intérêt. Situé à proximité de certaines de ses anciennes dépendances (au 1, chemin de D______ et le château d’eau, tout comme la serre, malgré l’état de ruine de cette dernière) et entouré d’un vaste parc aux essences sans doute plus que centenaires, cet objet possédait donc une valeur patrimoniale exceptionnelle.
k. Le Plan directeur communal (ci-après : PDCom) révisé « C______ I______ » est entré en force en juillet 2025 à la suite de son adoption par le conseil municipal en janvier 2025 et son approbation par le Conseil d’État en juin 2025 avec une réserve quant à la densification accrue proposée dans les secteurs H______-E______, J______ et K______. Cette vision entrait en conflit avec les objectifs du PDCn 2030.
Le PDCom intègre toutefois la parcelle n° 688 dans un périmètre de maintien en cinquième zone avec une densification accrue à ménager et l’élaboration d’une image directrice, d’un plan localisé de quartier (ci‑après : PLQ) ou d’une mesure de protection. Le potentiel de développement existait mais les contraintes de ce dernier devaient toutefois être clairement identifiées et définies afin de préserver les qualités exceptionnelles de cette poche.
B. a. Le 29 mars 2018, B______ a demandé la mise à l’inventaire de la tour (bâtiment n° 6______), de la maison de maître (bâtiment n° 7______), du garage privé (bâtiment n° 8______), de la serre (bâtiment n° 9______), de la cabane (bâtiment n° 10______) et du dernier bâtiment (bâtiment n° 11______).
La maison de maître avait été recensée en 1983 avec une valeur de 3 et édifiée en 1804. Si sa construction remontait sans doute au début du XIXe siècle, certaines parties semblaient antérieures. De plan rectangulaire, un corps central garni d’un fronton et deux ailes de part et d’autre, ce bâtiment était caractérisé par des éléments néo‑classicisants. Les nombreuses ouvertures dénotaient vraisemblablement des étapes successives de la construction. D’élégants motifs décoratifs étaient à relever ainsi qu’une grande variété de matériaux. Le bâtiment était en outre entouré d’un vaste terrain qui avait été soigneusement aménagé dans un esprit de promenade pittoresque (statues, puits, petit pont, étangs, etc.). Cet édifice ainsi que son environnement méritaient une mise sous protection effective compte tenu de sa rareté dans le paysage construit genevois.
b. Le 13 avril 2018, le département a ouvert une procédure en vue de l’inscription à l’inventaire des immeubles précités et a recueilli les observations des anciens propriétaires de la parcelle n° 688 et les préavis suivants :
- le 30 mai 2018, les anciens propriétaires ont informé le département qu’ils s’opposaient à toute mesure de protection en raison de l’état du bâtiment et compte tenu des impératifs d’urbanisme envisagés ;
- le 18 octobre 2018, la CMNS et le SMS ont effectué une visite sur place. Selon leur rapport de visite du 24 octobre 2018, les délégués de ces instances étaient favorables à l’inscription à l’inventaire de la maison de maître sise 3, chemin D______ et de ses environs. La parcelle n° 688 était la dernière encore intacte sur les bords du plateau de E______, enserrée de part et d’autre par ces nouvelles densités de constructions pavillonnaires ou d’immeubles. La préservation de ce bâtiment n° 7______, bien qu’ayant une typologie avec des pièces de taille modeste peu en rapport avec les critères actuels pour une résidence de luxe, permettrait de garder le dernier témoignage de ce type de propriété du milieu de XIXe siècle, avec son environnement, son parc et ses « folies ». Il n’était pas envisageable de construire un immeuble devant la maison de maître dans le parc, au vu de la proximité des forêts et cordons boisés sur la parcelle. La seule solution pour densifier cette parcelle serait de démolir ledit bâtiment, ce qui semblait particulièrement dommageable en termes de préservation du patrimoine dans le canton de Genève ;
- le 30 octobre 2018, la CMNS a préavisé favorablement l’inscription à l’inventaire du bâtiment n° 7______ et de la parcelle n° 688. La maison sise 3, chemin D______ appartenait aux premières constructions apparues sur les hauteurs de E______. Construite dans la 2e moitié du XVIIIe siècle comme probable « maison des champs », tandis que s’édifiait la ville neuve de C______, elle avait été entièrement remodelée en maison de maître au milieu du XIXe siècle, puis avait reçu un remarquable aménagement de jardin. Bien qu’ayant connu différentes étapes de travaux d’agrandissement et d’aménagement, la maison avait su conserver une enveloppe remarquable et des aménagements intérieurs avec de très nombreux éléments dignes d’intérêt (sol en mosaïque et terrazzo, parquets, moulures, rosace, cheminées, poêle, portes, portes fenêtres et fenêtres, etc.). Les abords aménagés du bâtiment et le jardin étaient également dignes d’intérêt. Étaient à noter la présence des murs, clôture, murets, puits, bassin ainsi que des « folies » au sein d’un bosquet : tourelle avec escalier, passerelle et aménagements laissés à l’abandon ;
- le 31 mai 2022, la commune a préavisé favorablement la mesure de protection.
c. Le 27 septembre 2022, dans le cadre de la procédure d’infraction I 12______, le département a confirmé à A______ SA l’arrêt de chantier, précédemment prononcé par courriel du même jour, consistant en l’arrêt immédiat des travaux après sécurisation des lieux et ce, jusqu’à nouvel ordre. La mise en danger du public, des ouvriers et des utilisateurs ainsi que l’instruction en cours de la mise sous protection patrimoniale du bien justifiaient cet arrêt.
d. Le même jour, B______ a maintenu sa demande de mise à l’inventaire de la maison de maître et du jardin.
e. Le 31 octobre 2022, A______ SA, nouvelle propriétaire, a transmis ses observations sur la question de la mise à l’inventaire de sa parcelle et des immeubles érigés sur celle‑ci.
Elle ne s’opposait pas à la mise à l’inventaire des bâtiments en tant que tels pour autant que cela n’empêche pas tous travaux de rénovation, de mise aux normes et autres travaux de réhabilitation. Elle s’opposait toutefois à ce que la parcelle dans son intégralité fasse l’objet d’une telle mesure de protection patrimoniale et à ce que cette mesure entraîne une impossibilité de toute future densification.
f. Le 24 novembre 2022, le service de l’inventaire des monuments d’art et d’histoire (ci-après : IMAH) a effectué une visite de la parcelle.
Le rapport de visite détaillait les jalons historiques de la parcelle. Il s’agissait d’un bâtiment isolé de plan rectangulaire allongé se développant sur trois niveaux (rez‑de-chaussée, étage et comble aménagé) plus deux sous-sols partiels aux extrémités. Agrandi à la mi-XVIIIe siècle avant d’être transformé en une imposante maison de maître vers 1866, l’édifice se décomposait en cinq corps de bâtiments principaux, organisés symétriquement. « L’étroit corps central d’une seule travée en saillie est encadré par deux ailes plus basses puis deux pavillons finaux. Ces derniers forment une saillie côté cour, où ils sont reliés au corps central par deux niveaux de galeries (à gauche, elles sont interrompues par un élément maçonné, probable récupération de la construction la plus ancienne). L’imposant volume est couvert par une toiture complexe couverte en ardoise. Cette composition régulière tend à masquer l’irrégularité de la construction ancienne. Cette dernière se devine cependant, côté cour, à travers la position désaxée de la porte de cave et, côté jardin, par le rythme irrégulier des percements de l’aile sud-ouest. L’intervention de 18[66] est, par ailleurs, d’une grande qualité dans le traitement des détails : on peut mentionner les chaînes d’angle, les encadrements soigneusement moulurés en molasse (certains en crossettes), les vitraux finement ouvragés de la véranda, les colonnettes en fonte des galeries, la porte d’entrée en bois sculpté et ouvertures protégées de grilles en fonte ». À l’intérieur, on notait :
« Pavillon et aile sud » : sol en mosaïque, moulures, parquet et cheminée au salon du rez-de-chaussée, parquet et cheminée à l’étage ;
« Corps central » : cheminée ancienne, escalier en bois avec garde-corps en fonte ;
À l’étage : parquets et cheminée ;
« Aile et pavillon nord » : quelques boiseries et portes anciennes à l’étage. Nombreuses fenêtres anciennes. En 2022, le bâtiment se divisait en trois appartements.
Sur le plan patrimonial, le bâtiment présentait un intérêt exceptionnel : « ancienneté (XVIe siècle pour une partie des fondations), typologie traditionnelle (ancienne maison forte ? Dans tous les cas, exemple de transformation d’une maison ancienne groupant de l’habitat et des activités rurales en une maison de maître), architecture soignée (recherche de symétrie, corps central accusé par des triplets, traitement soigné des chaînes d’angle, finition des éléments en fonte ou en fer forgé), matériaux traditionnels (molasse, calcaire, ardoise, fonte, etc.), mise en œuvre de la qualité (parquets en marqueterie, cheminées en marbre), insertion dans un site paysager de type jardin alpin (fontaine, bassin, glacière surmontée d’une tour‑réservoir, bancs en pierre, etc.) de qualité, en dépit d’une lecture difficile de la structure primaire d’origine et d’une dilution de la substance anciennes imputables aux changements d’affectation du bâtiment (mixte, maison de maître, pensionnat, logement multiple) puis à de récents travaux effectués sans autorisation ».
g. Le 1er mars 2024, dans le cadre de la procédure d’infraction I 12______, le département a sanctionné A______ SA d’une amende de CHF 8'000.- pour des travaux réalisés sans autorisation sur sa parcelle.
h. Le 10 mars 2025, B______ a invité le département à rendre sa décision, faute de quoi elle interjetterait un recours pour déni de justice.
i. Par arrêté du 28 mars 2025, le département a approuvé l’inscription à l’inventaire des immeubles dignes d’être protégés des bâtiments nos 7______ (maison de maître), 6______ (tour), 9______ (serre), 10______ (cabane) et des éléments dignes d’intérêt non cadastrés (murs d’enceinte, murets, bancs, pont, bassin et portail) et de la parcelle n° 688 pour partie, feuille 38 du cadastre de la commune.
De l’avis des milieux spécialisés, en particulier de la CMNS, la parcelle n° 688, sise sur la commune, abritait une des premières constructions apparues sur les hauteurs de E______ ; cette dernière, édifiée comme probable « maison des champs » dans la seconde moitié du XVIIIe siècle avait été entièrement remodelée en maison de maître au milieu du XIXe siècle, recevant par la suite un remarquable aménagement de jardin. Il ressortait notamment du préavis de la CMNS et de la notice historique établie par l’IMAH que le bâtiment n° 7______ (maison de maître), initialement édifié au XVIe siècle et transformé en maison de maître dès 1866, était un bâtiment accrédité d’une valeur de classement (« Exceptionnel ») au vu de son ancienneté, de son architecture soignée des matériaux traditionnels, de ses décors intérieurs et extérieurs, et de son insertion dans un site paysager de type jardin alpin de qualité. En outre, en dépit de différents travaux d’agrandissement et d’aménagement, le bâtiment avait su conserver une enveloppe remarquable et des aménagements intérieurs avec de très nombreux éléments dignes d’intérêt et était en bon état de conservation. Les bâtiments nos 6______ (la tour), 9______ (la serre), 10______ (la cabane), édifiés après la construction de la maison de maître ainsi que les aménagements paysagers situés sur la parcelle n° 688 étaient autant d’éléments exceptionnels qui concouraient à la qualité du jardin.
La maison de maître et les bâtiments précités étaient intégrés à un très beau jardin paysager – dont les aménagements dignes d’intérêt avaient en grande partie subsisté – dont l’intérêt avait été relevé par l’ICOMOS lors du recensement des parcs et des jardins historiques de la Suisse établi entre 1995 et 2014, une fiche de recensement datée du 20 août 2005 lui ayant en effet été consacrée.
L’ensemble composé de ces bâtiments et du jardin paysager constituait un témoignage important de l’urbanisation périurbaine au tournant du XXe siècle et était doté d’une valeur mémorielle. De plus, au vu de la mise à jour de l’ISOS par la Confédération, les qualités patrimoniales de la parcelle et des bâtiments étaient reconnues sur le plan national et bénéficiaient d’un objectif de sauvegarde « A » (« sauvegarde de la substance »). Il ressortait toutefois du dossier que le bâtiment n° 11______ avait été démoli et que le bâtiment n° 8______ présentait un intérêt secondaire. Par conséquent, les bâtiments nos 7______ (la maison de maître), 6______ (la tour), 9______ (la serre) et 10______ (la cabane) et la parcelle n° 688 présentaient un intérêt incontestable sur le plan patrimonial et étaient dignes de protection au sens de la loi.
Il en allait de même des éléments dignes d’intérêts non cadastrés (murs d’enceinte, murets, bancs, pont, bassin et portail) qui se trouvaient sur la parcelle et concouraient à la valeur élevée de l’ensemble.
Tant la CMNS que la commune avaient préavisé favorablement la mesure de protection envisagée. La propriétaire, qui ne s’opposait au demeurant pas à la l’inscription à l’inventaire des bâtiments, n’alléguait aucun motif objectif susceptible de démontrer que les appréciations faites par les milieux spécialisés de la protection du patrimoine, relative à l’intérêt des bâtiments et de la parcelle, seraient erronées ou empreintes de subjectivité. De plus, la mesure de protection répondait à un intérêt public de protection du patrimoine suffisant. Selon la jurisprudence, les restrictions à la propriété ordonnées pour protéger les monuments et les sites naturels ou bâtis étaient d’intérêt public et celui-ci prévalait sur l’intérêt privé lié à une utilisation financière optimale d’un immeuble. En toute hypothèse, la mesure de protection projetée ne privait pas la propriétaire de tout rendement. Une inscription à l’inventaire n’avait pas pour vocation d’empêcher tout projet de transformation ou de restauration des bâtiments concernés, pour autant que ces projets respectent la substance patrimoniale des immeubles et fassent l’objet d’un préavis favorable des spécialistes de la protection du patrimoine. Les coûts qui pourraient être consentis pour le maintien de ces bâtiments ne faisaient pas obstacle à une mesure de protection, étant rappelé que l’État pouvait, au besoin, participer aux frais de conservation, d’entretien et de restauration d’un bâtiment inscrit à l’inventaire. En outre, une mesure d’inscription à l’inventaire n’excluait pas en soi toute densification d’une parcelle, ladite mesure ne rendant pas d’emblée inconstructible la parcelle en question.
Le fait que la parcelle soit en zone villa et fasse partie du secteur voué à être densifié au moyen d’une modification de zone (fiche A03 du PDCn 2030) n’avait pas pour conséquence qu’elle soit soustraite à une mesure de protection selon la loi, la mise en œuvre de la politique publique d’aménagement du territoire devant précisément tenir compte des impératifs liés à la préservation du patrimoine. Il demeurait possible pour les autorités de favoriser la préservation d’immeubles, quand bien même ils se trouveraient dans un secteur appelé à être densifié par la planification directrice cantonale.
La préservation des immeubles en question n’ayant de sens que si le terrain qui les entourait permettait leur mise en valeur, leurs abords protégés étaient définis dans le plan n° 13______ annexé à l’arrêté et en faisait partie intégrante. Les abords ainsi délimités étaient suffisants mais nécessaires à la préservation des qualités exceptionnelles des immeubles concernés. Pour tenir compte des intérêts de la propriétaire ainsi que des potentiels de densification restant à déterminer sur la partie de la parcelle incluse dans le périmètre d’inscription à l’inventaire, le plan n° 13______ ne fixait aucune aire libre de construction ni aucune aire d’implantation de nouvelles constructions, tout projet envisagé à l’intérieur du périmètre délimité par le plan devait être examiné au cas par cas et dans le respect des contraintes patrimoniales du site.
C. a. Par acte du 12 mai 2025, A______ SA a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre l’arrêté précité, concluant préalablement à l’audition d’un représentant de la direction des autorisations de construire (ci‑après : DAC), de la CMNS, du SMS, de la commission d’architecture (ci-après : CA), de l'office de l'urbanisme (ci‑après : OU), de l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci‑après : OCAN) et de la commune. Un représentant de son bureau d’architectes devait également être entendu et une expertise devait être ordonnée pour déterminer la moins-value de la parcelle n° 688 du fait de la mise à l’inventaire de celle-ci. Principalement, l’arrêté devait être annulé.
Elle ne s’opposait pas à la mise à l’inventaire de la maison de maître (bâtiment n° 7______), dont la valeur patrimoniale n’était pas contestée. En revanche, les autres éléments cadastrés, soit la tour (bâtiment n° 6______), la serre (bâtiment n° 9______) et la cabane (bâtiment n° 10______), de même que les éléments non cadastrés, étaient dépourvus de toute valeur patrimoniale digne d’être préservée.
Les terrains sur lesquels étaient sis des objets à protéger, ainsi que leurs abords, ne pouvaient faire l’objet d’une mesure de protection qu’en lien avec un classement. Cela n’existait pas en lien avec une mesure de mise à l’inventaire d’un immeuble. Par conséquent, la mise à l’inventaire d’une partie de la parcelle n° 688 de la commune violait la loi.
La chronologie du dossier démontrait que l’arrêté contesté avait été adopté dans la précipitation et sans analyse sérieuse. La procédure de mise à l’inventaire avait été initiée en 2018 et ce n’était que sous la menace d’un recours pour déni de justice que le département s’était prononcé.
Les qualités architecturales et paysagères de la parcelle n° 688 étaient connues de très longue date et avaient nécessairement toujours été prises en considération lors de l’établissement des différentes mesures de planification territoriale concernant la parcelle. Le département avait toujours considéré qu’elle pouvait être densifiée nonobstant la valeur patrimoniale du patrimoine bâti et végétal. Or, la mise à l’inventaire d’une partie de la parcelle signifiait que plus aucune densification ne serait possible à l’avenir, ce qui était parfaitement contradictoire avec les projets de densification. A______ SA était dans l’ignorance totale de ce qui pourrait être autorisé comme construction sur sa parcelle. La possibilité de densifier la parcelle était purement théorique et, dans les faits, totalement inexistante. L’adoption de l’arrêté querellé était donc constitutive d’un abus du pouvoir d’appréciation confinant à l’arbitraire.
La mise à l’inventaire d’une partie de la parcelle impliquait que tout projet doive obtenir un préavis favorable des instances spécialisées en matière de patrimoine. Elle constituait une atteinte absolue et inacceptable à son droit de propriété. Elle subissait une perte financière de CHF 11'231'900.- (6'607 m2 x CHF 1'700.- le m2). De plus, la parcelle se situait en grande partie en zone de bois et forêt, dans une zone dans laquelle aucune densification ne pouvait être réalisée. Même si la mise à l’inventaire ne portait formellement que sur une partie de la parcelle, cette mesure empêchait, dans les faits, toute densification. Aucune analyse concrète n’avait été effectuée. L’intérêt public énoncé dans l’arrêté n’était pas étayé. À titre de comparaison, la protection de la villa PATUMBAH à Zurich, immeuble également recensé à l’inventaire ISOS avec un objectif de sauvegarde A, n’avait pas empêché la construction de bâtiments modernes à proximité. Le département avait non seulement omis de prendre en considération son intérêt privé mais avait, en outre, procédé à une pesée insoutenable des intérêts en présence. Le principe de la proportionnalité avait donc été violé.
b. Le 23 juin 2025, le département a conclu, préalablement, à l’audition d’un représentant de la CMNS, de la conservatrice cantonale des monuments et de la coordinatrice des mesures de protection auprès de l’IMAH. Un transport sur place devait également être organisé. Principalement, le recours devait être rejeté.
Il paraissaît certain, compte tenu des appréciations des experts qui avaient analysé le domaine et ses objets, que les bâtiments cadastrés ainsi que les éléments non cadastrés (murs d’enceinte, murets, bancs, pont, bassin et portail) présentaient les particularités d’une œuvre. Trois recensements architecturaux avaient attribué des valeurs élevées à la maison de maître (bâtiment n° 7______), la tour (bâtiment n° 6______), la serre (bâtiment n° 9______), la cabane (bâtiment n° 10______) ayant été précisément identifiés et évalués avec une valeur exceptionnelle selon le dernier recensement (RAC 2020). Tant le rapport de la CMNS du 24 octobre 2018, que son préavis du 30 octobre 2018, ainsi que la notice historique réalisée le 24 novembre 2022 par l’IMAH confirmaient l’intérêt à une mise sous protection de ces bâtiments ainsi que des éléments non cadastrés, ceux-ci formant un ensemble bâti, constitué dans la tradition bourgeoise de la fin du XIXe siècle, à la suite de la transformation d’un domaine plus ancien. La valeur de ce patrimoine bâti répondait donc à la notion de « monument » au sens de la loi. A______ SA ne pouvait pas invoquer l’absence d’entretien de ses bâtiments pour s’opposer à l’inscription à l’inventaire de ceux-ci. Leur substance patrimoniale avait été préservée.
C’était sur la base des appréciations des experts que le département avait intégré une partie de la parcelle n° 688 dans la mesure de protection, non seulement en tant qu’elle comportait des éléments dignes de protection mais aussi en tant qu’elle composait les abords de qualité de bâtiments dignes d’intérêt et qu’elle participait au caractère de l’ensemble et du site. La mesure de protection répondait à un intérêt public suffisant permettant une préservation des qualités dudit bien-fonds et la mise en valeur des bâtiments protégés.
La CMNS n’avait pas préconisé d’exclure toute possibilité de construction, voire toute densification de la parcelle. Il ne pouvait pas être admis que le seul refus de la DP 2______ puisse constituer le reflet d’une quelconque position de la CMNS à l’égard du principe de la densification de la parcelle n° 688.
Le département n’avait jamais cessé ni mis en attente l’instruction de la mesure d’inscription à l’inventaire. Compte tenu des avis des différents milieux spécialisés consultés, il était incontestable que les bâtiments en question – pris séparément ou dans leur ensemble – présentaient un intérêt patrimonial élevé. Le département avait donc décidé de faire primer l’intérêt public à la préservation du patrimoine sur celui lié à la construction au logement, décision qui était d’ailleurs conforme à la fiche A04 (recte : A03) du PDCn 2023 selon laquelle la densification ne devait pas se faire au détriment de la préservation du patrimoine. De plus, en tant que particulier, A______ SA n’était pas en droit de se prévaloir du PDCn 2030, ce dernier n’ayant pas force obligatoire pour elle, étant précisé que le projet de modification de zone n’avait pas encore abouti et était au stade de l’enquête technique. En outre, il n’était pas rare que des bâtiments protégés soient situés dans des périmètres ou des zones de densification accrue.
L’inscription à l’inventaire constituait la mesure de protection individuelle la moins contraignante prévue par la loi. Elle était propre à assurer la protection des bâtiments, parcelle et éléments non cadastrés et à sauvegarder leur substance architecturale. Compte tenu des qualités et particularités de la parcelle, seule une protection partielle du terrain permettait d’atteindre le but de protection recherché. A______ SA n’avait pas démontré que cette inscription à l’inventaire produirait des effets insupportables pour elle ou ne lui assurerait pas un rendement acceptable.
Enfin, elle conservait ses prérogatives liées au droit de la propriété. Elle avait d’ailleurs pu transformer la maison de maître en plusieurs logements (APA 3______). Le seul fait qu’elle doive consulter la CMNS ou le SMS pour tout projet ne saurait être considéré comme une entrave insupportable à la garantie de la propriété.
c. Le 24 juin 2025, B______ a conclu au rejet du recours.
La maison de maître s’insérait dans un vaste parc constituant un ensemble. Plusieurs dépendances réalisées à la même époque présentaient un intérêt historique et patrimonial à considérer globalement avec ce bâtiment. Cette unité se déduisait notamment du RAC 2020 et de la fiche de recensement ICOMOS. Les préavis récents des instances spécialisées, sollicitées dans le cadre des DP, mettaient en exergue les qualités historiques de la parcelle et la valeur « exceptionnel » de la maison de maître, ainsi que des « aménagements paysagers remarquables présents sur la parcelle ». Ainsi, dans la mesure où la parcelle en cause avait été aménagée, dès son origine, comme une maison de maître insérée dans un parc paysager, c’était à juste titre que la mise à l’inventaire s’étendait sur un périmètre relativement large autour du bâtiment principal.
Les projets de planification en cours ne constituaient que des formes d’avant-projets destinés à alimenter la réflexion des différentes autorités concernées. Aucun des rapports ou projets de stratégie d’aménagement ne s’était traduit par un véritable plan d’aménagement.
La cinquième zone dans ce secteur datait des années 1950 et était désuète. Elle n’était plus conforme aux objectifs assignés par le droit supérieur de l’aménagement du territoire, ainsi que de la protection de la nature et du paysage. En conséquence, les autorités compétentes seraient tenues d’adapter, dès que possible, le plan des zones à l’évolution des circonstances, ce qui incluait l’obligation de préserver le patrimoine bâti. Il fallait en déduire que le secteur en question ne bénéficiait pas ou plus de droits à bâtir qui pourraient être calculés en application des normes de la cinquième zone. Comme les modifications de zones à venir devraient tenir compte des valeurs historiques et naturelles du site, il n’était pas contraire au principe de la proportionnalité de confirmer la mesure de mise à l’inventaire.
d. Le 15 septembre 2025, A______ SA a répliqué, persistant dans ses conclusions.
Le département se référait à la jurisprudence relative aux monuments historiques pour retenir que les bâtiments annexes entraient dans cette catégorie. Or, la mesure de protection susceptible de s’appliquer aux monuments était le classement et non la mise à l’inventaire. Le développement relatif aux monuments historiques était donc hors de propos. Les bâtiments annexes avaient été érigés en ordre dispersé, notamment dans le cadre de l’aménagement du jardin qui avait eu lieu plus de 160 ans après la construction de la maison de maître, et qui avaient été ensuite laissés à l’abandon. Le RAC 2020 ne retenait pas que la cour, la serre et la cabane seraient des bâtiments exceptionnels. Il était de plus contesté que les éléments mis à l’inventaire formaient un « ensemble bâti constitué dans la tradition bourgeoise de la fin du XIXe siècle ».
Il ne ressortait pas des travaux législatifs que le législateur aurait eu l’intention de permettre la mise à l’inventaire des abords d’un immeuble. De plus, selon la jurisprudence, la possibilité de protéger les abords d’un immeuble n’existait pas en lien avec une mesure de mise à l’inventaire d’un immeuble.
Le département se limitait à indiquer n’avoir jamais cessé ni mis en attente l’instruction de la mise à l’inventaire mais n’avait pas indiqué pour quelle raison il ne s’était rien passé entre le 30 octobre 2018 (date du préavis de la CMNS) et le 16 mai 2022.
Force était de constater que la CMNS avait fait sien l’avis exprimé dans le rapport de visite du 24 octobre 2018. La mise à l’inventaire avait pour effet d’empêcher, de facto, toute densification de la parcelle. De plus, dans leurs préavis sollicités dans le cadre des DP 2______ et 5______, la CMNS et le SMS n’indiquaient pas quelles modifications devaient être apportées pour qu’un projet puisse être accepté. Il apparaissait en outre des pièces du dossier que la position de la CMNS était une position de principe. Enfin, l’APA 3______ ne permettait pas de démontrer que la parcelle pourrait être densifiée malgré la mise à l’inventaire.
L’arrêté de mise à l’inventaire avait pour effet d’empêcher toute densification de la parcelle. Le département faisait primer la protection du patrimoine sur l’urbanisation vers l’intérieur du milieu bâti, en totale contradiction avec les mesures de planification adoptées pour le périmètre concerné. Ces mesures, établies en tenant compte des intérêts patrimoniaux et paysagers en présence, prévoyaient une densification de la parcelle. Elles confirmaient que la densification vers l’intérieur du milieu bâti s’imposait comme une exigence prioritaire. En toute hypothèse, la protection des bâtiments annexes et de la partie de la parcelle concernée ne pouvait pas l’emporter sur le principe de densification vers l’intérieur du milieu bâti.
La perte financière avait été calculée sur la base de la grille de prix des terrains en zone villa éditée par une société spécialisée. Le département ne pouvait pas lui reprocher l’absence de démonstration de la perte financière subie et dans le même temps conclure au rejet de la demande d’expertise qui avait justement le but de déterminer le montant. Le département n’avait pas déterminé quelles seraient les conséquences financières concrètes que A______ SA devrait supporter du fait de la mise à l’inventaire.
Il n’était pas établi que les bâtiments annexes auraient été réalisés à la même époque. Ils ne formaient pas d’unité avec la maison de maître. Celle-ci avait été érigée en 1729 alors que le jardin alpin n’avait « probablement » été aménagé qu’en 1892 avec la tour (bâtiment n° 6______) et un bassin. De plus, la serre (bâtiment n° 9______) et la cabane de jardin (bâtiment n° 10______) n’étaient pas documentées avant 1936. Aucune unité ne ressortait ni de la fiche ICOMOS ni du RAC.
Le développement de B______ à propos des droits à bâtir étaient hors de propos. Tant que la nouvelle planification de la zone n’était pas adoptée, celle-ci demeurait valable. Enfin, la mise à l’inventaire empêchait toute densification de la parcelle et diminuait substantiellement la valeur de la parcelle.
e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier du 16 septembre 2025.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. La recourante demande l’audition d’un représentant de la DAC, de la CMNS, du SMS, de la CA, de l’OU, de l’OCAN et de la commune. Un représentant de son bureau d’architectes devait également être entendu et une expertise devait être ordonnée pour déterminer la moins-value de la parcelle n° 688 du fait de la mise à l’inventaire de celle-ci. Le département sollicite l’audition d’un représentant de la CMNS, de la conservatrice cantonale des monuments et de la coordinatrice des mesures de protection auprès de l’IMAH. Un transport sur place devait également être organisé.
2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Le droit de faire administrer des preuves n’empêche toutefois pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves déjà administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1) ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).
2.2 En procédure administrative genevoise, l’autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision ; elle apprécie les moyens de preuve des parties (art. 20 al. 1 LPA) ; elle recourt s’il y a lieu notamment aux témoignages et renseignements de tiers (art. 20 al. 2 let. c LPA) ou à l’expertise (art. 20 al. 2 let. e LPA).
L’expertise représente un moyen de preuve (art. 38 LPA) ordonné lorsque l’établissement ou l’appréciation de faits pertinents requièrent des connaissances et compétences spécialisées – par exemple techniques, médicales, scientifiques, comptables – que l’administration ou le juge ne possèdent pas (ATA/656/2023 du 20 juin 2023 consid. 2.2 et les arrêts cités).
2.3 En l’espèce, le dossier contient les préavis des instances établis dans le cadre de la procédure de mise à l’inventaire et dans le cadre de demandes préalables d’autorisation de construire déposées par la recourante. Leurs positions sont donc connues et il n’est pas nécessaire de procéder à l’audition de représentants de ces instances. Il en est de même pour ce qui concerne la conservatrice cantonale des monuments et de la coordinatrice des mesures de protection auprès de l’IMAH dont les rapports figurant au dossier suffisent pour connaître l’avis de ces institutions. L’audition des architectes de la recourante ne s’avère pas non plus indispensable, dans la mesure où la recourante a eu la possibilité de fournir tous les documents nécessaires à étayer ses allégations et qu’elle ne dispose pas d’un droit à être entendue oralement.
Le dossier contient en outre de nombreux documents, photographies et plans dont certains produits par la recourante. Les photographies portent tant sur l’intérieur que l’extérieur des bâtiments et sur le reste de la parcelle. Le dossier contient également les rapports et préavis produits lors de l’instruction de la décision par l’autorité intimée dont notamment la fiche RAC 2020. En outre, la chambre de céans a accès aux éléments qui ressortent des cartes et images disponibles sur le Système d'Information du Territoire à Genève (ci-après : SITG), lesquels permettent de se faire une idée très précise de la situation du périmètre concerné et des enjeux. Il s’avère ainsi que les pièces nécessaires à l’examen de la conformité au droit de la mesure de protection du patrimoine contestée figurent au dossier, si bien qu’il ne se justifie pas de procéder à un transport sur place.
Enfin, la mise en œuvre d'une expertise judiciaire n'apparaît pas non plus nécessaire compte tenu des considérations qui suivent.
Pour le surplus, le dossier comporte suffisamment d'éléments pour connaître la position de la recourante et du département, qui ont pu s'exprimer par écrit et produire toutes pièces utiles.
Il ne sera ainsi pas donné suite aux requêtes d’actes d'instruction, le dossier de la chambre de céans étant en état d’être jugé.
3. Le litige porte sur la conformité au droit de la mise à l’inventaire des immeubles dignes d'être protégés des bâtiments nos 7______ (maison de maître), 6______ (tour), 9______ (serre), 10______ (cabane) et des éléments dignes d’intérêt non cadastrés (murs d’enceinte, murets, bancs, pont, bassin et portail) et de la parcelle n° 688 pour partie, feuille 38 du cadastre de la commune.
4. La recourante – qui ne conteste pas la mise à l’inventaire de la maison de maître (bâtiment n° 7______) – considère que les autres bâtiments cadastrés et non cadastrés ne sont pas dignes de protection.
4.1 L'art. 4 LPMNS prévoit que sont protégés les monuments de l'histoire, de l'art ou de l'architecture et les antiquités immobilières situés ou découverts dans le canton, qui présentent un intérêt archéologique, historique, artistique, scientifique ou éducatif, ainsi que les terrains contenant ces objets ou leurs abords (let. a) et les immeubles, les sites dignes d'intérêt, ainsi que les beautés naturelles (let. b).
4.2 La LPMNS contient des concepts juridiques indéterminés qui laissent par essence à l’autorité comme au juge une latitude d’appréciation considérable. Il apparaît en outre que, depuis quelques décennies en Suisse, les mesures de protection ne s’appliquent plus uniquement à des monuments exceptionnels ou à des œuvres d’art mais qu’elles visent des objets très divers du patrimoine architectural du pays, parce qu’ils sont des témoins caractéristiques d’une époque ou d’un style (Philip VOGEL, La protection des monuments historiques, 1982, p. 25). La jurisprudence a pris acte de cette évolution (ATF 126 I 219 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_300/2011 du 3 février 2012 consid. 5.1.1).
4.3 Un monument au sens de la LPMNS est toujours un ouvrage, fruit d’une activité humaine. Tout monument doit être une œuvre digne de protection du fait de sa signification historique, artistique, scientifique ou culturelle. Il appartient aux historiens, historiens de l’art et autres spécialistes de déterminer si les caractéristiques présentées par le bâtiment le rendent digne de protection, d’après leurs connaissances et leur spécialité. À ce titre, il suffit qu’au moment de sa création, le monument offre certaines caractéristiques au regard des critères déjà vus pour justifier son classement, sans pour autant devoir être exceptionnel dans l’abstrait. Un édifice peut également devenir significatif du fait de l’évolution de la situation et d’une rareté qu’il aurait gagnée. Les particularités du bâtiment doivent au moins apparaître aux spécialistes et trouver le reflet dans la tradition populaire sans trop s’en écarter (ATA/353/2021 du 23 mars 2021 consid. 8 ; ATA/561/2020 du 9 juin 2020 consid. 5b)
4.4 Tout objet construit ne méritant pas une protection, il y a lieu de procéder à une appréciation d’ensemble, en fonction des critères objectifs ou scientifiques. Pour le classement d’un bâtiment, la jurisprudence prescrit de prendre en considération les aspects culturels, historiques, artistiques et urbanistiques. La mesure ne doit pas être destinée à satisfaire uniquement un cercle restreint de spécialistes. Elle doit au contraire apparaître légitime aux yeux du public ou d’une grande partie de la population, pour avoir en quelque sorte une valeur générale (ATF 120 Ia 270 consid. 4a ; 118 Ia 384 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_32/2012 du 7 septembre 2012 consid. 6.1 ; ATA/1024/2019 du 18 juin 2019 consid. 3d).
4.5 L'art. 7 al. 1 LPMNS prévoit qu'il est dressé un inventaire de tous les immeubles dignes d'être protégés au sens de l'art. 4 LPMNS.
4.6 Lorsqu'une procédure de mise à l'inventaire est ouverte, la commune du lieu de situation est consultée (art. 8 al. 1 LPMNS et 17 al. 3 du règlement d'exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 - RPMNS - L 4 05.01). L'autorité municipale doit communiquer son préavis dans un délai de 30 jours à compter de la réception du dossier (art. 8 al. 2 LPMNS). La CMNS formule ou examine les propositions d'inscription ou de radiation d'immeubles à l'inventaire (art. 5 al. 2 let. b RPMNS). Le département jouit toutefois, sous réserve d'excès ou d'abus de pouvoir, d'une certaine liberté d'appréciation dans les suites à donner dans un cas d'espèce, quel que soit le contenu du préavis, celui-ci n'ayant qu'un caractère consultatif (ATA/1024/2019 précité consid. 3d ; ATA/721/2012 du 30 décembre 2012 consid. 5).
4.7 En adoptant l'art. 4 LPMNS, le législateur a souhaité non seulement protéger les bâtiments et monuments dignes d'intérêt, mais également les terrains contenant ces objets ainsi que leurs abords. Le périmètre ainsi proposé n'est pas limité, permettant ainsi au Conseil d'État de l'apprécier de cas en cas, comme il peut le faire s'agissant de la protection des abords d'immeubles classés (art. 15 al. 4 LPMNS ; ATA/7/2019 du 8 janvier 2019 consid. 11).
Les effets d’une mise à l’inventaire sur un immeuble sont son maintien ainsi que la préservation de ses éléments dignes d’intérêt (art. 9 al. 1 LPMNS). Dans le cas d’une procédure de classement, le Conseil d’État peut interdire de modifier les abords immédiats de l’immeuble classé (art. 15 al. 4 LPMNS). Cette faculté offerte à l’exécutif cantonal n’existe pas pour la mise à l’inventaire d’un immeuble (art. 11 al. 1 let. a LPMNS ; ATA/7/2019 précité consid. 13 ; ATA/521/2017 du 9 mai 2017 consid. 3b).
4.8 De jurisprudence constante, si la consultation de la CMNS est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l’appréciation qu’est amenée à effectuer l’autorité de recours (ATA/1024/2019 précité consid. 4d et les arrêts cités). La CMNS se compose pour une large part de spécialistes, dont notamment des membres d’associations d’importance cantonale, poursuivant par pur idéal des buts de protection du patrimoine (art. 46 al. 2 LPMNS). À ce titre, son préavis est important (ATA/1439/2019 du 1er octobre 2019 consid. 3b).
En outre, selon une jurisprudence bien établie, la chambre administrative observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1252/2023 du 21 novembre 2023 consid. 7.2 ; ATA/135/2022 du 1er mars 2022 consid. 9h). Lorsqu’elle estime que l’autorité inférieure est plus à même d’attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l’autorité de recours s’impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l’interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d’utilisation du sol (ATA/515/2024 du 23 avril 2024 consid. 4.4 et les références citées).
4.9 Le RAC, dont la réalisation incombe à l’IMAH, a été mis en œuvre dans le cadre de l’adoption de la LPMNS et a été conduit régulièrement jusqu’au début des années 1990. Il a ensuite porté ponctuellement sur des secteurs géographiques particuliers ou des thèmes. Depuis 2015, il s'inscrit dans le cadre de l'adoption du PDCn 2030 (fiche A 15 : Préserver et mettre en valeur le patrimoine) et vise à mettre à jour et à compléter les données recueillies dans les années 1970-2000.
4.10 Le RAC permet de déterminer la valeur patrimoniale des bâtiments et ainsi, notamment, d’orienter l’adoption des mesures de protection mais n’implique pas l’adoption automatique de ces mesures (ATA/842/2023 du 9 août 2023 consid. 5.4). L’évaluation repose sur une échelle de quatre valeurs : exceptionnel, intéressant, intérêt secondaire et sans intérêt, la valeur « non évalué » étant réservée aux bâtiments non accessibles.
La valeur « exceptionnel » est attribuée aux bâtiments cumulant plusieurs des critères suivants : degré élevé de conservation de la substance architecturale ; remarquable qualité architecturale, structurelle ou décorative, de niveau national ou international ; exemplarité ou originalité de son architecture (caractère constructif, stylistique, typologique) ; ancienneté ; importante valeur historique : témoignage d'une activité particulière ; résidence d'un personnage historique ou d'une personne morale ayant une notoriété nationale ou internationale ; théâtre d'un événement historique de portée nationale ou internationale ; notoriété nationale ou internationale de son architecte ; appartenant à un ensemble ou à un site remarquable, de niveau national ou international.
4.11 En l’espèce, la recourante avance que la chronologie du dossier témoigne de l’inexistence d’un intérêt patrimonial important et qu’aucune analyse sérieuse n’a été faite. La tour (bâtiment n° 210), la serre (bâtiment n° 9______) et la cabane (bâtiment n° 10______), de même que les éléments non cadastrés, sont dépourvus de toute valeur patrimoniale digne d’être préservée. La serre et la cabane sont par exemple en ruine.
Il a été retenu de manière concordante par tous les spécialistes s’étant prononcés sur le sujet (recensement ICOMOS, RAC 2020, notice historique de l’IMAH et préavis de la CMNS) que les bâtiments et l’ensemble du site avaient une valeur patrimoniale élevée. L’ensemble présente les caractéristiques d’une œuvre au sens de la jurisprudence. Le RAC a attribué la valeur « exceptionnel » aux objets et mis en évidence des caractéristiques remarquables ‑ malgré l’état de ruine de la serre ‑, dont témoignent notamment les photographies jointes à la fiche de recensement.
L’autorité intimée retient à ce sujet que la tour (bâtiment n° 210), la serre (bâtiment n° 9______) et la cabane (bâtiment n° 10______), édifiés après la construction de la maison de maître, ainsi que les aménagements paysagers situés sur la parcelle n° 688 sont autant d’éléments exceptionnels qui concourent à la qualité du jardin.
L’ensemble a été considéré comme « exceptionnel » par le représentant de l’IMAH, qui a mis en exergue, aux termes d’une analyse documentée et approfondie, l’ancienneté de la construction (XVIe siècle pour une partie des fondations), la typologie traditionnelle (ancienne maison forte ? Dans tous les cas, exemple de transformation d’une maison ancienne groupant de l’habitat et des activités rurales en une maison de maître), architecture soignée (recherche de symétrie, corps central accusé par des triplets, traitement soigné des chaines d’angle, finition des éléments en fonte ou en fer forgé), matériaux traditionnels (molasse, calcaire, ardoise, fonte, etc.), mise en œuvre de qualité (parquets en marqueterie, cheminées en marbre), insertion dans un site paysager de type jardin alpin (fontaine, bassin, glacière surmontée d’une tour-réservoir, bancs en pierre, etc.) de qualité, en dépit d’une lecture difficile de la structure primaire d’origine et d’une dilution de la substance anciennes imputables aux changements d’affectation du bâtiment (mixte, maison de maître, pensionnat, logement multiple) puis à de récents travaux effectués sans autorisation.
Enfin, l’autorité intimée a retenu que l’ensemble composé de ces bâtiments et le jardin paysager constitue un témoignage important de l’urbanisation périurbaine au tournant du XXe siècle et est doté d’une valeur mémorielle.
Il appert ainsi que ce sont l’aspect de témoin d’un courant architectural, son système constructif et ses qualités matérielles et historiques qui ont fondé la valeur patrimoniale retenue pour les bâtiments, les objets non cadastrés et la parcelle, lesquelles correspondent aux critères développés ci-dessus.
En soutenant que la tour (bâtiment n° 210), la serre (bâtiment n° 9______) et la cabane (bâtiment n° 10______), de même que les éléments non cadastrés, sont dépourvus de toute valeur patrimoniale digne d’être préservée, la recourante ne fait finalement qu’opposer sa vision à celle de la CMNS et des autres spécialistes consultés, lesquels ont d’ailleurs relevé l’état de ruine de la serre sans que cela n’ait d’influence sur leurs conclusions. En outre, la jurisprudence ne retient pas l’état, même très délabré, d’un immeuble comme motif propre à mettre en échec une mesure de protection fondée sur la LPMNS, dès lors que la substance patrimoniale est conservée (ATA/1314/2024 du 12 novembre 2024 consid. 3.2.2), ce qui est bien le cas au vu des photographies présentes au dossier et des avis des spécialistes. Les considérations de la recourante ne permettent en définitive pas de retenir que le département aurait outrepassé son pouvoir d’appréciation et erré en se déclarant favorable à une mesure de mise à l’inventaire.
En outre, s’il est vrai que sept ans séparent la demande de mise à l’inventaire de l’arrêté – ce qui est un délai important au vu de la teneur de l’art. 7 al. 4 LPMNS qui prévoit un délai de dix-huit mois après l’ouverture de la procédure d’inscription à l’inventaire – cela ne témoigne aucunement de l’inexistence d’un intérêt patrimonial important. Les éléments retenus ci-dessus attestent du contraire. De plus, il apparaît de la chronologie du dossier que, durant ces années, les anciens propriétaires et la recourante se sont déterminés sur la question de la mise à l’inventaire, que la CMNS a effectué une visite, qu’elle et la commune se sont déterminées par préavis et que l’IMAH a rendu une notice historique. L’instruction de la demande de mise à l’inventaire a également été entrecoupée par différentes demandes d’autorisation de construire déposées par la recourante, ce qui a pu avoir une influence temporelle sur l’instruction de la mesure de protection.
Il sera enfin rappelé que la jurisprudence de la chambre de céans tient le préavis de la CMNS comme déterminant, puisqu’il s’agit de la commission de référence, spécialisée en matière de protection du patrimoine (ATA/7/2019 du 8 janvier 2019 consid. 11b) et que la commune a également préavisé favorablement la demande de mise à l’inventaire relevant l’intérêt patrimonial majeur du bâtiment, malgré certaines dégradations, comme celui des abords avec ses divers objets végétaux ou construits. Ces éléments s’intégrant tant dans le RAC que dans le périmètre de sauvegarde ISOS viennent confirmer la pertinence de la mesure de protection.
En conséquence, c’est en toute connaissance de cause que l’autorité intimée a pris sa décision, se fondant sur les caractéristiques intrinsèques du bâtiment et sur le préavis favorable de la CMNS. La mesure de protection adoptée répond donc aux conditions de la LPMNS pour son adoption.
Enfin, contrairement à l’avis de la recourante, la mise à l’inventaire querellée est conforme aux buts de la fiche A03 (avec fiche A15) du PDCn 2030, selon lesquels la densification ne doit pas se faire au détriment du paysage, du patrimoine bâti et des sites naturels. Admettre le contraire reviendrait à accepter la démolition de bâtiments dignes de protection au profit de la construction de logements, vidant de son sens la pesée globale des intérêts ainsi que les dispositions légales consacrant la protection du patrimoine (arrêt du Tribunal fédéral 1C_571/2008 du 19 mars 2009). Sous cet angle non plus, l’appréciation de l’autorité intimée ne prête pas le flanc à la critique.
Les appréciations faites par les spécialistes en matière de protection du patrimoine susvisées illustrent les qualités intrinsèques et paysagères dignes de protection de la parcelle et des éléments qui s'y trouvent. Ils ont d’ailleurs insisté sur l’environnement dans lequel est érigée la maison de maître, son parc et ses « folies ». Il s’agit donc d’un ensemble, d’une unité, à forte valeur mémorielle concourant au caractère exceptionnel de la qualité du jardin, lequel a d’ailleurs fait l’objet d’une fiche de recensement ICOMOS le 20 août 2005 où ont été constatés une bonne conservation de la substance historique, un bon entretien et un environnement intact, soit les plus hautes valeurs par rapport à ces critères d’appréciation. Cette unité constitue la raison pour laquelle la référence de la recourante au fait que les abords immédiats ne peuvent pas être protégés dans le cadre d’une mesure de mise à l’inventaire ne trouve pas application en l’espèce.
Enfin force est de constater que le département a suivi les préavis et les conclusions des spécialistes.
Dans ces circonstances, sous réserve de l'examen du principe de proportionnalité qui sera fait ci-dessous, rien ne permet à la chambre de céans de s'éloigner de l'appréciation faite par le département et il convient de retenir qu'il n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant les caractéristiques intrinsèques des bâtiments en cause, des éléments non cadastrés et de la parcelle n° 688 en partie et en prononçant la mesure de protection.
Le grief sera écarté.
5. La recourante soutient que la mesure de mise à l’inventaire viole le principe de la proportionnalité.
5.1 Il est indéniable que l'inscription à l'inventaire de la parcelle et des bâtiments porte une atteinte importante au droit de la propriété du recourant (art. 26 Cst.) en tant qu'elle a pour effet d'en interdire la démolition et d'obliger le propriétaire à préserver et entretenir les éléments dignes de protection (art. 9 al. 1 LPMNS ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_5/2025 du 24 juillet 2025 consid. 4). Pour être admissible, une telle mesure de protection doit reposer sur une base légale, être justifiée par un intérêt public et être proportionnée au but visé (art. 36 al. 1 à 3 Cst).
D'après la jurisprudence, les restrictions de la propriété ordonnées pour protéger les monuments et les sites naturels ou bâtis sont en principe d'intérêt public (ATF 135 I 176 consid. 6.1 ; ATF 126 I 219 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_485/2020 du 28 juin 2021 consid. 4.1).
5.2 Il appartient de façon prioritaire aux autorités des cantons de définir les objets méritant protection (ATF 129 I 337 consid. 4.1 ; 120 Ia 270 consid. 3b). Tout objet ne méritant pas une protection, il faut procéder à un examen global, objectif et basé sur des critères scientifiques, qui prenne en compte le contexte culturel, historique, artistique et urbanistique du bâtiment concerné. Les constructions qui sont les témoins et l'expression d'une situation historique, sociale, économique et technique particulière, doivent être conservés. De plus, la mesure ne doit pas être destinée à satisfaire uniquement un cercle restreint de spécialistes ; elle doit au contraire apparaître légitime aux yeux du public ou d'une grande partie de la population, pour avoir en quelque sorte une valeur générale (arrêt du Tribunal fédéral 1C_5/2025 précité consid. 4.2 ; ATF 135 I 176 consid. 6.2).
5.3 Le principe de proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 140 I 168 consid. 4.2.1). Sous ce dernier aspect, une mesure de protection des monuments est incompatible avec la Constitution si elle produit des effets insupportables pour le propriétaire ou ne lui assure pas un rendement acceptable. Savoir ce qu'il en est dépend notamment de l'appréciation des conséquences de la mesure, des points de vue de l'utilisation future du bâtiment et des possibilités de rendement pour son propriétaire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_5/2025 précité consid. 4.3 et les références citées).
5.4 Le sacrifice financier auquel le propriétaire est soumis du fait de la mise à l'inventaire constitue un élément important pour apprécier si l'atteinte portée par cette mesure à son droit de propriété est supportable ou non (ATF 126 I 219 consid. 6c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_52/2016 du 7 septembre 2016 consid. 3.2). En relation avec le principe de la proportionnalité au sens étroit, une mesure de protection des monuments est incompatible avec la Constitution si elle produit des effets insupportables pour le propriétaire ou ne lui assure pas un rendement acceptable. Savoir ce qu'il en est, dépend notamment de l'appréciation des conséquences financières de la mesure critiquée (ATF 126 I 219 consid. 6c in fine et consid. 6h ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_52/2016 précité consid. 2 ; 1P.842/2005 du 30 novembre 2006 consid. 2.4). Plus un bâtiment est digne d'être conservé, moins les exigences de rentabilité doivent être prises en compte (ATF 118 Ia 384 consid. 5 ; ATA/1024/2019 précité consid. 2).
5.5 Les effets d'une mise à l'inventaire sur un immeuble sont son maintien ainsi que la préservation de ses éléments dignes d'intérêt (art. 9 al. 1 LPMNS). Elle confère à l'objet qu'elle vise une protection plus importante que les seules dispositions en matière de police des constructions, comme le fait la mesure de classement (ATA/559/2025 du 20 mai 2025 consid. 3.3 et l’arrêt cité).
5.6 En l’espèce, la recourante fait valoir l’impossibilité de toute nouvelle construction sur sa parcelle et des conséquences économiques négatives.
Il sera rappelé, à titre liminaire, que selon la jurisprudence fédérale, la seule diminution des expectatives de rendement que pourrait entraîner une mesure de protection n’est en elle-même pas suffisante à empêcher ladite mesure, l’intérêt privé à une utilisation financière optimale de l’immeuble devant en principe céder le pas devant l’intérêt public lié à la protection des monuments et des sites bâtis (ATF 126 I 219 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_708/2022 du 27 janvier 2022 consid. 4.2).
S’agissant de la parcelle, les explications de la recourante relatives à l’impossibilité de toutes nouvelles constructions peinent à convaincre et rien ne permet d’exclure de telles possibilités, l’arrêté d’inscription à l’inventaire ne spécifiant pas d’interdiction de construire. Il en va de même d’un éventuel projet de construction visant à densifier la parcelle, lequel n’est pas exclu par la mise à l’inventaire mais devra être examiné par la CMNS afin qu’elle se détermine sur la compatibilité du projet avec les objectifs de sauvegarde du patrimoine.
La chambre de céans a déjà jugé que la mesure imposant de consulter la CMNS ou le SMS lors du dépôt d’une demande en autorisation de construire n’entraînait pas un effet insupportable pour un propriétaire (ATA/352/2021 du 23 mars 2021 consid. 12) et ne représentait pas d'emblée une entrave insupportable à la garantie de la propriété. La chambre de céans constate qu’aucune interdiction totale de construire n'a été prononcée. Une mesure d'inscription à l'inventaire n'exclut pas que la propriétaire puisse construire sur la parcelle. Les contraintes de la mesure sont moins lourdes que celles subies par tout propriétaire d'un bien-fonds situé en zone protégée ou soumis à une mesure de classement (ATA/783/2012 du 20 novembre 2012 consid. 14 b). Le préavis du SMS du 13 mars 2025 rendu dans le cadre de la DP 5______ (construction d’habitats groupés 30% avec garage souterrain – abattage d’arbres) relève d’ailleurs que c’est l’impact du projet en question sur plusieurs arbres majeurs et leur système racinaire ainsi que sur la maison de maître et sur les aménagements paysagers remarquables présents sur la parcelle qui a justifié son avis défavorable. Il ne s’agit donc pas d’interdire toute construction. La commune a d’ailleurs relevé dans son préavis du 27 mars 2025, rendu dans le cadre de cette DP, que la parcelle en question peut faire l’objet d’une densification accrue « ménager », conditionnée à l’élaboration d’une image directrice ou d’une mesure de protection. Au sein du périmètre « D______ », il est question de permettre un développement mesuré tout en préservant les valeurs patrimoniales, bâties, paysagères et naturelle du secteur présentant un intérêt particulier. Or, le projet en cause nuisait notamment et considérablement à l’arborisation du site et aux continuités végétales avec l’abattage de 36 arbres et prévoyait des travaux affectant l’intégrité de la maison de maître, lesquels modifiaient en profondeur la typologie et le caractère des lieux. Il ressort d’ailleurs du PDCom révisé que le potentiel de développement du site « D______ » n’est pas impossible.
Aucun sacrifice financier disproportionné ne peut ainsi être constaté. Le seul fait que l’inscription à l’inventaire requiert un examen approfondi lors d’une demande d’autorisation de construire ne suffit pas à retenir un sacrifice financier ou une restriction disproportionnée à la garantie de la propriété.
Compte tenu de ces éléments, la protection des bâtiments visés, de la parcelle pour partie et des éléments dignes d’intérêts non cadastrés (murs d’enceinte, murets, bancs, pont, bassin et portail) ne peut pas être assurée par un moyen moins incisif, l'inventaire constituant la mesure de protection individuelle la moins contraignante prévue par la LPMNS.
En conséquence, le grief sera écarté.
Il découle de ce qui précède qu’étant en tous points infondé, le recours sera rejeté.
6. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à B______ qui y a conclu, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 12 mai 2025 par A______ SA contre l’arrêté du département du territoire du 28 mars 2025 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de A______ SA ;
alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à B______ à la charge A______ SA;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Andreas FABJAN, avocat de la recourante, à Me Alain MAUNOIR, avocat de l’intimée, au département du territoire, ainsi qu'à l’office fédéral du développement territorial (ARE).
Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| le président siégeant :
P. CHENAUX |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le
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| la greffière :
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